Je démarre aujourd'hui une série de 5 articles portant sur l'incertitude et pourquoi elle est le moteur de notre univers. Ce texte sera en introduction de mon prochain livre…
L'évolution complique les trajectoires (incertitude 1/5)
Lâchez une bille sur un plan incliné. Il n'est pas très difficile de prévoir où elle va aller. Même si le plan est très long, vous n'allez pas vous tromper de beaucoup. Pas besoin d'avoir fait de longues études de mathématiques pour réussir. Faites quand même attention à la forme de la bille – est-elle vraiment sphérique ? –, à la qualité de la surface du plan, à l'existence ou non d'une pente latérale, à la façon dont vous la lancer…
Prenez maintenant un tas de billes de matières et de tailles différentes, et lâchez-les sur le plan toutes ensemble. Plus compliqué de savoir ce qui va se passer, non ? Surtout si, parmi elles, certaines sont aimantées, d'autres en métal. Juste pour s'amuser, faisons aussi varier le coefficient d'adhérence des billes : certaines vont glisser autant qu'elles roulent, d'autres vont avoir tendance à adhérer à la surface du plan. Même si vous appelez les théories mathématiques et physiques à la rescousse, vous allez avoir du mal à prévoir les trajectoires individuelles.
Corsons encore un peu plus l'exercice : ce ne sont plus des billes inanimées que vous lâchez, mais des animaux. Vont-ils descendre ? Probablement oui, si la pente est forte. Est-ce certain ? Non. Si parmi ces animaux, il y a un mélange antagoniste comme, par exemple, des biches avec des lions, il y a fort à parier que la direction donnée par le plan n'aura plus tellement d'influence sur les directions prises. Où vont courir tous les animaux ? Dieu seul le sait… et encore !
Enfin, si ce que vous lâchez sont des humains, ou même si, simplement, il n'y en a que quelques-uns à l'intérieur du groupe, ils risquent de remettre en cause le principe de se trouver sur un plan et d'avoir à effectuer un quelconque déplacement. Ils ne sont pas hommes pour rien, leur libre-arbitre existe et doit être respecté. Foi de quoi, savoir ce qu'ils vont faire devient toute une histoire.
Moralité : plus ce que j'observe est avancé dans l'échelle de l'évolution, moins il est facile de prévoir ce qui va se passer.
(à suivre)
4 déc. 2009
3 déc. 2009
QUAND LE PETIT MARC ANDREESSEN RÊVAIT D’INTERNET…
1981, New Lisbon, Wisconsin, aux États-Unis.
Le petit Marc Andreessen s'ennuyait ferme à New Lisbon. Un village d'un peu plus de mille habitants, un trou perdu en plein Wisconsin, en plein milieu des États-Unis, c'est-à-dire au milieu de nulle part.
Pour cet enfant de dix ans, c'était beaucoup trop petit. Alors sans cesse, il s'évadait et voyageait dans l'espace. Il se rêvait connecté au monde, libéré de ses contraintes géographiques : il devenait citoyen du monde et pouvait accéder à distance à tous les contenus ; il n'était plus prisonnier de ses voisins – comme ce stupide Tom qui ne savait passer son temps que devant la télévision à regarder des matchs de basket ! – et pouvait repérer ceux qui avaient les mêmes passions que lui ; il fonctionnait en réseau avec eux, partageant musique, vidéo, documents.
Il avait la sensation physique de ne plus être prisonnier de son corps. Il s'était imaginé toute une collection de personnages imaginaires, des avatars, avec lesquels il pouvait multiplier les expériences.
« Tu es encore parti dans tes rêves, lui cria son père ! Allez, viens plutôt faire du vélo avec moi. »
Non, faire du vélo ne lui disait vraiment rien. Il sentait que ses rêves étaient plus importants que tout.
« Papa, je suis vraiment trop fatigué. Et puis, je n'ai pas encore fait mes devoirs.
- Une fois de plus, tu as une bonne raison pour ne pas aller faire de sport. Tu sais, tu n'iras nulle part à passer ton temps à imaginer des histoires à dormir debout. »
Il put repartir un peu plus loin dans ce monde qui se dessinait en lui. Plus il y réfléchissait, plus cela lui semblait réel, plus il savait que cela allait se produire.
