25 sept. 2009

MALGRÉ TOUT, ON ARRIVE QUAND MÊME À SE COMPRENDRE… PARFOIS


La compréhension émerge (suite)

Plus ma mémoire est riche, plus j'ai le souvenir de mes interprétations passés, plus le nombre d'interactions possibles entre tous ces souvenirs et le présent tel que perçu est grand, plus ma compréhension pour être riche. Ainsi elle se construit progressivement au cours de la vie et se sophistique de plus en plus. A tel point que, face à certaines situations, nous savons avoir compris.

Le plus souvent, il ne suffit pas de comprendre soi-même, mais il faut faire partager cette compréhension à un tiers.

Pas facile, quand cette compréhension a émergé et n'est pas le résultat d'un raisonnement simple. Si comprendre se résumait toujours à « Je comprends pourquoi 0+0=0 », ce ne serait pas trop compliqué à expliquer (Quoique… Essayez d'expliquer simplement à quelqu'un pourquoi 0+0 = 0…). Mais ce que nous avons à comprendre est toujours plus complexe.

Souvenir de ce dirigeant pour lequel je travaillais et qui m'avait posé la question suivante : « Pouvez-vous me préciser pourquoi vous voyez cette évolution pour notre marché ? ». 
Comment répondre à cette question ? Comment expliquer d'où me venait la compréhension de la situation et la conviction qui s'en est dégagée ? Un seul moyen : avoir compris que je ne comprends pas « logiquement », mais par « émergence » et l'avouer à mon interlocuteur.
« Je sens que vous avez envie que je vous démontre la solidité de ce que je viens de vous dire, lui répondis-je. L'idéal serait un bon enchaînement logique qui, à partir d'une analyse de la situation actuelle, de prévisions de marché et des actions des concurrents, montrerait ce qui va arriver. C'est bien cela ?
- Oui, vous formulez plus précisément ma pensée, mais c'est bien ce que j'attends de vous.
- Désolé, mais cela ne va pas être possible. Par contre, ce que je peux faire, c'est vous exposer l'ensemble des faits que j'ai réunis, sur votre position actuelle, sur des futurs possibles, sur des hypothèses d'actions des concurrents, sur l'évolution de la société en général. Puis tâcher de vous faire percevoir comment j'en suis arrivé à la conviction que je viens de vous exprimer, il y a quelques minutes. Mais cela reste une conviction, et non pas une certitude. »


Comment alors arriver à bâtir ces compréhensions communes qui vont être indispensables au moment de l'action ? Pas de recettes miracles malheureusement. Quelques conseils simplement :
-    Savoir que la compréhension commune est un but indispensable à atteindre et en même temps illusoire,
-    Toujours faire partager les faits de base sur lesquels repose sa compréhension : c'est le seul moyen d'espérer une compréhension commune émerge.
-    Se confronter sur l'analyse de ces faits pour synchroniser au mieux les interprétations 
Malgré toutes ces difficultés, il est possible de construire des compréhensions communes car, comme l'écrit Wittgenstein  : « Il serait étrange de dire : La hauteur du mont Blanc dépend de la manière dont on le gravit ». Donc on doit pouvoir arriver à se mettre d'accord, le pire n'est pas certain !

24 sept. 2009

DIFFICILE DE COMPRENDRE POURQUOI ON COMPREND

La compréhension émerge

http://www.cyrilalmeras.com/photos/maternite/femme-enceinte.html
Il y a quelques jours, j'écoutais distraitement Europe 1. J'ai souvent la radio qui fonctionne en arrière-plan. Mon oreille « mentale » fut arrêtée par le propos suivant (comme je le cite de mémoire, ce ne sont pas les mots exacts, mais l'idée était bien celle-là) : « Avec un temps de grossesse de neuf mois, comment les hommes et les femmes auraient-ils pu aux temps préhistoriques relier le fait de faire l'amour un jour J avec la naissance neuf mois plus tard ? Le test de grossesse n'existait pas ! Pour eux, cela devait rester mystérieux. Il s'écoule en effet plusieurs semaines avant qu'une femme puisse réellement voir qu'elle est enceinte.»

Amusant non, cette question : comment avons-nous pu comprendre que les enfants naissaient parce que nous avions fait l'amour. C'est évident pour nous aujourd'hui, du moins pour les adultes, mais cela n'a rien d'évident. Mettez-vous un instant dans la peau d'un homme ou d'une femme au temps de la préhistoire : vous faites l'amour avec un ou une partenaire. Puis vous vaquez à vos occupations quotidiennes : un peu de chasse, un peu de bois pour le feu, quelques silex à tailler, une ou deux peintures rupestres. Les jours passent. Un jour, disons deux mois plus tard, vous voyez votre ventre ou celui de votre partenaire grossir. Et là, vous allez vous dire : « Mince, je n'aurai pas dû faire l'amour, il y a deux mois. Cela va faire encore une bouche de plus à nourrir. » ? Vraiment ? Pourtant cela est arrivé : un jour, un homme ou une femme a fait le lien. Comment ? Mystère de la compréhension. Notre corps sait-il pour nous ? Y a-t-il transfert d'informations entre lui et le cerveau, cerveau qui n'est finalement qu'un morceau de ce corps ?

