Le nuage de cendres n'est pas un accident sans lendemain
Retour sur le nuage de cendres islandais. Non pas par un quelconque acharnement, mais parce que je le crois très emblématique de plusieurs points clés de notre mode actuel.
Dans mon billet de la semaine dernière1, j'avais abordé le danger de se fier plus à la modélisation mathématique qu'à l'observation de ce qui se passe réellement.
Pourquoi d'abord cette approche par la modélisation ne peut pas fonctionner pour prévoir ce qui va se passer ? Parce que des phénomènes comme la propagation des particules suivent des lois de type chaotiques, et que, dans ce cas, la moindre erreur dans la connaissance des conditions initiales rend impossible l'élaboration de prévisions fiables2. Or il est impossible déjà de connaître précisément les émissions du volcan, alors comment pourrait-on les connaître exactement ?
Ce qui vient de se passer avec le nuage de cendres est très représentatif de la plupart des phénomènes qui sous-tendent la vie et l'évolution de notre monde. En effet, ils suivent pour la plupart des lois de type chaotique. Il est donc illusoire d'imaginer pouvoir modéliser leur évolution : comme nous ne pourrons jamais tout connaître exactement, nous devons accepter l'incertitude, et nous centrer plus sur l'observation que la prévision.
Ensuite ce nuage est un bel exemple de « cygne noir » 3, c'est-à-dire un événement hautement improbable et à effet majeur. Un volcan qui se réveille au cœur de l'Islande, loin de nous apparemment… et voilà l'Europe comme paralysée. Nous sommes devenus tellement connectés les uns les autres, notre monde est devenu tellement un Neuromonde4, nous sommes forts et en même temps tellement dépendants de la toile d'araignée de nos interrelations que tout problème se propage immédiatement.
Auparavant un cygne noir n'avait d'effet que localement, mais ce n'est plus le cas. Nous devons nous habituer à la multiplication des cygnes noirs, non pas parce qu'il va s'en produire davantage, mais parce que leur effet sera sensible pour tout un chacun. Avant nous n'étions sensibles qu'à ceux qui se produisaient dans notre voisinage immédiat. Maintenant nous sommes soumis aux effets de tous qui se produisent, quelque soit l'endroit où ils apparaissent, ou presque.
Plus la vie se développe, plus l'incertitude s'accroît : il est urgent que nous le comprenions et que nous adaptions en conséquence notre façon de penser et d'agir…
(1) Voir « Où sont les particules du nuage de cendres ? »
(2) Voir mes articles liés au Chaos
(3) Cette expression provient du livre de Nassim Nicholas Taieb. J'ai parlé de ce livre dans un billet de décembre 2008 « Résonances entre dérive naturelle, cygne noir et crise actuelle… »
(4) Voir mes articles sur le Neuromonde
26 avr. 2010
23 avr. 2010
RÊVER, ESSAYER ET APPRENDRE
______ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________
Comment se construire en étant constamment plongé dans la mêlée ? Ne faut-il pas, comme Jean-Louis Murat, se mettre, au moins pour un moment, en retrait pour exister par soi-même et réfléchir ?
Peut-on lutter efficacement contre les injustices si l'on est préoccupé de son futur personnel ? Ne faut-il pas, comme Astérix ou Largo Winch, se lancer dans le combat sans vision de ce que l'on construit ?
Si nous sommes largement là par hasard, pourquoi l'accepter ? Ne faut-il pas penser notre futur collectif à partir de ce que nous voudrions qu'il soit ?
Comment comprendre l'inattendu en se réfugiant dans des modélisations hasardeuses ? Ne faut-il pas, pour aller vers ce futur rêvé, expérimenter, essayer et apprendre ?
Rappel du patchwork de la semaine :
- Lundi : Jean-Louis Murat chante les yeux fermés, se protégeant de la foule pour chanter comme dans une bulle. Et pourtant progressivement la communication s'installe, la fusion est réelle. Certaines barrières réunissent autant qu'elles limitent…
- Mardi : Un héro sans passé, un autre qui n'existe que dans sa prolongation, Astérix et Largo Winch n'ont pas de projets pour le futur et se dressent tout deux au présent pour refuser l'inacceptable.
- Mercredi : Comme notre présent n'est qu'un des possibles qui pouvaient exister, notre futur est plus libre que nous le pensons. Et si nous en profitions pour nous demander où nous voulons vraiment être ?
- Jeudi : Face à une situation nouvelle, faut-il s'appuyer sur son expertise et une modélisation mathématique, ou modestement observer ce qui se passe ? Pour la gestion des conséquences du nuage de cendres, on aurait probablement mieux fait de procéder plus tôt à des relevés réels…
Comment se construire en étant constamment plongé dans la mêlée ? Ne faut-il pas, comme Jean-Louis Murat, se mettre, au moins pour un moment, en retrait pour exister par soi-même et réfléchir ?
Peut-on lutter efficacement contre les injustices si l'on est préoccupé de son futur personnel ? Ne faut-il pas, comme Astérix ou Largo Winch, se lancer dans le combat sans vision de ce que l'on construit ?
