Ah si nous avions le taux de croissance de la Chine !
Il y a quelques jours, j'entendais encore un journaliste comparer le taux de croissance français avec celui de la Chine. Il s'ensuivit alors tout un débat sur les forces et faiblesses de la France, et pourquoi nous étions donc en retard par rapport à la Chine.
Je reste, une fois de plus, étonné par notre capacité, individuelle comme collective, à discuter à partir de chiffres, sans nous poser la question de leur signification. Car, enfin, comment peut-on comparer les taux de croissance français et chinois, sans prendre en compte la différence des situations des deux pays : la France est un pays avec un capital accumulé sans comparaison avec celui de la Chine (il suffit pour s'en rendre compte de circuler dans les deux pays et de regarder la situation des infrastructures collectives), et avec un revenu moyen par personne sans commune mesure (il était en 2009 de 3590 $ en Chine contre 42680 $ en France selon la Banque mondiale).
Aussi la notion de taux de croissance n'a pas le même sens et vraiment la comparaison n'a pas grand sens, du moins si on ne la pondère pas par la prise en compte des situations initiales…
Certes la France fait face à un problème de dynamisme et de confiance en elle, mais ce n'est pas en se lançant dans des comparaisons sans signification, que l'on trouvera la réponse à nos problèmes. Une fois de plus, attention à l'usage que l'on fait des mathématiques.
Arrêtons le zapping intellectuel et passons un peu plus de temps à l'analyse et la compréhension…
15 nov. 2010
10 nov. 2010
« QUAND DEUX POLYTECHNICIENS FONT L'ÉLOGE DE L'INCERTITUDE »
Un article dans les Échos du 9 novembre 2010, suite à notre conférence avec Jérôme Fessard à la Maison des Ponts
« Robert Branche est consultant (*) et Jérôme Fessard, directeur général adjoint de Saint-Gobain. Tous deux n'hésitent pas à prendre leur public à rebrousse-poil. « Il n'y a pas d'espoir sans incertitude », ont-ils ainsi lancé à des professionnels réunis le mois dernier à la maison des Ponts, à Paris.
« Problème, finit par lâcher Robert Branche, l'avenir est plus à la création qu'à la reproduction, aux artistes qu'aux mécaniciens, à l'intelligence qu'à la peur. » Et d'expliquer que, quand une direction d'entreprise bâtit une stratégie sur la base de l'observation du passé et du présent, elle se trompe. Il lui faudrait, au contraire, s'adapter aux aléas pour atteindre ce qu'il appelle « une mer » - autrement dit une vision (l'information pour Google, la musique pour Apple, etc.).
Inouï, pour y parvenir, les deux polytechniciens mettent en garde contre une mathématisation à tout crin, un trop-plein d'expertise et des politiques trop poussées de réduction des coûts. « Ralentir et préserver une part de flou », conseille Robert Branche. « S'appuyer sur un socle de valeurs fortes », ajoute Jérôme Fessard. »
Muriel Jasor, Les Échos
* Auteur de « Les Mers de l'incertitude » (éditions du Palio)
« Robert Branche est consultant (*) et Jérôme Fessard, directeur général adjoint de Saint-Gobain. Tous deux n'hésitent pas à prendre leur public à rebrousse-poil. « Il n'y a pas d'espoir sans incertitude », ont-ils ainsi lancé à des professionnels réunis le mois dernier à la maison des Ponts, à Paris.
« Problème, finit par lâcher Robert Branche, l'avenir est plus à la création qu'à la reproduction, aux artistes qu'aux mécaniciens, à l'intelligence qu'à la peur. » Et d'expliquer que, quand une direction d'entreprise bâtit une stratégie sur la base de l'observation du passé et du présent, elle se trompe. Il lui faudrait, au contraire, s'adapter aux aléas pour atteindre ce qu'il appelle « une mer » - autrement dit une vision (l'information pour Google, la musique pour Apple, etc.).
