Affichage des articles dont le libellé est Télescopage. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Télescopage. Afficher tous les articles

30 mars 2010

LA VIE N’EST PAS UNE AFFAIRE DE STATISTIQUES

On apprend plus de la situation de l'emploi en lisant le livre de Florence Aubenas qu'en lisant les statistiques du chômage

Florence Aubenas promène son regard à hauteur des gens. Elle s'est faite pendant six mois, l'un d'eux. Elle est là parmi eux, sans jugement, sans critique, juste le témoin d'une réalité. Elle apporte un témoignage brut de ce qui est le monde dans lequel nous vivons, même si nous le connaissons parfois bien mal.

Les experts promènent leurs regards à hauteur des idées. Ils se font les professeurs qui nous disent le vrai. Ils sont là au milieu des chiffres, pleins de jugements, pleins de critiques, interprètes d'une réalité absente. Ils apportent des visions alambiquées de ce qui est le monde dans lequel nous vivons, à se demander s'ils le connaissent eux-mêmes.

On ne sort pas indemne de la lecture du « Quai de Ouistreham ». On garde longtemps présentes les images de ces forçats de la propreté pour lesquels le SMIC est un eldorado inaccessible, les syndicats vu comme des défenseurs des ouvriers nantis, la crise qui est depuis longtemps leur quotidien. Pourquoi supporte-on cette réalité à nos fenêtres sans nous émouvoir plus que cela ?

On sort indemne de la lecture de la plupart des articles des experts. On ne garde présente aucune de leurs analyses contradictoires et constamment démenties, analyses pour lesquelles la reprise sera, selon les cas, en U, V, W ou L, analyses dont ils sont entre eux le premier public. Pourquoi supporte-t-on ces prévisions qui feraient passer la météorologie pour une science exacte ?

Et si la solution était une fois de plus dans l'hybridation et le mélange des genres ? Pourquoi ne pas demander à quelques vrais experts – Dieu merci, ils en existent ! –, de passer du temps à observer la réalité des choses ? Qu'ils y passent le nombre de mois qu'il faudra, qu'ils prennent le temps de partir non plus de chiffres qui n'expriment que le calcul qui est fait, mais de situations vécues.

Certes ceci n'aura pas de valeur statistique, mais comme précisément la vie n'est pas affaire de statistiques, cela tombe bien !



24 mars 2010

QUE L’ON TUE OU QUE L’ON ENTERRE, RIEN N’EST SIMPLE POUR AUTANT

Chacun fait comme il peut

Dans l'une des familles, on assassine, dans l'autre on enterre. Comme une complémentarité. Comme si l'une était nécessaire à l'autre…

Pour des canards qui s'envolent sans raison, sans explication, la vie de Tony Soprano bascule. Il ne pourra plus échapper à ce passé qui vient de le prendre à la gorge. Lui qui règne sur sa « famille », lui qui empile les cadavres quand c'est nécessaire, le voilà perdu entre l'enfant qu'il a été, une mère manipulatrice, des maitresses multiples et sa famille. Il va chercher refuge sur le divan d'une psy qui, elle-même, sera séduite et terrifiée par les confidences qui s'accumulent.

Pour une cigarette allumée mal à propos, la vie de Nathaniel Samuel Fisher Senior s'arrête brutalement. Nate, Nathaniel Samuel Fisher Junior, revenu uniquement pour un repas de Noël, ne repartira plus de la maison familiale. Lui qui était parti pour échapper à la pesanteur de cette « maison funèbre », lui qui est toujours au bord de la rupture, coincé entre ses fragilités multiples, le voilà prenant les rênes de la maison, essayant de fédérer comme il peut une mère qui s'émancipe, un frère en mal de coming out et une jeune sœur. Il va chercher refuge dans cette fille aimée brutalement dans les toilettes de l'aéroport.

Tony essaie comme il peut de cloisonner ses univers et de ne pas se trouver piégé dans ses vies parallèles. Mais comment expliquer à son fils qu'il ne faut pas boire le vin de messe, quand celui-ci a compris que son père était un parrain de la mafia ? Comment vouloir une vie familiale catholique et rangée quand on jongle entre sexe, FBI et assassinats ? Comment se confier vraiment à sa psy sans en tomber amoureux ?

