15 janv. 2009

NE LAISSONS PAS NOTRE « CERVEAU REPTILIEN COLLECTIF » NOUS EMMENER DANS LA « NEUROJUNGLE »

C’est devenu aujourd’hui une évidence pour tout le monde que nous sommes à un moment dangereux de l’évolution du monde. Ceci est un fait nouveau et récent (lire aussi « Neurocrise pour un Neuromonde » et « Neurocrise pour un Neuromonde (suite) »).
Ceci est le résultat cumulatif de nombreux signaux parallèles :
- Finances : Spéculation financière, crise des subprimes, mise en cause des systèmes de contrôle, …
- Emploi : Délocalisation des activités vers les pays à bas salaire, pression à la baisse des rémunérations pour les tâches à faible qualification, disparition de « l’emploi à vie », …
- Écologie : Réchauffement de la planète, diminution du nombre des espèces vivantes, inquiétude alimentaire, …
- Politique : Absence de structure politique mondiale, compétition croissante entre pays pour l’accès aux ressources critiques (énergie, minerais, …), tensions constantes et conflit au sein du Moyen- Orient, …
- Culturel : Perte de repères locaux historiques, montée des fondamentalismes dans toutes les religions, généralisation d’un « tout économique », …
Nous sommes clairement à l’aube d’une mutation profonde dont, si les prémisses sont nettes, les conséquences sont incertaines.
Dans ce type de situation, les risques de conflit sont majeurs. Ces conflits peuvent être entre les nations, comme à l’intérieur d’une nation. Ils peuvent aussi venir déstabiliser des systèmes démocratiques apparemment très solides.
Il est donc essentiel que ceux qui restent favorisés, ceux qui ont la chance de pouvoir être en recul relatif grâce à la fois à leur parcours personnel – éducatif et professionnel – et leur situation économique, soient des facteurs incitant au calme et à la compréhension collective.
Pour faire une comparaison avec le fonctionnement du cerveau d’un individu, il est de leur responsabilité d’éviter que collectivement nous soyons tous sous la domination de notre cerveau reptilien, ce cerveau qui, venu des tréfonds de notre origine animale, nous pousse à nous battre pour être le plus fort… Sinon nous allons tous ensemble retourner dans la jungle, une « Neurojungle ».

Dans ce contexte, c’est un euphémisme d’écrire que je ne comprends pas ce qui a pu pousser Jacques Attali à écrire son dernier billet sur le blog qu’il tient dans l’Express (cliquez pour lire son billet).
Je cite le début :
« Que se passerait-il si Nancy était bombardé par des fusées tirées depuis Luxembourg ? Si des attentats suicides avaient lieu dans les rues de Paris ? Et si des pays limitrophes de la France ne reconnaissaient son droit à exister ? … »
Je peux comprendre que, à titre personnel, Jacques Attali se sente blessé dans sa chair intime par ce qui se passe entre israéliens et palestiniens. Mais il est de la responsabilité d’un « vrai intellectuel » de ne pas tomber sous le coup de ses propres « émotions » et de savoir les dépasser.
Or, dans son billet, par ses premières phrases, il en appelle à la peur comme facteur de compréhension, aux émotions « primaires » et non pas à l’intelligence. Il en appelle ainsi – j’espère involontairement – à exacerber les passions, et donc, par là, les tendances belliqueuses.
Dans les jours, mois et années qui arrivent, j’espère que nous n’allons pas avoir trop de tels « Jacques Attali ».


