27 mai 2011

L'ABSURDE EN CHANSONS

Jouer avec les mots est un art 
La banque qui ne se voyait pas en poissonnerie m'a fait penser à la chanson de Boby Lapointe, La maman des poissons, et comme il est un des poètes de l'absurde, tout ceci m'a semblé pouvoir ponctuer la semaine écoulée




26 mai 2011

DIFFICILE POUR UN BANQUIER DE SE COMPARER À UN POISSONNIER, ET POURTANT…

Quand une entreprise ne voit pas comme ses clients
Il n’est pas toujours facile de comprendre la logique suivie par ses clients, et plus une entreprise aura accumulé d’expériences, plus elle va se poser des questions selon sa logique. In fine, elle risque d’avoir un tel niveau d’expertise qu’elle est décalée par rapport à tous les autres, ses clients y compris. Témoin cette anecdote réelle arrivée à un banque.
Après un long développement qui s’était étalé sur plusieurs années, cette grande banque de détail s’était dotée d’un système sophistiqué permettant de mesurer et de comparer le temps d’attente dans toutes ses agences. Mesuré par des sondages réguliers et selon une méthodologie éprouvée et stable, ce système permettait d’étalonner toutes les agences, non seulement entre elles, mais vis-à-vis de la concurrence bancaire.
Malgré cet outil et toutes les actions correctives induites, aucune amélioration réelle de la satisfaction des clients n’a pu être observée. Que se passait-il ? Simplement un décalage entre les référentiels. Centrée sur son métier et sa forte expertise, la banque se comparait au sein de son univers et cherchait à être la plus performante des banques de détail. Or, la plupart des clients n’ayant qu’un seul compte bancaire, n’avaient pas la possibilité de comparer la performance de leur agence versus celle des concurrents. Par contre, quand ils allaient dans leur agence, comme ils étaient le plus souvent en train de faire leurs courses, ils la comparaient aux autres commerces de la rue. Difficile quand on est un banquier chevronné de comprendre que l’on doit se comparer à une poissonnerie ou une crémerie pour savoir si le client sera content ou mécontent !

25 mai 2011

QUAND UNE ENTREPRISE SE POSE UNE QUESTION QUI N’EXISTE PAS

Observer plutôt que questionner
Si, pour analyser une situation, on commence  par poser des questions, on risque non seulement de ne pas comprendre ce qui se passe réellement, mais chercher à régler un problème qui ne se pose pas. Voilà un exemple tiré d’un cas réel que j’ai vécu et que j’ai relaté dans les Mers de l’incertitude.
Pour des raisons liées à l’environnement, l’entreprise avait décidé de mettre dans ses déodorants un nouveau gaz de propulsion, gaz dont la densité était plus faible. Ainsi, avec la même quantité de produit, donc le même nombre d’utilisations, le bidon du déodorant allait devenir plus léger. L’écart était faible mais suffisant pour être perçu si l’on tenait dans une main l’ancien déodorant, et dans l’autre le nouveau.
Que fallait-il faire ? Il était facile de compenser l’écart de poids en alourdissant le flacon ou en le remplissant un peu plus. Mais ces deux solutions allaient accroître le coût de production, sans aucune possibilité de répercussion dans le prix de vente. Si l’entreprise avait procédé à une enquête (c’est-à-dire en demandant au client s’il préférerait un flacon plus lourd ou pas), la réponse était dans la question : les clients allaient penser que, si le flacon était plus léger, il y avait moins de produit à l’intérieur.
L’entreprise a procédé autrement. Méfiante de ses réflexes internes, elle a décidé d’observer comment se comportaient les clients. Grâce à des stagiaires envoyés sur les lieux de vente, elle a rapidement compris que le geste fait en interne (comparer les deux bidons) n’existait pas lors de l’achat : la consommatrice prenait un flacon, le secouait pour voir s’il était rempli, le reposait et en prenait un autre. Elle n’avait à aucun moment les deux flacons en même temps dans les mains. Or si l’écart de poids était suffisant pour être perçu quand on tenait les deux flacons, un dans chaque main, il était trop faible pour l’être quand les flacons étaient pris successivement. Rien n’a donc été changé.