Nate essaie de construire sa vie et de cheminer le moins mal qu'il peut. Mais comment construire avec Brenda un couple stable sans additionner leurs névroses respectives ? Comment survire au décès de Lisa et faire face à cet enfant qui la rappelle tous les jours ? Comment aider son frère David à assumer sa sexualité quand on a tant de problèmes avec sa vie ? Comment être spectateur des errements affectifs de sa mère sans la juger ?

Les deux familles font chacune comme elles peuvent. Pas de recettes miracles : que l'on s'appelle Soprano ou Fisher, que l'on soit mafiosi ou croque-mort, on ne peut pas échapper à son passé et on doit simplement apprendre à faire avec. On n'est certes pas seul, et les autres sont là pour le meilleur et le pire. Finalement, on trace son chemin et on avance.


PS : pour en savoir plus ces deux séries cultes cliquer sur ces liens : The Sopranos et Six feet under

23 mars 2010

DEUX « PARADIS » DE LA VOITURE, DU BRUIT ET DU CONSTRUIT

Si seulement quand on chassait le naturel, il revenait au galop !

L'avion est posé depuis une vingtaine de minutes quand j'arrive à la douane. Regard crispé et peu avenant. Coup d'œil sur le passeport et le visa. Pas de questions. Quelques instants plus tard, le taxi roule sur l'autoroute au milieu d'une campagne reconstruite. Alignements d'arbres, puis rapidement de cités qui se succèdent. Le flux des voitures se densifie et les autoroutes s'entremêlent. Paradis du pétrole, du béton et du bruit.

L'avion est posé depuis une vingtaine de minutes quand j'arrive à la douane. Regard fixe et autoritaire. Pas question de plaisanter et de tergiverser. Coup d'œil sur mon passeport, pas besoin de visa. Quelques instants plus tard, le taxi est directement happé dans le flux continu. Parler de flux est inapproprié, vue l'absence de vitesse. L'horizon est rythmé d'autoroutes, d'autoponts et de « mall ». Paradis de la voiture, du commerce et du bruit.

Marcher est toujours une entreprise risquée. L'ordre dans cette ville est dicté par le rapport de force : la voiture domine, et c'est aux vélos de les éviter ; les deux ont pour cible commune les piétons qui s'engagent à leurs risques et périls sur le macadam. Le piéton se cantonne donc dans les espaces qui lui sont réservés. Nuées de fourmis pressées, s'arrêtant parfois pour saisir une brochette, une soupe ou un journal.

Marcher est une activité suspecte. Personne ne marche dans cette ville : on y roule, c'est tout. Quand on s'extrait de sa voiture, c'est pour s'engouffrer dans un bureau, un bar, un restaurant ou un magasin. Les quelques piétons se dépêchent de ne plus marcher, et en sont presque à s'excuser d'être là, pouvant gêner par leur présence l'empire mécanique.

Pour affirmer sa modernité, Pékin a rasé sans état d'âme l'essentiel de son passé. N'ont été épargnés que la cité impériale, quelques jardins et un ilot de « hutongs ». Les grandes avenues et leurs chapelets de cités climatisées ont envahi l'espace, se propageant du centre à la périphérie, périphérie qui s'étend sans fin d'anneau circulaire en anneau circulaire.

Los Angeles est née moderne, et, n'ayant pas de passé, n'a rien eu à raser. Elle étale les étoiles de sa superbe en les imprimant sur les trottoirs d'Hollywood boulevard. Les grandes avenues et leurs chapelets de lotissements dessinent l'espace, se propageant comme un tapis qui se déroule, toujours plus loin.

Au-delà des différences, ces deux mégapoles si distantes dans l'espace physique et culturel se regardent et se jaugent par dessus le Pacifique, comme deux piliers jumeaux de notre modernité actuelle.

11 mars 2010

DIALOGUE À DISTANCE ENTRE DEUX CRIS DES HOMMES

La mer les regarde et les unit

Il est devant moi, immense. Insolite comme une anomalie posée là où il ne faut pas. Une pyramide de pierres, cherchant à s'extraire du sol et des remparts… Impossible d'y échapper. Comme un cri des hommes vers ce Dieu qui, peut-être, nous regarde.

Elle est devant moi, immense. Insolite comme un château de sable construit par un enfant de génie. Un geste vers le ciel, un jeté de brique et de marbre, un saut liant avenir et passé. Comme un cri des hommes vers ce Dieu qui, peut-être, nous juge.

