23 mars 2015

L’ÉCHEC PATENT DES POLITIQUES ACTUELLES

Marché du travail : la grande fracture (5)
Deuxième choix fait par les gouvernements français : l’augmentation des cotisations sociales sur les hauts salaires qui, pour les cadres dont les niveaux de rémunération sont supérieurs à deux Smic, se sont accrues de 5 %.
Est-ce que ceci s’est traduit par un renchérissement du coût du travail ou un abaissement symétrique de la rémunération nette des cadres ? La réponse est nette : quand la puissance publique prélève 1 € de plus, les salaires nets baissent d’autant.
Donc le transfert des charges sociales a effectivement réduit les inégalités de salaires nets. Cumulé avec la hausse du Smic, la France a atteint son objectif.
Seulement ceci s’est fait au prix de l’accroissement du chômage pour les salariés peu qualifiés, et d’un prélèvement massif sur les salaires supérieurs à 1,5 Smic. 
Manifestement cette politique ne peut être poursuivie plus longtemps, car elle a conduit au chômage de masse.
Le récent CICE est-il un pas dans la bonne direction ?
Oui à cause de son impact sur le coût du travail qui est évalué à 2 % par Eurostat. Non, car son effet n’a été que bref : comme sur ce segment, c’est le plein emploi, les salariés captent rapidement à leur profit cet avantage… et ni le coût du travail ne baisse, ni de nouveaux emplois sont crées. Les réductions de charges sur les salaires moyens sont inefficaces. Un coup d’épée dans l’eau donc !
Que faudrait-il donc faire ?
(à suivre)

20 mars 2015

MENSONGE

Se croire important
Ne pas bouger, ne pas vibrer, ne pas respirer,
Pas un souffle, pas un mouvement, pas un bruit.
Le futur est suspendu à mon immobilisme,
Tout est déjà tombé, détruit, tout autour de moi.
Depuis si longtemps, depuis si longtemps, 
Que je tiens le monde à bout de colonne.
Depuis si longtemps, depuis si longtemps, 
Que je glisse et dérape, petit à petit.
Sentir la fin venir, m’en croire responsable,
Sentir le poids des autres peser sur mes épaules.
Et croire que je pourrai lutter contre le flot du temps,
Et croire que le monde peut être sauvé.
Depuis si longtemps, depuis si longtemps, 
Que tout a déjà été détruit et consumé.
Depuis si longtemps, depuis si longtemps, 
Que je ne suis que l’usurpateur de vos vies. 
(Photo prise en juillet 2011 au temple Banteay Kdei, à Angkor – Cambodge)

19 mars 2015

CORRÉLATION ENTRE CROISSANCE DU SMIC ET DU CHÔMAGE DE MASSE

Marché du travail : la grande fracture (4)
Face à cette polarisation, le gouvernement français a cherché à combattre la croissance des inégalités, ce, selon l’Institut Montaigne, au travers de deux leviers principaux : la hausse du SMIC net pour éviter la baisse des bas salaires, le déplacement de la masse des cotisations sociales des bas vers les hauts salaires.
Mais si ces doubles mesures auraient efficacement lutté contre la croissance des inégalités, elles auraient contribué à accroître le chômage. Comment ? A cause d’une double erreur de raisonnement.
D’abord la croissance du SMIC a conduit mécaniquement à une augmentation de tous les salaires les moins payés. Le SMIC a ainsi compressé les inégalités de revenu.
Parallèlement à cet accroissement du SMIC, les gouvernements successifs ont réduit les charges sociales sur les bas salaires : entre 1993 et 2009, elles ont diminué de 26 %.

Mais malgré cette baisse, le coût du travail non-qualifié a augmenté en France de 12 % entre 1990 et 2010. Selon l’Institut Montaigne, à la différence des USA où les bas salaires n’ont pas du tout progressé, ceci a conduit à un coût trop élevé pour permettre à la création d’emplois non-qualifiés d’absorber le choc de la polarisation.
Le graphique reliant la probabilité d’être au chômage un an plus tard, et niveau de salaire de la profession, vient à l’appui de cette affirmation : ce sont les professions dont le salaire moyen est proche du SMIC qui connaissent les taux de chômage les plus élevés.
Au-delà de 1,5 SMIC, le taux de chômage devient inférieur à 5%, ce qui correspond à une situation de plein emploi.
Est-ce vraiment cet accroissement du SMIC qui est à l’origine de ce taux élevé ? Difficile à affirmer aussi nettement, car on pourrait aussi dire qu’il est normal de trouver une corrélation entre niveau de salaire et taux de chômage : plus ce taux est élevé, plus la pression vers le bas des salaires est forte.
Quoi qu’il en soit, il est certain que l’on peut affirmer que la lutte contre les inégalités, n’a pas contribué à résoudre le chômage de masse des personnes non-qualifiées.
(à suivre)