Impossible de parler de langage et de compréhension, sans donner, ne serait-ce qu'un instant la parole à Ludwig Wittgenstein, philosophe clé du début du siècle précédent : « La vache mâche du fourrage, et sa bouse sert ensuite d'engrais à la rose, donc la rose a des dents dans la gueule de l'animal. Il ne serait pas absurde de le dire, car on ne sait pas de prime abord où chercher les dents de la rose. » (Recherches Philosophiques 1953 - Gallimard 2004 p.311). J'aime particulièrement cette « démonstration » qui montre que l'on peut être un philosophe majeur, tout en étant accessible et en ayant de l'humour, et surtout qui est un exemple de raisonnement déviant.

Et pourtant, le raccourci est vrai : puisque la rose s'est nourrie grâce au fourrage, c'est bien qu'elle doit avoir des dents cachées, non ? Aucun d'entre nous ne ferait naturellement cette erreur de compréhension.

Autre exemple, toujours tiré de Wittgenstein (ibid p.61) : « Suppose qu'au lieu de dire à quelqu'un : "Apporte-moi le balai !", tu lui dises : "Apporte-moi le manche du balai avec la brosse qui y est fixée !". La réponse n'est-elle pas : "C'est le balai que tu veux ? Pourquoi donc t'exprimes-tu si bizarrement ?" Comprendra-t-il mieux la phrase sous la forme plus analysée ? »

En un résumé brutal : comprendre les mécanismes sur lesquels repose la compréhension est un art difficile !

Que peut-on en dire ?

Que la compréhension est un processus émergent. Elle est produite par le télescopage d'informations complémentaires et éventuellement simultanées. Notre perception est le résultat de processus de comparaison coopérative, faisant intervenir la forme, la couleur, la taille, la consistance, le mouvement, l'orientation, etc. (voir notamment L'inscription corporelle de l'esprit de Francisco Varela, 1993, p.212 à 232).

(à suivre)

23 sept. 2009

SOUS D’AUTRES PONTS, AUSSI…

Système ouvert, auto-organisation et résilience (suite)
Ceci m'amène à préciser un point manquant : la Seine n'est pas seulement un système formé d'eau qui relie Source Seine à la Manche, c'est aussi un système qui suit quelques règles intangibles : 
- La loi de la pesanteur s'applique.
- Une molécule d'eau est composée de deux atomes d'hydrogène et d'un atome d'oxygène et est soumise à des caractéristiques constantes : température de fusion et d'ébullition, fluidité, volume selon l'état… 
- La capacité ou non de l'eau à se mélanger avec d'autres molécules est définie une fois pour toute. Notamment, les types de relations qui peuvent exister avec les molécules qui composent l'air terrestre, ainsi que le sol sur lequel la Seine va couler, ne sont pas susceptibles d'être modifiées (par exemple, une roche ne peut pas devenir poreuse alors qu'elle était imperméable)
Sorti de ces règles, tout peut se produire et ces règles sont suffisantes pour permettre à la Seine d'exister et de durer, sauf rupture extrême : personne n'a besoin de guider les molécules d'eau qui tombent sur ciel pour les amener à rejoindre la Seine ; personne n'a besoin de décider que la Seine doit sortir de son cours parce que la crue est trop forte ou d'y retourner quand la crue cesse.

La Seine est un système ouvert et auto-organisé. Notre univers est composé d'une multitude de tels systèmes et ce sont eux qui lui donnent une capacité à changer sans se détruire. La plupart de ces systèmes sont beaucoup plus complexes que celui de la Seine. C'est singulièrement le cas de tous les systèmes vivants.


On retrouve toujours les caractéristiques vues avec la Seine :
- Le système suit quelques règles intangibles qui sont celles qui vont garantir son identité et la continuité de son existence.
- Le système est borné par une « peau » qui définit ce qui est dedans ou dehors. Cette peau est souple et changeante. Elle est aussi perméable.
- Il échange continûment avec l'extérieur. Ces échanges peuvent porter sur des éléments matériels (photon, molécules) comme immatériels (données, information.
- Tant que les évolutions externes restent à l'intérieur d'une certaine plage de variation, la survie du système est assurée : il se transforme et évolue tout en restant conforme à ce qui définit son identité.
Chacune des poupées russes qui composent un être humain est un sous-système ouvert auto-organisé. Notamment on trouve des sous-systèmes prenant en charge des fonctions, comme la digestion, la circulation du sang, la respiration. Ces sous-systèmes sont capables de collaborer ensemble pour construire un nouveau sur-système (logique des poupées russes).