Inouï, pour y parvenir, les deux polytechniciens mettent en garde contre une mathématisation à tout crin, un trop-plein d'expertise et des politiques trop poussées de réduction des coûts. « Ralentir et préserver une part de flou », conseille Robert Branche. « S'appuyer sur un socle de valeurs fortes », ajoute Jérôme Fessard. »
Muriel Jasor, Les Échos
* Auteur de « Les Mers de l'incertitude » (éditions du Palio)
9 nov. 2010
« PENSER À PARTIR DU FUTUR, C’EST D’ABORD SE FIXER UN HORIZON STRATÉGIQUE IMMUABLE, TELLE LA MER POUR UN FLEUVE »
Article sur « les Mers de l'incertitude » dans la revue des anciens élèves de l'École Polytechnique (*)
« On dit parfois que la différence entre un manager et un entrepreneur est que le premier décide dans la certitude, alors que le second le fait dans l'incertitude.
Robert Branche ne partage pas cette analyse. Dans Les mers de l'incertitude, son deuxième livre après Neuromanagement (2008), il défend l'idée que la direction d'entreprise consiste dans tous les cas, qu'on soit manager ou entrepreneur, à gérer l'incertitude. A partir d'exemples tirés notamment de l'histoire des sciences, Robert Branche pose en effet comme axiome que l'incertitude ne fait que croître dans l'univers professionnel et que les directions générales n'ont d'autres choix que de composer au mieux avec elle.
Voilà une posture pour le moins inhabituelle de la part d'un ingénieur, qu'on s'attendrait à voir convaincu que le fonctionnement des entreprises est prévisible ou doit s'efforcer de le devenir. Or il n'en est rien, soutient Robert Branche : la vie des affaires n'est pas régie par le principe de Laplace ou la loi de Gauss. Bien souvent, l'accumulation de données n'améliore pas la prévision et raisonner en moyenne ou pratiquer la règle de trois conduisent à graves erreurs de pronostic.
C'est plutôt en direction d'Henri Poincaré et de Pareto que l'auteur se tourne pour comprendre comment fonctionnent ces organisations complexes que sont les entreprises dans le monde contemporain. L'ingénieur des Ponts et Chaussées qu'est Robert Branche leur recommande de se construire comme des jardins à l'anglaise plutôt qu'à la française. En langage de consultant, il s'agit de « laisser chaque sous-ensemble s'organiser selon la logique propre de son métier » et de « permettre des biorythmes différents selon les moments et les situations ».
Dans quel sens diriger une entreprise si l'incertitude y est reine ? Robert Branche a choisi la métaphore pour illustrer sa réponse. Dans Les mers de l'incertitude, il compare l'entreprise à un fleuve et en tire des images éloquentes au service de sa démonstration.
De même qu'on ne peut pas comprendre vers où coule un fleuve en observant ses méandres, l'auteur recommande de ne pas appréhender l'entreprise à l'aune de ses performances à court terme : il faut « penser à partir du futur ».
Penser à partir du futur, c'est d'abord se fixer un horizon stratégique immuable, telle la mer pour un fleuve. Mais c'est aussi se laisser guider par la pente naturelle, comme le fleuve par le relief. A l'heure où l'on fait volontiers l'éloge de la difficulté, ce n'est pas le moindre des paradoxes d'un livre qui en comporte de nombreux que de préconiser la facilité.
Reste à mettre en œuvre ce principe de moindre action appliqué à l'entreprise. Comment éviter les décisions qui ne s'inscrivent pas dans sa trajectoire naturelle, comment tirer parti des obstacles et anticiper les accidents de parcours : à toutes ces questions, Les mers de l'incertitude apportent un ensemble de réponses fondées sur les observations et l'expérience de consultant stratégique de l'auteur.
Avec une mise en garde : attention à la quantophrénie, cette pathologie consistant à vouloir tout mettre en chiffres ! A force d'excès de contrôle de gestion et de lean management, on risque de rendre l'entreprise anorexique. Elle perd alors le goût de la croissance et devient cassante. Diriger dans l'incertitude, c'est en effet souvent, nous dit Robert Branche, savoir aussi lâcher prise. »
Jean-Jacques Salomon
(*) Novembre 2010 - n° 659
« On dit parfois que la différence entre un manager et un entrepreneur est que le premier décide dans la certitude, alors que le second le fait dans l'incertitude.