Si nous sommes largement là par hasard, pourquoi l'accepter ? Ne faut-il pas penser notre futur collectif à partir de ce que nous voudrions qu'il soit ?
Comment comprendre l'inattendu en se réfugiant dans des modélisations hasardeuses ? Ne faut-il pas, pour aller vers ce futur rêvé, expérimenter, essayer et apprendre ?
22 avr. 2010
OÙ SONT LES PARTICULES DU NUAGE DE CENDRES ?
Qui est le plus fiable : celui qui prévoit ou celui qui constate ?
Un jour, à l'occasion d'une réunion que j'organisais pour une grande banque, j'ai trouvé la porte de la salle prévue fermée. J'ai alors appelé l'accueil qui détenait les clés pour qu'il vienne l'ouvrir. « Vous vous trompez, la salle est ouverte, fut la réponse que l'on me donna au téléphone. »
En effet, la personne avait, devant elle, le registre précisant les salles ouvertes et les salles fermées. Or sur ce registre, ma salle était ouverte, donc il ne pouvait pas y avoir de problèmes. Il m'a fallu alors de longues minutes pour la convaincre que mon information était forcément meilleure que la sienne, puisque moi, je me trouvais face à la porte. Pour elle, son interprétation était forcément la bonne : elle était la spécialiste et je n'étais que de passage…
Pourquoi vous parler de cette anecdote qui date d'une vingtaine d'années et qui fut sans conséquences sérieuses ? Parce qu'elle m'est revenue à l'occasion du nuage de cendres volcaniques.
En effet, le dialogue – ou plutôt l'absence de dialogue – qui a eu lieu entre ceux qui avaient réellement volé dans le ciel français, et ceux qui, assis dans leur bureau, avaient devant eux le résultat de leurs modélisations mathématiques était du même acabit.
Fort de la puissance de leurs ordinateurs, des années d'expertise de la météorologie française et de leur intelligence collective, les spécialistes savaient qu'il était dangereux de faire voler des avions, et pour tout dire suicidaire. Pour eux, inutile d'aller voir ce qui se passait réellement dans le ciel, puisqu'ils savaient : la porte était ouverte puisque c'était écrit sur le registre.
Ayant envoyé plusieurs avions dans les airs, n'ayant au retour mesuré aucune anomalie et ne trouvant même pas de particules, les compagnies aériennes constataient qu'il n'était pas dangereux de faire voler des avions. Pour elles, qu'importait ce que prévoyait les modèles, puisqu'elles voyaient qu'il n'y avait pas de particule : la porte était fermée puisqu'elles se trouvaient devant.
Tout ceci ne serait qu'une anecdote si, cette fois, les conséquences n'étaient pas si importantes : ciel aérien complètement bloqué ; perte des compagnies aériennes et, plus largement, de tout l'industrie du tourisme ; désorganisation des entreprises dépendantes du fret aérien ; de nombreuses personnes bloquées un peu partout dans le monde, dont certaines sans ressources pour faire face aux dépenses occasionnées… Excellent timing au moment où la reprise européenne était déjà plutôt atone…
On voit les dégâts d'une approche partant de l'expertise pour faire face à l'imprévu. Quand on se retrouve face à une situation inconnue et sans précédent, il est toujours dangereux de faire confiance à l'expertise passée et à la modélisation mathématique. Il est beaucoup plus efficace d'être modeste et sans a priori, et d'observer attentivement ce qui se passe. Comment se fait-il qu'il ait fallu tant de jours pour avoir des relevés réels des particules dans l'air ? Pourquoi ce sont des compagnies privées qui ont été les premières à faire des mesures ? Elles y avaient un intérêt direct – leur survie est en jeu -, mais pourquoi les pouvoirs publics se sont satisfaits des seules prévisions théoriques ?
Il ne s'agissait bien sûr pas de risquer la vie de pilotes – et a fortiori de passagers –, mais n'avons-nous pas de ballon-sonde et d'avions sans pilote – les drones ? Certes nous pouvions perdre quelques-uns de nos précieux drones, mais, vu le coût collectif du blocage aérien, cela aurait été rentable.
Mais il est vrai que l'on va me rétorquer que les drones sont déjà mobilisés pour la guerre en Irak et Afghanistan, et que le terrorisme d'Al-Qaïda est beaucoup plus dangereux que le terrorisme de la mathématisation du monde. Désolé, je retire tout ce que je viens d'écrire…
PS : Pour finir, on a inventé les corridors. Je suppose que l'on a construit tout autour des filets antiparticules, à moins qu'il suffise d'inscrire « interdit aux particules », les particules venant d'Islande étant probablement éduquées et disciplinées. Je propose que l'on garde collectivement en mémoire cette brillante percée conceptuelle, c'est une candidate pour un best of en fin d'année….