Dans le cas de l'être humain, le nombre de sous-systèmes mis en jeu et la complexité du seul sous- système cérébral (compte-tenu de nombre de connexions possibles et de leur capacité à se transformer) aboutissent à ce qu'Edgar Morin appelle l'hypercomplexité.

Finalement, ni ordre complet, ni désordre total, chaque système complexe est suspendu entre ordre et chaos, ou disons qu'il est une réponse ordonné respectant le chaos de l'univers. L'auto-organisation n'est ni un ordre rigide qui serait détruit au moindre aléa, ni un hasard constamment fluctuant. Elle est au cœur du vivant et de sa capacité à faire face à des perturbations non prévues


De la même façon que la Seine n’est pas l’eau qui est en train de passer sous le pont Mirabeau, ni seulement le fleuve qui passe là, comment définir ce qui fait qu’une entreprise reste elle-même quand elle subit une transformation profonde ?
Quand IBM devient une entreprise centrée sur le software et sur la prestation intellectuelle, est-elle toujours IBM ? Quand Total absorbe successivement Fina, puis Elf, est-elle toujours Total ? Quand Veolia nait à partir de la scission des activités environnement issues de la Générale des Eaux redevient-elle la Générale des Eaux sous un autre nom ? Quand France Telecom cesse d’être une entreprise de service public et s’internationalise de plus en plus, est-elle toujours France Telecom ?...
Cette question peut sembler un peu théorique et loin des préoccupations habituelles qui occupent les esprits des dirigeants lors des fusions-acquisitions. Je crois pourtant qu’il est important de chercher à y répondre si l’on veut maintenir ce qui soude une entreprise, ce qui lui permet d’être auto-organisée. Sinon, l’entreprise peut ensuite soit se déliter et se désagréger, soit se rigidifier : aucune Direction Générale ne pourra maintenir de force la cohésion de l’entreprise sans la détruire. Cette identité de l’entreprise doit être partagée par tous. La Seine ne reste un fleuve face aux aléas que parce que toutes les molécules d’eau qui la composent suivent les mêmes règles communes.
D’autres entreprises, comme L’Oréal, Nestlé ou Sony, ont des parcours plus continus et cette question sur la permanence de leur identité ne se pose pas.

22 sept. 2009

SOUS LE PONT MIRABEAU, COULE LA SEINE…

Système ouvert, auto-organisation et résilience
Sous le pont Mirabeau, coule la Seine et nos amours… Laissons passer les amours, et regardons la Seine. Comment la définir ? Qu'est-ce que la Seine ?

Est-ce ces molécules d'eau qui est train de passer ? Non, car, dans quelques jours, cette eau se sera dissoute dans la mer. La Seine n'est pas une quantité d'eau précise, c'est un flux, c'est l'eau qui est passé, passe et passera sous le Pont Mirabeau. Du coup, les mots d'Apollinaire sonnent comme une définition : la Seine est ce qui passe sous le pont Mirabeau. Est-ce à dire que si l'on détruit ce pont, il n'y a plus de Seine ? Comment dans l'exemple de Richard Nixon et de sa définition comme celui qui a gagné l'élection présidentielle américaine de 1968, il faut trouver un mode de définition de la Seine qui ne la lie pas uniquement au pont Mirabeau.

Essayons. Je vous propose de définir la Seine comme un système formé de toutes les molécules d'eau qui se trouvent sur un parcours qui commence à Source Seine sur le plateau de Langres et finit à proximité du Havre, là où elle se jette dans la Manche.

Reprenons ces différents points pour les préciser et voir les problèmes et limites.
- La Seine est un système ouvert qui recueille constamment de l'eau sur tout son parcours et en perd par évaporation dans le même temps. Cette eau le quitte à son extrémité.
- Les limites du système sont suffisamment précises pour que ce qui est la Seine soit parfaitement identifié et de façon unique. Mais elles sont en même temps flous : on ne peut définir exactement où commence et surtout où finit la Seine, à quel moment une molécule d'eau n'est plus dans la Seine, mais dans la Manche. Il en est ainsi aussi pour toute l'eau recueillie sur le parcours : à quel endroit précis, l'eau n'est plus dans un affluent, mais dans la Seine.
- La forme de la Seine est changeante et s'adapte aux situations instantanées : le niveau de l'eau peut monter ou descendre ; elle peut, en cas de crue, sortir de son lit et s'étendre, et ce de façon réversible. Si la géographie se transforme sur son parcours (par exemple lors de la création d'un barrage), son cours sera modifié sans que le système ne soit détruit : elle continuera à relier sa source à la Manche. En cas de transformation définitive, il sera possible de dire que le nouveau cours est bien toujours celui de la Seine, car on pourra tracer continûment cette transformation et que le nouveau cours reliera toujours les deux mêmes extrémités. 
- Par cette définition, tout ce qui voyage avec l'eau, mais n'est pas de l'eau ne fait pas partie de la Seine. La surface de contact de l'eau avec les corps étrangers constitue donc la limite de la Seine, une forme de peau. Cette peau se transforme constamment.