Robert Branche ne partage pas cette analyse. Dans Les mers de l'incertitude, son deuxième livre après Neuromanagement (2008), il défend l'idée que la direction d'entreprise consiste dans tous les cas, qu'on soit manager ou entrepreneur, à gérer l'incertitude. A partir d'exemples tirés notamment de l'histoire des sciences, Robert Branche pose en effet comme axiome que l'incertitude ne fait que croître dans l'univers professionnel et que les directions générales n'ont d'autres choix que de composer au mieux avec elle.
Voilà une posture pour le moins inhabituelle de la part d'un ingénieur, qu'on s'attendrait à voir convaincu que le fonctionnement des entreprises est prévisible ou doit s'efforcer de le devenir. Or il n'en est rien, soutient Robert Branche : la vie des affaires n'est pas régie par le principe de Laplace ou la loi de Gauss. Bien souvent, l'accumulation de données n'améliore pas la prévision et raisonner en moyenne ou pratiquer la règle de trois conduisent à graves erreurs de pronostic.
C'est plutôt en direction d'Henri Poincaré et de Pareto que l'auteur se tourne pour comprendre comment fonctionnent ces organisations complexes que sont les entreprises dans le monde contemporain. L'ingénieur des Ponts et Chaussées qu'est Robert Branche leur recommande de se construire comme des jardins à l'anglaise plutôt qu'à la française. En langage de consultant, il s'agit de « laisser chaque sous-ensemble s'organiser selon la logique propre de son métier » et de « permettre des biorythmes différents selon les moments et les situations ».
Dans quel sens diriger une entreprise si l'incertitude y est reine ? Robert Branche a choisi la métaphore pour illustrer sa réponse. Dans Les mers de l'incertitude, il compare l'entreprise à un fleuve et en tire des images éloquentes au service de sa démonstration.
De même qu'on ne peut pas comprendre vers où coule un fleuve en observant ses méandres, l'auteur recommande de ne pas appréhender l'entreprise à l'aune de ses performances à court terme : il faut « penser à partir du futur ».
Penser à partir du futur, c'est d'abord se fixer un horizon stratégique immuable, telle la mer pour un fleuve. Mais c'est aussi se laisser guider par la pente naturelle, comme le fleuve par le relief. A l'heure où l'on fait volontiers l'éloge de la difficulté, ce n'est pas le moindre des paradoxes d'un livre qui en comporte de nombreux que de préconiser la facilité.
Reste à mettre en œuvre ce principe de moindre action appliqué à l'entreprise. Comment éviter les décisions qui ne s'inscrivent pas dans sa trajectoire naturelle, comment tirer parti des obstacles et anticiper les accidents de parcours : à toutes ces questions, Les mers de l'incertitude apportent un ensemble de réponses fondées sur les observations et l'expérience de consultant stratégique de l'auteur.
Avec une mise en garde : attention à la quantophrénie, cette pathologie consistant à vouloir tout mettre en chiffres ! A force d'excès de contrôle de gestion et de lean management, on risque de rendre l'entreprise anorexique. Elle perd alors le goût de la croissance et devient cassante. Diriger dans l'incertitude, c'est en effet souvent, nous dit Robert Branche, savoir aussi lâcher prise. »
Jean-Jacques Salomon
(*) Novembre 2010 - n° 659
8 nov. 2010
IL EST TOUJOURS BON DE PRÉVOIR UN SOLEIL NOCTURNE
Quand Météo France apporte sa pierre à l'édifice de la prévision
Depuis longtemps, nous nous servons du vocabulaire pour diminuer l'acuité d'un problème, voire le masquer complètement : on ne licencie pas, on met un terme à un contrat de travail ; il n'y a plus de personnes âgées, mais des personnes du troisième âge ; un joueur ne rate pas un but, mais a manqué de réalisme …
Météo France vient de franchir un nouveau stade en inventant le soleil nocturne (voir la photo jointe). Ceci a été fait le 1er novembre dernier pour la météo de la commune de Grignan.
Est-ce par esprit de contagion ou pour contribuer à donner une touche d'optimisme dans une ambiance sociale morose ? Ou alors un clin d'œil à la journée des morts, en laissant entendre qu'ils vivent dans un soleil éternel ?