Un jour, à l'occasion d'une réunion que j'organisais pour une grande banque, j'ai trouvé la porte de la salle prévue fermée. J'ai alors appelé l'accueil qui détenait les clés pour qu'il vienne l'ouvrir. « Vous vous trompez, la salle est ouverte, fut la réponse que l'on me donna au téléphone. »
En effet, la personne avait, devant elle, le registre précisant les salles ouvertes et les salles fermées. Or sur ce registre, ma salle était ouverte, donc il ne pouvait pas y avoir de problèmes. Il m'a fallu alors de longues minutes pour la convaincre que mon information était forcément meilleure que la sienne, puisque moi, je me trouvais face à la porte. Pour elle, son interprétation était forcément la bonne : elle était la spécialiste et je n'étais que de passage…
Pourquoi vous parler de cette anecdote qui date d'une vingtaine d'années et qui fut sans conséquences sérieuses ? Parce qu'elle m'est revenue à l'occasion du nuage de cendres volcaniques.
En effet, le dialogue – ou plutôt l'absence de dialogue – qui a eu lieu entre ceux qui avaient réellement volé dans le ciel français, et ceux qui, assis dans leur bureau, avaient devant eux le résultat de leurs modélisations mathématiques était du même acabit.
Fort de la puissance de leurs ordinateurs, des années d'expertise de la météorologie française et de leur intelligence collective, les spécialistes savaient qu'il était dangereux de faire voler des avions, et pour tout dire suicidaire. Pour eux, inutile d'aller voir ce qui se passait réellement dans le ciel, puisqu'ils savaient : la porte était ouverte puisque c'était écrit sur le registre.
Ayant envoyé plusieurs avions dans les airs, n'ayant au retour mesuré aucune anomalie et ne trouvant même pas de particules, les compagnies aériennes constataient qu'il n'était pas dangereux de faire voler des avions. Pour elles, qu'importait ce que prévoyait les modèles, puisqu'elles voyaient qu'il n'y avait pas de particule : la porte était fermée puisqu'elles se trouvaient devant.
Tout ceci ne serait qu'une anecdote si, cette fois, les conséquences n'étaient pas si importantes : ciel aérien complètement bloqué ; perte des compagnies aériennes et, plus largement, de tout l'industrie du tourisme ; désorganisation des entreprises dépendantes du fret aérien ; de nombreuses personnes bloquées un peu partout dans le monde, dont certaines sans ressources pour faire face aux dépenses occasionnées… Excellent timing au moment où la reprise européenne était déjà plutôt atone…
On voit les dégâts d'une approche partant de l'expertise pour faire face à l'imprévu. Quand on se retrouve face à une situation inconnue et sans précédent, il est toujours dangereux de faire confiance à l'expertise passée et à la modélisation mathématique. Il est beaucoup plus efficace d'être modeste et sans a priori, et d'observer attentivement ce qui se passe. Comment se fait-il qu'il ait fallu tant de jours pour avoir des relevés réels des particules dans l'air ? Pourquoi ce sont des compagnies privées qui ont été les premières à faire des mesures ? Elles y avaient un intérêt direct – leur survie est en jeu -, mais pourquoi les pouvoirs publics se sont satisfaits des seules prévisions théoriques ?
Il ne s'agissait bien sûr pas de risquer la vie de pilotes – et a fortiori de passagers –, mais n'avons-nous pas de ballon-sonde et d'avions sans pilote – les drones ? Certes nous pouvions perdre quelques-uns de nos précieux drones, mais, vu le coût collectif du blocage aérien, cela aurait été rentable.
Mais il est vrai que l'on va me rétorquer que les drones sont déjà mobilisés pour la guerre en Irak et Afghanistan, et que le terrorisme d'Al-Qaïda est beaucoup plus dangereux que le terrorisme de la mathématisation du monde. Désolé, je retire tout ce que je viens d'écrire…
PS : Pour finir, on a inventé les corridors. Je suppose que l'on a construit tout autour des filets antiparticules, à moins qu'il suffise d'inscrire « interdit aux particules », les particules venant d'Islande étant probablement éduquées et disciplinées. Je propose que l'on garde collectivement en mémoire cette brillante percée conceptuelle, c'est une candidate pour un best of en fin d'année….
21 avr. 2010
CHOISIR OÙ L’ON EST
On est plus libre qu'on ne le croit
Il est une question que l'on oublie trop souvent de se poser : où voulons-nous vraiment être en ce moment ?
Pourquoi sommes-nous là où nous nous trouvons ? Rarement parce que nous l'avons voulu. Le plus souvent, c'est le résultat de notre passé, de notre histoire, du jeu des forces en place, d'une part de hasard aussi.
Pourquoi ne pas oublier pourquoi on est là pour revenir à une question simplement provocatrice : où ai-je envie d'être ? Pourquoi ne pas se poser la question à partir d'un futur rêvé ? Pourquoi ne pas partir de celui que nous voulons être ? Pourquoi ne pas choisir où l'on est et ce que l'on fait à partir d'un projet, et non pas d'une contrainte ?
