14 janv. 2011

LE TEMPS EN CHANSONS

_____ Musique du vendredi ________________________________________________________________

Trois regards sur le temps qui passe
  • Le regard désabusé et déjà amer de Cali face à ses trente-deux ans : "Tout va bien"
Ma mémoire est un scaphandrier qui suffoque tout au fond de la mer
Il pleure sur le trésor qu'il ne remontera jamais
Ma jeunesse est morte hier
Et la nuit s'avance vers mes trente deux ans
  • La désespérance de Ferré : "Avec le temps"
L'autre à qui l'on croyait pour un rhume, pour un rien
L'autre à qui l'on donnait du vent et des bijoux
Pour qui l'on eût vendu son âme pour quelques sous
Devant quoi l'on s'traînait comme traînent les chiens
  • Le rock décalé de Dominique A : "Le Regard des oiseaux"
Si seulement nous avions le courage des oiseaux
Qui chantent dans le vent glace

Et ensuite, à chacun de faire comme il peut...



13 janv. 2011

« ON NE PEUT PAS VÉRIFIER CE QUI SE PASSE AU CIEL, ALORS QUE L’ON A PU VÉRIFIER CE QUI SE PASSAIT EN UNION SOVIÉTIQUE »

Quand Edgar Morin fait l'éloge de la résistance

Le 7 juin 2010, Edgard Morin a été l'invité d'une rencontre Fnac-Le Monde, intitulée « Éloge de la résistance ».
La vidéo ci-dessous reprend la troisième partie de cette rencontre(1) au cours de laquelle il en vient à ses réflexions sur la complexité et l'évolution actuelle du monde.
Il y développe notamment à partir de l'exemple de l'industrie du film à Hollywood l'importance de la relation entre production et création, et la nécessité de comprendre que la relation n'est pas antagoniste, mais complémentaire.

Voici aussi quelques échantillons de ses propos :
« Je vois la contradiction à l'intérieur d'un camp. (…) Le contraire d'une grande vérité n'est pas une erreur, mais une autre vérité. »
« Quand je suis rentré au CNRS, j'avais 30 ans. J'étais un jeune chercheur, ce que je suis resté, dans le langage du CNRS, jusqu'à presque 50 ans. Mais quand j'avais 22 ans, j'étais un jeune chef de la résistance. Personne ne m'a dit : Vous êtes un jeune chef. (…) Il fallait que je vieillisse pour que les critères académiques me trouvent jeune. »
« Le calcul est aveugle sur la vie. »
« Après cette religion du salut terrestre qu'était le communisme, ressuscitent les religions du salut céleste qui sont elles beaucoup plus solides, car on ne peut pas vérifier ce qui se passe au ciel, alors que l'on a pu vérifier ce qui se passait en Union Soviétique. »
« L'éthique est une double résistance : la résistance à la cruauté du monde, car la nature est notre mère et notre marâtre, et la résistance à la barbarie humaine »




(1) Les deux premières parties sont aussi disponibles sur YouTube (1ère partie, 2ème partie). Il y expose notamment ce qui l'a amené à devenir résistant face à l'occupation, sa relation complexe avec le communisme et son implication au moment de la guerre d'Algérie. L'intégrale de cette rencontre est disponible sur YouTube

12 janv. 2011

IL N’EST PAS TRÈS POPULAIRE D’AFFIRMER L’IRRÉDUCTIBILITÉ DE L’INCERTITUDE

Au secours, il ne sait pas !

Lundi, j'ai mis en ligne la courte vidéo tournée lors de ma conférence faite le 18 décembre 2010 auprès du Conseil Général de l'Eure. Dans cette vidéo, j'insiste notamment sur le fait que l'incertitude est irréductible, et que le rôle du management n'est donc pas de lutter contre elle, mais de prendre appui sur elle.