14 janv. 2009

L’ENTREPRISE A DES INCONSCIENTS

En reprenant la définition de la neurobiologie et en centrant sur la vision de la Direction Générale, j’appelle dans l’entreprise « processus conscient » tout ce qui est traité dans l’espace de travail central, c’est-à-dire celui de la Direction Générale. Tout le reste est un processus inconscient.
On peut structurer trois niveaux d’inconscient pour une organisation :
- "L’inconscient de structure" : il s’agit de tout ce qui va générer des actions et des résultats, sans que ceci puisse être d’une façon ou d’une autre rapporté auprès du système de management. Les actions sont effectives et bien réelles, mais ne font pas l’objet d’une analyse et d’un processus conscient, et donc pas non plus à proprement parler d’une décision. Elles sont par exemple directement produites par la façon dont est organisée l’entreprise ou par les systèmes d’information.
- "L’inconscient non connecté" : ce sont tous les systèmes de management locaux qui construisent des représentations, produisent des décisions, mais ne sont pas reliés au management central. En l’absence de cette connexion, ces décisions locales ne participent pas à la représentation globale, ni donc à la construction de scénarios.
- "L’inconscient connecté" : ce sont tous les systèmes de management locaux qui construisent des représentations, produisent des décisions et sont reliés au management central. Même s’ils ne sont pas pour l’instant intégrés dans l’analyse faite par le management central, ils peuvent à tout moment l’être.

Revenons plus en détail sur chaque niveau d’inconscient :

À cause de son "inconscient de structure", l’entreprise prend des décisions « sans le savoir »
L’organisation de l’entreprise, les systèmes en place, et tous les processus génèrent des actions quotidiennes, cela de façon automatique. Il est important qu’il en soit ainsi : en effet c’est ce qui permet à l’entreprise de travailler efficacement, rapidement et à bas coût. Comme pour un individu, ce sont ces processus automatiques qui maintiennent le corps vivant, et qui, après apprentissage, savent marcher, écrire ou nager. Mais, puisqu’ils sont inconscients, il faut périodiquement s’assurer que ce qu’ils produisent est bien en ligne avec les objectifs de l’entreprise.

"L’inconscient non connecté" peut permettre la gestion et l’optimisation des activités non stratégiques
Vu l’étendue de sa géographie, de ses produits, de ses marchés, une grande entreprise doit gérer un système extrêmement complexe. Or si certaines des activités peuvent être utiles, voire indispensables localement, elles ne sont pas nécessairement en relation directe avec la stratégie globale. Il est alors inefficace, voire dangereux, de les gérer avec une interférence du niveau central. Elles doivent être managées localement, sans connexion pour ne pas être « polluées ».
Ces gestions ne doivent pourtant pas être automatiques, car ce sont des activités complètes qu’il faut optimiser. L’intervention de managers locaux est nécessaire.
On a donc, dans une grande entreprise, intérêt à avoir des zones de management local non connectées au système central, d’où ces « inconscients non connectés ». Cette non-connexion est souhaitable pour libérer le système central et permettre aussi des prises de décisions locales plus rapides et plus adaptées.
Noter que ce qui est inconscient pour le système central, est conscient pour le système local : il y a un emboîtement vertical de conscients/inconscients.
Mais faut-il encore s’assurer que ces décisions locales ne sont effectivement pas à relier à la stratégie centrale. La rapidité des évolutions et les nécessaires modifications d’une stratégie imposent de réexaminer périodiquement la pertinence de cet « inconscient non connecté ».

"L’inconscient connecté" est le système de veille de l’entreprise et vient nourrir la pensée stratégique
Revenons un instant sur l’individu. Quand vous marchez dans la rue, votre pensée consciente peut être centrée sur un tout autre sujet que surveiller cette marche : ce sont des processus automatiques qui la gèrent opérationnellement. Ces processus non conscients, mais connectés, surveillent votre environnement : vos yeux regardent ce qui se passe autour de vous ; vos neurones analysent cette information et la rapprochent de votre expérience pour savoir si un risque quelconque apparaît ; le système émotionnel est là pour, en cas de danger repéré, déclencher une action immédiate et vous alerter afin de traiter consciemment les suites à donner.
De la même façon, pour être efficace, une grande entreprise doit disposer de « systèmes inconscients connectés » pour gérer les opérations quotidiennes tout en surveillant l’environnement : des systèmes qui fonctionnent indépendamment de la Direction Générale mais qui peuvent à tout moment l’alerter.
La mise en place d’un tel système suppose d’avoir défini préalablement les conditions de survie à court, moyen, et long termes de l’entreprise, afin de pouvoir faire fonctionner les bons systèmes d’alerte.
Cet inconscient connecté a aussi un autre intérêt : il permet à l’individu de trier entre les options possibles et de pouvoir construire des intuitions. De même pour l’entreprise, il doit être capable de venir nourrir la stratégie en proposant des innovations ou en préparant des décisions.
Cette double dimension de l’inconscient connecté – veille pour déclencher des alertes et capacité à nourrir et enrichir le management central – est un outil puissant pour repenser le fonctionnement d’une organisation.