Dans mon nouveau livre, « les Mers de l'incertitude », j'explique que, dans le monde de l'incertitude, les entreprises doivent penser à partir du futur et agir au présent en fonction de ce futur rêvé.
Ce qui est vrai pour une entreprise, l'est aussi pour un individu. Nous sommes plus libres que nous le croyons. Nos frontières et nos limites sont d'abord celles que nous nous créons. Ayons le culot d'agir à partir de nos rêves…
Il est une question que l'on oublie trop souvent de se poser : où voulons-nous vraiment être en ce moment ?
Pourquoi sommes-nous là où nous nous trouvons ? Rarement parce que nous l'avons voulu. Le plus souvent, c'est le résultat de notre passé, de notre histoire, du jeu des forces en place, d'une part de hasard aussi.
Pourquoi ne pas oublier pourquoi on est là pour revenir à une question simplement provocatrice : où ai-je envie d'être ? Pourquoi ne pas se poser la question à partir d'un futur rêvé ? Pourquoi ne pas partir de celui que nous voulons être ? Pourquoi ne pas choisir où l'on est et ce que l'on fait à partir d'un projet, et non pas d'une contrainte ?
Dans mon nouveau livre, « les Mers de l'incertitude », j'explique que, dans le monde de l'incertitude, les entreprises doivent penser à partir du futur et agir au présent en fonction de ce futur rêvé.
Ce qui est vrai pour une entreprise, l'est aussi pour un individu. Nous sommes plus libres que nous le croyons. Nos frontières et nos limites sont d'abord celles que nous nous créons. Ayons le culot d'agir à partir de nos rêves…
20 avr. 2010
ASTÉRIX ET LARGO WINCH, DEUX HÉROS FACE À L’INACCEPTABLE
A deux mille ans de distance, des combats se répondent
L'un est petit, teigneux, facilement irritable. Pour compagnons, il en a deux essentiels : l'un trottine à ses côtés, l'autre est toujours à la recherche d'une nourriture gargantuesque.
L'autre est grand, svelte, imperturbable. De compagnons, il n'en a pas vraiment : des amis en mal de trahison, des femmes qui font de la figuration.
Du père du premier, on ne sait rien. A croire qu'il a émergé dans son village, immaculé conception en quelque sorte. Il est né pour se battre, naturellement adulte, sans enfance, sans passé. Il n'a pas non plus vraiment de futur : il ne fait pas de projet, ne dresse pas de perspectives. Il est tout entier arrimé dans le présent.
Du père du second, on sait tout. Tout commence par ce père, et malgré son absence, tout tourne autour de lui. Le fils est certes le personnage central, mais il est d'abord l'héritier. Il est le fruit de son passé, de son enfance. Il n'a pas non plus de futur clair : il ne fait de projet qu'à quelques mois de là. Il est l'incarnation au présent d'une filiation passée.
Astérix se dresse face aux armées de César. Pourquoi ? Pour sa liberté, pour son besoin de protéger la vie de son village gaulois. Il ne cherche pas à construire, mais à défendre et protéger.
Largo Winch se dresse face aux rapaces du capitalisme mondial. Pourquoi ? Pour la mémoire de son père, pour le besoin de prouver que la moralité y est possible. Il ne cherche pas vraiment à construire, mais plutôt à maintenir l'empire de son père.
Tous deux sont des héros solitaires, qui ont le courage de se dresser pour refuser ce qui est inacceptable. Car en effet, le seul acte valable face à l'inacceptable est de ne pas l'accepter.
L'un est petit, teigneux, facilement irritable. Pour compagnons, il en a deux essentiels : l'un trottine à ses côtés, l'autre est toujours à la recherche d'une nourriture gargantuesque.
L'autre est grand, svelte, imperturbable. De compagnons, il n'en a pas vraiment : des amis en mal de trahison, des femmes qui font de la figuration.
Du père du premier, on ne sait rien. A croire qu'il a émergé dans son village, immaculé conception en quelque sorte. Il est né pour se battre, naturellement adulte, sans enfance, sans passé. Il n'a pas non plus vraiment de futur : il ne fait pas de projet, ne dresse pas de perspectives. Il est tout entier arrimé dans le présent.
Du père du second, on sait tout. Tout commence par ce père, et malgré son absence, tout tourne autour de lui. Le fils est certes le personnage central, mais il est d'abord l'héritier. Il est le fruit de son passé, de son enfance. Il n'a pas non plus de futur clair : il ne fait de projet qu'à quelques mois de là. Il est l'incarnation au présent d'une filiation passée.
Astérix se dresse face aux armées de César. Pourquoi ? Pour sa liberté, pour son besoin de protéger la vie de son village gaulois. Il ne cherche pas à construire, mais à défendre et protéger.
Largo Winch se dresse face aux rapaces du capitalisme mondial. Pourquoi ? Pour la mémoire de son père, pour le besoin de prouver que la moralité y est possible. Il ne cherche pas vraiment à construire, mais plutôt à maintenir l'empire de son père.