Il voyait d'abord un réseau de connexions qui allait tous nous relier, quels que soient le pays et l'endroit où l'on se trouve. Chacun y aurait une adresse, comme dans la vie réelle. Plus besoin de savoir où habitera quelqu'un, il suffira de connaître son adresse et le réseau saura vous mettre en contact avec lui. Facile !
Sur ce réseau, chacun pourra mettre en commun ses questions et ses réponses. Le monde deviendra comme une gigantesque agora où l'on pourra partager les savoirs et mettre en débat les convictions ou analyses.
On aura besoin de systèmes sophistiqués pour se retrouver dans ce foisonnement : il nous faudra des cartes pour nous y retrouver et y naviguer ; nous aurons aussi besoin de « DHL » pour amener jusqu'à nous les bonnes informations.
Il sentait comme tout cela pouvait changer le monde. Il voulait croire que tout ceci allait exister vraiment. Il se fit la promesse de tout faire pour que cela existe un jour.
Un peu plus de dix ans plus tard, il tînt parole…
Le petit Marc Andreessen s'ennuyait ferme à New Lisbon. Un village d'un peu plus de mille habitants, un trou perdu en plein Wisconsin, en plein milieu des États-Unis, c'est-à-dire au milieu de nulle part.
Pour cet enfant de dix ans, c'était beaucoup trop petit. Alors sans cesse, il s'évadait et voyageait dans l'espace. Il se rêvait connecté au monde, libéré de ses contraintes géographiques : il devenait citoyen du monde et pouvait accéder à distance à tous les contenus ; il n'était plus prisonnier de ses voisins – comme ce stupide Tom qui ne savait passer son temps que devant la télévision à regarder des matchs de basket ! – et pouvait repérer ceux qui avaient les mêmes passions que lui ; il fonctionnait en réseau avec eux, partageant musique, vidéo, documents.
Il avait la sensation physique de ne plus être prisonnier de son corps. Il s'était imaginé toute une collection de personnages imaginaires, des avatars, avec lesquels il pouvait multiplier les expériences.
« Tu es encore parti dans tes rêves, lui cria son père ! Allez, viens plutôt faire du vélo avec moi. »
Non, faire du vélo ne lui disait vraiment rien. Il sentait que ses rêves étaient plus importants que tout.
« Papa, je suis vraiment trop fatigué. Et puis, je n'ai pas encore fait mes devoirs.
- Une fois de plus, tu as une bonne raison pour ne pas aller faire de sport. Tu sais, tu n'iras nulle part à passer ton temps à imaginer des histoires à dormir debout. »
Il put repartir un peu plus loin dans ce monde qui se dessinait en lui. Plus il y réfléchissait, plus cela lui semblait réel, plus il savait que cela allait se produire.
Il voyait d'abord un réseau de connexions qui allait tous nous relier, quels que soient le pays et l'endroit où l'on se trouve. Chacun y aurait une adresse, comme dans la vie réelle. Plus besoin de savoir où habitera quelqu'un, il suffira de connaître son adresse et le réseau saura vous mettre en contact avec lui. Facile !
Sur ce réseau, chacun pourra mettre en commun ses questions et ses réponses. Le monde deviendra comme une gigantesque agora où l'on pourra partager les savoirs et mettre en débat les convictions ou analyses.
On aura besoin de systèmes sophistiqués pour se retrouver dans ce foisonnement : il nous faudra des cartes pour nous y retrouver et y naviguer ; nous aurons aussi besoin de « DHL » pour amener jusqu'à nous les bonnes informations.
Il sentait comme tout cela pouvait changer le monde. Il voulait croire que tout ceci allait exister vraiment. Il se fit la promesse de tout faire pour que cela existe un jour.
Un peu plus de dix ans plus tard, il tînt parole…
2 déc. 2009
PETIT CONTE DE NOËL SUR LE FEU ET "L’ÉNERGIE DE LA FUMÉE"
Il y a toujours longtemps, très longtemps, dans une caverne
Appuyé contre le mur de la caverne, la tête calée par un morceau de fourrure, Ernesto écoutait la voix de son père scander l'histoire de sa dernière chasse. Son regard oscillait entre le visage de son père, celui des membres de la famille, et le feu.