Voir aussi la vidéo "Pourquoi ce livre"
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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

13 janv. 2009

L’ENTREPRISE REPOSE AUSSI SUR DES INTERPRÉTATIONS

Les interprétations sont au cœur de tous les actes
Les travaux menés par la sociologie des organisations, et singulièrement par Michel Crozier, ont montré l’importance d’une bonne compréhension des interactions entre individus : comprendre que le comportement de chaque individu s’analyse dans le cadre d’une relation, et est, sauf cas pathologique, rationnel, mais de façon limitée. Chacun agit rationnellement en fonction de la compréhension qu’il a de la situation, des objectifs qui lui ont été donnés, et de ses objectifs personnels.
Ainsi si on ne comprend pas pourquoi un individu a telle ou telle réaction, ou pourquoi il prend telle ou telle décision, c’est que l’on ne comprend pas sa rationalité ; ou, autrement dit, que, de son point de vue, la logique des choix qui lui sont offerts est différente de celle que nous, nous percevons.
Selon la neurobiologie, ce qui structure l’action d’un individu, ce n’est pas le réel mais l’interprétation qu’il en fait. Ceci vient renforcer la vision développée par la sociologie des organisations : à partir de sa logique interprétative propre, son comportement sera rationnel. On passe de la rationalité limitée à la « rationalité interprétative ».
Donc si l’on veut synchroniser les actions au sein d’une entreprise vers un objectif commun, il faudra synchroniser les interprétations de chacun des individus. C’est un pas nouveau à franchir. Classiquement, on se préoccupe de savoir ce que chacun connaît des objectifs, et au mieux ce qu’il a compris ; on s’interroge rarement sur sa compréhension profonde et l’interprétation qu’il fait de ce que l’on attend de lui. Or s’il se trompe sur cette interprétation, il se trompera au moment d’agir.

Les systèmes de management construisent des interprétations globales
La problématique de la Direction Générale est d’être capable, à tout moment, de construire une vision organisée et structurée de la situation globale de l’entreprise. Pour cela, il lui faut synthétiser toutes les informations disponibles, élaborer des scénarios d’évolution tenant compte de l’expertise accumulée dans l’entreprise, choisir un scénario et le mettre en œuvre.
On retrouve très précisément les propriétés attribuées à la conscience supportée par l’espace de travail. Simplement à la différence d’un individu, une Direction Générale va devoir à traiter consciemment plusieurs sujets en même temps. Notons toutefois que, si un sujet majeur apparaît – par exemple risque d’OPA ou diversification majeure –, il vient occuper quasiment tout l’espace disponible.
Enfin, une entreprise importante est dotée de plusieurs espaces de travail : on peut en identifier à chaque niveau de management, filiales, division ou service.