Tous deux sont des héros solitaires, qui ont le courage de se dresser pour refuser ce qui est inacceptable. Car en effet, le seul acte valable face à l'inacceptable est de ne pas l'accepter.
19 avr. 2010
ENFERMÉ EN LUI-MÊME, JEAN-LOUIS MURAT PEUT S’OUVRIR AUX AUTRES
Un soir au Bataclan…
Les yeux fermés, il chante. Comme s'il avait besoin de s'enfermer dans le seul monde de sa musique. Quand il jette un regard, c'est vers ses musiciens, comme nous excluant de sa création.
Pourtant la foule est là debout, se mettant en mouvement sous les flots du rock qui se déverse de la scène. Le son est âpre, rêche, carré. Inattendu venant de Jean-Louis Murat. Il a quitté le son habituel de son folk soft, de ses ballades. Il a des accents plus violents, plus brutaux. Souvent le son de sa guitare se fige dans une note qui se prolonge et se tord – un son comme celui de Neil Young –, à l'image de son visage fermé dans une douleur intérieure.
Les deux se font face ainsi, Murat emprisonné dans sa musique, le public progressivement fasciné par ce show. Bizarrement, la frontière des yeux fermés est de moins en moins une barrière. Une fusion progressive s'opère entre ceux qui écoutent et celui qui crée. Nous oscillons au rythme de sa guitare et de sa voix, il entre de plus en plus profondément dans ses mots et ses notes. Comme la peau d'une cellule qui sert à la limiter, mais aussi par laquelle elle respire et échange, le rideau de ses yeux clos le protège, mais aussi par lui il se fond en nous.
La magie s'installe, et le temps n'a plus pour rythme que celui de sa musique : Murat l'a dressé, et il accélère ou ralentit selon son bon plaisir. A la fin, toujours apparemment coupé de nous par l'absence de regard, la communication est parfaite.
Comme quoi, on peut se comprendre sans parler, on peut se fondre sans se voir, échanger sans se regarder. Pour s'ouvrir, Murat a d'abord besoin de se fermer.
Ce concert était, il y a quelques jours au Bataclan à Paris.
16 avr. 2010
COMMENT SE DONNER LE TEMPS NÉCESSAIRE À LA TRANSFORMATION ET À LA CONFRONTATION ?
______ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________
Diriger dans la durée, repenser la vitesse et veiller à prendre en compte l'horloge humaine, accepter la partialité d'un point de vue et pousser à la confrontation, voilà bien trois thèmes majeurs pour le management dans l'incertitude.
Ce sont aussi, je crois, trois interpellations pour tous nos systèmes collectifs :
- Comment, comme je l'abordais dans mon éditorial de vendredi dernier, mettre de la stabilité dans nos systèmes politiques, alors qu'ils sont de plus en plus rythmés par la succession des échéances électorales ?
- Comment donner le temps aux hommes et aux femmes d'intégrer les transformations de notre monde pour ne pas se sentir balayés comme par un tsunami ?
- Comment faire des différences culturelles, religieuses ou raciales des opportunités d'enrichissements mutuels, au travers de confrontations et non pas de conflits ?
Rappel du patchwork de la semaine :
- Lundi : Parallèlement au passage au développement durable, il faut promouvoir le management durable, c'est-à-dire la meilleure prise en compte des effets dans la durée. En effet, la montée de l'incertitude et la pression croissante de la recherche de la rentabilité sont en train de promouvoir un management qui « consomme » les ressources disponibles de l'entreprise.
- Mardi : Dans les marchés de Delhi comme dans les 3J des Galeries Lafayette, la foule se presse. Plus de compétition et d'égoïsme de notre côté, plus d'effervescence et d'énergie de l'autre…
- Mercredi : Ballade guidée par le philosophe Paul Virilio sur le temps et la vitesse. Depuis un siècle, le temps des machines est passé à la nanoseconde, celui de l'homme est resté le même et il y a un décalage entre la temporalité personnelle et celle de la société. Il est urgent de prendre le temps de repenser notre relation au temps et à la vitesse.
- Jeudi : Une entreprise est trop complexe, les points de vue trop multiples, les possibles trop nombreux pour qu'une seule personne puisse détenir la vérité et qu'il soit normal d'être immédiatement d'accord. Il faut promouvoir la confrontation pour approfondir la compréhension d'une situation et ajuster les points de vue.
Diriger dans la durée, repenser la vitesse et veiller à prendre en compte l'horloge humaine, accepter la partialité d'un point de vue et pousser à la confrontation, voilà bien trois thèmes majeurs pour le management dans l'incertitude.
Ce sont aussi, je crois, trois interpellations pour tous nos systèmes collectifs :
- Comment, comme je l'abordais dans mon éditorial de vendredi dernier, mettre de la stabilité dans nos systèmes politiques, alors qu'ils sont de plus en plus rythmés par la succession des échéances électorales ?
- Comment donner le temps aux hommes et aux femmes d'intégrer les transformations de notre monde pour ne pas se sentir balayés comme par un tsunami ?