C'est aussi une version moderne et réactualisée du « demain, on rase gratis ». En effet, comment savoir, une fois la nuit tombée, si le soleil pourrait oui ou non émerger au milieu des nuages ? On voit là toute la subtilité de la prévision de Météo France : si elle avait été un plein soleil, il aurait été possible de vérifier si la nuit était parfaitement étoilée.
Ou alors était-ce simplement pour annoncer que le soleil ferait une apparition au moment de se coucher, une politesse de sa part en quelque sorte ?
Dans tous les cas, voilà une avancée importante de notre capacité collective à faire des prévisions…
5 nov. 2010
INCERTITUDE, STABILITÉ ET MANAGEMENT
_____ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________
4 nov. 2010
ON NE PEUT PAS LÂCHER PRISE SANS STABILITÉ PERSONNELLE
Le management n'est pas une profession en soi
Le préalable au succès dans l'incertitude est de commencer par faire le vide : être là sans a priori, observer attentivement, ne pas tout calculer et mathématiser. C'est à ces conditions que l'on pourra lâcher prise et faire confiance à son intuition : on ne pourra pas choisir la mer à l'issue d'un cheminement logique, car partir du futur est d'abord affaire d'imagination. Cette imagination se nourrit de faits et d'informations, car il ne s'agit pas de tirer sa mer à la loterie ou chez une cartomancienne. Mais ce n'est pas un raisonnement « logique » qui va permettre de passer de ces faits à la mer, ce sera un saut créatif.
Ceci suppose la stabilité du management et des actionnaires, et l'existence d'une expérience commune entre eux et avec le cœur de l'entreprise. Pourquoi ? Parce que tout dirigeant, sans qu'il s'en rende nécessairement compte, est conditionné et influencé par son inconscient : dès qu'il décide, une part majeure repose sur ce que l'on appelle son intuition, intuition qui est d'abord le travail de ses processus inconscients1. Aussi, une bonne partie de son succès en tant que dirigeant provient-il de la bonne synchronicité entre deux inconscients : le sien et celui de l'entreprise. Si son expérience personnelle est en phase avec le métier de l'entreprise, s'il sent l'entreprise car il y a grandi, ses intuitions sont exactes et il fait les bons choix. Comme il se sent en confiance, il délègue et peut lâcher prise. Si un changement se profile, si une rupture est nécessaire, il les verra venir, saura transitoirement reprendre le manche et agira en profondeur dans l'entreprise pour reprogrammer ce qui doit l'être.
Si maintenant, auréolé de ses succès passés, il change d'entreprise et se retrouve à la tête d'un ensemble qu'il ne connaît plus et dont les logiques ne sont plus les siennes, il sera trompé par son inconscient et son intuition. Si, par exemple, il passe d'une industrie de processus lourds à un domaine où la technologie et le marketing sont essentiels, comment va-t-il faire ? Comme il doit prendre décision sur décision – il est venu pour cela et il a toujours su le faire –, il ne se rendra pas compte que son inconscient qui le conditionne, le trompe. Et comme il ne comprend pas comment l'entreprise réagit, comme ce qui se passe n'est pas ce qu'il attendait, il se crispe, délègue de moins en moins, contrôle de plus en plus et se réfugie dans des tableaux de chiffres. Rien ne va plus. Voilà ce manager qui a toujours réussi qui ne comprend pas pourquoi cela ne marche plus. Il est perdu, noyé dans un double inconscient qu'il ne perçoit pas.
Plus l'incertitude se développe, plus ce risque est important et réel. Aussi, contrairement à ce qui est souvent affirmé, je ne crois pas qu'un professionnel du management puisse réussir à la tête de n'importe quelle entreprise : manager n'est pas un métier que l'on peut transposer aisément d'un lieu à un autre, c'est le fruit d'une expérience et d'une interaction dans un lieu et un moment précis.
