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16 févr. 2012

TU NE TE CONTENTERAS PLUS DE PHOTOGRAPHIER

Comment évaluer en figeant ce qui est en mouvement ?
Autre habitude dangereuse de l’évaluation : la photographie.
Résumons comment on procède classiquement pour évaluer la performance d’une entreprise ou la solidité d’un projet : en parallèle ou non d’une évaluation de la pertinence des prévisions, on cherche à savoir si l’entreprise fait juste : quelle est la qualité du marketing (études, communication, suivi concurrence…), celle de la recherche-développement (temps de développement, nombre de produits, chiffre d’affaires fait par les produits lancés depuis trois ans,…), celle du commercial (connaissance des clients, qualité de la relation, niveau de pénétration,…)... On passe ainsi en revue toutes les fonctions et on examine aussi la qualité des relations en interne.
Ce type d’approche pose une première question, celle de la fiabilité de la mesure qui permet de dire si c’est juste, oui ou non. Il faut être sûr de la pertinence du mètre étalon. Or, compte-tenu de la multiplicité des paramètres et des interactions, il n’est pas évident que l’on puisse étalonner objectivement une performance. Ceci suppose a minima que celui qui porte ce jugement a le bon niveau de professionnalisme de la pertinence et que l’observation a été suffisamment longue.
En admettant que tout a été fait selon les règles et que le mètre étalon idéal a été employé à bon escient, reste la deuxième question : si l’audit conclut à une bonne performance de l’entreprise, comment savoir si cette performance est le résultat d’un hasard, quelle sera la capacité de l’entreprise à faire face à un aléa majeur, quelle est sa réactivité,… ?
L’univers est mouvant, incertain et ouvert. Évaluer via des photographies est incomplet. N’évaluer que par des photographies est dangereux : le plus important, ce sont les dynamiques et non pas les positions statiques. La photographie n’a de sens que comme un élément parmi d’autres, et non pas comme le juge de paix. Plus l’horizon de flou est rapproché, plus il est dangereux d’évaluer au travers de photographies instantanées.

24 janv. 2012

LA VALORISATION FINANCIÈRE CORRESPONDE-ELLE À LA VALORISATION ÉCONOMIQUE RÉELLE ?

Attention à ne pas avoir un système central surpuissant… mais malade
Extrait de Neuromanagement (écrit pendant l’été 2008)
Prenons le cas d’un opérateur de télécommunications. Selon la durée d’amortissement choisie pour son réseau, la rentabilité financière va se trouver très impactée. Or elle n’est pas nécessairement reliée à la réalité économique de ce réseau, c’est-à-dire à son obsolescence technologique. Il en est de même pour bon nombre d’investissements industriels majeurs.
Ajoutons toutes les incertitudes sur la valorisation des actifs immatériels comme par exemple la marque.
On voit rapidement que le mode de calcul de la rentabilité d’une activité ne mesure pas nécessairement sa valeur économique : c’est le résultat de conventions plus ou moins proches du réel.
Or la surpuissance du système financier amène à orienter toutes les entreprises dans une logique financière : il devient l’étalon unique de mesures de la performance et influence directement toutes les décisions prises dans les entreprises.
Il déclenche une fuite en avant de la recherche de rentabilité : si une entreprise a atteint une rentabilité de X %, elle devra l’année suivante dépasser X. Et si elle ne le dépasse pas, comme tout le système financier, par ses modèles d’optimisation, a déjà vendu le profit futur sur les bases de la poursuite de la progression, l’entreprise peut se trouver menacée dans son existence ou du moins perdre son autonomie…
L’exactitude des modèles utilisés devient donc critique. Ainsi, sans contre-pouvoir face à lui, à force de renforcer sa puissance, à force d’élargir son étendue, à force de complexifier sa structure, le système financier risque de dériver du réel, c’est-à- dire de se décorréler de la production effective de richesse.
Attention à ne pas avoir un système central surpuissant… mais malade. 