En fait, il se sentait encore plus fasciné par le mouvement des flammes et la douce chaleur qui en émanait que par les prouesses paternelles. Depuis onze ans, Ernesto avait droit presque tous les soirs à ces récits, qui, peu ou prou, étaient toujours les mêmes. Il s'en était lassé. Par contre, la magie du feu était intacte.
C'est ce soir-là qu'Ernesto décida de tout savoir sur le feu.
Ernesto était un méthodique. Il tenait cela de son père : celui-ci était le grand spécialiste de la chasse dans la tribu, et même dans toute la région. Il avait su perfectionner les techniques d'approche du gibier, savait mieux que quiconque lire une trace dans la forêt, la pierre de sa lance était toujours la mieux aiguisée, son lancer irréprochable…
Ernesto commença par tester toutes sortes de bois : depuis celui qui venait du petit taillis poussant à proximité de la caverne, jusqu'à celui des grands arbres au cœur de la forêt. En parallèle, il s'intéressa à l'architecture du feu : comment le composer pour qu'il se développe rapidement ; quelle structure était la plus à même de produire une chaleur élevée ; comment obtenir le meilleur rendement, c'est-à-dire le moins de cendres possibles pour une quantité de bois donnée.
Ensuite, il travailla sur les techniques d'obtention du feu : il trouvait vraiment trop aléatoire la solution actuelle qui reposait sur le feu qui tombait du ciel. On ne savait jamais quand cela allait se produire, ni où exactement. Du coup, il ne fallait à aucun prix laisser éteindre le feu, si l'on ne voulait risquer de se retrouver sans. La solution vint presque d'elle-même : un soir où il s'ennuyait, il commença à lancer des pierres contre les rochers voisins. Les étincelles qui apparaissaient à chaque choc venaient comme éclairer la paroi.
« C'est drôle, c'est un peu comme la lumière d'un petit feu, se dit-il. »
Il eut alors la curiosité d'approcher un peu de paille à proximité de l'endroit où se produisait le choc. Cela ne marcha pas du premier coup, mais comme il sentait qu'il était sur la bonne voie, il s'obstina. Il prit de la paille plus sèche, testa différentes pierres et, au bout d'une semaine d'efforts, il fut récompensé : la paille prit feu.
Comme c'était un rapide, tout ceci ne lui avait pris qu'une année, et, à l'âge de douze ans, il était devenu l'expert reconnu dans l'art du feu.
Il ne s'arrêta pas là. Il se pencha ensuite sur la fumée et le fait qu'elle montait. Il était persuadé qu'il y avait une force derrière cette montée, une force qui pourrait être utile dans le travail de tous les jours. Il eut beau essayer de domestiquer cette fumée de mille façons, ce fut en vain. A l'âge de trente ans, il eut comme une illumination : il fallait emprisonner la fumée pour accumuler la force qui la faisait monter. Le monde des cavernes s'est longtemps souvenu de son expérience où il enferma le feu au milieu d'un tronc creux : la fumée avait tellement eu envie de sortir du tronc que celui-ci avait fini par éclater avant de brûler, blessant ainsi des enfants un peu trop curieux.
Le chef des cavernes décida alors qu'il était temps de mettre fin aux élucubrations d'Ernesto qui fut prié d'en rester là.
Jusqu'à la fin de sa vie, il continua à marmonner dans sa barbe devenue de plus en plus longue : « Je sais que j'ai raison. Un jour, vous verrez, on enfermera le feu dans une boîte et la fumée pour sortir devra travailler pour nous ! ».
Les enfants l'écoutaient en riant, les autres passaient leur chemin…
Appuyé contre le mur de la caverne, la tête calée par un morceau de fourrure, Ernesto écoutait la voix de son père scander l'histoire de sa dernière chasse. Son regard oscillait entre le visage de son père, celui des membres de la famille, et le feu.
En fait, il se sentait encore plus fasciné par le mouvement des flammes et la douce chaleur qui en émanait que par les prouesses paternelles. Depuis onze ans, Ernesto avait droit presque tous les soirs à ces récits, qui, peu ou prou, étaient toujours les mêmes. Il s'en était lassé. Par contre, la magie du feu était intacte.
C'est ce soir-là qu'Ernesto décida de tout savoir sur le feu.