Extrait des Mers de l'incertitude
Le préalable au succès dans l'incertitude est de commencer par faire le vide : être là sans a priori, observer attentivement, ne pas tout calculer et mathématiser. C'est à ces conditions que l'on pourra lâcher prise et faire confiance à son intuition : on ne pourra pas choisir la mer à l'issue d'un cheminement logique, car partir du futur est d'abord affaire d'imagination. Cette imagination se nourrit de faits et d'informations, car il ne s'agit pas de tirer sa mer à la loterie ou chez une cartomancienne. Mais ce n'est pas un raisonnement « logique » qui va permettre de passer de ces faits à la mer, ce sera un saut créatif.
Ceci suppose la stabilité du management et des actionnaires, et l'existence d'une expérience commune entre eux et avec le cœur de l'entreprise. Pourquoi ? Parce que tout dirigeant, sans qu'il s'en rende nécessairement compte, est conditionné et influencé par son inconscient : dès qu'il décide, une part majeure repose sur ce que l'on appelle son intuition, intuition qui est d'abord le travail de ses processus inconscients1. Aussi, une bonne partie de son succès en tant que dirigeant provient-il de la bonne synchronicité entre deux inconscients : le sien et celui de l'entreprise. Si son expérience personnelle est en phase avec le métier de l'entreprise, s'il sent l'entreprise car il y a grandi, ses intuitions sont exactes et il fait les bons choix. Comme il se sent en confiance, il délègue et peut lâcher prise. Si un changement se profile, si une rupture est nécessaire, il les verra venir, saura transitoirement reprendre le manche et agira en profondeur dans l'entreprise pour reprogrammer ce qui doit l'être.
Si maintenant, auréolé de ses succès passés, il change d'entreprise et se retrouve à la tête d'un ensemble qu'il ne connaît plus et dont les logiques ne sont plus les siennes, il sera trompé par son inconscient et son intuition. Si, par exemple, il passe d'une industrie de processus lourds à un domaine où la technologie et le marketing sont essentiels, comment va-t-il faire ? Comme il doit prendre décision sur décision – il est venu pour cela et il a toujours su le faire –, il ne se rendra pas compte que son inconscient qui le conditionne, le trompe. Et comme il ne comprend pas comment l'entreprise réagit, comme ce qui se passe n'est pas ce qu'il attendait, il se crispe, délègue de moins en moins, contrôle de plus en plus et se réfugie dans des tableaux de chiffres. Rien ne va plus. Voilà ce manager qui a toujours réussi qui ne comprend pas pourquoi cela ne marche plus. Il est perdu, noyé dans un double inconscient qu'il ne perçoit pas.
Plus l'incertitude se développe, plus ce risque est important et réel. Aussi, contrairement à ce qui est souvent affirmé, je ne crois pas qu'un professionnel du management puisse réussir à la tête de n'importe quelle entreprise : manager n'est pas un métier que l'on peut transposer aisément d'un lieu à un autre, c'est le fruit d'une expérience et d'une interaction dans un lieu et un moment précis.
Extrait des Mers de l'incertitude
3 nov. 2010
LA VITALITÉ DE LA JUNGLE
Où la vie nait dans le désordre
J'aime profondément ma maison en Provence, mais chaque fois que je regarde la dureté de ce paysage fait de murs en pierre, de vignes et de chênes verts, je repense avec nostalgie à l'énergie verte de la jungle nord-thaïlandaise. Là-bas sous la puissance conjuguée de la chaleur et de l'eau, les plantes y ont une énergie incroyable et le vert y prend une couleur surnaturelle, noyée dans un jaune venu d'on ne sait où. Les bambous montent au ciel, le goudron des chaussées est dévoré par la force qui rampe sous lui, la nature est la vie et mange tout sur son passage.
A chaque fois que j'arrive au nord de Chiang Mai, je ressens cette bouffée de puissance qui me ressource. La nature y est violente, indisciplinée, sauvage. On la sent roder, prête à prendre le pas sur nous. En Europe, elle est disciplinée, construite, reconstruite, artificielle. Nous ne pouvons pas avoir peur d'elle, car nous l'avons domestiquée. Le moindre sursaut de sa part nous inquiète : un peu de neige, un hiver un peu plus froid, un été un peu plus chaud, et rien ne va plus.