- Comment faire des différences culturelles, religieuses ou raciales des opportunités d'enrichissements mutuels, au travers de confrontations et non pas de conflits ?
15 avr. 2010
PERSONNE NE PEUT SEUL PRÉTENDRE DÉTENIR LA VÉRITÉ
Il est normal de ne pas être immédiatement d'accord
"Notre monde est devenu trop complexe, trop incertain pour qu'une personne ou un groupe de personnes (un département technique, une force de vente, une usine, une expertise fonctionnelle,…) puissent penser avoir faire le tour d'un problème. Chacun ne détient qu'une part de vérité, qu'un point de vue.
La confrontation, c'est la mise en commun de ces différents points de vue pour construire une interprétation commune. Cette confrontation n'est pas spontanée, car chacun est pris dans ses certitudes, ses convictions et ses habitudes. Il n'est pas facile d'admettre que l'on ne détient qu'un des points de vue :
- Un industriel comprendra difficilement pourquoi il est nécessaire de multiplier les références d'un produit et pensera toujours que le temps de la Ford T noire était le bon temps ;
- Un homme de marketing sous-estimera souvent la difficulté de réaliser une performance technique dans la durée ;
- Un vendeur pensera qu'il est toujours possible de fabriquer ce qu'il a vendu…
Pour mieux appréhender le réel, mieux cerner une situation, il faut que chacun prenne conscience de la partialité de son point de vue et de l'incomplétude de ses interprétations. Si une autre personne, un autre service, une autre filiale a un point de vue différent, c'est normal : les analyses d'un même problème, faites depuis des endroits différents et à partir d'histoires distinctes, n'ont pas de raison d'aboutir spontanément aux mêmes conclusions.
Pour imager mon propos, il s'agit d'installer une culture « anti-termite » : il est très dangereux pour une entreprise de n'avoir qu'une collectivité de soldats obéissants. Chacun est porteur de connaissances techniques, d'informations venant de la concurrence, de retour clients, qui sont autant d'informations-clés que la solution retenue doit intégrer."
(Ce texte est un extrait de mon nouveau livre "Les mers de l'incertitude" - p.136-137- à paraître fin mai)
"Notre monde est devenu trop complexe, trop incertain pour qu'une personne ou un groupe de personnes (un département technique, une force de vente, une usine, une expertise fonctionnelle,…) puissent penser avoir faire le tour d'un problème. Chacun ne détient qu'une part de vérité, qu'un point de vue.
La confrontation, c'est la mise en commun de ces différents points de vue pour construire une interprétation commune. Cette confrontation n'est pas spontanée, car chacun est pris dans ses certitudes, ses convictions et ses habitudes. Il n'est pas facile d'admettre que l'on ne détient qu'un des points de vue :
- Un industriel comprendra difficilement pourquoi il est nécessaire de multiplier les références d'un produit et pensera toujours que le temps de la Ford T noire était le bon temps ;
- Un homme de marketing sous-estimera souvent la difficulté de réaliser une performance technique dans la durée ;
- Un vendeur pensera qu'il est toujours possible de fabriquer ce qu'il a vendu…
Pour mieux appréhender le réel, mieux cerner une situation, il faut que chacun prenne conscience de la partialité de son point de vue et de l'incomplétude de ses interprétations. Si une autre personne, un autre service, une autre filiale a un point de vue différent, c'est normal : les analyses d'un même problème, faites depuis des endroits différents et à partir d'histoires distinctes, n'ont pas de raison d'aboutir spontanément aux mêmes conclusions.
Pour imager mon propos, il s'agit d'installer une culture « anti-termite » : il est très dangereux pour une entreprise de n'avoir qu'une collectivité de soldats obéissants. Chacun est porteur de connaissances techniques, d'informations venant de la concurrence, de retour clients, qui sont autant d'informations-clés que la solution retenue doit intégrer."
(Ce texte est un extrait de mon nouveau livre "Les mers de l'incertitude" - p.136-137- à paraître fin mai)
14 avr. 2010
IL Y A UNE DISSOCIATION ENTRE LE TEMPS HUMAIN ET LE TEMPS DE L’INFORMATIQUE
Le temps n'a pas de vitesse
En 2008, Stéphane Paoli a réalisé un documentaire centré sur le philosophe français, Paul Virilio. Ce film intitulé « Penser la Vitesse » est une réflexion riche sur le temps (diffusé sur Arte et disponible sur Arte Vidéo).