L’entreprise peut se couper du réel et construire de fausses interprétations
Imaginez que vous êtes au volant d’une voiture, cette voiture faisant partie d’une flotte de véhicules professionnels. La voiture prend feu. Immédiatement, vous vous arrêtez et cherchez à éteindre l’incendie. Au même moment, le superviseur, qui se trouve dans la salle de contrôle, constate l’arrêt de votre véhicule. Il n’a lui pour information que la synthèse de celles figurant sur votre tableau de bord. Or aucun tableau de bord n’est équipé d’un voyant « véhicule en feu ». Donc le superviseur ne sait pas ce qui se passe : pour lui votre comportement est aberrant puisque vous vous arrêtez, alors que « tout va bien ». S’il n’y a pas à ce moment-là un système qui peut permettre au réel d’accéder à la salle de contrôle – par exemple via un téléphone –, le superviseur va construire une interprétation fausse.
Une entreprise peut donc se déconnecter, au moins partiellement, du réel. Dans ce cas, le système central n’est plus capable d’intégrer de nouveaux événements dans la construction de son interprétation et des faits explicatifs de la situation sont manquants : on peut voir se développer des comportements « aberrants », c’est-à-dire des interprétations en contradiction avec le réel. Comme pour l’individu héminégligent, une Direction Générale peut avoir une « maladie » l’amenant à ignorer une partie de son corps et à construire des raisonnements de type « logique des trois mains »

Voir aussi la vidéo "Pourquoi ce livre"

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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

12 janv. 2009

Neuromagement : Article paru dans la revue "Ponts et Chaussées Magazine"

"Peut-on appliquer les enseignements et ressources des neurosciences à l'étude de ce grand corps, traversé d'influx nerveux aussi complexes que l'information et les jeux de pouvoir, qu'est l'entreprise?

Consultant en stratégie pour de grands groupes internationaux, Robert Branche relève le défi dans ce court essai particulièrement tonique.
Il part du constat, que tout un chacun peut faire, que « nous ne pouvons avoir un comportement efficace conscient que parce que nous gérons de façon inconsciente l'essentiel des paramètres, des analyses et des actions ». C'est parce que nous ne pensons pas à mettre un pied devant l'autre que nous marchons. De la même façon, les processus inconscients, qui relèvent de la culture d'entreprise, délivrent celle-ci de pesanteurs insupportables et permettent à son management de se concentrer sur la stratégie.

L'auteur en appelle à la responsabilité du management en la matière. Responsabilité première de ne pas polluer l'activité de routine par une intervention autoritaire qui transformerait les collaborateurs en armée de « termites », obéissante mais paralysée dans ses initiatives.

Responsabilité seconde d'entendre la voix du terrain avant toute décision stratégique qui, à son niveau, risquerait de pécher par simplisme. L'exemple cité à cet égard d'une compagnie aérienne qui avait décidé de réduire ses emplois de bagagistes au moment même où elle développait son hub, dont l'efficacité repose précisément sur la capacité à traiter en un temps très court des quantités considérables de bagages, est frappant. Responsabilité, en troisième lieu, de doter par apprentissage l'entreprise d'une disposition à affronter la crise, alors qu'elle n'est pas « génétiquement dotée d'un moteur émotionnel ». Responsabilité, enfin, de récompenser le « braconnage » sans lequel il n'est pas d'innovation, par la décentralisation des centres de responsabilité.

L'auteur lui-même braconne volontiers. Ses suggestions sur la distribution du courrier en zone rurale ou sur les délais de paiement aux fournisseurs pourraient inspirer des réformes. En définitive, cette petite psychanalyse de l'entreprise fait l'éloge de la paresse, chère aux scientifiques : « Être efficace, c'est finalement savoir tirer parti de ses processus inconscients et ne gérer consciemment que le minimum ! Vive les consciences paresseuses ! ». Tout un programme."

Article de Michel Rostagnat
(Revue PCM n°4 2008)

11 janv. 2009

L’UNIFORME PRODUIT PLUS D’APPAUVRISSEMENT QUE D’EFFICACITÉ

Je poursuis mon propos d’hier sur « l’uniforme et l’heure de pointe ».