En dehors de l'Europe, rien de tel. Quand il pleut, les flots submergent vite champs, routes et même trottoirs. Il n'est pas rare à Calcutta de marcher avec l'eau au-dessus du genou. Imaginer si cela se produisait à Paris ! Les villes nord-américaines sont aussi moins assagies aussi que les nôtres : chaque année ou presque Washington ferme en hiver pour cause d'intempéries. Pendant quelques jours, plus d'écoles, plus de travail, plus de supermarché, chacun reste chez soi, enfermé… En Europe, le thermomètre ne va pas dans ces extrêmes.
Marcher dans la jungle, c'est une immersion énergétique ; plonger dans ce vert, c'est un bain de boue de vitalité. Alors, je ressens cette bouffée de puissance qui me ressource. La nature y est violente, indisciplinée, sauvage, mais vivante. On la sent roder, prête à prendre le pas sur nous. Elle pousse à la vigilance, car sa puissance sauvage n'attend qu'un relâchement de l'homme pour reprendre le dessus : l'entretien oublié d'une route, la peinture d'une façade non renouvelée, les jeunes pousses laissées prendre goût à l'énergie de leurs croissances potentielles, et tout explose, plus de route, plus de maison, juste du vert qui se propage et se multiplie.
En miroir à cette puissance sauvage, les rues de Calcutta vibrent d'une énergie vibrionnaire. Comme la jungle, elles sont le lieu du combat entre ordre et désordre. En marchant dans ces rues, je suis plongé dans la vision de la vie d'Edgard Morin : tout se fait dans un désordre qui peut nous faire croire à l'inefficacité globale, mais comme dans la jungle, la vie nait de ce désordre. Comme l'a théorisé Edgar Morin – un peu de théorie, à condition qu'elle soit construite avec autant de talent, apporte à la compréhension du monde –, la vie a besoin d'un cocktail d'ordres et de désordres, de laisser faire avec quelques règles qui régissent le fonctionnement. L'Inde – et singulièrement Calcutta – en est l'incarnation, avec un minimum de règles.
Quand je compare Paris à Calcutta, je retrouve le parallélisme entre la Provence et la jungle : l'un est ordonné, structuré, fortement minéral, largement artificiel ; l'autre est foisonnant, aléatoire, biologique, fortement spontané.
J'aime profondément ma maison en Provence, mais chaque fois que je regarde la dureté de ce paysage fait de murs en pierre, de vignes et de chênes verts, je repense avec nostalgie à l'énergie verte de la jungle nord-thaïlandaise. Là-bas sous la puissance conjuguée de la chaleur et de l'eau, les plantes y ont une énergie incroyable et le vert y prend une couleur surnaturelle, noyée dans un jaune venu d'on ne sait où. Les bambous montent au ciel, le goudron des chaussées est dévoré par la force qui rampe sous lui, la nature est la vie et mange tout sur son passage.
A chaque fois que j'arrive au nord de Chiang Mai, je ressens cette bouffée de puissance qui me ressource. La nature y est violente, indisciplinée, sauvage. On la sent roder, prête à prendre le pas sur nous. En Europe, elle est disciplinée, construite, reconstruite, artificielle. Nous ne pouvons pas avoir peur d'elle, car nous l'avons domestiquée. Le moindre sursaut de sa part nous inquiète : un peu de neige, un hiver un peu plus froid, un été un peu plus chaud, et rien ne va plus.
En dehors de l'Europe, rien de tel. Quand il pleut, les flots submergent vite champs, routes et même trottoirs. Il n'est pas rare à Calcutta de marcher avec l'eau au-dessus du genou. Imaginer si cela se produisait à Paris ! Les villes nord-américaines sont aussi moins assagies aussi que les nôtres : chaque année ou presque Washington ferme en hiver pour cause d'intempéries. Pendant quelques jours, plus d'écoles, plus de travail, plus de supermarché, chacun reste chez soi, enfermé… En Europe, le thermomètre ne va pas dans ces extrêmes.