En voici, un patchwork :
« Un original, une œuvre d'art intègrent de la durée. Avec un clic de souris, on peut copier tout en numérique et l'envoyer au monde entier. (…) Il faut faire de sa vie un original, c'est-à-dire une œuvre d'art. » (Joël de Rosnay)
« Le temps n'a pas de vitesse. (…) Ceci sous-entendrait que le temps se déplace par rapport à lui-même. (…) Ce qui accélère, c'est ce qui se passe dans le temps et pas le temps lui-même. » (Etienne Klein, physicien CEA)
« La vitesse, c'est la violence suprême. Avec une main, on peut caresser ou gifler. » (Paul Virilio)
« Le monde virtuel, c'est le sixième continent. C'est un substitut à la patrie. C'est une colonie de substitution. » (Paul Virilio)
« On a une synchronisation des émotions, une mondialisation des affects en temps réel. (…) Une communauté d'émotions remplace les communautés d'intérêts. » (Paul Virilio)
« On est au bord du monde la totalité. Il va falloir gérer le tragique de la situation. (…) Le 20ème siècle m'apparait vraiment obsolète. (…) C'est tragique, mais pas triste. » (Paul Virilio et Enki Bilal)
« Un optimiste, c'est un homme qui voit une chance derrière chaque calamité. » (Winston Churchill)
« Avec l'informatique, on est passé à la nanoseconde, la picoseconde. Ce sont des temps plus rapides que le temps humain. (…) Il y a une dissociation entre la perception et la vitesse des échanges : c'est très aliénant. » (Jeremy Rifkin, Foundation on Economic Trends),
« Plus la vitesse s'accroît, plus l'impatience aussi. On a de moins en moins d'attention et de concentration, on zappe, car on est distrait par la quantité de l'information permanente, le bruit. (…) Notre cerveau n'est pas multitâche. (…) Nous sommes moins concentrés, moins attentifs, moins introspectifs, moins prospectifs, toutes qualités nécessaires pour affronter ce monde complexe. » (Jeremy Rifkin)
« On ne peut pas s'ajuster à la vitesse et à la densité des échanges. On prend des drogues pour essayer de se réadapter (car la drogue accélère ou ralentit notre référentiel temporel). Il y a un décalage entre la temporalité personnelle et celle de la société. » (Jeremy Rifkin)
« Dieu est si efficace qu'il peut exiger quelque chose, et que ça arrive sans aucune durée, sans que le temps s'écoule. Instantanément. (…) Le niveau suprême d'efficacité, c'est optimiser le rendement dans un laps de temps si court qu'il n'y a plus de durée. (…) Ainsi on est constamment en vie. » (Jeremy Rifkin)
En 2008, Stéphane Paoli a réalisé un documentaire centré sur le philosophe français, Paul Virilio. Ce film intitulé « Penser la Vitesse » est une réflexion riche sur le temps (diffusé sur Arte et disponible sur Arte Vidéo).
En voici, un patchwork :
« Un original, une œuvre d'art intègrent de la durée. Avec un clic de souris, on peut copier tout en numérique et l'envoyer au monde entier. (…) Il faut faire de sa vie un original, c'est-à-dire une œuvre d'art. » (Joël de Rosnay)
« Le temps n'a pas de vitesse. (…) Ceci sous-entendrait que le temps se déplace par rapport à lui-même. (…) Ce qui accélère, c'est ce qui se passe dans le temps et pas le temps lui-même. » (Etienne Klein, physicien CEA)
« La vitesse, c'est la violence suprême. Avec une main, on peut caresser ou gifler. » (Paul Virilio)
« Le monde virtuel, c'est le sixième continent. C'est un substitut à la patrie. C'est une colonie de substitution. » (Paul Virilio)
« On a une synchronisation des émotions, une mondialisation des affects en temps réel. (…) Une communauté d'émotions remplace les communautés d'intérêts. » (Paul Virilio)
« On est au bord du monde la totalité. Il va falloir gérer le tragique de la situation. (…) Le 20ème siècle m'apparait vraiment obsolète. (…) C'est tragique, mais pas triste. » (Paul Virilio et Enki Bilal)
« Un optimiste, c'est un homme qui voit une chance derrière chaque calamité. » (Winston Churchill)
« Avec l'informatique, on est passé à la nanoseconde, la picoseconde. Ce sont des temps plus rapides que le temps humain. (…) Il y a une dissociation entre la perception et la vitesse des échanges : c'est très aliénant. » (Jeremy Rifkin, Foundation on Economic Trends),
« Plus la vitesse s'accroît, plus l'impatience aussi. On a de moins en moins d'attention et de concentration, on zappe, car on est distrait par la quantité de l'information permanente, le bruit. (…) Notre cerveau n'est pas multitâche. (…) Nous sommes moins concentrés, moins attentifs, moins introspectifs, moins prospectifs, toutes qualités nécessaires pour affronter ce monde complexe. » (Jeremy Rifkin)
« On ne peut pas s'ajuster à la vitesse et à la densité des échanges. On prend des drogues pour essayer de se réadapter (car la drogue accélère ou ralentit notre référentiel temporel). Il y a un décalage entre la temporalité personnelle et celle de la société. » (Jeremy Rifkin)
« Dieu est si efficace qu'il peut exiger quelque chose, et que ça arrive sans aucune durée, sans que le temps s'écoule. Instantanément. (…) Le niveau suprême d'efficacité, c'est optimiser le rendement dans un laps de temps si court qu'il n'y a plus de durée. (…) Ainsi on est constamment en vie. » (Jeremy Rifkin)
13 avr. 2010
DES FOULES QUI SE TÉLESCOPENT À DISTANCE
Delhi ou Paris ?
