26 sept. 2011

NOUS N’ÉVITERONS PAS LA BAISSE DE NOTRE NIVEAU DE VIE

On ne peut pas dissocier l’analyse des conclusions
Je fais suite à mon article paru su deux jours la semaine dernière sur mon blog (« La crise n’est pas née en 2008, elle est l’expression du processus de convergence des économies » et « Ayons le courage de faire face collectivement à la transformation en cours »), et relayé sur le Cercle Les Échos sous le titre « Faire face à la convergence des économies mondiales ».
Dans cet article, je montrais que nos pays, après avoir longuement dominé le reste du monde et organisé la mondialisation à leur profit, se voyaient depuis les années 90 soumis à un processus de convergence, amenant progressivement le niveau de vie moyen du Brésil, de la Chine et de l’Inde à se rapprocher du nôtre.
J’expliquais aussi que ce processus allait se poursuivre dans les dix à vingt ans à venir, et que, compte-tenu de notre endettement privé et/ou public qu’il allait en plus devoir rembourser, nous allions avoir à faire face à une baisse très sensible de notre niveau de vie moyen. J’avançais le chiffre de 50%, ce qui correspondait à une baisse de 3 à 6 % par an sur la période.
Je concluais enfin sur la nécessité de ne pas faire porter cet effort sur les plus fragiles, ou sur les budgets tels que l'Éducation, la Justice, la Santé ou la Recherche, ce qui allait supposer une baisse de 5 à 10% supportée par les moins fragiles et les dépenses les moins utiles.
Les réactions et commentaires que j’ai recueillis suite à cet article qui a donc été largement diffusé, m’amène à apporter les précisions et les compléments suivants.
Je suis tout d’abord heureusement surpris par l’accueil reçu et l’acceptation du diagnostic porté. Ceci montre que le langage de la vérité est possible, et que les experts et les politiques ont bien tort de ne pas le tenir. Je nous sens collectivement capables de faire face au réel, et c’est rassurant.
Ensuite certains m’ont dit partager mon analyse, mais pas mes conclusions. Comme je leur ai déjà répondu, on ne peut pas séparer les deux : mes conclusions ne tombent pas du ciel, elles sont le fruit de mon analyse. Donc on ne peut contester les conclusions, sans contester l’analyse. C’est un réflexe courant : refuser le reflet apparaissant dans le miroir quand il dérange.
Concernant donc les commentaires sur mon analyse, d’aucuns ont indiqué que je n’avais pas tout pris en compte, et notamment pas l’écologie et l’environnement. C’est exact. Mon analyse, comme toute analyse, n’est pas exhaustive, car c’est impossible. Par construction, tout raisonnement suppose une focalisation et des choix. La question à se poser n’est pas de savoir si telle ou telle donnée manque, mais si ce manque vient fausser le raisonnement. Or la prise en compte des contraintes écologiques ne vient pas modifier la convergence, mais la vitesse de cette convergence, car elle vient modifier le niveau de la croissance mondiale : le niveau actuel de consommation des ressources naturelles et la dégradation du bon fonctionnement de notre planète vont en effet très probablement freiner le développement. Ce ralentissement, loin de nous être favorable, risque d’abaisser plus drastiquement notre niveau de vie, car seule une forte croissance mondiale peut adoucir la chute. Comment imaginer que nous puissions durablement rester les propriétaires des ressources rares ?
Enfin on m’a aussi souvent interpelé sur les inégalités existantes au sein des pays émergés. Il est vrai qu’elles existent et sont croissantes, mais il en est de même chez nous. Le risque dans tous les pays est la montée des égoïsmes et le renforcement des puissants au préjudice des faibles. Le fait que des inégalités se développent en Chine, en Inde ou au Brésil ne va pas freiner la convergence, elle va simplement la rendre dangereuse, comme chez nous. C’est donc bien un combat mondial pour plus d’équité et de justice qu’il va falloir mener. Au risque de me répéter, je ne crois pas que nous puissions mener ce combat, en donnant des leçons aux autres, leçons que nous n’appliquons pas chez nous.
Agir positivement suppose d’abord que nous comprenions et acceptions que :
  • Nous ne sommes plus les maîtres du monde,
  • La convergence est en cours et va aller à son terme, ce qui est juste et bien,
  • Sous la pression de la convergence et de la nécessité de rembourser nos dettes, notre niveau de vie moyen va baisser durablement,
  • Les efforts devront être supportés par les puissants et les forts,
  • Il est possible de construire un nouveau projet positif, ne reposant plus sur la croissance et la domination,
  • Nous devons nous donner les moyens de passer la situation critique à court terme.
Est-ce que ce que je présente est le scénario du pire ? Je ne crois pas, je le crois réaliste. Et si jamais, la réalité nous était plus favorable, nous aurions alors à gérer de bonnes nouvelles, ce qui est facile. À l’inverse, à force de nous bercer de fausses bonnes nouvelles, à force de croire à des scénarios faussement optimistes, nous n’arrêtons pas d’encaisser des mauvaises nouvelles et des successions de tours de vis.
Ceci rejoint ce que j’écrivais, il y a un an dans mon livre « Les mers de l’incertitude » :
« Ceux qui vont réussir seront des paranoïaques optimistes : ils savent que le pire est possible, se sont préparés en conséquence et sont confiants de leur capacité à s’en sortir.
Comment vont-ils procéder ? Ils vont s’organiser non pas sur le scénario médian, mais sur le pire. En effet, si je centre mes actions sur l’hypothèse médiane, j’ai une chance sur deux d’avoir à faire face à une mauvaise nouvelle (sans parler de celles que je n’ai pas identifiées initialement). Je vais donc être constamment débordé. Si je démarre en fonction de la pire hypothèse, je n’ai alors plus que des bonnes nouvelles à gérer. Ma recommandation est de mettre ainsi l’incertitude identifiée à l’intérieur des marges prises et non pas à l’extérieur. Comme il va se produire en plus des événements totalement imprévus, autant n’être surpris qu’en positif par ceux que l’on a identifiés à l’avance. »
    