Marcher dans la jungle, c'est une immersion énergétique ; plonger dans ce vert, c'est un bain de boue de vitalité. Alors, je ressens cette bouffée de puissance qui me ressource. La nature y est violente, indisciplinée, sauvage, mais vivante. On la sent roder, prête à prendre le pas sur nous. Elle pousse à la vigilance, car sa puissance sauvage n'attend qu'un relâchement de l'homme pour reprendre le dessus : l'entretien oublié d'une route, la peinture d'une façade non renouvelée, les jeunes pousses laissées prendre goût à l'énergie de leurs croissances potentielles, et tout explose, plus de route, plus de maison, juste du vert qui se propage et se multiplie.
En miroir à cette puissance sauvage, les rues de Calcutta vibrent d'une énergie vibrionnaire. Comme la jungle, elles sont le lieu du combat entre ordre et désordre. En marchant dans ces rues, je suis plongé dans la vision de la vie d'Edgard Morin : tout se fait dans un désordre qui peut nous faire croire à l'inefficacité globale, mais comme dans la jungle, la vie nait de ce désordre. Comme l'a théorisé Edgar Morin – un peu de théorie, à condition qu'elle soit construite avec autant de talent, apporte à la compréhension du monde –, la vie a besoin d'un cocktail d'ordres et de désordres, de laisser faire avec quelques règles qui régissent le fonctionnement. L'Inde – et singulièrement Calcutta – en est l'incarnation, avec un minimum de règles.
Quand je compare Paris à Calcutta, je retrouve le parallélisme entre la Provence et la jungle : l'un est ordonné, structuré, fortement minéral, largement artificiel ; l'autre est foisonnant, aléatoire, biologique, fortement spontané.
2 nov. 2010
ON NE CHANGE PAS DE STRATÉGIE COMME ON CHANGE DE CHEMISE !
La route sera longue et difficile
Mais pourquoi ne pas juste se laisser glisser paresseusement vers sa mer ? Puisque l'on a choisi la bonne, puisque le chemin est là, puisque les potentiels de situations sont favorables, pourquoi aurions-nous des efforts à faire ? Malheureusement, ce n'est pas si simple : construire la bonne stratégie garantit seulement de pouvoir atteindre la mer, l'existence des potentiels de situations favorables de ne pas s'épuiser en allant à contre-courant. Mais comme le trajet précis est inconnu, comme des concurrents peuvent chercher à doubler, comme des difficultés transitoires vont surgir, il va falloir inventer les solutions en temps réel et trouver des voies pour franchir les obstacles.
Aussi attention aux allers-retours coûteux :
Extrait des Mers de l'incertitude
La marque de vêtements Loft Design by a inscrit sur bon nombre de ses produits : « Art is a dirty job, but somebodys got to do it». C'est un peu la même chose qu'il faut graver de partout dans l'entreprise : « Achieving our goals is a dirty job, but somebody's got to do it » !
Mais pourquoi ne pas juste se laisser glisser paresseusement vers sa mer ? Puisque l'on a choisi la bonne, puisque le chemin est là, puisque les potentiels de situations sont favorables, pourquoi aurions-nous des efforts à faire ? Malheureusement, ce n'est pas si simple : construire la bonne stratégie garantit seulement de pouvoir atteindre la mer, l'existence des potentiels de situations favorables de ne pas s'épuiser en allant à contre-courant. Mais comme le trajet précis est inconnu, comme des concurrents peuvent chercher à doubler, comme des difficultés transitoires vont surgir, il va falloir inventer les solutions en temps réel et trouver des voies pour franchir les obstacles.
Ce sont les débuts qui sont les plus critiques. Un fleuve qui vient de quitter sa source, est petit, faible, et fragile. Il ne peut franchir une difficulté qu'en contournant un rocher ou en accumulant de l'énergie pour repousser une branche. Puis, petit à petit, au fur et à mesure de son avancée, il va gagner en puissance et en force. Seuls de grands obstacles vont le ralentir, mais rien ne pourra l'arrêter : il ira jusqu'à la mer.
Idem pour une entreprise. Les débuts sont les plus dangereux. Aussi ne faut-il pas enchaîner les commencements !
Aussi attention aux allers-retours coûteux :
- En 1980, le cimentier Lafarge entre dans la biochimie au travers de la création d'Orsan, et s'en retire complètement en 1994.