Finalement je retrouve là ce que j’écrivais en octobre dans « Attention aux jardins à la française » : nous nous sentons rassurés par les espaces homogènes, bien structurés, bien en ligne. Le désordre et la différence, quoique l’on en dise, nous dérangent, nous inquiètent. Ou alors si ce n’est qu’une piqure le temps des vacances, ou un exotisme maintenu à distance, tout va bien.
Il en est bien ainsi le plus souvent dans les entreprises : la mise en place d’une nouvelle organisation rime avec renforcement de la standardisation, la nouvelle société récemment acquise est rapidement mise au moule, la politique des ressources humaines et la formation cherchent à faire émerger un profil type et « idéal »…
C’est le lieu commun de la performance : plus d’uniformité, plus de standardisation, plus d’effet d’échelle…

Mais comme le décrit François Jullien, cette uniformité n’est pas l’universalité, elle n’est accroissement du « commun » qu’au prix d’un appauvrissement collectif.

Une autre voie est possible, plus difficile à court terme, apparemment plus chaotique et moins « productive » (voir « Quand désordre rime avec harmonie et efficacité ») : bâtir le commun à partir du respect des vraies différences et de la recherche, au travers d’un dialogue interne – de ce que j’appelle « la confrontation » - du bon compromis.
Je suis convaincu que la vraie efficacité des structures collectives – économiques comme politiques – passe par là…


10 janv. 2009

NOTRE RECHERCHE DE L’UNIFORME : VIVE L’HEURE DE POINTE !

Dans son dernier livre, « De l’universel, de l’uniforme, du commun et du dialogue des cultures », François Jullien écrit notamment :
« L’uniforme impose ses standards comme le seul paysage imaginable, et sans même sembler les imposer. De là, sa dictature discrète. Aux quatre coins du monde, on retrouvera inévitablement les mêmes vitrines, les mêmes hôtels, les mêmes clés, les mêmes clichés, les mêmes affiches de bonheur et de consommation… Car si dictature il y a, c’est qu’une telle uniformisation ne se limite pas aux biens matériels mais envahit aussi l’imaginaire. Par une opération éditoriale réussie, Harry Potter ou Da Vinci Code formate à l’identique les rêves d’adolescents du monde entier. »

Certes, et pour moi, on retrouve ici notre besoin tribal, notre peur du différent (voir notamment « La confrontation n’est pas naturelle »). Donc je pense que malheureusement l’uniforme n’a même à imposer ses standards, car il répond à nos attentes profondes. Et c’est bien là le problème…

Il y a quelques années, en introduction d’un livre qui n’est jamais paru, j’avais écrit un texte sur ce sentiment grégaire. Il illustre encore bien ce que je ressens aujourd’hui. Le voilà :

« Heure de pointe, heure d'affluence, vous êtes là, vous êtes tous là, les uns contre les autres, bien au chaud, chaleur humaine, mais oui ne dites pas le contraire, vous aimez cela, être les uns contre les autres - je sais, je me répète, mais vous aussi, vous vous répétez sans fin, sans imagination -, vous avez besoin de cette présence collective, sinon pourquoi vous seriez tous là au même moment.
Heure de pointe. Vous la cherchez ou quoi ?
Tous bien pareils, et dire qu'il y a un débat autour du clonage, mais vous l'êtes déjà clonés !
Clonés, clownés, comiques involontaires, votre image est renvoyée indéfiniment par vos voisins, chacun est un miroir, simplement le reflet des autres. Si vous avez l'impression d'exister, d'être différents, alors prenez le large, oxygénez-vous, allez ailleurs. Non, vous préférez ne pas bouger, rester ensemble, force de la tribu. Cela vous rassure ?

A chaque fois que je vois une foule, je me pose la même question : que font-ils là ? Quelle crainte veulent-ils cacher, celle de leur différence, celle d'avoir à expliquer pourquoi ils feraient un choix différent ? Merde, soyez vous-mêmes, pour un jour, une heure, une minute, une seconde !
Sortez du troupeau, respirez, prenez le risque de suivre vos pulsions, vos envies. Mais non, vous aimez cette manie de vous bousculer à l'heure de pointe. La cohue, c'est ce que vous recherchez – mais si, avouez-le ! -, grégaires, vous êtes grégaires. Bien au chaud ! Rapprochez-vous, allez encore un peu plus, encore plus de monde, plus proches, plus l'un contre l'autre, l'un sur l'autre. Vous avez envie de vous échapper, de sortir de cette maudite heure de pointe, vous croyez aller ailleurs... et rien n'y fait : vous n'avez pas plutôt bougé que tout le monde est là, avec vous, autour de vous.