Cette définition permet de résister à la disparition du pont Mirabeau : tant qu'il sera là, la Seine coulera bien dessous ; s'il disparait, je saurai retrouver la Seine. Elle est aussi résiliente aux aléas de la météo et de la géographie : qu'il pleuve beaucoup ou peu, que le Bassin Parisien reste ce qu'il est ou se transforme, la Seine sera toujours identifiable. Elle se sera transformée, mais n'aura pas disparu.

Mais si le niveau de perturbation dépasse un certain seuil, la Seine peut disparaître : s'il ne pleuvait plus de tout, la quantité d'eau pourrait devenir insuffisante pour atteindre la Manche ; si une transformation majeure du relief comme la naissance d'un nouveau massif montagneux intervenait, il pourrait ne plus être possible de relier Source Seine à la Manche en respectant la loi de la pesanteur.

(à suivre)

21 sept. 2009

SÉPARATION ET RÉUNION, DÉSORDRE ET ORDRE SONT INDISSOCIABLES

La vie est faite de poupées russes
Prenez un livre : Il est composé de phrases, elles-mêmes composées de mots, à leur tour composés de lettres. Emboîtement de poupées russes. Chacun de ces niveaux suit des règles qui lui sont propres : seules certaines successions de lettres donnent à des mots et des règles de composition s'appliquent ; toutes les suites de mots n'aboutissent pas à une phrase qui ait un sens et des règles de grammaire doivent être respectées ; la suite des phrases doit aboutir à une histoire, structurée ou non, qui correspond à la signification visée.
Si l'on observe le livre, Il y a des blancs, c'est-à-dire des espaces, qui ne portent en eux-mêmes aucun sens. Pourtant, si vous enlevez ces espaces, vous n'avez plus que des lettres dont n'émergent plus ni les mots, ni les phrases, ni le livre. Ces espaces qui séparent des lettres pour définir le début et la fin des mots créent un nouveau type de lien, un lien entre les mots ainsi définis : ces espaces séparent et réunissent.
De même la membrane qui limite une cellule est ce qui la définit et la circonscrit : sans cette membrane, pas de cellule. Mais cette membrane, c'est aussi ce par quoi la cellule échange avec le reste du monde, avec les autres cellules et avec ces éléments dont elle a besoin pour vivre. C'est aussi grâce à la membrane qu'elle va pouvoir s'unir avec d'autres cellules pour aller composer un groupe de cellules, et progressivement construire le niveau supérieur. A nouveau, la membrane sépare et réunit.

La nature est ainsi bâtie autour de séparations/réunions qui articulent et distinguent. Les deux propriétés sont inséparables et sont réalisées indistinctement : elles donnent vie aux « poupées russes ». Ce sont elles qui contribuent à la solidité de chaque niveau, de chaque « poupée » ; ce sont elles qui assurent les emboitements et les circulations nécessaires entre niveaux.
C'est cette articulation qui permet l'émergence des nouvelles propriétés au niveau supérieur. Finalement, le tout n'est donc pas la simple addition des fonctionnements des parties qui le composent. Il n'est même pas du tout cela : chaque niveau est composé de sous-éléments, mais il a aussi sa propre logique et des propriétés spécifiques émergent, propriétés qui n'existaient pas au niveau inférieur. Un mot n'est pas seulement une suite de lettres, il a un sens propre ; la phrase aussi par rapport aux mots et le livre par rapport aux phrases. On passe des propriétés physiques des atomes aux propriétés chimiques des molécules ; puis de celles-ci aux propriétés biologiques des cellules vivantes ; puis aux propriétés psychologiques du comportement animal et à l'esprit humain ; et enfin aux propriétés sociologiques des groupes humains.


Notamment les propriétés biologiques de la vie acquièrent une caractéristique clé. Au cœur de la vie, se trouvent l'ADN et les acides aminés : l'un, l'ADN, est un système stable, capable de se reproduire, portant en lui mémoire et hérédité ; les autres, les acides aminés, sont multiples, très instables, se dégradent et se recomposent sans cesse selon des impulsions venant de l'ADN. « Autrement dit, il y a deux logiques : l'une celle d'une protéine instable, qui vit en contact avec le milieu, qui permet l'instance phénoménale, et l'autre qui assure la reproduction. Ces deux principes ne sont pas seulement juxtaposés, ils sont nécessaires l'un à l'autre. » (Edgar Morin, Introduction à la pensée complexe, p.99).
Ordre et désordre sont donc indissociables : c'est la présence des deux qui apporte à la vie la capacité à s'adapter, indispensable à inventer par tâtonnements et ajustements successifs, et la continuité, nécessaire à la construction de l'identité et de l'expérience. 
L'entreprise est elle aussi faite de poupées russes emboîtées ; pour vivre, elle a elle aussi besoin de dualité : une forme d'ADN qui va lui apporter stabilité et continuité, des réactifs élémentaires changeants et volatils capables de se composer et décomposer rapidement.

