16 janv. 2012

TRUFFES ET INNOVATIONS, MÊME COMBAT !

Sans processus rigoureux, les innovations restent méconnues et non valorisées
La saison des truffes est aussi de retour. Pour s’en persuader, il suffit de marcher dans les rues de Richerenches1, un samedi matin  pour être envahi des arômes entêtants de ce diamant noir.
Comment sont-elles arrivées là ? Est-ce le fruit du hasard ou d’une recherche méthodique ?
Les deux à la fois.
La naissance de la truffe, même si elle peut être stimulée – on plante des jeunes chênes dits truffiers, c’est-à-dire « ensemencés », et on choisit le bon terrain, celui où l’on sait que l’on a trouvé des truffes dans le passé, ou à proximité d’une truffière existante – et encouragée – on retourne le sol, mais pas trop, on arrose s’il le faut, mais pas trop… –, reste un phénomène largement non maîtrisée, et très aléatoire. Sa naissance n’a vraiment rien à voir avec le  processus organisé et structuré des autres cultures, comme par exemple celle du blé ou du maïs.
Mais si sa naissance est dominée par le hasard, sa recherche ne l’est elle pas du tout : on ne trouve pas les truffes en se promenant au beau milieu des arbres et en rêvassant. Elle est le fruit d’une méthode rigoureuse et éprouvée2. D’abord avoir des chiens dressés et obéissant à leur maître : cet apprentissage est un préalable long et indispensable, car un chien ne nait pas truffier, il le devient. Ensuite, venir deux fois par semaine et s’assurer que les chiens vont bien parcourir systématiquement toute la truffière : on met alors en œuvre méthodiquement ce qui est le résultat de l’apprentissage. Enfin trier le résultat final – en séparant les variétés, mélanosporum ou brumales, et en les calibrant –, et mener la négociation avec l’acheteur : cette tâche de finalisation est rapide, mais essentielle, car elle peut accroître significativement la valeur du lot.
Ainsi si la truffe naît largement par hasard – ou plus exactement, selon des lois que nous ne maîtrisons pas vraiment –, c’est un processus précis et complexe qui l’amène dans les rues de Richerenches.
Mais me direz-vous, tout le monde n’a pas l’occasion de s‘y promener, et ses effluves ont beau être fortes, elles n’atteignent pas le métro parisien. Certes, mais on peut en être averti par un commentaire à la radio, ou une apparition d’un plan sur le menu d’un restaurant.
Oui, mais tout le monde n’écoute pas la radio au moment précis où l’on va en parler, ni n’a les moyens d’aller dans un restaurant de luxe. Donc pour la plupart des gens, rien n’est arrivé, et la vie continue comme avant, truffe ou pas.
Ainsi va le monde… et ainsi va l’innovation :
-        Comme la truffe, l’innovation naît dans des terrains fertiles et ensemencés, mais selon des logiques qui nous échappent et que nous ne maîtrisons pas vraiment, joie de la « serendipity ».
-        Comme la truffe, sans processus documenté, précis et rigoureusement suivi, l’innovation reste théorique car inconnue, et non rentable, car mal valorisée.
-        Comme la truffe, cette innovation, une fois révélée, le sera au bénéfice des acteurs qui seront sur son marché au bon moment et au bon endroit. Les autres en profiteront… mais devront payer le prix cher, pour le plus grand bénéfice des innovateurs.
(1) Situé en Drôme provençale, le marché aux truffes de Richerenches est le premier marché français. Voir à ce sujet, l’article que je lui avais consacré l’année dernière : Tu m’en donnes combien de mon lot ?

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Hello, un petit commentaire.

Je pense qu'il y a au moins 2 types d'innovation.

Très schématiquement et grossièrement, la première permet à quelqu'un de rentrer à la maison plus rapidement car il fait son travail de manière plus efficace. Dans ce cas, l'innovation peut effectivement rester cachée car son but n'est pas qu'elle profite au plus grand nombre.

La seconde est celle dont le but est d'être déployée et utilisée par une grande population, dans ce cas au contraire une fois mise en bouteille, le ou les entrepreneurs auront à coeur de s'assurer que celle ci ait la plus grande couverture médiatique.

Le concept de serendipity est fascinant, juste l'application à la découverte de ce concept plus général qui est la mise en route et l'ouverture à l'offrande de la magie de la vie.

Pierre Haren a dit…

Robert, je pense que tu surestimes le processus de valorisation de l'innovation: il est aussi aleatoire que le processus de creation de l'innovation. Regarde Google vs les moteurs de recherche precedents, Microsoft avec son premier deal DOS/IBM, etc... Comme pour trouver des truffes, valoriser l'innovation tend vers un processus peaufine, mais reste aleatoire. Comme pour la truffe, un milieu favorable comme la Silicon Valley aide, mais ne suffit pas. Mais ce n'est pas a toi que je vais apprendre que l'aleatoire est partout ;-)

Robert Branche a dit…

Certes le processus de valorisation n'est pas complètement déterminé, mais il l'est plus que l'émergence de l'innovation elle-même