Car quand vous bougez, ce n'est pas pour sortir des sentiers battus, mais pour rejoindre une autre heure de pointe : la petite route déserte de campagne, vous ne l'aimez que si elle vous permet d'aller plus vite de votre cité à votre camping surchargé. Interdit de s'y attarder sur cette route déserte, interdit parce que vous y seriez seul, tout seul.

Heure de pointe, elle vous suit, vous la suivez, inexorablement.
Malédiction ou plaisir ? Plus de plaisir car si vous vous retrouviez sans personne, sans ceux dont vous maudissiez la présence quelques minutes avant, vous auriez peur, peur de cette solitude qui vous obligerait à penser, à ne plus simplement vous conformer au courant ambiant.
Heure de pointe... »


9 janv. 2009

ET SI LE DISCOURS ACTUEL SUR LA VALEUR « TRAVAIL » N’AVAIT PAS GRAND SENS…

J’ai vraiment du mal avec le discours dominant sur le travail.

Tout d’abord au risque de vous choquer, je ne vois pas pourquoi on érige la valeur « travail » comme un objectif en soi. Qui a décidé que le but de l’homme était de travailler ? Pourquoi glorifier le travail ? En quoi est-ce si important et valorisant de « travailler » ? Et si l’on n’adhère pas à ce discours dominant, on est catalogué de paresseux, ou pire de parasite… Drôle de monde, vision un peu simpliste non ?
J’ai comme l’impression que tout ceci nous vient de la vision bourgeoise issue du XIXème siècle… Le temps de lumières, c’est une autre planète…

Bien sûr, il faut travailler pour vivre et subsister, mais ce n’est pas un objectif dans ce cas, juste un moyen. Légèrement différent, non ?

Si vous pensez que je caricature, imaginez la situation suivante : vous vous trouvez à un dîner regroupant une digne assemblée de travailleurs – salariés ou entrepreneurs, comme vous voulez –. Chacun y va de son histoire, de sa dernière anecdote de travail, et se plaint bien sûr du rythme infernal de ses journées. A ce moment, l’un d’eux se tourne vers vous et vous demande : « Et toi ? ».
« Moi ? Je reviens de ma maison en Bretagne et je n’ai pas rendez-vous de prévus pour cette semaine. C’est bien, cela va me permettre de réfléchir… ».
Croyez-vous vraiment que vous allez être la star de la soirée ?

Autre exemple, cette fois réel. Souvenir venant du moment où je venais de passer les concours d’admission aux écoles d’ingénieurs et venait d’être admis. J’avais alors 20 ans. Chaque fois que je rencontrais alors un membre de ma famille, j’avais droit aux mêmes compliments : « C’est bien, tu vois, le travail paie. ». Or je n’avais pas tant travaillé que cela. Bizarrement les mathématiques et la physique ont toujours été quasiment « naturelles » pour moi. Un jour, fatigué par ce qui était devenu comme une rengaine, j’ai répondu : « Mais, non, je n’ai pas travaillé. Et c’est pour cela que je suis méritant. Réussir quand on a beaucoup travaillé, ce n’est pas une performance, c’est banal. » Goût de la provocation certes, mais pas seulement…

Ensuite – désolé, je n’en ai pas fini avec ce qui est pour moi une idée reçue –, venons-en au fameux « Travailler plus ».

Faisons d’abord un détour avec le début du XXème siècle et la naissance de l’automobile. A nouveau, je vous demande un effort d’imagination : nous sommes ensemble à la tête d’une entreprise qui fabrique des fiacres et avons donc à faire face à cette menace.
Pensez-vous que la bonne réponse sera de diminuer le coût de nos fiacres en abaissant le prix de fabrication et en comprimant toutes les dépenses non strictement indispensables ? Faudrait-il vraiment que nous décidions de « travailler plus » pour réussir ?