18 mars 2015

POLARISATION ET EFFONDREMENT DES CLASSES MOYENNES

Marché du travail : la grande fracture (3)
Est-ce que la baisse de l’emploi manufacturier aux USA est due aux délocalisations dans les pays à bas salaires ? Selon une étude réalisée en 2013, la réponse est non : ces délocalisations n’expliqueraient que 25% de cette baisse.
Le moteur essentiel est autre : c’est le développement des technologies de l’information et de l’automatisation qui tend à faire disparaître toutes les tâches de nature répétitives, tant dans les usines que dans les bureaux.
On aboutit ainsi, depuis les années 1980, à un phénomène de polarisation avec une très forte diminution des emplois de milieu de gamme. 
Cette polarisation, on la retrouve aussi en France. Le graphique de l’évolution entre 1990 et 2012 du poids des catégories socio-professionnelles en fonction du niveau de rémunération est sans appel : « Les professions à rémunération intermédiaire se sont amenuisées, remplacées par des occupations qui sont soit moins rémunérées, soit plus rémunérées. »
En complément, l’Institut Montaigne a dressé la liste des catégories socio-professionnelles ayant le plus cru ou baissé, ce en se  limitant à la population salariée en dessous de 1,5 SMIC. La réponse est nette : « Elle confirme la disparition rapide des emplois techniques d’ouvriers non qualifiés ainsi que des tâches de secrétariat. Les emplois de services aux personnes tels les « employés de libre service », les « assistantes maternelles », les « infirmiers » ou encore les « chauffeurs/transporteurs » sont au contraire des emplois en forte hausse. »
Ainsi les emplois non-qualifiés ne disparaissent pas, mais il y a un remplacement de ceux qui sont automatisables, par ceux qui ne le sont pas.
Face à cette polarisation, quelle a été la réaction de l’État français ? 

(à suivre)

17 mars 2015

LA DÉSINDUSTRIALISATION N’EST NI NOUVELLE, NI LOCALE

Marché du travail : la grande fracture (2)
Deuxième volet de l’étude de l’Institut Montaigne, son analyse sur la polarisation du marché du travail, et la montée d’une société post-industrielle.
L’étude montre clairement que le phénomène de désindustrialisation auquel fait face la France n’est ni spécifique – tous les pays développés y sont confrontés –, ni récent – tout a commencé dès les années 70.
Il est ainsi frappant de voir les évolutions parallèles de la part de l’industrie dans le PIB : de partout elle a baissé de près de vingt points, et les écarts se sont maintenus. Les pays les plus industriels en 1970 le restent en 2010.
Simplement, si les évolutions en valeur absolue sont identiques, en valeur relative, la baisse est évidemment plus rapide : en 1970, la part de l’industrie en Allemagne était d’environ 48 %, contre 35 % en France, soit un peu plus d’un tiers de plus ; en 2010, elle est de 28% versus 19%, soit 50% de plus !
Ce sont donc au sein des pays où la part de l’industrie est historiquement la plus faible – la France, les États-Unis, le Royaume-Uni – que ce phénomène de désindustrialisation est le plus sensible. L’industrie y devient de plus en plus marginale, avec la sensation d’une quasi-disparition.
Dans ce contexte, que se passe-t-il sur le marché de l’emploi ? Y a-t-il une disparition des emplois peu qualifiés ? 
Pour répondre à cette question, l’étude nous propose de faire un détour par les États-Unis qui présentent une structure proche de la France.
(à suivre)

16 mars 2015

LE CHÔMAGE TOUCHE D’ABORD LES MOINS QUALIFIÉS

Marché du travail : la grande fracture (1)
L’Institut Montaigne vient de publier une nouvelle étude, « Marché du travail : la grande fracture ».
Cette étude montre d’abord le lien entre le taux de chômage et le niveau de formation : dans tous les pays, le taux de chômage est nettement plus élevé chez les peu qualifiés. Et la France se situe dans la queue du peloton des pays développés : seuls les pays d’Europe du Sud – Portugal, Grèce, Espagne, Italie – font pire que nous.
Jusque là rien de bien nouveau. Ce lien entre les deux et le retard de la France ont été établis depuis longtemps.
Plus intéressant, l’analyse faite par tranche d’âge qui montre que le handicap se situe dans la tranche des 55-64 ans : le retard de la France est un héritage du passé. Pour la tranche des 25-34 ans, on ne constate plus de retard en France.