Ernesto était un méthodique. Il tenait cela de son père : celui-ci était le grand spécialiste de la chasse dans la tribu, et même dans toute la région. Il avait su perfectionner les techniques d'approche du gibier, savait mieux que quiconque lire une trace dans la forêt, la pierre de sa lance était toujours la mieux aiguisée, son lancer irréprochable…
Ernesto commença par tester toutes sortes de bois : depuis celui qui venait du petit taillis poussant à proximité de la caverne, jusqu'à celui des grands arbres au cœur de la forêt. En parallèle, il s'intéressa à l'architecture du feu : comment le composer pour qu'il se développe rapidement ; quelle structure était la plus à même de produire une chaleur élevée ; comment obtenir le meilleur rendement, c'est-à-dire le moins de cendres possibles pour une quantité de bois donnée.
Ensuite, il travailla sur les techniques d'obtention du feu : il trouvait vraiment trop aléatoire la solution actuelle qui reposait sur le feu qui tombait du ciel. On ne savait jamais quand cela allait se produire, ni où exactement. Du coup, il ne fallait à aucun prix laisser éteindre le feu, si l'on ne voulait risquer de se retrouver sans. La solution vint presque d'elle-même : un soir où il s'ennuyait, il commença à lancer des pierres contre les rochers voisins. Les étincelles qui apparaissaient à chaque choc venaient comme éclairer la paroi.
« C'est drôle, c'est un peu comme la lumière d'un petit feu, se dit-il. »
Il eut alors la curiosité d'approcher un peu de paille à proximité de l'endroit où se produisait le choc. Cela ne marcha pas du premier coup, mais comme il sentait qu'il était sur la bonne voie, il s'obstina. Il prit de la paille plus sèche, testa différentes pierres et, au bout d'une semaine d'efforts, il fut récompensé : la paille prit feu.
Comme c'était un rapide, tout ceci ne lui avait pris qu'une année, et, à l'âge de douze ans, il était devenu l'expert reconnu dans l'art du feu.
Il ne s'arrêta pas là. Il se pencha ensuite sur la fumée et le fait qu'elle montait. Il était persuadé qu'il y avait une force derrière cette montée, une force qui pourrait être utile dans le travail de tous les jours. Il eut beau essayer de domestiquer cette fumée de mille façons, ce fut en vain. A l'âge de trente ans, il eut comme une illumination : il fallait emprisonner la fumée pour accumuler la force qui la faisait monter. Le monde des cavernes s'est longtemps souvenu de son expérience où il enferma le feu au milieu d'un tronc creux : la fumée avait tellement eu envie de sortir du tronc que celui-ci avait fini par éclater avant de brûler, blessant ainsi des enfants un peu trop curieux.
Le chef des cavernes décida alors qu'il était temps de mettre fin aux élucubrations d'Ernesto qui fut prié d'en rester là.
Jusqu'à la fin de sa vie, il continua à marmonner dans sa barbe devenue de plus en plus longue : « Je sais que j'ai raison. Un jour, vous verrez, on enfermera le feu dans une boîte et la fumée pour sortir devra travailler pour nous ! ».
Les enfants l'écoutaient en riant, les autres passaient leur chemin…
1 déc. 2009
« LADITE MONDIALISATION ME PARAÎT AUJOURD’HUI AU MOINS AUTANT LE RÉSULTAT DE L’ACTIVITÉ DU MONDE QUE DES NÔTRES »
Quand Michel Serres apporte son regard sur la crise (patchwork tiré du « Temps des crises »)
ET SI UN PLAN DE RELANCE NE RAMENAIT QU'À LA SITUATION INITIALE, C'EST-À-DIRE À LA VEILLE DE LA CRISE SUIVANTE ?