A ses pieds, sont les marchands du temple, ceux que Jésus a honnis. Il faut avancer vite, ne pas regarder, passer le plus vite possible du regard lointain à celui de proximité. Se retrouver dans ces pièces étranges et envoutantes, cernées de vent et de mer, de passé et d'imaginaire. Rêver que l'on a été l'un de ces moines et regarder la mer se retirer.

A ses pieds, le vide et le creux. Inutile de se presser, on peut savourer l'approche, pas de boutiques à touristes, juste un espace où l'on peut perdre ce bruit qui nous habite de trop. Se retrouver devant ce mur énigmatique et envoutant, avec la ville tout autour qui bruisse, la musique des vagues qui s'en viennent taper au pied.

Depuis longtemps, j'aime me retrouver au Mont Saint Michel. Lieu magique, commerces païens à l'entrée, présence divine avant et après, beauté mystique, habitée bien que vide, et surtout là où elle est vide. Signature verticale qui émerge du sable et des vagues. Ma première rencontre a laissé en moi une cicatrice qui ne s'est jamais refermée et me ramène périodiquement sur le lieu de sa création.

Ce week-end, j'ai découvert la Grande Mosquée de Casablanca. Lieu magique, aucun commerce à l'entrée, présence divine avant et après, beauté brute, vide bien qu'habitée, et surtout là où il y foule. Signature verticale qui émerge de la ville et des hommes. Cette première rencontre a laissé en moi une cicatrice qui n'est pas près de se refermer et me ramènera à Casablanca.

Télescopage à distance entre ces deux cris des hommes, séparés par des siècles et des milliers de kilomètres. Et si chacun des deux en regardant sa mer, rêvait de pouvoir enfin voir l'autre…

9 mars 2010

LES DEUX MECQUE

Aux deux bouts du même monde

L'eau semble couler comme paresseusement. Quelques indiens assis sur les marches improbables d'un gât regardent des buffles descendre doucement dans l'eau. Le brouhaha des ruelles résonne dans l'arrière-plan.

Les écrans de contrôle affichent de chiffres qui changent sans cesse. Quelques managers assis sur leur bureau regardent des hommes en chemise frapper frénétiquement sur des claviers. L'effervescence des rues ne parvient pas jusqu'à l'intérieur des salles de marché.

Le chant mélancolique et rythmé de Lali Baba ponctue les lumières qui se reflètent dans les eaux du Gange. En arrière-plan, des danseurs ondulent dans les odeurs de l'encens. Assis parmi les fidèles, je suis envoûté par la synchronicité du lieu, des voix et des mouvements.



Une chanson de Bruce Springsteen fournit le fond sonore aux conversations qui se propagent dans ce bar de Wall Street. En arrière-plan, les lumières des voitures rayent la vitrine. Accoudé au comptoir, je suis plongé dans l'effervescence de la nuit qui se réveille.



Des gurus qui en appellent à trouver le chemin d'un futur incertain, des temples où brûlent espérances et rêves, des charmeurs de serpents qui apprivoisent la mort potentielle en en faisant un spectacle, Bénarès est une Mecque fascinante.

Des experts qui affirment connaître l'évolution des cours, des banques où se consument les spéculations, des traders qui jouent sur la vie du monde, Wall Street est une Mecque fascinante.

Je regarde une fois de plus ce Gange qui borde Bénarès et lui donne son sens. Je finis par me décider : j'enlève mon tee-shirt et me plonge dans l'eau pour retrouver ceux qui sont plus proches de moi que différents. Il est des Mecque qui sont plus porteuses de sens que d'autres, et des eaux dans lesquelles il faut savoir ne pas nager. Celles du Gange ne sont pas les plus dangereuses…

8 mars 2010

LA MORT EST INÉVITABLEMENT AU RENDEZ-VOUS

Histoires d'hommes


Un jeune homme, William Blake, traverse tous les États-Unis dans un train. En même temps, le générique défile en contre-point du paysage. Dans ce symbole de la technologie humaine, il rejoint une ville improbable d'un Far West naissant.
Un homme, George Falconer, dans le milieu de sa vie enchaîne sur un rythme un peu compassé des gestes matinaux. En même temps, des images du passé surgissent en contre-point de son présent. De sa maison californienne sur-esthétisée, il se prépare à sortir.