17 nov. 2011

CONNEXION AU RÉEL ET “CONSISTENCY”, LES DEUX CLÉS DE LA PERFORMANCE COLLECTIVE

La vie se nourrit d’échanges internes et externes
Dans la prolongation de mon billet d’hier, c’est donc le système global, le collectif qu’il s’agit d’évaluer.  Comment faire ?
Je crois d’abord qu’il faut éviter deux écueils :
-        Celui de l’expert et de sa prétention à croire qu’il peut dire ce qui est juste et bien.
Comment en effet prétendre être capable de dire qu’un système fait juste ? A-t-on à sa disposition un mètre-étalon permettant de mesurer dans l’absolu et avec exactitude ? Non, évidemment. Donc, sauf cas manifeste d’erreur, il faudrait mener sur chaque item des analyses longues et contradictoires, et encore sans avoir l’assurance d’une réponse unique. Bref, il faudrait tout refaire à la place de ceux qui sont là.
-        Celui de la photographie et de l’instantané.
A quoi bon chercher à savoir si un système – un service, une filiale, une entreprise… –,  est en train de faire juste ? Car qu’est-ce qui peut permettre d’en conclure qu’elle pourra faire juste demain ? Les systèmes vivants sont en perpétuelle transformation, et c’est cette dynamique qu’il faut évaluer, et non pas une quelconque performance instantanée.
Donc comment faire ? Personnellement, je m’intéresse à deux questions, et deux seulement :
1.     Comment le système est-il connecté au « réel », ou autrement dit, quelles sont la quantité et la qualité des faits qui l’irriguent ?
Ainsi dans le cas d’une entreprise, je vais chercher à comprendre sur quoi reposent les raisonnements et les décisions internes : est-ce que le marketing connaît les ventes actuelles et passées, les offres de la concurrence, les parts de marché…? Est-ce que la production connaît les performances réelles de ses usines, et avec quel délai, de celles des concurrents, les coûts unitaires, les rebuts…?  Combien de temps une information met pour atteindre la direction générale et être prise en compte ? Est-ce que l’on mesure le temps de conception des nouveaux produits, la part dans le chiffre d’affaires des produits de moins de cinq ans ? Symétriquement, suit-on les produits les plus anciens ?...
2.     Quel est le degré de cohésion au sein du système, est-ce que chacun « tire dans la même direction », est-ce « consistent » pour reprendre l’expression anglaise qui n’a pas d’équivalent direct en français, ou encore à l’opposé, est-il « désarticulé » ?
Là aussi je vais me poser des questions simples : Quelles sont les articulations entre la stratégie, le plan marketing, le budget de l’année, les objectifs commerciaux annuels et le plan industriel ? Les données figurant entre tous les tableaux de bord - finances, marketing, commercial, industriel - proviennent-elles d’une source unique ? Les objectifs individuels fixés lors des entretiens annuels sont-ils en ligne avec les objectifs de l’entreprise ? Et les systèmes de rémunération ? Comment répond-on à la question : quels sont les points forts et les points faibles de l’entreprise ? De la concurrence ?...
Pourquoi seulement ces deux questions ? Parce que mon expérience m’a montré qu’un système cohérent et nourri par les faits finit par faire juste : il s’adapte, il réagit, il ne se désagrège pas… bref il vit et avance !
Par contre s’il n’est pas nourri par les faits, il va dériver, et, s’il est très cohérent, foncera comme un seul homme dans un mur.
Symétriquement s’il n’est pas cohérent, il n’avancera pas, et plus il sera nourri par les faits, plus il se désarticulera, jusqu’à finir par imploser.

16 nov. 2011

LA PERFORMANCE COLLECTIVE ÉMERGE… OU N’ÉMERGE PAS

Évaluer un individu ne dit pas grand chose sur le collectif
Comme je l’indiquais hier, mesurer la performance individuelle n’a pas grand sens, et peut même être dangereux en masquant les effets de système.
Tout personne qui prend le temps d’analyser le fonctionnement des entreprises, ne peut qu’être d’accord avec cette affirmation – elle risque même probablement de la trouver triviale –, mais alors pourquoi tant de primes individuelles, tant de carottes personnelles ?
D’autant que, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire1, l’esprit de compétition et le développement de « carottes » sont contreproductives : elles ne fonctionnent réellement que pour des tâches simples, élémentaires et non dépendantes des autres. Connaissez-vous beaucoup de telles situations ?
Pourquoi continuer ainsi ? Par conformisme ? Par paresse ? Ou alors par expérience ? Mais cela voudrait dire que les expériences en entreprise viennent contredire toutes les analyses et recherches faites de par le monde. Étrange, non ?
Je repense aux fourmis et aux abeilles dont je parlais début septembre2, et à l’émergence de l’intelligence collective. Est-ce qu’il nous viendrait l’idée de mesurer la performance d’une fourmilière à l’aune de celle d’une fourmi, ou de considérer que la force d’une ruche est la multiplication de la force d’une abeille par le nombre d’abeilles ?  Non, n’est-ce pas ? Nous savons que c’est la collaboration entre les individus, et la bonne répartition des tâches qui font la force collective.
Mais bien sûr, nous ne sommes ni des fourmis, ni abeilles, et chacun d’entre nous est infiniment plus intelligent que ces êtres si petits et si primaires. Certes, je n’en disconviens pas.
Mais ce qui est vrai pour une fourmilière ou une ruche, est vrai pour une entreprise : la performance collective n’est pas l’addition des performances individuelles. Et le système collectif permet l’émergence de nouvelles propriétés, ou ne le permet pas… et c’est cela qui compte et qu’il faut évaluer…