Si tel est le cas, pourquoi alors avoir un plus fort taux de chômage des jeunes ? N’y a-t-il pas une contradiction avec le lien entre ce taux et le niveau de formation ? Car, si la formation des jeunes est meilleure que celle de leurs aînés, on devrait donc avoir moins de chômage dans cette sous-population.
Non, car il y a un biais dans le calcul par la non-prise en compte de tous les jeunes étudiants qui ne sont pas comptabilisés comme faisant partie de la population active : si la taux de chômage apparaît comme plus élevé chez les jeunes, ce n’est pas parce qu’il y a plus de chômeurs – effet de numérateur –, mais parce que l’on sous-estime la taille de la population – effet de dénominateur.
D’ailleurs, sur les trois millions de chômeurs en 2013, 70% ont plus de trente ans, et un tiers plus de quarante ans.
Ceci dit, il n’en reste pas moins donc que l’employabilité des personnes non qualifiées est un sujet majeur : peut-on casser ce lien entre chômage et niveau de qualification ? Ou formulé autrement, les non qualifiés sont-ils condamnés à vivre le chômage de masse ?
(à suivre)

13 mars 2015

RENCONTRE INSOLITE

Dans le nord de la Thaïlande
Depuis quelques heures, je m’étais laissé perdre dans les méandres des routes. D’une pente à l’autre, les paysages étaient mangés ou surgissaient.
Une pancarte esquissée sur la droite, un chemin de terre qui s’amorce, et un escalier qui attire mes pas.
Quelques minutes plus tard, un temple perdu dans un cœur de bambous, abandonné tout en étant en chantier.
Dans un océan de bâches plastiques noires, dans une architecture de tubulures rouillées, un bouddha impassible trône.
Rien ne peut perturber sa méditation. Rien ne peut lui faire lever les yeux. Rien ne peut ternir l’or qui le ceint.
Silencieusement, je m’accroupis. Insensible à l’humidité du lieu, aveugle à ce qu’il n’est pas, je plonge dans son vide.
Longtemps, longtemps, longtemps après, en glissant, je m’éloigne pour rejoindre le monde que j’avais quitté.
(Photo prise en août 2007 à Phra That dans la région de Doi Tung, située dans le Nord de la Thaïlande)

12 mars 2015

LA CRÉATION DE LA PRIME D'ACTIVITÉ, UN CANDIDAT AU GUINNESS DES DÉCISIONS ABSURDES

La logique de la dérive des dépenses publiques
La presse unanime s’est félicitée le gouvernement de Manuel Valls pour la mise en place de la nouvelle prime d'activité. Comment en effet ne pas se féliciter d'une mesure qui s'affiche comme simplificatrice en passant de deux primes, la prime pour l'emploi (PPE) et le revenu social d'activité (RSA activité), à une seule ? Surtout que pour ses bénéficiaires - ceux dont les revenus sont compris entre 0,5 et 1,2 SMIC -, elle sera plus avantageuse.
Champagne donc ?
Pas vraiment... car il y a un vice profond et (volontairement ?) caché dans cette mesure.
Revenons au système actuel et aux raisons qui ont amené cette décision.
Nous avons pour l'instant deux systèmes, la PPE et le RSA activité:
La PPE, étant versée sur la forme d'un crédit d'impôt sur le revenu, est parfaitement automatisée, avec des coûts de gestion voisins de zéro, car elle ne nécessite aucun travail additionnel pour l'administration, ni aucune démarche pour le bénéficiaire.
Le RSA activité est coûteux à distribuer (formulaires, guichet,...) et suppose que chaque bénéficiaire dépose chaque trimestre une demande... ce que moins de 40% font. Sans parler des risques de fraude, et donc du besoin de contrôler.
Pourquoi donc fusionner le premier au sein du second ? Ne serait-il pas plus logique lorsque l'on prône la simplification, les économies de dépenses publiques et la justice sociale, de faire l'inverse ? Quelle est la raison de cette décision qui heurte le bon sens commun ?
Elle est liée à un défaut congénital de la PPE : elle n'est versée qu'en année N+1.
C'est la seule raison mise en avant pour justifier que le RSA activité n'ait pas été fusionné au sein de la PPE. Pourtant, on pouvait mettre en place un mécanisme d'ajustement en année N+1 sans remettre en cause la PPE. Mais, non !
Décidément la machine bureaucratique aime les guichets et le contrôle. Et d'aucuns s'étonnent que la dépense publique continue de croître.
En espérant que cette solution n'a pas été choisie pour faire plaisir aux corporations qui cherchent à justifier leurs emplois ou, pire encore, en espérant cyniquement qu'une partie des sommes dues ne sera pas distribuée...
Enfin autre aberration de cette nouvelle mesure, la création d'un effet de seuil à 1,2 SMIC. Avec la nouvelle prime d'activité, pour un euro de plus, un salarié deviendra inéligible et verra donc son revenu net décroître.
Décidément, dès sa mise en œuvre planifiée pour janvier 2016, cette prime deviendra un candidat sérieux au Guinness des décisions absurdes. Il y a fort à parier que le prochain Président s'empressera alors de la supprimer, pouvant prouver, à bon compte, son efficacité en matière de gestion des deniers publics !