De la rencontre de cette ville, William ressort blessé à mort. Poursuivi sans relâche pour ce meurtre qu'il n'avait pas voulu, il tente lentement de faire en sens inverse le chemin qu'il avait mécaniquement fait dans le générique. Glissant vers sa propre mort que l'on sent inévitable, il essaie de s'extraire de ce Far West qui n'était pas le sien.
Cette journée, George ne va pas la vivre, mais juste la parcourir. Hanté par un amour tué qui l'a laissé détruit, il traverse les moments et les lieux. Glissant vers sa propre mort que l'on sent inévitable, il prépare méthodiquement sa sortie de ce monde auquel il n'appartient déjà plus.

L'indien Nobody essaie bien de sauver William, en lui ouvrant les portes de cette nature dans laquelle il vit en osmose. Mais comment celui qui n'est que personne pourrait-il se mettre en travers d'une mort déjà programmée ? Alors les notes lancinantes de la musique de Neil Young viennent transpercer l'espace et finir le chemin de la balle qui avait blessé William. Et il s'en va glissant sur les eaux qui, doucement, emportent son corps …


Un des ses élèves, Kenny, essaie bien de sauver George, en faisant le don de sa beauté romantique et du futur potentiel émanant de son corps sortant de l'adolescence. Mais comment l'attraction de la jeunesse pourrait-elle stopper une mort déjà accomplie ? Alors, bien qu'en rangeant son revolver dans le tiroir, George ait finalement abandonné le projet de mourir, son corps en décide autrement. Et il tombe au pied de son lit, pendant que Kenny dort paisiblement.

A la beauté des paysages naturels filmés par Jim Jarmusch répond l'univers sur-construit de Tom Ford. Des deux films émane comme un vide dans lequel soit on se noie douloureusement, soit on tombe amoureusement. On peut s'en réveiller ensuite en baillant … ou en rêvant de nature et de bras réconfortants. La vision de la mort peut détruire ou faire renaître. C'est selon…


5 mars 2010

SE MÉTISSER POUR ÊTRE RICHES ENSEMBLE

______ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________
Rappel du patchwork de la semaine :
- Lundi : Premier effet miroir entre le Prophète et Tetro. Parallélisme des chemins, ouvertures créées par des portes poussées, réponses inattendues et morts du père inévitable.
- Mardi : Deuxième effet miroir, cette fois entre le Bal de Laze et Mourir pour des idées. Où l’on voit que, dans le monde de l’incertitude, il est bien imprudent de vouloir mettre sa vie en jeu trop vite…
- Mercredi : Deux fois quatre femmes qui n’ont apparemment rien en commun et que tout oppose, celles de Desperate Houseviwes et celles de Sex and the city. Et pourtant quand on y regarde de plus près, les frontières sont floues et perméables.
- Jeudi : Finalement c’est le regard du littéraire Proust qui est plus scientifique que celui d’Asimov. Il est illusoire de croire que l’on pourra un jour prévoir le futur et exact que notre mémoire recompose constamment notre passé.

Voilà le début d’un jeu de miroirs. Pourquoi cela ?
Pour montrer que notre monde est fait de yin et de yang, de différences créatrices, d’écarts significatifs.
Avant l’humanité avait vécu cloisonnée, chaque nation restant enfermée chez elle. Les échanges se faisaient aux franges, les rapprochements à l’occasion des conflits.
Depuis un siècle, nous sommes devenus juxtaposés : sur nos territoires, cohabitent les origines, les cultures et les religions. Cette cohabitation est source de combats, de frictions et d’incompréhensions.
Demain, nous devons apprendre à dépasser ces différences, trouver nos points communs et aller vers le métissage. Alors nous pourrons être riches tous ensemble.

4 mars 2010

À LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU OU D’UN FUTUR INCONNU

Le plus moderne n’est pas le plus scientifique
Proust part à la recherche du temps passé, quand Asimov part à celle du temps qui n’est pas arrivé. Quêtes symétriques et opposées.