15 nov. 2011

LA PERFORMANCE INDIVIDUELLE N’A PAS GRAND SENS

Laissons les papillons battre des ailes, et n’en concluons rien !
Retour sur les papillons et leurs battements d’aile.
J’aime cette idée : imaginez donc un papillon qui est en train de donner un coup d’aile, – disons dans le Sud de l’Espagne par une belle fin de journée ensoleillée –, et qui, sans le savoir, va déclencher quelques semaines plus tard une catastrophe météorologique à l’autre du bout du monde. Cette image est si poétique qu’elle est devenue un lieu commun.
Mais arrêtons-nous un instant sur elle. Comment peut-on imaginer réellement qu’un battement d’aile – ou tout autre phénomène unitaire – peut provoquer une conséquence identifiable et attribuable des semaines plus tard ? Comment pourrait-on être capable d’isoler un enchaînement de faits de toutes les autres interférences ?
Notre monde est trop complexe, trop entremêlé pour imaginer une telle corrélation. Tout est affaire de système, et les actions individuelles sont prises dans la toile d’araignée des actions des autres, des effets et des contre-effets, d’une infinité de perturbations.
Il en est de même dans une entreprise.
Certes la mobilisation individuelle et la performance d’une action isolée sont importantes, mais il est illusoire de vouloir relier directement ce que fait un individu d’un résultat précis.
En fait, ce n’est pas seulement illusoire, c’est dangereux et trompeur. Par exemple, cela peut amener à surestimer l’impact individuel, et de sous-estimer l’importance de tout ce qui l’entoure. Ou à l’inverse, ne pas voir que le problème n’est pas dû à un manque d’engagement, mais à un dysfonctionnement systémique…
Ainsi comme il est inutile de prétendre conclure quoi que ce soit à partir d’un battement d’aile d’un papillon, il ne sert pas à grand chose de mesurer la performance individuelle… 

19 nov. 2010

INCERTITUDE ET ÉVALUATION

_____ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________


17 nov. 2010

ON N’ÉVALUE PAS LE RISQUE D’UN INVESTISSEMENT AVEC DES TABLEAUX EXCEL DÉNUÉS DE SENS

Pourquoi faut-il évaluer autrement ?

Pourquoi les modalités de l'évaluation de la performance sont-elles essentielles ? Parce qu'elles vont très largement conditionner les décisions de tous, dirigeants y compris :
- Comme c'est à partir de ces évaluations que sont alloués les financements (évolution du cours de bourse, notation des risques, prêt,…) et les primes (augmentation, bonus,…), elles conditionnent l'attribution des ressources collectives et individuelles.
- Comme nous cherchons à être reconnus, être appréciés positivement, et à bien faire, elles agissent sur nos motivations et nos choix.

Aussi, tant que l'on demandera à une entreprise de fournir des prévisions à trois, voire cinq ans, tant que l'on n'acceptera un business plan que s'il comprend un compte d'exploitation prévisionnel détaillé à trois ans, tant que l'on mesurera l'efficacité de la Direction à sa capacité à respecter les prévisions, il sera difficile de changer en profondeur.

Par un effet de propagation, ces tableaux financiers globaux demandés structurent en profondeur l'entreprise : on ne peut pas pousser la porte d'un quelconque bureau sans tomber sur un tableur Excel détaillant un microprojet, ou sans voir un document expliquant en dix pages pourquoi la prévision initiale n'a pas été tenue. Comme le dit un proverbe chinois : « le poisson pourrit par la tête »…

Il est donc indispensable de repenser les méthodes d'évaluation des entreprises et des projets, et de les adapter à au monde de l'incertitude, notre neuromonde : dès qu'on dépasse l'horizon du flou – c'est-à-dire le court terme –, et qu'il s'agit d'évaluer la solidité à long terme d'une entreprise ou la rentabilité d'un projet, il est non seulement illusoire, mais dangereux de croire ces batteries de chiffres et de prévisions.

Ces tableaux de chiffres loin de protéger ceux qui les ont demandés vont les induire en erreur : ils croient qu'ils ont effectivement évalué la viabilité d'un projet ou d'une entreprise, alors qu'ils n'ont devant eux que des données sans réelles significations et qu'ils ont poussé l'entreprise dans la mauvaise direction.

Aussi je pose une question « simple » : pourquoi tous les organismes continuent-ils à fonder leur évaluation du risque sur des tableaux dénués de sens et sur des prévisions qui n'en sont pas ? Ne serait-il pas temps de changer d'approche, et d'amorcer cette nécessaire refonte de l'évaluation ?

Extrait des Mers de l'incertitude