Petit à petit, je m'enfonce au milieu de la foule. Régulièrement il faut jouer des coudes pour avancer ou accéder à une devanture. Je suis envahi par un océan de couleurs, d'odeurs et de bruits. Au bout de quelques minutes, je ne sais plus très bien où je me trouve, ni dans quelle direction se trouve le Nord.
De rayon en rayon, j'avance. A la logique du monde extérieur, s'est substitué ce flot humain dans lequel je glisse, essayant parfois bien inutilement de me diriger. Une sorte d'hystérie collective s'est emparée de ceux qui étaient auparavant des individus et ne sont plus que des consommateurs englués dans la folie de l'achat.
Je me souviens de ce curry entraperçu, il y a quelques minutes : l'ocre et le parfum sont encore en moi. Je suis maintenant au milieu des jeans et des tee-shirts. Encore quelques minutes de navigation, je basculerai dans un autre univers fait d'encens ou de bois, de soie ou de fruits. Pourquoi chercher à prévoir ? Le charme du lieu est dans l'aléa des rencontres et des découvertes…
Je me souviens du cachemire entraperçu, il y a quelques minutes : sa douceur et sa couleur flottent en moi. Je suis maintenant au milieu des chemises et des cravates. Encore quelques minutes d'errance, je me retrouverai dans un monde de parfums ou de crèmes, de montres ou de bracelets. Inutile de prévoir. Le charme de la quête est dans l'imprévu des découvertes…
Voilà une heure que j'avance, perdu, dans le marché d'Old Delhi. Des yeux charmeurs se posent sur moi et me retiennent. Une tasse de thé offerte au fond d'une échoppe improbable, quelques mots échangés, des numéros de téléphone, et il m'indique comment sortir du dédale et retrouver ma route.
Voilà une heure que j'essaie en vain de trouver la bonne affaire aux 3J des Galeries Lafayette. Personne ne se regarde, illusoire de penser que quiconque pourrait s'intéresser à l'autre. Chacun est le rival de son voisin, celui qui pourrait acheter la dernière pièce restante.
Dans les marchés du vieux Delhi comme dans les 3J des Galeries Lafayette de Paris, il y a une foule compacte et acheteuse. Mais la plus civilisée des deux n'est pas forcément celle qui a le plus fort pouvoir d'achat. Une des foules exprime l'effervescence de la vie et du mélange. L'autre, la compétition et l'égoïsme. Télescopage virtuel à distance…
Petit à petit, je m'enfonce au milieu de la foule. Régulièrement il faut jouer des coudes pour avancer ou accéder à une devanture. Je suis envahi par un océan de couleurs, d'odeurs et de bruits. Au bout de quelques minutes, je ne sais plus très bien où je me trouve, ni dans quelle direction se trouve le Nord.
De rayon en rayon, j'avance. A la logique du monde extérieur, s'est substitué ce flot humain dans lequel je glisse, essayant parfois bien inutilement de me diriger. Une sorte d'hystérie collective s'est emparée de ceux qui étaient auparavant des individus et ne sont plus que des consommateurs englués dans la folie de l'achat.
Je me souviens de ce curry entraperçu, il y a quelques minutes : l'ocre et le parfum sont encore en moi. Je suis maintenant au milieu des jeans et des tee-shirts. Encore quelques minutes de navigation, je basculerai dans un autre univers fait d'encens ou de bois, de soie ou de fruits. Pourquoi chercher à prévoir ? Le charme du lieu est dans l'aléa des rencontres et des découvertes…
Je me souviens du cachemire entraperçu, il y a quelques minutes : sa douceur et sa couleur flottent en moi. Je suis maintenant au milieu des chemises et des cravates. Encore quelques minutes d'errance, je me retrouverai dans un monde de parfums ou de crèmes, de montres ou de bracelets. Inutile de prévoir. Le charme de la quête est dans l'imprévu des découvertes…
Voilà une heure que j'avance, perdu, dans le marché d'Old Delhi. Des yeux charmeurs se posent sur moi et me retiennent. Une tasse de thé offerte au fond d'une échoppe improbable, quelques mots échangés, des numéros de téléphone, et il m'indique comment sortir du dédale et retrouver ma route.
Voilà une heure que j'essaie en vain de trouver la bonne affaire aux 3J des Galeries Lafayette. Personne ne se regarde, illusoire de penser que quiconque pourrait s'intéresser à l'autre. Chacun est le rival de son voisin, celui qui pourrait acheter la dernière pièce restante.
Dans les marchés du vieux Delhi comme dans les 3J des Galeries Lafayette de Paris, il y a une foule compacte et acheteuse. Mais la plus civilisée des deux n'est pas forcément celle qui a le plus fort pouvoir d'achat. Une des foules exprime l'effervescence de la vie et du mélange. L'autre, la compétition et l'égoïsme. Télescopage virtuel à distance…
Inscription à :
Articles (Atom)