18 sept. 2009

MICROSOFT, IPOD, GOOGLE… DES SUCCÈS FACILES À PRÉVOIR DÈS LE DÉPART ?

Quelques succès improbables…

12 Août 1981, aux États-Unis.

Le tout-puissant IBM annonçait fièrement au monde entier le lancement de son nouveau petit ordinateur, le PC. Personne n'a fait attention à la petite société qui fournissait le système d'exploitation, un obscur Microsoft. Tous les yeux étaient rivés avec admiration sur la seule nouvelle importante : IBM et son PC. Le succès fit immédiat.

22 avril 1993, en Illinois, aux États-Unis.

Peu de monde avait fait attention à la naissance d'Internet. Né au départ pour les besoins de l'armée américaine, repris ensuite par les milieux universitaires et les laboratoires américains, Internet avait commencé à se développer dans le grand public grâce aux liens hypertexte et à quelques premiers navigateurs.

Il fallait vraiment avoir la fibre technologique bien accrochée pour s'en servir : les boites aux lettres email restaient désespérément vides ; regarder un site WEB supposait de s'armer de patience, tellement le chargement des pages était lent (« www = World Wide Waiting » comme on avait l'habitude de le dire) ; une fois téléchargée, la page WEB tant attendue était d'une tristesse affligeante. Cela ne me faisait rien, car on se sentait appartenir à une grande aventure.

Le 22 avril 1993, une équipe de chercheurs de l'université d'Illinois, dirigée par Marc Andreessen, dévoilait Mosaic, un nouveau navigateur. Dans la foulée, Marc Andreessen créait Netscape et lance Navigator.

Le déjà grand Microsoft ne s'intéressait pas alors à Internet, et donc a fortiori pas à la naissance de Netscape. Quelle importance cela aurait pu avoir pour le leader mondial des systèmes d'exploitation et des logiciels de traitement de texte ?

Deux ans plus tard, Microsoft devra se lancer dans une course effrénée, et utiliser au maximum de sa base installée, pour faire un come-back et imposer son navigateur Internet Explorer.

7 Septembre 1998, un garage à Menlo Park en Californie.

Larry Page et Sergey Brin, deux étudiants de Stanford, lançait dans un garage de Menlo Park Google Inc. Soutenus par Andy Bechtolsheim, un des fondateurs de Sun Microsystems, fort d'un pactole d'un million de dollars, ils allaient pouvoir donner une autre dimension à leur moteur de recherche inventé deux ans plus tôt.

Microsoft, de son côté, s'inquiétait de la montée en puissance potentielle du système d'exploitation Linux, ou du navigateur Mozilla, mais restait serein compte-tenu de la puissance de l'assemblage Windows-Explorer-Office. Pas de raison de s'inquiéter. Tout allait bien. Pourquoi se sentirait-il menacé par le développement d'un moteur de recherche ?

23 Octobre 2001, en Californie.

Apple lançait l'iPod. Le monde de la musique regardait sceptique ce drôle d'objet. Probablement un gadget. De leur côté, les spécialistes des téléphones mobiles ne sentaient pas concernés.

Aujourd'hui, là où vous trouvez.

Au fond d'un garage ou dans l'obscurité d'un bureau sont en train de naître de nouvelles ruptures. Mais où ?

Impossible de les repérer a priori, sauf à tomber dessus par hasard. Et encore, comment percevoir leur potentiel ?