24 mai 2011

ATTENTION À NE PAS INTERDIRE LA COMPRÉHENSION EN DÉCOMPOSANT UN PROBLÈME

La musique est-elle seulement une succession de notes ?
« Bien, par quoi commence-t-on ? », « Comment avez-vous décomposé le problème ? », « Je propose que l’on se répartisse le travail : nous allons former trois équipes et éclater le sujet en trois. Puis nous ferons la synthèse, cela ira plus vite ainsi », …
Certes, il paraît souvent logique et efficace de décomposer un problème en sous-ensembles, sauf que, dans ce cas, on risque de précisément « décomposer » le problème, c’est-à-dire faire rendre impossible sa compréhension.
En effet tout découpage repose sur une vue de la situation et une grille d’analyse a priori. Comment savoir si elle est pertinente ? Ne va-t-elle pas biaiser la compréhension et l’analyse ? Et si le problème est justement dans une des lignes de partage de cette partition…
Face à une situation complexe, il faut s’interdire de la décomposer ainsi à l’avance, et il faut l’appréhender globalement, et comprendre que :
  • Comme une analyse ne peut se faire qu’à partir de découpages implicites ou explicites (ne serait-ce que pour des raisons temporelles ou spatiales), il faut continûment procéder à des regroupements et être vigilant concernant les effets de bord ou de frontière, générés par le découpage.
  •  Même si un découpage est pertinent et exact, le tout n’est pas la seule réunion des parties qui le composent : une main n’est pas qu’un assemblage de cellules, un corps un assemblage d’organes ou une société une réunion d’individus. Le passage à un niveau supérieur fait émerger une nouvelle entité avec ses propres règles, systèmes, et donc dysfonctionnements potentiels. Il faut donc expliciter ces règles de fonctionnement qui font que le système étudié existe bien en tant que tel comme un ensemble.
Pour illustrer ce point sur les dangers et les limites d’une approche par les sous-ensembles, voici un texte tiré du livre d’Henri Atlan, À tort et a raison :            
« On voit mal comment des interactions neuronales pourraient être considérées comme responsables d'un crime ou d'un bienfait, apprécié comme tel et jugé par d'autres interactions neuronales. À l'autre extrême, si un observateur extérieur observe le comportement d'un réseau d’automates probabilistes avec auto-organisation fonctionnelle sans en connaître la structure, il sera tenté de lui attribuer une intentionnalité... Et pourtant nous n’attribuons pas une intention à ce comportement finalisé... »
Une autre forme de découpage est la transformation d’un flux en photographies instantanées : alors que toute situation est en mouvement et en évolution, lors d’une analyse, on fige souvent une situation. Attention à ne pas oublier de « penser le mouvement ».
Sur ce thème, voici ce que disait Henri Bergson dans une conférence(1) :
« Écoutons une mélodie en nous laissant bercer par elle : n'avons-nous pas la perception nette d'un mouvement qui n'est pas attaché à un mobile, d'un changement sans que rien qui change ? Ce changement se suffit, il est la chose même… Sans doute nous avons une tendance à la diviser et à nous représenter, au lieu de la continuité ininterrompue de la mélodie, la juxtaposition de notes distinctes (…) parce que notre perception auditive a pris l'habitude de s'imprégner d'images visuelles … Faisons abstraction de ces images spatiales : il reste le changement pur, se suffisant à lui-même, nullement divisé, nullement attaché à une "chose" qui change. »

(1) Leçon sur la perception du changement de Henri Bergson par Jean Ricot

23 mai 2011

ALLER À L’ESSENTIEL, C’EST PRESQUE, À COUP SÛR, PASSER À CÔTÉ DE CE QUI PRÉCISÉMENT L'EST !

