22 oct. 2012

POURQUOI DÉMONTE-T-ON LES ARMOIRES POUR LES TRANSPORTER ?

La mémoire, le transport des armoires et internet (1)
La mémoire a quelque chose à voir avec le transport des meubles. Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi les démontait-on avant de les déplacer ? Même si vous  ne vous êtes jamais posé cette question, vous trouverez facilement la réponse : pour passer par les portes, et pour les porter plus facilement. Essayez donc, en la laissant telle qu’elle est, de sortir l’armoire de votre grand-mère de sa chambre. Pas moyen. Et si en plus, tout se passe au dernier étage d’un immeuble desservi par un escalier en colimaçon, c’est encore pire. Donc, on la démonte pour la déplacer.
Est-ce la seule raison ? Non, pensez au transport : si vous remplissez un camion de meubles entiers, vous ne pourrez pas en mettre beaucoup. Il sera d’abord plein de vide. Ni très rentable, ni très efficace. C’est un des grands intérêts du système Ikea : économie d’entreposage, manipulation et transport plus commode pour l’entreprise et ses clients. Donc, on démonte pour rendre le stockage et le déplacement efficaces.
Tout ceci est sympathique, mais, du coup, nous voilà avec une armoire en morceaux, qu’il faut reconstituer à l’arrivée. Si vous n’avez pas pris la précaution de noter chaque pièce et de dessiner un plan, vous risquez d’être incapables de le remonter. Même si vous avez pris ces précautions, attention à ne pas égarer votre schéma : ne pas en avoir fait ou le perdre, revient au même. Je vois déjà plusieurs d’entre vous se dire que, même avec, monter un meuble Ikea n’est pas une sinécure. Je suis d’accord, j’ai joué au meccano suédois à plusieurs reprises, et c’est toujours plus compliqué que cela n’y paraît. Mais mieux vaut un plan que pas du tout.
(à suivre)

19 oct. 2012

À HAMPI, ON ARRACHE LA VIE POUR RETROUVER UN PASSÉ DISPARU


Promenade en terres indiennes (7)
Voilà près d’une heure qu’ils regardaient fascinés la démolition en cours. Sous les coups répétés des bulldozers, les murs s’effondraient. De nouvelles perspectives se dégageaient, des colonnades anciennes réapparaissaient, le vieux bazar renaissait de la destruction du nouveau. Hampi remontait le temps. On enlevait méthodiquement les peaux successivement accumulées pendant plus de cinq siècles. Comme un oignon, on le pelait. A la différence essentielle, que les peaux desséchées étaient à l’intérieur, et que c’était la vie qui était retirée. Petit à petit, la mort apparaissait. Les briques s’effondraient, les fresques étaient arrachées, le sang refluait. In fine, ne restait plus que l’ossature du bazar depuis longtemps disparue. Des colonnes brutes, des dalles à vif, des restes de sculptures. Ils voyaient le travail de dizaines de générations être ôté sans considération.
Année après année, décennie après décennie, siècle après siècle, la sueur des marchands avait fait vivre le village et le marché. Certes, on était loin de la splendeur des années quinze-cents, mais ils s’étaient tenus droit : contre toutes les adversités, malgré l’effondrement de leur royaume, en butte à tous les conquérants, ils avaient fait front et maintenu debout la vie et le commerce. Avec honneur et détermination. Tout au long des années, Hampi avait fait de la résistance : le bazar en était resté un. Chaque matin, il riait des cris des marchands, il hurlait des enfants tentant d’arrêter les chalands, il vibrait de marchandages infinis. Tel coin était connu pour ses épices, tel autre pour ses tissus. Les étalages de légumes et fruits rivalisaient entre eux. Le regard ne savait pas sur quoi se poser.
C’était cette histoire et cette lutte qui se trouvaient balayés d’un revers de bulldozer. Chacune des maisons détruites étaient imprégnées d’une sueur légitime, aujourd’hui bafouée et méprisée. Chaque mur abattu était un membre arraché. Chaque colonnade retrouvée l’était au prix du sang et du meurtre.
Demain qu’allait-il en rester ? Une galerie froide et esthétique mimant un passé révolu. Des allées redevenues anciennes et à ce titre perçues comme authentiques, réservées à des touristes en mal de photographies. Une beauté théorique, probablement sublime, mais glaciale comme les couloirs d’un musée.
Les habitants regardaient, figés, leur vie disparaître. Pour eux, ce n’était pas leur passé que l’on retrouvait, c’était leur présent et leurs racines que l’on détruisait. Ils n’avaient cure de voir revenir les fantômes d’ancêtres trop lointains pour être aimés et connus. Non, le retour au bazar des origines ne signifiait rien pour eux, à part peine et douleur.