17 sept. 2009

UN INDICATEUR UNIQUE DU BIEN-ÊTRE N’A PAS DE SENS

AgoraVoxPasser du suivi du PIB à celui du PNN n'est pas suffisant

La commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social vient de remettre son rapport à Nicolas Sarkozy. La presse s'en est fait largement l'écho, et a largement centré ses articles autour du besoin d'avoir « une nouvelle mesure des richesses ».
Ainsi le Monde écrit : « Idée-clé des travaux : mettre davantage l'accent sur la mesure du bien-être de la population plutôt que sur celle de la production économique. Ainsi, au produit intérieur brut (PIB), on préférera le produit national net (PNN), qui prend en compte les effets de la dépréciation du capital dans toutes ses dimensions : naturel, humain, etc. » (article du 14/9/09).
Certes, mais le rapport insiste aussi sur deux autres points, selon moi tout aussi fondamentaux : privilégier le point de vue des ménages (deuxième recommandation) et accorder plus d'importance à la répartition des revenus (quatrième recommandation) (voir les douze recommandations)
En effet nous raisonnons constamment sur des moyennes qui ne représentent le plus souvent que le résultat d'un calcul et masque la réalité des situations.
Quels sont les points communs entre des familles d'agriculteurs d'une région viticole comme le Languedoc, d'ouvriers de la Région Parisienne, d'enseignants d'une petite ville de province, de cadres dirigeants parisiens, de retraités avec une pension du niveau du SMIC à Lyon… Comment peut-on prétendre faire une moyenne entre tous ces cas ? Comment ne voit-on pas que chacune est impactée très différemment par l'évolution des prix, de la production ou des loisirs ? 
Quelques exemples :
- La baisse rapide des coûts complets (en incluant l'amortissement du matériel) d'accès aux télécommunications et au multimédia représente un gain de pouvoir d'achat relatif pour les familles aisées et surtout si elles sont urbaines (les forfaits « tout en un » sont intéressants surtout en zone urbaine et moins en zone rurale et diffuse). Elle n'a pas d'impact positif pour une famille à revenus modestes. Pire, l'attractivité des nouvelles offres, a souvent conduit ces familles à accroître leurs dépenses en s'abonnant à de nouveaux services.
- L'évolution des coûts de carburants concerne fortement les familles pour lesquelles la voiture n'est pas une option, et surtout si elle représente une part importante des dépenses. Toute augmentation peut amener la famille à devoir arbitrer aux dépends d'autres postes, comme par exemple l'alimentation (on ne peut pas se passer de sa voiture pour aller travailler, mais on peut manger plus souvent des pâtes ou du riz…)
- Le poste immobilier pèse peu en milieu rural (héritage familial, moindre coût locatif) et les familles y sont donc peu sensibles à son évolution (sauf si la zone est touristique).
- L'existence ou non d'enfants dans la famille transforme fortement la structure de consommation et donc sa sensibilité aux évolutions : dépenses scolaires, produits spécifiques (couches, équipements enfant, …), taille de la voiture…
- …
Comment peut-on penser que faire la moyenne de tout cela ait un sens? Certes tout indicateur repose sur le rapprochement de situations disjointes et le calcul d'une moyenne. Mais ceci n'est possible que si les situations ne sont pas trop dissemblables, si elles évoluent selon les mêmes logiques. Si vous mélangez tomates,  courgettes et aubergines, cela a un sens, et cela s’appelle une ratatouille ; si vous rajoutez un pneu, un stylo, une enveloppe et une paire de chaussures, cela n’a plus aucun sens ! C’est ce que nous faisons lorsque nous agglomérons des situations familiales aussi dissemblables : nous obtenons un indicateur qui ne veut rien dire.
Il serait donc urgent de ne plus regarder cette moyenne et de commencer par faire une typologie pertinente des familles françaises. Pour la construire, plusieurs variables devraient être croisées : lieu d'habitation, taille du foyer, niveau de revenu,…. Même en étant très simplificateur, on aboutirait probablement à plus d'une dizaine de situations.



Le résultat serait à l'évidence plus compliqué à suivre, mais il aurait un sens ! A vouloir faire simple, on a à des chiffres qui ne veulent rien dire. 
Aussi si demain on avait un indicateur unique du bien-être, même le mieux calculé du monde, il n'aurait aucun sens non plus !


16 sept. 2009

LA ROUE N’EST PAS NÉE PAR HASARD

Tout était prévu dès le départ !