« Ou il s'agit vraiment d'une crise et il en peut y avoir de reprise car, équivalente à une répétition, celle-ci nous précipiterait, de nouveau, en cycle, je viens de le dire, vers une situation critique au moins analogue, ou, pis encore, vers un état instable et chaotique, plus ou moins long. »
POURQUOI LA CRISE EST GLOBALE :
Les six « événements » :
- Agriculture : « Bien qu'elle continue à se nourrir d'elle, l'humanité occidentale quitta donc, ici au moins, la terre. Or elle y travaillait depuis les années qui suivirent le néolithique. (…) Elle finit une ère qui débuta voici dix mille ans. (…) Tout devient politique, du grec polis, la ville. »
- Transports : « La mobilité des personnes a crû mille fois entre 1800 et aujourd'hui. »
- Santé : « Le pathologique était normal, au moins par sa fréquence ; par la suite, la santé devint la norme. »
- Démographie : « Le nombre des humains passa de deux milliards à six et bientôt sept, le plus souvent serrés en gigantesques mégapoles. »
- Connexions (Internet et technologies de l'information) : « Le connectif remplace le collectif… Nous n'habitons plus le même espace. »
- Conflits : « (concernant la deuxième guerre mondiale), Il s'agit, en effet, du premier conflit où, selon les experts, les humains réussirent à tuer plus de leurs semblables que ne le firent les microbes et les bactéries. »
« En quelques décennies se transformèrent radicalement : le rapport au monde et à la nature, les corps, leur souffrance, l'environnement, la mobilité des humains et des choses, l'espérance de vie, la décision de faire naître et, parfois, de mourir, la démographie mondiale, l'habitat dans l'espace, la nature du lien dans les collectivités, le savoir et la puissance… (…) Ici, les changements arrêtent ou finissent des périodes aussi longues que celle qui nous sépare du néolithique, voire de notre propre émergence, soit des dizaines de milliers ou même des millions d'années. »
« L'écart entre ce réel nouvellement advenu et des organisations instituées à une époque où l'humanité vivait autrement, cet écart n'a cessé de croître pendant les cinquante dernières années. »
NOUS DÉPENDONS DU MONDE AUTANT QU'IL DÉPEND DE NOUS
« Voici l'infinitude des humains face à la finitude du monde. (…) Nous pensions, courageux, que toute notre histoire consistait à lutter sans cesse contre une force toujours plus haute et profonde que la nôtre. (…) Qu'il s'agisse de l'agriculture et du nouveau rapport à la nature, des transports et de la mobilité des choses et des hommes, de la santé publique, de l'espérance de vie et de la croissance démographique, de l'espace, de cette nouvelle maison des voisinages construites par les nouvelles technologies, des armes de destruction massive et du terrorisme, reste que le monde forme, en effet, aujourd'hui, l'asymptote commune, la référence globale de tous les processus. Asymptote commune, certes, mais connue aussi, puisque nous commençons à savoir évaluer ses sommes et capacités globales. Tout allait vers lui, vers ce que l'on croyait son infinité, mais viendra désormais de lui, barrière finie. »
« Lors de l'antiquité, les sagesses distinguaient les choses qui dépendaient de nous de celles qui n'ne dépendaient pas. (…) Lors de l'âge moderne, de plus en plus de choses dépendirent de nous. (…) Au temps contemporain : nous dépendons enfin des choses qui dépendent de nous. »
« Ladite mondialisation me paraît aujourd'hui au moins autant le résultat de l'activité du Monde que des nôtres. »
DES SORTIES DE CRISE ?
« La hiérarchie, c'est le vol. (…) La liberté, c'est l'accès. »
« Quant à Homo, il détient l'intelligence. Il n'a cessé d'en utiliser la puissance, mais le plus souvent pour dominer, passer en premier, devenir le plus fort, écraser toutes choses et tous humains sur son passage, gagner. (…) (L'intelligence) doit muter, au plus vite et sous risque gravissime, de la volonté de puissance au partage, de la guerre à la paix, de la Haine à l'Amour. »
ET SI UN PLAN DE RELANCE NE RAMENAIT QU'À LA SITUATION INITIALE, C'EST-À-DIRE À LA VEILLE DE LA CRISE SUIVANTE ?