3 commentaires:

Anonyme a dit…

entropie puis percolation puis néguentropie

Anonyme a dit…

Bonjour à toutes et à tous,

Si la réflexion exposée est raisonnable, elle n'est pas économiquement compatible avec les méthodes de gestion des entreprises et de l'Etat aujourd'hui.
Ceux qui ont une certaine expérience professionnelle derrière eux et un peu de maturité auront constater qu'il est devenu beaucoup plus important d'avoir une excuse de ne pas avoir réussi que de réussir.
Pour deux raisons essentielles :
1- comptablement et financièrement toute perte peut être utilisée (à plus ou moins bon escient) pour diminuer une imposition, effectuer un retrait stratégique (qui compensera -bourse- largement les pertes enregistrées)...
2- dans les plans annoncés comme stratégiques ou vendus aux salariés avec des techniques marketing se cachent souvent des stagnations voire des régressions sociales en contrepartie du challenge affiché. [ce qui n'exclut aucunement les parachutes dorés pour ceux qui ont voté la mise en oeuvre du plan mais n'ont pas atteint l'objectif affiché]

Les exemples qui font exception à cela sont relativement rares, sont en général le fruit d'entreprise familiale qui ne recherche pas la satisfaction du capital à tout prix... Et donc influence peu, in fine, l'équation globale.

La pluie de "mauvaises nouvelles" est un mode de fonctionnement comptables destinés à amener les conditions non discutables d'une régression sociale. Car chacun sait pertinemment d'expérience que les décisions difficiles ne sont jamais aussi faciles à prendre que lorsqu'on n'a pas le choix !

Ce qui a poussé Michel Colucci à nous rappeler un célèbre proverbe chinois : c'est aux pieds du mur qu'on voit le mieux le... MUR !

Alors si intellectuellement la démarche séduit, au quotidien cette théorie engendrerait un dédoublement de personnalité à savoir : un espoir excessif dans sa vie personnelle et un fatalisme conscient dans sa vie professionnelle.
Ce qui ne manquerait pas de donner des cas passionnants aux "psy et autres spécialistes des boyaux de la tête" mais se traduirait par une consommation excessive de médoc en bons français que nous sommes !

Robert Branche a dit…

Vous avez raison : le discours managérial a fait de la croissance un dogme, mais cela ne signifie pas qu'elle soit indispensable.
Simplement il est beaucoup plus difficile de réussir à diriger une entreprise qui fait face à une diminution de CA.
J'y reviendrai dans un prochain article