Sur ma proposition, cette vidéo a aussi été reprise sur le site AgoraVox TV. Ceci a permis d'amplifier sa diffusion et aussi de recueillir des réactions d'un public plus vaste, et moins sensible à mes propos sur l'incertitude. Le site permet à ceux qui visionnent un article ou une vidéo d'indiquer s'ils sont d'accord ou pas avec les propos tenus.
Quels ont été les avis sur ma vidéo ? Le résultat est net et clair : les ¾ ont été négatifs ! Je ne suis pas surpris : une fois de plus, il n'est pas très populaire d'affirmer l'irréductibilité de l'incertitude. Pour la plupart des gens, tout responsable qui dit ne pas pouvoir prévoir, est un menteur ou un incapable…

C'est d'ailleurs ce que dit Henri Atlan dans son dernier livre, La philosophie dans l'éprouvette, livre dont j'ai donné un patchwork, hier : « Peu d'experts ont le courage d'annoncer qu'ils ne peuvent pas répondre à la demande même en probabilité. Ils cèdent le plus souvent à la tentation de donner tout de même une réponse, soit pour rassurer, soit pour mettre en garde. »

Il est plus que temps de faire la pédagogie de l'incertitude !

11 janv. 2011

« LE NOMBRE D’ATTRACTEURS POSSIBLES VERS LESQUELS LE SYSTÈME PEUT CONVERGER EST BEAUCOUP PLUS PETIT QUE LE NOMBRE DE MODÈLES ET DE CHEMINS POUR Y ARRIVER »

Quand biologie, philosophie et incertitude s'emmêlent…

Patchwork tiré du nouveau livre d'Henri Atlan (*), La philosophie dans l'éprouvette.

Vie, auto-organisation, redondance
« Détournant une phrase de Schrödinger dans son fameux livre Qu'est ce que la vie ? selon laquelle la vie se nourrit d'ordre, Heinz von Foerster avait déclaré : « la vie a aussi du désordre au menu ». »
« Je me suis rendu compte qu'on peut rendre compte de ce genre de phénomène de façon formelle en mettant en évidence le rôle du hasard et d'une redondance initiale dans la création d'information. Ainsi des phénomènes classiquement considérés comme source de désorganisation et de mort sont apparus comme parties intégrantes de processus caractéristiques du vivant. »
«  Aujourd'hui, on s'aperçoit que les réactions chimiques dont on croyait qu'elles étaient les plus déterministes s'effectuent avec une part non négligeable d'aléatoire qui joue un rôle important dans la création de la diversité développementale. »

Sous-détermination des modèles et incapacité à prévoir
« Au contraire, la difficulté vient de ce que nous disposons de trop de bons modèles sans que les observations disponibles permettent de décider si l'un est meilleur que les autres, et idéalement de les éliminer tous sauf un. Or ces modèles reposent sur des hypothèses différentes et conduisent à des prédictions différentes sur de nouvelles observations futures éventuelles. C'est ce que j'avais alors appelé la « sous-détermination des modèles par les observations ».
« Quand on a affaire à un système complexe naturel sur lequel on ne peut pas expérimenter, comme c'est le cas par exemple en géologie, en volcanologie et en climatologie, une énorme sous-détermination des modèles par les observations est inévitable. Ceci doit rendre très prudent dans l'interprétation des rapports avec la réalité de ces modèles pourtant bons et validés par les observations disponibles ; et réservé sur la croyance à accorder aux prédictions d'évolutions futures qui en sont déduites. En outre, cette sous-détermination est souvent intrinsèque au système étudié et pas seulement une insuffisance de la modélisation. C'est ce que l'on observe parfois en biologie quand il existe une grande redondance fonctionnelle »
« Tout cela doit inciter à la prudence. Il ne suffit pas d'avoir trouvé le bon modèle qui explique ce que l'on observe pour conclure que ce modèle est vrai, et pour croire que les extrapolations qu'on pourra faire à partir de lui pour l'avenir sont forcément exactes. »

Sous-détermination et convergence
« Le fait de parvenir assez rapidement à la même conclusion est un aspect positif de la sous-détermination des modèles par les observations qui devient ici la sous-détermination des motivations par les conclusions. Ceci peut s'appliquer de manière intuitive : plus on a affaire à une question particulière et plus le nombre de réponses possibles se réduit. À la limite, il n'y a que deux ou trois possibilités : oui, non, ou à certaines conditions. En revanche, le nombre de raisonnements possibles pour y parvenir est beaucoup plus important, chacun d'eux dépendant d'un ensemble différent d'axiomes, de principes, de croyances, de visions du monde. Autrement dit, comme j'ai pu l'observer en construisant des modèles de réseaux immunitaires, le nombre d'attracteurs possibles vers lesquels le système peut converger est beaucoup plus petit que le nombre de modèles et de chemins pour y arriver. »