Dans une caverne, Paulo, un adolescent s'ennuie. Il regarde son père et son grand frère d'un air bougon. 
« Non, je n'irai pas à la chasse, dit-il. J'en ai plus qu'assez de marcher dans la forêt. Vraiment, papa, moi, ce n'est pas mon truc. Tu sais bien que je préfère rester à bricoler à la maison et à aider Maman.
- Bon, d'accord pour cette fois, lui répondit son père. De toute façon, nous n'avons pas besoin de grand-chose. »
Paulo sourit, soulagé. Il allait pouvoir continuer à travailler sur son projet secret. Il attendit patiemment que son père et son frère soient partis pour dire à sa mère : 
« Ne me cherche pas. Je vais faire un tour. Tu n'as pas besoin de nouvelles herbes ?
- Non. Mais ne t'éloigne pas trop. »
Paulo sortit, marcha sur une centaine de mètres, souleva un buisson et découvrit l'entrée d'une petite caverne, son repère secret. A l'intérieur, tout un amoncellement de pierres, d'outils divers et de branches d'arbres. Il s'assit et commença immédiatement à saisir la pierre du dessus et à la regarder. Il la prit, posa sa tranche sur le sol, lui donna une petite impulsion. La pierre se mit à se déplacer comme d'elle-même, ce jusqu'à l'autre bout de la caverne.
« Je crois que j'y suis cette fois, pensa-t-il. »
Tout avait commencé, il y a bien longtemps. Lui-même, Paulo ne savait pas bien quand. Il savait simplement qu'il était très petit alors, probablement guère plus de 5 ans. 
La famille était occupée dans la caverne, et lui jouait tout seul devant l'entrée. Il avait faim et n'avait envie de rien faire. Il regardait distraitement la forêt alentour, quand une pierre se détacha et vint rouler jusqu'au ses pieds.
« C'est drôle, cette pierre qui roule, pensa-t-il. Elle est venue toute seule vers moi. »
Il aperçut un peu plus loin ses voisins : ils étaient de retour de la chasse et tirait péniblement sur le sol leur butin.
« La pierre se déplace plus facilement qu'eux, continua-t-il. Dommage que leur butin ne roule pas comme elle. Ce serait moins fatigant. »
Il eut alors comme un éclair dans la tête. Une vision lui était apparue : celle du butin roulant sur des pierres.
Il lui avait fallu de longues années pour mettre en œuvre cette vision : trouver un endroit tranquille pour faire ses expériences ; choisir les bonnes pierres ni trop dures – sinon elles étaient impossibles à tailler -, ni trop tendres – sinon elles se brisaient tout de suite - ; comprendre qu'il fallait réunir les deux pierres par une branche ; avoir l'idée de faire un trou au milieu des pierres pour y ficher la branche ; choisir le bon bois…
Cette fois, il était au bout du chemin. Il le sentait : cela allait marcher. Il s'apprêtait de sortir son invention au grand jour.
Au cours de ces longues années, il avait eu le temps de comprendre la portée de ce qu'il avait inventé. 
Il voyait comment cela allait simplifier tous les déplacements. Il allait falloir aménager la forêt pour créer des zones où les pierres pourraient rouler. Ce serait du travail, cela prendrait des années, mais ils les voyaient ces pistes avec les pierres qui roulaient dessus.
Il savait aussi que bientôt, on pourrait enfin avoir plus de nourriture. Au lieu de se contenter des modestes récoltes de champs voisins, on allait avoir de grand champ : avec ces pierres, quelques animaux bien choisis, on pourrait travailler de grandes surfaces.
Dans ses rêves les plus fous, il avait même vu de ses pierres qui tournaient dans l'eau. Plus besoin de travailler, la force de l'eau allait faire les efforts pour nous. Il se voyait allongé paresseusement dans l'herbe, à regarder la pierre tourner.
Demain, ce serait le grand jour. Il allait montrer à tous, et bien sûr d'abord à son père, ses pierres.
Restait une question en suspend. Comment appeler ces pierres magiques. Il n'en avait pas la moindre idée, mais ce n'était pas l'essentiel…

15 sept. 2009

LES REPAS D'AFFAIRES FINANCENT-ILS LA BAISSE DE LA TVA DANS LA RESTAURATION ?

Il y a un transfert de revenus des entreprises au profit des cafés-restaurants


La baisse présente de la TVA dans les cafés-restaurants s'est traduite par une répercussion partielle, et le plus souvent très partielle, sur le prix public. L'essentiel a servi à améliorer la rentabilité de ces établissements, et, selon ce qui est dit, développer l'embauche. Impossible de vérifier ce dernier point, mais dont acte.

Tout le débat récent a porté sur l'insuffisance de cette répercussion. On a passé sous silence un effet induit, beaucoup plus massif, celui de l'accroissement du coût pour les entreprises.

En effet, les entreprises pouvant se faire rembourser la TVA payé (à  condition qu'au moins une personne étrangère à l'entreprise soit invitée), la baisse de la TVA se traduit de fait par un renchérissement de plus de 10% des dépenses de restaurant, hors boisson.

Je m'explique. Prenez le cas d'une addition de 50 € TTC pour 2 personnes, à l'occasion d'un déjeuner de travail. Précédemment, il ne coûtait en fait pour l'entreprise que 41,81 €, l'entreprise se faisant rembourser les 8,20 € de TVA payée. Aujourd'hui, en admettant que, sur les 50 €, il y ait eu 12 € de vin, et que le restaurateur ait procédé à une baisse de 2% (c'est la baisse moyenne que j'ai pu constater dans le meilleur des cas), le prix est toujours de 12 € pour le vin, et 37,24 € pour la nourriture, soit un total de 49,24 €.

Sur ces 49,24 €, le montant de TVA est de 1,97 € sur la boisson et de 1,94 €, soit un total de 3,91 €. Le nouveau coût est donc 45,33 €, soit une augmentation de 3,53 € ou + 8% !