- En 1979, Schlumberger, entreprise spécialisée dans les services pétroliers, prend le contrôle de Fairchild, société spécialisée dans l'électronique et la revend en 1987 ; en 2001, Schlumberger achète Sema, société de services dans l'informatique et la revend deux ans plus tard.
Les « aventures » de la Compagnie Générale des Eaux se transformant en Vivendi pour renaître en Veolia sont un autre cas d' « errance stratégique ».
Extrait des Mers de l'incertitude
29 oct. 2010
JE NOUS SOUHAITE DE BONNES BIÈRES !
_____ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________
28 oct. 2010
QUAND UNE REVUE SPÉCIALISÉE SUR LA SÉCURITÉ PARLE DES "MERS DE L'INCERTITUDE"
L'humour est présent, ce qui donne à ce livre dont l'objet est très sérieux, une légèreté rare qui lui donne toute sa valeur.
« Ce livre est le fruit de l'expérience d'un dirigeant de très grande entreprise qui est aujourd'hui conseil auprès des grands groupes internationaux. Le message qui y est délivré a été structuré autour de l'incertitude, c'est-à-
dire autour du futur, puisque celui-ci a du mal à être dessiné avec exactitude.
L'imprévu étant la norme, comment y faire face ? Telle est la question qui y est posée.
Une question qui est déclinée en trois points :
- quelle attitude avoir ? Analyser la situation et se refuser à faire des prévisions chiffrées et détaillées au-delà de l'horizon immédiat ;
- comment se fixer un objectif ? En cherchant à sentir vers quoi vont les courant et les évolutions et viser celles qui correspondent aux aptitudes de l'entreprise ;
- comment agir au quotidien ? En lâchant prise, c'est-à-dire en prenant appui sur les courants.
Et, après avoir ainsi défini la démarche, Robert Branche montre que l'incertitude étant structurelle, ne saurait être vue comme provisoire et que, dès lors, elle doit être vue non comme un obstacle à la maîtrise, mais comme une « formidable opportunité », comme le moteur de l'innovation. Tissé autour de références vécues et d'observations pratiques l'auteur se moque des modèles déterministes fondés sur la certitude et condamne les prévisions « à coup de tableurs mathématiser (et de) se préoccuper plus des ruptures majeures improbables que des battements d'aile d'un papillon ». On le voit, l'humour est présent, ce qui donne à ce livre dont l'objet est très sérieux, une légèreté rare qui lui donne toute sa valeur.
À lire absolument. »
Septembre-octobre 2010 - N° 113 - Préventique Sécurité
« Ce livre est le fruit de l'expérience d'un dirigeant de très grande entreprise qui est aujourd'hui conseil auprès des grands groupes internationaux. Le message qui y est délivré a été structuré autour de l'incertitude, c'est-à-
dire autour du futur, puisque celui-ci a du mal à être dessiné avec exactitude.
L'imprévu étant la norme, comment y faire face ? Telle est la question qui y est posée.
Une question qui est déclinée en trois points :
- quelle attitude avoir ? Analyser la situation et se refuser à faire des prévisions chiffrées et détaillées au-delà de l'horizon immédiat ;
- comment se fixer un objectif ? En cherchant à sentir vers quoi vont les courant et les évolutions et viser celles qui correspondent aux aptitudes de l'entreprise ;
- comment agir au quotidien ? En lâchant prise, c'est-à-dire en prenant appui sur les courants.
Et, après avoir ainsi défini la démarche, Robert Branche montre que l'incertitude étant structurelle, ne saurait être vue comme provisoire et que, dès lors, elle doit être vue non comme un obstacle à la maîtrise, mais comme une « formidable opportunité », comme le moteur de l'innovation. Tissé autour de références vécues et d'observations pratiques l'auteur se moque des modèles déterministes fondés sur la certitude et condamne les prévisions « à coup de tableurs mathématiser (et de) se préoccuper plus des ruptures majeures improbables que des battements d'aile d'un papillon ». On le voit, l'humour est présent, ce qui donne à ce livre dont l'objet est très sérieux, une légèreté rare qui lui donne toute sa valeur.
À lire absolument. »
Septembre-octobre 2010 - N° 113 - Préventique Sécurité
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