Expertise et incertitude
« Il faut reconnaître que l'expertise scientifique en situation d'incertitude est difficile. Peu d'experts ont le courage d'annoncer qu'ils ne peuvent pas répondre à la demande même en probabilité. Ils cèdent le plus souvent à la tentation de donner tout de même une réponse, soit pour rassurer, soit pour mettre en garde. »
« Plutôt que de tenter de prévenir des risques globaux incertains par des mesures globales à l'efficacité tout aussi incertaine, mieux vaut résoudre les problèmes localement en corrigeant ce qui peut l'être et en s'adaptant à ce qui ne peut pas être évité à court terme, par des mesures d'urbanisation et éventuellement de déplacements de population si c'est nécessaire. Plutôt que « sauver la planète », sauver les populations dénutries et sans eau potable. »
« Lorsque (les experts scientifiques) se trouvent dans une situation d'incertitude, ils recourent alors aux statistiques ou aux modèles, c'est-à-dire à une forme de demi-mensonge sans trop insister sur les interprétations critiques des résultats. »

(*) Voir aussi « Ciel, Dieu me parle », le florilège que j'avais tiré de son livre « A tort et à raison »

10 janv. 2011

7 janv. 2011

TROIS FORMES DE SOUHAITS EN CHANSON

_____ Éditorial du vendredi _______________________________________________________________





6 janv. 2011

ON FAIT SON ANNÉE COMME ON LA VIT

Bonne année à tous !

Voilà donc arrivé le moment de vœux de bonne année. Je ne veux évidemment pas déroger à cette tradition bien établie et sympathique puisqu'elle consiste à souhaiter le meilleur à ceux que l'on connaît et avec qui on est contact.
Mais que veut dire : souhaiter le meilleur ?

Il s'agit souvent de vœux de bonne santé. Dans ce cas, pas de soucis : effectivement, nous sommes d'abord des enveloppes physiques et notre cerveau – et donc ce qui supporte notre pensée et notre identité –, est un viscère. Aussi la santé est-elle un pré-requis à tout le reste. Mens sana in corpore sano, comme l'a dit un de nos romains ancêtres…

Mais pour le reste… Comment définir ce qui est meilleur, et comment le souhaiter à l'avance ? Tout est tellement aléatoire, incertain et personnel. Toute rupture, même douloureuse et subie, peut être à l'origine d'un nouveau départ. Tout succès apparent peut être l'occasion d'un endormissement et de la perte d'autres vraies opportunités.
Je crois vraiment que l'on réussit son année si l'on la construit jour après jour en saisissant ce qui se présente et en sachant aussi s'arrêter régulièrement pour prendre du recul. Un proverbe dit « on fait son lit comme on se couche ». En le paraphrasant, je dirais : « on fait son année comme on le vit. »

Ceci ayant été précisé, bonne année à tous les lecteurs de ce blog !

5 janv. 2011

NOUS AVONS BESOIN DE “TOY TRAINS”


BEST OF 2010 (publié les 20 et 21 octobre)

Pourquoi ne pas promouvoir le voyage arrêté ?

Dans les contreforts de l'Himalaya, dans les derniers kilomètres arrivant à Darjeeling, un train pousse à l'extrême la lenteur, puisque sa vitesse moyenne est inférieure à dix kilomètres par heure. Mais qu'importe ! Il n'est pas vraiment là pour permettre de se déplacer, mais simplement pour venir souligner la route sinueuse et les paysages escarpés. Pour ceux qui veulent aller plus vite, il y a les jeeps. Mais parler de vitesse même dans ce cas serait abusif, car, vu l'état de la route et la difficulté de procéder au moindre croisement, la vitesse moyenne est de vingt kilomètres par heure. Cette lente approche vers Darjeeling est une saine préparation à ce pays des brumes et du flou. Lent et progressif atterrissage.

Alors quitte à aller lentement, autant prendre le train ! Tiré par une locomotive à vapeur, il rappelle des images vues dans de vieux films. Sensation d'être au cœur d'une reconstitution historique. Ce train est appelé « Toy train », le train jouet. Je trouve cette appellation injuste et pour tout dire irrespectueuse de ce train qui fait ce qui peut et qui, finalement fait ce que l'on attend d'un train : il nous déplace ! Il est vrai qu'il ressemble à ces trains Märklin qui ont bercé mon enfance, mais pourquoi l'afficher ainsi ? Il pourrait se vexer, alors à quoi bon.