11 mars 2015

L’ABSENCE DURABLE DE CROISSANCE NOUS CONDAMNE À NOUS REMETTRE EN CAUSE

N’attendons pas qu’un miracle nous tombe du ciel et nous sauve ! (3)
Je ne sais pas lire l’avenir dans une boule de cristal, mais à la lecture de ces scénarios, il me semble plus que raisonnable de nous préparer à être au mieux à une croissance entre 0 et 1%, c’est-à-dire bien peu. Conclusion n’attendons pas de miracle venant de ce côté-ci !
A l’appui de ce raisonnement, je peux témoigner d’une conversation récente avec un ami en charge, au sein d’une des plus grandes banques mondiales, d’une cellule spécialisée sur la conseil auprès des fonds de pension. Les scénarios sur lequel il travaille sont bien ceux-là.
Est-ce à dire que nous sommes face à une catastrophe dans nos pays occidentaux ?
Non, car nous avons un capital accumulé considérable, et qu’une bonne partie de la population – disons les 20 à 30% les plus aisés –, gaspille allégrement l’argent qu’elle gagne dans des objets inutiles.
Nous devons donc nous remettre en cause, et développer des solidarités réelles et fortes !
Et quant à la France, ceci rend encore plus indispensable le fait d’avoir un système public ramassé et efficace. Le temps des vaches grasses est terminé, et nous devons durablement apprendre à concentrer nos dépenses publiques sur le nécessaire si nous voulons préserver le cœur de notre système social et éducatif, ainsi que maintenir les dépenses régaliennes que sont la justice, la sécurité ou la défense. Nous devons aussi recréer du lien et réapprendre à vivre ensemble.

Le miracle ne va pas nous tomber du ciel, et ce ne sont les incantations miraculeuses de notre Président actuel qui vont suffire !

10 mars 2015

CROISSANCE MONDIALE ET CROISSANCE DANS LES PAYS DÉVELOPPÉS

N’attendons pas qu’un miracle nous tombe du ciel et nous sauve ! (2)
Est-ce à dire que nous allons voir repartir la croissance mondiale ? Oui, mais nous avons la limite de l’accès aux ressources physiques rares et à l’accroissement de la consommation énergétique.
Aussi, si je vois effectivement, contrairement à ce que semble prévoir Patrick Arthus, la croissance mondiale repartir de l’avant, elle restera très probablement contrainte par ces ressources.
Quelle conséquence maintenant pour nos pays occidentaux, et singulièrement la France ? Peut-on raisonnablement parier sur un retour proche d’une croissance importante et durable, c’est-à-dire en moyenne supérieure à 2%, et proche de 3% ?
Non, car il faut prendre en compte un autre phénomène mondial, qui est celui du rattrapage des pays comme la Chine, le Brésil, l’Inde, et demain le reste de l’Asie, de l’Amérique du Sud et de l’Afrique.
Il est en effet plus que raisonnable de prendre comme hypothèse que, sous la conséquence de la poursuite de la mondialisation des entreprises et des flux économiques, les écarts entre pays vont inexorablement et tendanciellement continuer à se réduire. Un peu comme quand vous ouvrez les vannes entre des bassins et que vous voyez les niveaux d’eau converger.
Actuellement l’Europe de l’Ouest, le Japon et l’Amérique du Nord représentent de l’ordre de 45 % du PIB mondial, et ont un PIB par habitant supérieur  à 30000 €. Tous les autres pays représentent donc 55% du PIB mondial, et ont eux un PIB par habitant de l’ordre de 6000 € (1), soit 5 fois moins.
Une simulation très simple à réaliser montre que si la croissance mondiale est de 3%, et que celle des pays en retard est de 5%, la croissance dans nos pays sera mécaniquement autour de 0,5%. Si la croissance mondiale reste à 3% et que celle des pays en retard est de 6%, alors nous sommes en récession de près de 1%.
Pour que nous puissions atteindre une croissance supérieure à 2%, il faudrait une croissance mondiale de 5% et une croissance des pays en retard de seulement 7%. 
Peu probable non ?

(1) Avec des écarts très importants entre pays puisqu’il va de plus de 15000 € en Russie à autour de 2000 € en Afrique subsaharienne.

(à suivre)