J’ai la furieuse impression que tout le discours actuel sur le « Travailler plus » est aussi inefficace.
Ayant eu l’occasion d’aller à de multiples occasions en Chine, ayant même participé à la création d’une activité à Pékin, j’ai vu travailler les chinois environ 10 à 12 heures par jour, 6 jours sur 7 et 50 semaines sur 52 – ceci étant plutôt un minimum… –.
Et on voudrait construire notre compétitivité sur le temps de travail ? Est-ce bien raisonnable ?

Comme les fabricants de fiacre, il ne s’agit pas de mieux fabriquer « nos fiacres », mais comprendre que nous changeons de monde, que ce sont « d’automobiles » qu’il s’agit.

Ne travaillons pas plus, travaillons autrement. Apprenons à redécouvrir que le travail n’est pas un but, mais une contrainte. Et cherchons comment tous ensemble « travailler mieux »…



7 janv. 2009

NOUS SOMMES TOUS DES CANNIBALES !

Le ski amène parfois de drôles de pensées… La neige défilait rapidement sous mes planches, quand, comme un éclair, je me suis ressenti cannibale !
Je vous rassure, je ne suis cannibale que dans un sens élargi : comme tout être vivant, mon alimentation n’est composée quasi uniquement que d’autres « êtres » vivants. Je venais de repenser à mes derniers repas et je voyais défiler un cimetière alternant viande, légumes, fruits… Autant de crimes à mon actif.
A part cela pas grand-chose : le fromage et les produits lactés, le sel, l’eau…
Bizarre sensation. Je ne sais pas pourquoi, mais je me sens « différent » depuis cette pensée. Naturellement je continue à manger, mais cette idée du vivant qui ne doit sa survie qu’à la destruction d’autres cellules vivantes m’avait jusqu’alors échappé.

Bien sûr parmi mes proches, certains sont végétariens, voire végétaliens ; mais, même eux, ils ne se nourrissent quasiment que de produits vivants : les légumes et les fruits. Impossible d’échapper à cette loi.
D’ailleurs les animaux eux-mêmes sont soit carnivores, soit herbivores, soit omnivores… et donc tous des criminels du vivant !
Restent les végétaux qui, eux au moins – je mets à part les plantes carnivores –, ne s’attaquent qu’à des produits inertes, venus de l’air et du sol, et les transforment en cellules vivantes. Ils sont le premier maillon de l’apparition de la vie, et le restent.

Voilà. Désolé, de ce billet sans lien direct avec le reste, mais j’avais besoin de partager mes crimes avec d’autres criminels. C’est chose faite.

6 janv. 2009

LA CONFRONTATION N’EST PAS « NATURELLE »

L’équipe vient de terminer son match et est victorieuse. Sans réfléchir, comme une masse indifférenciée, la foule du stade se lève et crie. Une vague de plaisir et de contentement saisit tous les spectateurs : à l’instar de ce que synthétise Daniel Goleman dans son dernier livre Social Intelligence, la foule est entrée en résonance. Propagée par les neurones miroir, la vague s’est diffusée d’elle-même.

Nos réflexes spontanés sont tribaux et ce besoin irrépressible d’agir comme les autres vient de loin : il est probablement issu de notre origine animale. Dans la jungle, être seul, être différent, c’est être vulnérable : la force vient d’abord du troupeau et du nombre. On n’affronte pas son alter ego, mais uniquement le rival, le membre d’une autre tribu ou d’une autre espèce, celui qui veut la même chose que nous ou pire qui en veut à notre vie. Même le lion chasse rarement seul ou l’éléphant s’éloigne peu de son groupe. En conséquence, notre cerveau a dû être construit pour nous pousser à être synchrones avec ceux de notre espèce.
Notre capacité d’imitation spontanée contribue aussi à l’apprentissage : c’est grâce à elle que nous pouvons apprendre en les reproduisant de nouveaux gestes et de nouveaux comportements.