« Ou il s'agit vraiment d'une crise et il en peut y avoir de reprise car, équivalente à une répétition, celle-ci nous précipiterait, de nouveau, en cycle, je viens de le dire, vers une situation critique au moins analogue, ou, pis encore, vers un état instable et chaotique, plus ou moins long. »
POURQUOI LA CRISE EST GLOBALE :
Les six « événements » :
- Agriculture : « Bien qu'elle continue à se nourrir d'elle, l'humanité occidentale quitta donc, ici au moins, la terre. Or elle y travaillait depuis les années qui suivirent le néolithique. (…) Elle finit une ère qui débuta voici dix mille ans. (…) Tout devient politique, du grec polis, la ville. »
- Transports : « La mobilité des personnes a crû mille fois entre 1800 et aujourd'hui. »
- Santé : « Le pathologique était normal, au moins par sa fréquence ; par la suite, la santé devint la norme. »
- Démographie : « Le nombre des humains passa de deux milliards à six et bientôt sept, le plus souvent serrés en gigantesques mégapoles. »
- Connexions (Internet et technologies de l'information) : « Le connectif remplace le collectif… Nous n'habitons plus le même espace. »
- Conflits : « (concernant la deuxième guerre mondiale), Il s'agit, en effet, du premier conflit où, selon les experts, les humains réussirent à tuer plus de leurs semblables que ne le firent les microbes et les bactéries. »
« En quelques décennies se transformèrent radicalement : le rapport au monde et à la nature, les corps, leur souffrance, l'environnement, la mobilité des humains et des choses, l'espérance de vie, la décision de faire naître et, parfois, de mourir, la démographie mondiale, l'habitat dans l'espace, la nature du lien dans les collectivités, le savoir et la puissance… (…) Ici, les changements arrêtent ou finissent des périodes aussi longues que celle qui nous sépare du néolithique, voire de notre propre émergence, soit des dizaines de milliers ou même des millions d'années. »
« L'écart entre ce réel nouvellement advenu et des organisations instituées à une époque où l'humanité vivait autrement, cet écart n'a cessé de croître pendant les cinquante dernières années. »
NOUS DÉPENDONS DU MONDE AUTANT QU'IL DÉPEND DE NOUS
« Voici l'infinitude des humains face à la finitude du monde. (…) Nous pensions, courageux, que toute notre histoire consistait à lutter sans cesse contre une force toujours plus haute et profonde que la nôtre. (…) Qu'il s'agisse de l'agriculture et du nouveau rapport à la nature, des transports et de la mobilité des choses et des hommes, de la santé publique, de l'espérance de vie et de la croissance démographique, de l'espace, de cette nouvelle maison des voisinages construites par les nouvelles technologies, des armes de destruction massive et du terrorisme, reste que le monde forme, en effet, aujourd'hui, l'asymptote commune, la référence globale de tous les processus. Asymptote commune, certes, mais connue aussi, puisque nous commençons à savoir évaluer ses sommes et capacités globales. Tout allait vers lui, vers ce que l'on croyait son infinité, mais viendra désormais de lui, barrière finie. »
« Lors de l'antiquité, les sagesses distinguaient les choses qui dépendaient de nous de celles qui n'ne dépendaient pas. (…) Lors de l'âge moderne, de plus en plus de choses dépendirent de nous. (…) Au temps contemporain : nous dépendons enfin des choses qui dépendent de nous. »
« Ladite mondialisation me paraît aujourd'hui au moins autant le résultat de l'activité du Monde que des nôtres. »
DES SORTIES DE CRISE ?
« La hiérarchie, c'est le vol. (…) La liberté, c'est l'accès. »
« Quant à Homo, il détient l'intelligence. Il n'a cessé d'en utiliser la puissance, mais le plus souvent pour dominer, passer en premier, devenir le plus fort, écraser toutes choses et tous humains sur son passage, gagner. (…) (L'intelligence) doit muter, au plus vite et sous risque gravissime, de la volonté de puissance au partage, de la guerre à la paix, de la Haine à l'Amour. »
30 nov. 2009
« L'IMMATURITÉ DE L'HUMANITÉ À S'ACCOMPLIR ELLE-MÊME »
Comment sortir de la crise ?
Pierre Gounod, dans « L'hypothèse générale de la prospective anthropolitique » reprend un extrait d'un texte d'Edgar Morin sur la Société-monde (Éthique) :
« Où en sommes-nous dans l'ère planétaire ? Ma thèse est que la globalisation de la fin du XXe siècle a créé les infrastructures communicationnelles, techniques et économiques d'une société-monde ; Internet peut être considéré comme l'ébauche d'un réseau neurocérébral semi-artificiel d'une sociétémonde2. Mais l'économie libérale, qui en a engendré les infrastructures, rend impossible la formation d'une telle société, puisqu'elle inhibe la constitution d'un système juridique, d'une gouvernance et d'une conscience commune. Or la société-monde, pour émerger, a besoin d'un droit et d'instances planétaires qui seraient en mesure d'affronter les problèmes vitaux de l'humanité ; elle a besoin au minimum d'une réforme de l'ONU, avec pour horizon une confédération des nations et la démocratisation de la planète. Elle a besoin, répétons-le, d'une politique de la civilisation et d'une politique de l'humanité qui se substitueraient à la politique de développement. Elle a besoin, à la fois comme préalable et comme effet, que s'inscrive et s'approfondisse dans la psyché de chacun une conscience, à la fois éthique et politique, d'appartenance à une même Terre-Patrie.