Comment savoir a priori ce qui est essentiel ?
« Mais, allez donc à l’essentiel ! », « Arrêtez de vous perdre dans les détails, vous perdez de vue l’essentiel. », « Je vous fais confiance, vous saurez aller à l’essentiel et nous dire ce qu’il en est la semaine prochaine »,…
Combien de fois n’ai-je pas entendu, sous une forme ou sous une autre, des apologies du « Aller à l’essentiel » ! Dans notre monde du zapping, toujours en train de courir, confondant vitesse et précipitation, nous n’avons plus de temps à consacrer qu’à l’essentiel. En dehors de lui, pas de salut !
Tout ceci est correct si l’on est face à une situation connue, s’il s’agit de résumer d’un rapport, ou de synthétiser des conclusions. Oui, bien sûr quand on doit faire le « pitch » d’un film, on doit aller à l’essentiel. Je n’ai aucun problème avec cela, bien au contraire.
Mais quand on est face à une situation nouvelle et inconnue, quand il s’agit de comprendre, quand on doit faire une analyse complexe pour identifier les causes d’un dysfonctionnement, comment pourrait-on aller à l’essentiel ? Comment distinguer a priori entre ce qui est essentiel de ce qui ne l’est pas ?
Dans ce cas, il est dangereux d’aller à l’essentiel, car, à ce stade, rien n’est essentiel et tout est détail. Pas moyen d’éviter de se laisser perdre pour avoir une chance de comprendre. Aller à l’essentiel, c’est presque, à coup sûr, passer à côté de ce qui est précisément essentiel !

20 mai 2011

SIMILITUDES ET DIFFÉRENCES EN CHANSON

Faire et refaire... 
Comme la compréhension passe par l'approfondissement des similitudes et des différences, pourquoi ne pas continuer la série commencée les vendredis derniers, des variations sur une même chanson ?
Pourquoi ne pas en profiter aussi pour une forme d'hommage à Alain Bashung ? 
Aucune raison, n'est-ce pas !

J'ai choisi 2 chansons : "Gaby oh Gaby" et "La nuit, je mens", avec une version chantée par Alain Bashung et d'autres interprétations







19 mai 2011

APPRENDRE À VOIR LES SITUATIONS TELLES QU’ELLES SONT… NI PLUS, NI MOINS

Les trois erreurs : question + sous-ensemble + essentiel
Comprendre suppose donc d’être intensément attentif… pour avoir une chance de trouver des truffes.
Pour cela, je vois trois « règles » essentielles :
1.      Ne pas commencer par poser des questions
Dès que vous posez la moindre question, vous n’êtes plus en attitude d’écoute et de compréhension, mais vous projetez votre vision de la situation. En effet, la question que vous posez vient de votre expérience et de votre connaissance préalable. Elle repose nécessairement sur un a priori issu de votre expertise actuelle et passée. Au lieu de poser des questions, il faut observer de la façon la plus neutre possible, sans jugement, sans point de vue. Juste regarder ce qui est là, intensément et dans le détail
2.   Accepter la complexité des situations et ne pas rationaliser les situations en les découpant artificiellement en problématiques indépendantes
Les fonctionnements des systèmes biologiques sont faits d’emboîtements et de juxtapositions multiples, de réunions et de séparations, d’ordre et de désordre. A vouloir simplifier trop vite une analyse, on va perdre des liaisons ou des effets essentiels.
3.      S’arrêter sur tout ce que l’on ne comprend pas, tout ce qui « sort de l’ordinaire », tout ce qui pose question
Une fois une telle anomalie repérée, il ne faut pas accepter de ne pas comprendre, mais au contraire poser ou se poser autant de « pourquoi ? » qu’il faudra. Ne jamais repartir en pensant : « Ce n’est pas important », du moins, pas tant que l’on n’a pas compris ce que cela signifiait. Finalement, tout problème est source d’un approfondissement de la compréhension.
Une autre façon serait de présenter quelles sont les trois principales erreurs à éviter : 
  • Poser des questions
  • Découper la situation en sous-ensembles
  • Aller à l’essentiel
Je vais revenir la semaine prochaine sur ces trois erreurs... en les prenant en ordre inverse...