Nous voilà « naturellement synchrones » : si nous ne sommes pas en compétition, si nous recherchons le même objectif, notre système émotionnel nous pousse à l’accord et non pas la confrontation. Vouloir se confronter est relié spontanément à vouloir s’opposer.
Aussi en entreprise, quand nous nous retrouvons dans une réunion, nous sommes portés naturellement à la recherche du consensus, et non pas à la confrontation : si on n’est pas d’accord, c’est que l’on s’oppose. Or sans confrontation préalable comme nous allons le voir, pas de consensus constructif : les réflexes issus du monde animal sont ainsi contre-productifs.

Précisons tout de suite la différence entre confrontation et conflit : si deux individus ou systèmes sont en conflit, c’est qu’ils sont en compétition pour la conquête de quelque chose d’unique, et que seul l’un des deux pourra avoir in fine ; s’il y a confrontation, c’est que les deux veulent ensemble atteindre un objectif commun, mais qu’ils divergent sur la façon d’y parvenir...

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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

4 janv. 2009

LES SEPT DIMENSIONS CACHÉES DE NOTRE UNIVERS

Imaginez-vous regardant au loin un fil qui se dessine à l’horizon. Pour vous, ce n’est simplement qu’un trait unidimensionnel. Or en fait, c’est un tuyau, mais, vu la distance, vous ne percevez pas son épaisseur, et donc son volume : sa surface enroulée sur elle-même « n’existe pas » pour vous.
Or sur ce tuyau, une fourmi est en train de se déplacer et tourne autour du tuyau le long de la circonférence. Pour vous, ce mouvement est impossible : comment pourrait-on tourner autour d’un fil, autour d’une dimension qui « n’existe pas »…
Voilà l’image que développe Brian Greene dans l’Univers élégant pour nous faire comprendre ce que veut dire une dimension enroulée.

Et selon les derniers développements de la théorie des cordes, notre univers comprendrait onze dimensions : les quatre que nous connaissons (trois spatiales, une temporelle) et sept enroulées ! Les minuscules cordes (taille de l’ordre de la longueur de Planck, soit environ 10 puissance -37 m) vibreraient non seulement dans nos quatre dimensions, mais aussi dans ces sept dimensions cachées : notre monde est rempli de microscopiques fourmis qui tournent dans tous les sens !
Finalement tous les mondes issus des contes de fées et de la science-fiction sont bien pauvres à côté de cette réalité là…

Et, rien ne dit qu’une dimension enroulée n’est pas temporelle : pensez alors à cette « fourmi » qui tourne sur son tuyau et, à chaque fin de tour, se retrouve au même instant que lors de son départ… Bien plus, comme ce serait une deuxième dimension temporelle qui vient en plus du temps « déployé » que nous connaissons, qu’elle est la vie de cette fourmi qui a deux temps différents et existants indépendamment…
Inimaginable…

Si, une ou plusieurs des dimensions enroulées venaient à se déployer, que se passerait-il ? Casse-tête théorique puisque, par construction, ce n’est pas le cas de notre univers, mais stimulant intellectuellement, non ?
Pour vous aider à « penser » cet univers, allons à l’inverse vers un univers avec seulement 2 dimensions, une spatiale, une temporelle. Soit deux « êtres » de cet univers qui se déplacent sur la ligne qui compose la totalité de la réalité physique de cet univers. S’ils arrivent à se rencontrer, ils se feront face pour l’éternité, car ils ne peuvent pas se doubler, rien n’existant à part cette ligne. Reste la possibilité de repartir en arrière… à moins bien sur qu’un autre « être » ne soit là aussi. Embouteillage éternel…
Alors, si une dimension de plus apparaissait chez nous…

Si vous voulez en savoir plus, je vous conseille de commencer par visionner les vidéos ci-dessous : c'est un documentaire en trois parties dans lequel Brian Greene présente sa vision de "l'Univers élégant".
Vous y découvrirez un monde imaginaire et poétique… et pourtant réel !