Ce train circule au milieu des voitures, des boutiques, des maisons, de la vie. Un anti-TGV sur tous les points ! Pas de barrières qui l'entourent, un confort plus que relatif, des arrêts fréquents pour remettre de l'eau dans la machine, la possibilité en côte de descendre du train et de remonter sans difficulté… Le TGV n'a pas à faire son fier, j'aimerais bien voir ce qu'il serait capable de faire sur les pentes raides qui vont à Darjeeling !

Comme les voitures, le train klaxonne, ou plutôt siffle, pour annoncer son passage et écarter ceux qui se trouvent sur sa voie, humains, animaux ou voitures. Car le train ne va pas s'arrêter, alors tout le monde se pousse. Dommage qu'il n'y ait pas de vaches dans ce coin, car j'aurais aimé voir qui allait gagner : le train allait-il arriver à faire se déplacer les flegmatiques vaches indiennes qui, se sachant sacrées, n'ont aucune raison de se faire du souci pour leur survie ? Pourquoi bouger ?

- Voir ci-dessous le film que j'ai pris sur le « Toy Train » -




Assis dans le train, je ne pense plus au déplacement – peut-on encore parler de déplacement à cette vitesse ? – et me laisse glisser dans une douce paresse. Je repense à cette chanson de Bénabar dans laquelle une jeune femme fait tout ce qu'elle peut pour arriver en retard. Elle cherche le moyen de déplacement le plus lent, espère manquer sa correspondance, choisit l'itinéraire le plus long. Comme je la comprends. Moi aussi, assis dans ce train, pris par la magie du train, la lenteur de ce paysage qui ne défile pas, mais glisse doucement, absorbé par les brumes de Darjeeling qui absorbent tout progressivement, je m'endors doucement

Prendre ce train, c'est aussi un peu comme lire Proust : une délicieuse sensation de surplace, d'approfondissement de la compréhension, de capacité à zoomer dans les détails du paysage comme Proust zoome à l'intérieur des situations.

Moi qui aime me sentir me déplacer pour avoir le temps de me préparer, je suis comblé ! J'aurais tellement ralenti que je vais avoir le plus grand mal à repartir de Darjeeling. Pourquoi aller ailleurs ? Pourquoi bouger ? Pourquoi voyager ?

Je suis loin de celui que j'étais dix ans plus tôt. Alors habitué à vivre professionnellement dans et entre les avions – le temps passé dans les avions était alors quasiment le seul disponible à la réflexion –, j'étais venu en Inde pour changer de millénaire : deux jours à Bombay, deux jours à Goa, puis à nouveau 2 jours à Bombay, six jours en tout en Inde. A un ami qui m'avait fait remarqué que c'était court, j'avais alors répondu : « mais j'ai passé deux nuits de suite au même endroit, où est le problème ? ».

Assis dans le « toy train », je suis conscient d'être arrivé à un autre extrême, mais est-ce vraiment un extrême ? Est-ce qu'en courant, en zappant, on est efficace ? Comme j'ai souvent eu l'occasion de le dire ou de l'écrire, s'il suffisait de courir pour être efficace, toutes les entreprises le seraient, car je ne vois que des gens qui y courent…

Pourtant quand survient une catastrophe comme le nuage de cendres islandais, ces mêmes dirigeants, si pressés, si indispensables, se retrouvent bloqués à l'autre du bout du monde et se rendent compte que le système continue à fonctionner sans eux. Forts de ce repos forcés, ils ont eu du temps libre devant eux…

Nous devrions promouvoir un peu partout des « toy trains », des espaces où le temps et le mouvement s'arrêteraient pour permettre à tout un chacun à réfléchir à ce qu'il fait.

4 janv. 2011

IL EST MOINS DANGEREUX D’INVENTER UN LION QUE D’EN MANQUER UN


BEST OF 2010 (publié le 7 septembre)

Nous avons été sélectionnés pour notre capacité à nous inventer des ennemis

Dans sa conférence diffuse par TED (voir ci-dessous), Michael Shermer parle de notre propension à construire des causalités artificielles.
Il commence en disant : « Croire est notre état naturel, notre option par défaut… L'incrédulité, le scepticisme, la science ne sont pas naturels. C'est plus difficile, plus inconfortable de ne pas croire. » D'où cela vient-il ? De nos origines animales.
Ainsi qu'il l'explique, quand on est dans la jungle, il vaut mieux se tromper en prenant le bruit du vent pour celui de la marche du lion que l'inverse : dans le premier cas, on a seulement fait une erreur de jugement et on n'en ressort qu'un peu plus stressé, mais toujours vivant ; dans le deuxième cas, on n'aura aucune chance de s'améliorer, car on sera devenu le déjeuner du lion. Il fait donc l'hypothèse que l'évolution a renforcé les individus qui attribuaient des causes à tout ce qu'ils percevaient.