Au travers d’un long retour en arrière, Proust nous faire replonger dans les détails de son enfance, puis nous fait cheminer dans les méandres de sa vie. Son récit est fait de rebonds multiples associant les odeurs, les bruits ou les couleurs. Il s’arrête souvent dans un passé immobile, n’en finissant plus de zoomer à l’intérieur d’un moment, ajoutant précision sur précision, fioriture sur fioriture. Comme dans les mathématiques fractales, nous tombons verticalement dans des structures autosimilaires. Comme si notre œil était vissé sur un microscope électronique, nous n’en finissons pas d’entrer plus au cœur de cet instant. Quand le récit reprend son cours, nous sommes presque surpris, de sentir le temps à nouveau s’écouler.
Au travers d’une longue plongée vers le futur, dans sa saga sur la Fondation, Asimov nous projette dans des mondes hypothétiques. Son récit est fait de fulgurances et de constantes accélérations. Nous suivons la progression de cette petite fondation créée au bout de l’empire galactique et son passage au travers des différents stades de développement d’une société. Asimov n’a pas le temps de s’arrêter dans de longues descriptions, les années et les siècles s’enchaînent à toute vitesse, et nous avons devant nous un film accéléré du futur. Quand parfois il prend le temps d’une précision, nous sommes interloqués de sentir le temps s’arrêter.

Proust nous fait découvrir que le passé n’est pas figé, mais un souvenir constamment composé et recomposé : notre mémoire est une matière vivante dans laquelle nous pouvons jouer. Source infinie de créativité.
Asimov nous fait croire que l’on peut prévoir le futur et agir au présent pour le modifier de façon certaine. Il imagine des psycho-historiens qui sont capables de savoir à l’avance que le monde va à sa perte et ce qu’il faut faire aujourd’hui pour que quelque chose advienne demain
Finalement le plus moderne des deux est le moins scientifique : Asimov est encore imprégné de la vision de Laplace qui pensait que nous saurions tout un jour. Or tous les développements scientifiques du siècle dernier - mécanique quantique, théorie de la relativité, et tout récemment mathématiques du chaos, biologie et neurosciences- nous ont montré que le futur était encore plus incertain que notre passé. Ainsi il est inutile de partir à la recherche d’un quelconque futur, car, tant qu’il n’est pas advenu, on ne peut pas savoir ce qu’il sera !

3 mars 2010

HISTOIRES DE FEMMES

De Wisteria Lane à New York

Quatre femmes attablées autour d’une table de salle à manger échangent sur les heurs et malheurs de vie de couple. Quatre autres attablées à la table d’un café font le point sur leurs dernières frasques amoureuses.
La première scène se passe à Fairview, la deuxième à New-York. Les premières sont les héroïnes de Desperate Houseviwes, les autres de Sex and The City.
Étonnant effet de miroir entre les deux séries.
La première se déroule dans le conformisme d’une banlieue américaine. Comme dans un huis clos élargi, on retrouve épisode après épisode, saison après saison, les mêmes couples prisonniers de leurs habitudes et de leurs conventions. Quelques apports externes – un couple qui emménage ou déménage, un meurtre suspecté et inexpliqué,… –  viennent apporter une apparence de diversité, mais ce n’est pas l’essentiel. L’important est dans le jeu sans fin qui les occupe, elles quatre et leurs époux.
La seconde se passe dans la folie de la vie new-yorkaise. Cette fois, tout bouge autour d’elles. Les amants et les aventures défilent dans un carrousel sans fin. Elles se disent à la recherche d’une stabilité qu’elles rejettent dès qu’elle se présente. Prises dans la bourrasque de leur vie et de leur ville, d’une nouvelle paire de chaussures à une nouvelle partie de jambes en l’air, elles courent sans cesse.
Si maintenant on zoome à l’intérieur de ces deux groupes féminins, les différences commencent à se gommer et les frontières deviennent floues : Gabrielle Solis, ancienne mannequin, rêve de shopping et semble être toujours à deux doigts de s’enfuir de Wisteria  Lane pour rejoindre une boutique branchée de New-York. Charlotte York a du mal à suivre le rythme débridé des trois autres, et on la sent pouvoir à tout moment se réfugier dans un pavillon confortable d’une quelconque banlieue bourgeoise.
Et finalement que l’on soit resté immobile dans Wisteria Lane ou que l’on ait couru dans les rues de New York, on finit toujours par rester au même endroit : toutes quatre se retrouvent sans cesse autour de la même table à ressasser les mêmes histoires.