Ainsi les notes de frais vont augmenter de plus de 5% et probablement autour de 7, voire 8%. Ceci représente une somme non négligeable pour toute entreprise ayant un nombre important de commerciaux. Or je n'ai vu personne en parler et je ne suis pas sûr que les entreprises soient conscientes de cette conséquence. Une discussion récente avec un ami dirigeant me conforte dans cette analyse.

Comme de plus, la tactique des restaurateurs est faire baisser en priorité ce qui est spectaculaire, à savoir le café au bar et un plat du jour, cela concerne moins les notes de frais.

Finalement, ce sont les entreprises qui vont financer une bonne partie de la baisse de la TVA. Et pas seulement l'État. Est-ce volontaire et connu côté État ? Je ne sais pas…

14 sept. 2009

UN DIMANCHE AVEC LEMONDE.FR

Reprise de mes lectures partielles et partiales : le monde.fr, dimanche 13 octobre à13h20

Au moment où Marie-Georges Buffet propose un immense débat d'idées, le PS est ouvert à tous vents
Voilà donc une affaire qui s'amorce bien : le PS, probablement prévenu de l'initiative fédératrice de la n°1 communiste, a déjà ouvert ses fenêtres pour faciliter le débat d'idées.

Pour preuve le « parlement du PS » (au fait, c'est quoi ce parlement ? Les députés socialistes ? Un palais bourbon bis et clandestin ? …) en appelle à une révolution, reprenant une terminologie qui va plaire aux oreilles des communistes.

Renault, toujours aussi opportuniste, a déjà adopté une communication en phase avec ces initiatives : c'est là-aussi les portes ouvertes. Est-ce à dire que les portes ouvertes de Renault sont celles qui se tiennent au PS ? Où est-ce la CGT très présente chez Renault qui les avertit de l'initiative de Marie-Georges Buffet ? Il faut que j'enquête un peu plus là-dessus…

Besson enterre des tests quand Estanguet est sacré champion du slalom

Tout d'abord, je ne comprends pas comment on peut prétendre décerner à Tony Estanguet le titre de champion du slalom. Il est vrai qu'il s'agit de canoë et qu'Éric Besson n'avait pas concouru. On aurait quand même pu remettre à cet artiste du slalom un prix exceptionnel pour sa performance, ces dernières années. Ou a minima, ne pas juxtaposer les deux informations. A moins qu'il ne s'agisse d'une perfidie du maquettiste du Monde, qui sait ?

Ceci écrit, donc Besson enterre des tests ADN. Pourquoi ? Quelques hypothèses :
- Pour qu'ils grandissent et se reproduisent : il pense que l'ADN est le nom d'une espèce végétale
- Par superstition : une cartomancienne rencontrée récemment lui aurait dit que cela porte bonheur.
- Par distraction : il était parti pour enterrer une vie de garçon et à force de faire des zigzags dans tous les sens, il ne sait plus bien ce qu'il fait.
- Pour rien : simplement il s'ennuie et cela passe le temps


Des sites misent sur le poker quand la fille de Berlusconi vante les qualités de son père

Il doit donc s'agir des qualités de Silvio Berlusconi comme joueur de poker. Je ne suis pas moi-même un spécialiste, mais je connais les bases de ce jeu. J'ai compris que bien maîtriser le bluff était important. Or je me demande si Silvio Berlusconi ne flambe pas un peu trop quand il se qualifie de « meilleur président du conseil ».

Je suppose que sa fille sait ce qu'elle dit, à moins que, comme dans les parties truquées, elle ne soit le complice qui assure les relances au bon moment.

Comme je vois que c'est en France que doivent se multiplier les sites de poker, Silvio Berlusconi va pouvoir nous faire profiter de son talent.



Clairvaux à la fois prison et prière

Voilà enfin une bonne nouvelle pour les prisons, et tous ceux qui, comme moi, ont honte des conditions dans lesquelles nous mettons les prisonniers : le gouvernement a trouvé un moyen de financer la remise en état des prisons. Il va faire appel aux ressources des religions, en commençant par la religion catholique.

L'idée d'associer prison et lieu de culte est en effet intelligente, innovante et moderne.

Intelligente, car elle va à la fois dans le sens du salut moral des prisonniers et de la relance de la pénétration du catholicisme qui en a bien besoin.

Innovante, car, vraiment, personne n'avait eu cette idée jusqu'à présent : enfin des responsables politiques qui ne reproduisent pas les erreurs du passé et savent trouver des idées neuves !

Moderne, car cette quête de sens est terriblement contemporaine : heureusement on ne se contente pas de moderniser douches et cellules, de multiplier les places, de fournir un accompagnement psychologique et thérapeutique. Non, on sait que c'est le sens de la vie qui compte, de cette 3ème vie. Dieu saura pourvoir au reste.