D'où notre tendance à chercher constamment ce qui est caché derrière ce que l'on voit ou entend, ce qu'il appelle notre « pattern-seeking brain process ».
Au besoin, non seulement nous « inventons » des liens, des configurations, mais nous leur prêtons des intentions : d'abord le bruit que nous entendons, n'est pas le fruit du hasard, ensuite il devient provoqué par quelque chose qui poursuit un but, celui de nous attaquer. Nous passons ainsi de la création de liens artificiels à l'invention de buts et de finalités.
Et, plus notre survie sera en jeu, la situation incertaine, notre sensation de contrôle faible, plus nous inventerons des menaces qui rodent et rampent autour de nous.
A méditer…



3 janv. 2011

« AYEZ LE COURAGE DE SUIVRE VOTRE CŒUR ET VOTRE INTUITION »


BEST OF 2010 (publié le 6 septembre)

Quand Steve Jobs parle de son adoption, de son échec à 30 ans et de la mort…

Le 12 juin 2005, Steve Jobs est intervenu lors de la remise des diplômes de l'Université de Stanford (voir la vidéo ci-dessous). En quinze minutes, il explique comment trois épisodes clés de sa vie ont construit l'homme qu'il est. Ces moments sont éminemment personnels. En voici le résumé :
- « Vous ne pouvez pas relier des événements à l'avance, vous ne le pouvez qu'en regardant en arrière »(1) : Dans la première, il raconte qu'il a été adopté, car sa mère biologique voulait qu'il puisse suivre des études universitaires, et qu'elle savait n'en avoir jamais les moyens. Des années plus tard, il fut effectivement admis à l'Université, mais ne put finalement faire face aux coûts de la scolarité que pendant six mois. Il a alors quitté le parcours officiel pour ne suivre que les cours qui lui plaisaient vraiment. C'est ainsi qu'il s'est intéressé à l'art de la calligraphie. Dix ans plus tard, c'est ce qui lui permit de donner naissance au design d'Apple et à sa typographie.
- « La seule façon de faire du bon travail est d'aimer de ce que l'on fait »(2) : Dans la deuxième, il explique comment il a été licencié de l'entreprise qu'il avait créée, Apple. A trente ans, il a dû se remettre en question et supporter la perte de ce qu'il avait construit. Après un moment de doute, il a compris que, même rejeté, il aimait toujours ce qu'il avait fait et qu'il devait recommencer de nouvelles aventures. Sont ainsi nés Pixar et Next. Pixar a révolutionné le monde des dessins animés, et Next a finalement été rachetée et sa technologie est au cœur aujourd'hui d'Apple.
-  « Si ce jour était le dernier jour de ma vie, est-ce que je voudrais faire ce que j'ai prévu de faire aujourd'hui ? »(3) : Dans la troisième, il dit que l'arrivée possible de la mort a toujours conduit ses choix. Face à la mort, on comprend que l'on n'a rien à perdre. Il y a un an, il a appris qu'il avait un cancer du pancréas et qu'il n'avait plus que quelques mois à vivre. Finalement il s'est avéré qu'il avait une des rares formes de ce cancer susceptible d'être traité, et le voilà donc aujourd'hui guéri.
Il termine en disant aux étudiants que, reprenant une devise qu'il avait toujours suivie, de « rester affamé et stupide »(3) !
Au-delà de la richesse et la profondeur des propos tenus, ce qui me frappe est leur sincérité et la capacité de Steve Jobs à parler vrai : il parle simplement de lui-même, montrant qu'il n'y a pas deux Steve Jobs, l'un qui dirige Apple, l'autre qui est un homme privé. Il est un et unique, et c'est sa force.
Imaginerait-on un dirigeant français être capable de tels accents de sincérité et de se mettre ainsi en jeu aussi personnellement ? Et un homme politique ?

(1) "You can't connect the dots looking forwards, you can only connect them looking backwards."
(2) "The only way to do great work is to love what you do"
(3) "If the day was the last day of my life, would I want to do what I am about to do today?"
(4) "Stay hungry, stay foolish"