Comme le miroir de ces deux séries, notre monde est fait de contrastes apparents, de proximités cachées, de métissages potentiels et de vaines agitations…

2 mars 2010

NE MOURRONS PAS TROP VITE ET POUR RIEN !

Difficile dans le flou d'être sûr de ses choix

La chanson « Le bal de Laze » a toujours été au Panthéon de mes chansons préférées. Michel Polnareff y dresse le tableau d'un jeune homme qui raconte son amour impossible pour la fille des châtelains dont il n'est que l'employé. Comme il n'avait pas pu supporter de la voir en épouser un autre, le soir des fiançailles, il avait tué le fiancé. La chanson se passe alors qu'il est en prison et va être pendu le lendemain. À la fin, il dit : « Ma dernière phrase sera pour qu'on me plaigne, puisqu'on va lui donner un autre fiancé et que je n' pourrai pas supprimer celui-là ». Beauté d'un amour romantique absolument désespéré.



Ceci me fait penser à cette autre chanson, cette fois de Georges Brassens, « Mourir pour des idées » : « Car, à forcer l'allure, il arrive qu'on meure pour des idées n'ayant plus cours le lendemain. Or, s'il est une chose amère, désolante, en rendant l'âme à Dieu c'est bien de constater qu'on a fait fausse route, qu'on s'est trompé d'idée. Mourrons pour des idées, d'accord, mais de mort lente »



Ainsi si les combats désespérés sont bien les plus beaux, ils n'en restent pas moins le plus souvent inefficaces et sans portée réelle. Dans l'incertitude qui nous baignent tous, prenons le temps de la réflexion et faisons attention à ne pas « mourir » trop vite et pour rien…

1 mars 2010

LA VIE N’APPORTE JAMAIS CE QUE L’ON CHERCHE

Télescopage entre Tetro et le Prophète ou quand Coppola répond à Audiard…


Deux jeunes hommes, sortis depuis peu du monde de l'adolescence, poussent une porte qui fera que leur vie ne sera plus jamais la même.

L'un la pousse volontairement : Bennie, échappé du domicile paternel, tout habillé du blanc de son uniforme de marin, pénétrant dans l'appartement de son frère. Ce frère, nettement plus âgé que lui, l'a abandonné brutalement, sans un mot, sans une explication, le laissant désemparé. Il le retrouve ici à Buenos Aires, au milieu des jeux du théâtre et de la musique. Est là aussi celle qui a recueilli son frère et peu à peu aider à se reconstruire.

L'autre la pousse involontairement : Malik, condamné à six ans de prison, habillé d'un jogging gris, propulsé dans un univers qu'il n'a pas choisi et qui lui est étranger. Muré dans son incapacité à lire ou écrire, il n'est que le jouet des événements et la victime de ceux qui, tout puissants, règnent. Il n'a d'autre choix que de se plier à cette loi, et de devenir une sorte de bonne du chef de clan corse.

Petit à petit, Bennie va se rapprocher de ce frère qui cherche à le garder à distance. Il était venu pour fuir son père et retrouver son frère. Entremêlé dans les fils de son passé, prisonnier d'une histoire qui est bien la sienne, mais à laquelle il ne peut rien, le voilà qui finira par trouver ce qu'il n'aurait jamais pouvoir imaginer trouver. Celui qui était son père au début en sera pour une deuxième mort…

Petit à petit, Malik va faire son chemin, décryptant instinctivement les règles de ce monde qui n'était pas le sien. Se fondant dans le paysage, retournant à son profit ce que les autres prennent pour sa faiblesse, le voilà qui finira par devenir le caïd. Celui qui était son protecteur au début sera sa victime.

Drôle de parallélisme entre deux résurrections : l'une en forme de rédemption, l'autre de damnation. L'un croyait savoir ce qu'il cherchait, l'autre ne cherchait rien. L'un perd définitivement le frère qu'il voulait pour y gagner un père auquel il ne croyait plus, l'autre s'insère dans la société au moment où celle-ci a voulu l'enfermer. Les deux en viennent à tuer leur père d'origine. Et à chaque fois, la vie vient apporter des réponses à des questions que l'on ne se posait pas…


PS : Sur Tetro, allez lire  "Garde le fil qui te lie à ton âme", et sur le Prophète "Un film initiatique total", deux excellents textes de la philosophe Paule Orsoni