On ne saurait se masquer les obstacles énormes qui s'opposent à l'apparition d'une société-monde. La progression unificatrice de la globalisation suscite des résistances nationales, ethniques, religieuses qui produisent une balkanisation accrue de la planète, et l'élimination de ces résistances supposerait, dans les conditions actuelles, une domination implacable.
Il y a surtout l'immaturité des États-nations, des esprits, des consciences, c'est-à-dire fondamentalement l'immaturité de l'humanité à s'accomplir elle-même.
C'est dire, du même coup, que si elle réussissait à se forger, c'est une société-monde barbare qui se forgerait. Elle n'abolirait pas d'elle-même les exploitations, les dominations, les dénis, les inégalités. Toutefois, elle surmonterait la souveraineté absolue des États nationaux et permettrait le contrôle du quadrimoteur science/ technique / économie / profit dont la course incontrôlée nous conduit à l'abîme.
Nous sommes en face d'une contradiction : la société-monde est un préalable pour sortir de la crise de l'humanité, mais la réforme de l'humanité est un préalable pour arriver à une société-monde qui puisse sortir de l'âge de fer planétaire. »
No comment…
Pierre Gounod, dans « L'hypothèse générale de la prospective anthropolitique » reprend un extrait d'un texte d'Edgar Morin sur la Société-monde (Éthique) :
« Où en sommes-nous dans l'ère planétaire ? Ma thèse est que la globalisation de la fin du XXe siècle a créé les infrastructures communicationnelles, techniques et économiques d'une société-monde ; Internet peut être considéré comme l'ébauche d'un réseau neurocérébral semi-artificiel d'une sociétémonde2. Mais l'économie libérale, qui en a engendré les infrastructures, rend impossible la formation d'une telle société, puisqu'elle inhibe la constitution d'un système juridique, d'une gouvernance et d'une conscience commune. Or la société-monde, pour émerger, a besoin d'un droit et d'instances planétaires qui seraient en mesure d'affronter les problèmes vitaux de l'humanité ; elle a besoin au minimum d'une réforme de l'ONU, avec pour horizon une confédération des nations et la démocratisation de la planète. Elle a besoin, répétons-le, d'une politique de la civilisation et d'une politique de l'humanité qui se substitueraient à la politique de développement. Elle a besoin, à la fois comme préalable et comme effet, que s'inscrive et s'approfondisse dans la psyché de chacun une conscience, à la fois éthique et politique, d'appartenance à une même Terre-Patrie.
On ne saurait se masquer les obstacles énormes qui s'opposent à l'apparition d'une société-monde. La progression unificatrice de la globalisation suscite des résistances nationales, ethniques, religieuses qui produisent une balkanisation accrue de la planète, et l'élimination de ces résistances supposerait, dans les conditions actuelles, une domination implacable.
Il y a surtout l'immaturité des États-nations, des esprits, des consciences, c'est-à-dire fondamentalement l'immaturité de l'humanité à s'accomplir elle-même.
C'est dire, du même coup, que si elle réussissait à se forger, c'est une société-monde barbare qui se forgerait. Elle n'abolirait pas d'elle-même les exploitations, les dominations, les dénis, les inégalités. Toutefois, elle surmonterait la souveraineté absolue des États nationaux et permettrait le contrôle du quadrimoteur science/ technique / économie / profit dont la course incontrôlée nous conduit à l'abîme.
Nous sommes en face d'une contradiction : la société-monde est un préalable pour sortir de la crise de l'humanité, mais la réforme de l'humanité est un préalable pour arriver à une société-monde qui puisse sortir de l'âge de fer planétaire. »
No comment…
27 nov. 2009
RAPT OU LE POUVOIR CONTESTÉ
Le roi est nu
Le fonctionnement des économies développées supposent tout un enchevêtrement de prestations successives pour arriver à les faire fonctionner. Nous ne voyons que la partie immergée de l'iceberg : qui pense à tout ce qui a dû être mobilisé pour qu'un fruit ou un légume arrivent jusqu'à l'étal du marchand où nous allons les acheter ? Qui est vraiment conscient du nombre d'acteurs multiples qui interviennent pour qu'une voiture puisse effectivement rouler ? A quoi servirait cette voiture si les routes n'existaient pas ? Comment pourrait-on construire des routes ou des immeubles, s'il n'y avait pas des carrières extrayant les bons agrégats ? Qui sait que, sans ces agrégats, nos villes s'effondreraient ?