18 oct. 2012

AFFIRMER QUE LES PME CRÉENT DE L’EMPLOI EST VRAISEMBLABLEMENT UN DÉNI DE RÉALITÉ… POUR L’INSTANT

Les PME créent-elles vraiment de l’emploi ? (3)
Mais à y bien réfléchir, est-ce si surprenant de ne pas retrouver de croissance nette de l’emploi dans les petites entreprises, quand on sait le nombre de disparitions annuelles et combien les emplois y sont souvent vulnérables.
Regardons par exemple le cas des entreprises créés, et leur taux de survie en fonction de leur nombre d’années d’existence. L’INSEE a publié une étude sur la survie des entreprises créées en 2002 et en 2006 (1) : au bout de 3 ans, 1/3 des entreprises ont disparu ; au bout de 5 ans, la moitié.
Une autre étude (2) donne plus d’éléments d’analyse sur les entreprises créées en 2006, en précisant quel est leur taux de survie à 3 ans en fonction de leur taille initiale. A la lecture de ce tableau, il semble que la vulnérabilité augmente avec la taille initiale…
Ceci donne une idée de la vulnérabilité initiale des entreprises. Il faudrait pour être complet savoir si les entreprises ayant survécu se sont développées – ce qui est probable –, et combien elles ont créées d’emploi.
De ce tour d’horizon malheureusement trop superficiel, il ressort que l’affirmation « ce sont les petites entreprises qui créent des emplois » mériterait pour le moins d’être démontrée, et semble bien être largement fausse. Si les statistiques montrent qu’elles embauchent effectivement, on oublie de tenir compte de la durabilité de ces emplois, et inclure combien sont détruits en même temps par d’autres petites entreprises. Si les petites entreprises créaient durablement de l’emploi, on verrait alors leur part relative s’accroître dans la répartition de l’emploi.
Je reste convaincu que la réelle relance d’une dynamique de l’emploi repose beaucoup plus sur le développement des entreprises moyennes, et plutôt des « grandes moyennes », c’est-à-dire celles qui ont plus de 500 emplois.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire il y a presqu’un an (voir « Faut-il que les PME financent les grandes entreprises ? » et « Qui arrêtera l’hémorragie financière des PME françaises ? »), c’est là où le tissu industriel français est fragile. Vouloir les conforter demanderait de s’attaquer enfin au problème du crédit inter-entreprises qui pompe la trésorerie des petites entreprises industrielles – ce au profit de la distribution, des grands donneurs d’ordre… et des banques qui financent leur besoin de trésorerie correspondant…
D’ici-là, affirmer que ce sont les petites entreprises qui créent de l’emploi, est très vraisemblablement un déni de réalité et un vœu pieux… pour l’instant.

(2) Taux de survie des entreprises créées au cours du premier semestre 2006

17 oct. 2012

ON NE VOIT PAS DE CRÉATIONS D’EMPLOI DANS LES PETITES ENTREPRISES EN 2009 ET 2010

Les PME créent-elles vraiment de l’emploi ? (2)
En me plongeant dans les statistiques plus récentes de l’INSEE et accessibles en ligne, je n’ai trouvé que celles issues de la base ESANE et qui ne sont pas être regroupées, selon la même méthode. Impossible donc de raccorder les deux.
Ces données issues de ESANE (1) portent sur les années 2009 et 2010 et amènent toutefois un regard complémentaire intéressant (voir le tableau ci-joint (2)).