18 mai 2011

TROUVER DES TRUFFES EST UNE AFFAIRE D’ATTENTION

On ne peut pas comprendre seulement en se promenant le nez en l’air…
Une fois le vide fait, une fois que l’on s’est préparé à observer une situation sans a priori, telle qu’elle est, pour pouvoir comprendre, comment arriver à comprendre vraiment une situation ?
Sur ce thème, en introduction du chapitre consacré à comment « être intensément intensif », j’écrivais dans les Mers de l’incertitude :
« Chercher des truffes, c’est voir un spectacle de prestidigitation. Au départ, il n’y a rien, juste des chênes, de la terre et quelques plantes éparses. Et puis quelques secondes après, grâce à l’odorat du chien et au talent de son maître, les truffes sont là. Comme un lapin sorti du chapeau !
Je pourrais marcher pendant des heures au milieu des chênes truffiers, même à quatre pattes, je n’en trouverais pas une. Et pourtant elles sont bien là, cachées dans le sol, à quelques centimètres de moi. Pour le chien, c’est facile, évident. Il détecte l’odeur, arrive à la repérer parmi le bruit ambiant et fonce sur la truffe. Quelques coups de pattes et il s’arrête.
La truffe n’attend que d’être révélée… par le bon passeur : celui qui sait repérer ses effluves et les distinguer des autres, celui qui sera aussi assez patient pour attendre le bon moment. Trop tôt : la truffe n’est pas mûre et ne sent pas, donc impossible de la trouver. Trop tard : elle aura pourri et sera sans intérêt. Trouver des truffes est une affaire d’attention, mais pas celle de l’attention superficielle de l’humain en train de marcher au milieu des arbres, il faut celle, intense, du chien qui se déplace lentement, le nez (sa truffe !) soit au ras du sol, soit aux aguets du moindre effluve porté par le vent.
Comme le disait Henri Poincaré dans Sciences et méthodes : « Ce que le vrai physicien seul sait voir, c’est le lien qui unit plusieurs faits dont l’analogie est profonde, mais cachée ». »
(à suivre)

17 mai 2011

ON NE PEUT PAS COMPRENDRE DANS LA PRÉCIPITATION

Faire le vide prend du temps…
J’ai terminé mon billet d’hier sur cette question : peut-on faire le vide dans l’urgence et dans la précipitation ?
La réponse est évidemment non. En effet si l’on ne dispose pas du temps suffisant : 
  • On ne pourra pas se consacrer d’abord à l’observation brute, on cherchera tout de suite des réponses à des questions,
  • On ne se décentrera pas, car cela demande un effort et du temps… apparemment perdu
  • On mobilisera tous les experts disponibles pour comprendre le plus vite possible
Bref, pour avoir une chance de faire le vide, il faut prendre son temps : comme l’a écrit Jean-Louis Servan-Schreiber(1), travailler sans recul « pour un canon, c’est un progrès. Pas pour un cerveau. »
Dans les Mers de l’incertitude, j’ai cité l’anecdote suivante :
« Dernièrement, un journaliste vedette a déclaré à la radio : « Entre mon rôle de rédacteur en chef de mon journal et d’éditorialiste, plus toutes les émissions auxquelles je participe, c’est bien simple, je n’ai plus cinq minutes de libre pour m’arrêter ». Il disait cela comme la preuve de sa performance et de son importance. Son interlocuteur en sembla d’ailleurs impressionné. En moi-même, je pensais : « Mais quand réfléchit-il ? Comment peut-il vraiment faire son métier d’éditorialiste et de journaliste en courant tout le temps de la sorte ? ». »
Un peu plus loin, j’y écrivais : 
« La question n’est pas d’aller vite dans l’absolu, mais d’adapter la vitesse à ce que l’on veut faire, d’ajuster rythme et durée. Une idée centrale est de comprendre l’interaction entre la durée d’observation et l’analyse que l’on peut mener : un corps observé sur une courte durée peut sembler solide, alors qu’il ne le sera plus au bout d’un certain d’observation. »
Est-ce à dire qu’il n’y a pas d’urgences et que l’on doit toujours prendre son temps ? Non, bien sûr ! Parfois, un individu ou un groupe d’individus se trouvent face à une situation d’urgence, positive ou négative. Le temps est alors à l’action et non plus à la compréhension. On ne peut alors que mobiliser ce que l’on a appris et compris, on ne peut plus comprendre en profondeur…
Mais quand on n’est pas dans l’urgence, quand on a pris le temps de se poser pour faire le vide, une fois le vide fait, comment arriver à comprendre vraiment une situation ?
(à suivre)
(1) Le Nouvel art du temps

16 mai 2011

FAIRE LE VIDE POUR SE DONNER UNE CHANCE DE COMPRENDRE

Comment pourrait-on comprendre si l’on sait déjà ?
Première étape pour accéder à la compréhension, et donc peut-être aux faits présents dans une situation donnée, il faut faire le vide pour regarder sans a priori.
Pourquoi est-ce un préalable incontournable ? Parce que, sinon, nous allons projeter, volontairement ou involontairement, sur la situation nos référentiels et nous allons la lire au travers de notre expérience.
Notre erreur de diagnostic peut alors nous être fatale, comme pour cette dinde dont je parlais dans mon livre, les Mers de l’incertitude :
« Vraiment c’est le rêve, pensait-elle. Je suis nourrie et logée, et je n’ai rien à faire. Une nourriture riche, abondante et variée. Un logement irréprochable, à l’abri de la pluie. Aucune pression, pas de bruit, pas de contraintes. Aucune raison de s’inquiéter. C’est la belle vie. » Le fermier qui regardait la dinde, pensait lui : « Plus que deux jours avant Noël. Il ne faut pas que je la regarde de trop, je pourrais m’attacher et ne plus pouvoir la tuer. »
Certes, notre erreur de diagnostic sera rarement et heureusement aussi lourde de conséquence…
Comment faire le vide ?
Je crois qu’il y a trois dimensions essentielles(1) :
  1. Se centrer d’abord sur l’observation : Dès que l’on approche une situation au travers d’un langage – notamment via des questions –, on projette sur elle son mode de raisonnement personnel. Seule l’observation brute, c’est-à-dire sans questions posées et sans grille d’analyse préalable, peut permettre d’accéder à la logique propre de la situation observée.
  2. Accepter  de ne pas être le centre du monde : Si l’on observe depuis l’endroit où l’on se trouve, on n’a qu’une vue partielle et partiale de la situation. Pour enrichir une observation, il faut se décentrer et voir depuis ailleurs (2).
  3. Mobiliser son expertise a posteriori et non pas a priori : Plus l’expertise d’un individu ou d’un groupe d’individus est grande, et paradoxalement plus elle risque de biaiser son analyse, car on cherche alors systématiquement, le plus souvent sans s’en rendre compte, à la lire au travers des cas connus. L’expertise doit permettre de comprendre ce que l’on a observé, mais ne doit pas être un filtre préalable.
Faire le vide, c’est bien et nécessaire, mais peut-on le faire dans la précipitation et l’urgence ?
(à suivre)
(1) Ces trois points sont détaillés dans mon livre, les Mers de l’incertitude, ce essentiellement dans le chapitre « Faire le vide »
(2) Michel Serres écrit dans le  Tiers Instruit : « En traversant la rivière, en se livrant tout nu à l’appartenance du rivage d’en face, il vient d’apprendre une tierce chose. L’autre côté, de nouvelles mœurs, une langue étrangère certes. (…) Car il n’y a pas d’apprentissage sans exposition, souvent dangereuse, à l’autre. Je ne saurai jamais plus qui je suis, d’où je viens, où je vais, par où passer. Je m’expose à autrui, aux étrangetés. »