Deux observations globales :
- Si l’on y compare les années 2009 et 2010, on voit que le nombre de salariés n’a diminué que dans les entreprises de moins de 10 salariés, alors qu’il était stable dans celle de 10 à 20 salariés, et progressait de 4% dans celle de 20 à 249 salariés, et de 8% dans celle de plus de 250 salariés (2).
- Si, au lieu de s’intéresser au nombre de salariés, on regarde le nombre équivalent temps plein, la photographie change sensiblement : seules les entreprises de 10 à 19 salariés voient leurs effectifs baisser (de 3%), alors que toutes autres catégories progressent légèrement (de 1 à 2%).

L’analyse par secteur d’activité montre l’évolution atypique du secteur « activités spécialisées, scientifiques et techniques, services administratifs et de soutien » : on y constate une forte progression des entreprises de 10 à 249 salariés, tant en nombre de salariés (+11 et +17%) qu’en équivalent temps plein (+10 et +12%). Les plus grandes entreprises ont une très forte progression de l’effectif salarié (+42%), mais une stagnation de l’équivalent temps plein.
Donc ces données semblent bien prolonger ce qui avait été analysé entre 1985 et 2006, et, à tout le moins, on ne voit pas une création d’emploi dans les petites entreprises. Pour aller plus en avant, il faudrait pouvoir raccorder les deux séries statistiques, et ventiler la catégorie des entreprises de plus de 250 salariés en introduisant les seuils de 1000 et 5000 salariés.
(à suivre)
(2) Il suffit de double-cliquer sur le tableau pour en avoir une version agrandie et donc plus lisible
(3) Malheureusement cette catégorie n’est pas éclatée plus finement

16 oct. 2012

DEPUIS TRENTE ANS, LES GRANDES ENTREPRISES CONCENTRENT DE PLUS EN PLUS D’EMPLOIS

Les PME créent-elles vraiment de l’emploi ? (1)
Je viens de tomber dernièrement sur une étude statistique qui vient à contre-courant de ce qui est couramment affirmé : « Depuis trente ans, les grandes entreprises concentrent de plus en plus d’emplois », voilà ce que titrait l’INSEE dans une analyse parue en avril 2010. (1)
Je cite les conclusions de cette étude : « Les salariés du secteur privé travaillent aujourd’hui dans des entreprises plus grandes qu’il y a trente ans, quel que soit le secteur d’activité. Cette évolution s’est faite au détriment des entreprises de taille moyenne, alors que les petites entreprises concentrent toujours autant de salariés. »
En effet, il y était montré qu’entre 1985 et 2006, la part des entreprises de plus de 5000 salariés était passée de 17 à 21%, et celle des entreprises de 1000 à 5000, de 10 à 12%, alors que la part des entreprises petites et moyennes (de 20 à 1000 salariés) passait de 43 à 36 %, les très petites entreprises (moins de 19 salariés) restant stables. (voir le tableau ci-joint)
Par contre, l‘observation s’inversait, si l’on analysait non plus la taille des entreprises, mais celle des établissements. Toujours selon cette étude, « cette situation résulte de deux mouvement opposés : baisse de l’emploi dans les grands sites industriels, forte progression de l’emploi dans le secteur des services au sein de petits établissements. Dans le commerce de détail, les points de vente prennent de plus en plus d’ampleur avec le développement des grandes surfaces. »
Dernière observation faite, ce mouvement est vrai dans tous les secteurs : la  croissance s’observe aussi bien dans l’industrie manufacturière que dans les services opérationnels, le commerce de détail ou le conseil et l’assistance. Notons toutefois que la croissance dans l’industrie manufacturière est plus lente, probablement car elle partait déjà d’un point élevé : après une baisse faible entre 1985 et 1990, la part des entreprises de plus de 1000 salariés passe ensuite de 40 à 45 %. (voir le graphe ci-joint).
Mais dès lors, pourquoi affirme-t-on de partout que ce sont les petites entreprises qui créent de l’emploi et les grandes qui le détruisent ?
Dommage de ne pas disposer d’une actualisation de cette étude…
(à suivre)