Oui les rouages essentiels sont le plus souvent cachés et ignorés. Oui, nos sociétés reposent sur ces « inconscients » qui sous-entendent nos performances quotidiennes. Si jamais, nous les ignorons, si, pour une raison ou une autre, ils viennent à se gripper, plus rien ne fonctionne.
Ces icebergs ne concernent pas que les fonctionnements matériels, mais aussi toutes les organisations et processus immatériels. Le pouvoir ne peut s'exercer que s'il est reconnu et accepté.
Les dirigeants, qu'ils soient à la tête d'organisations politiques ou d'entreprises privées, vivent parfois dans l'illusion de maîtriser les choses et peuvent avoir une vision exagérée de leur pouvoir réel.
Le film Rapt de Lucas Belvaux, inspiré de l'affaire du baron Empain, apporte un éclairage sur la fragilité du pouvoir : même la détention d'une part significative du capital n'est rien si l'on n'est plus perçu comme légitime et compétent. Avant le rapt, Stanislas Graff se croyait tout puissant, invulnérable et « au-dessus des lois ».
Durant le rapt, son absence et la révélation des parties cachées de sa vie amènent à une décomposition de la confiance qui l'entourait et à une recomposition des réseaux de pouvoir. Après le rapt, il se retrouvera dépouillé de cette puissance qu'il croyait posséder.
Sévère, mais salutaire rappel à la réalité…
Le fonctionnement des économies développées supposent tout un enchevêtrement de prestations successives pour arriver à les faire fonctionner. Nous ne voyons que la partie immergée de l'iceberg : qui pense à tout ce qui a dû être mobilisé pour qu'un fruit ou un légume arrivent jusqu'à l'étal du marchand où nous allons les acheter ? Qui est vraiment conscient du nombre d'acteurs multiples qui interviennent pour qu'une voiture puisse effectivement rouler ? A quoi servirait cette voiture si les routes n'existaient pas ? Comment pourrait-on construire des routes ou des immeubles, s'il n'y avait pas des carrières extrayant les bons agrégats ? Qui sait que, sans ces agrégats, nos villes s'effondreraient ?
Oui les rouages essentiels sont le plus souvent cachés et ignorés. Oui, nos sociétés reposent sur ces « inconscients » qui sous-entendent nos performances quotidiennes. Si jamais, nous les ignorons, si, pour une raison ou une autre, ils viennent à se gripper, plus rien ne fonctionne.
Ces icebergs ne concernent pas que les fonctionnements matériels, mais aussi toutes les organisations et processus immatériels. Le pouvoir ne peut s'exercer que s'il est reconnu et accepté.
Les dirigeants, qu'ils soient à la tête d'organisations politiques ou d'entreprises privées, vivent parfois dans l'illusion de maîtriser les choses et peuvent avoir une vision exagérée de leur pouvoir réel.
Le film Rapt de Lucas Belvaux, inspiré de l'affaire du baron Empain, apporte un éclairage sur la fragilité du pouvoir : même la détention d'une part significative du capital n'est rien si l'on n'est plus perçu comme légitime et compétent. Avant le rapt, Stanislas Graff se croyait tout puissant, invulnérable et « au-dessus des lois ».
Durant le rapt, son absence et la révélation des parties cachées de sa vie amènent à une décomposition de la confiance qui l'entourait et à une recomposition des réseaux de pouvoir. Après le rapt, il se retrouvera dépouillé de cette puissance qu'il croyait posséder.
Sévère, mais salutaire rappel à la réalité…
26 nov. 2009
ATTENTION À NE PAS TOMBER DANS UN TROU NOIR
Les trous noirs mangent de l'information
Depuis que je suis en âge de m'intéresser à la physique, les trous noirs m'ont toujours fasciné. Probablement d'abord à cause du nom : il évoque justement cet espace obscur au fonds du placard, celui qui avait hanté mes nuits d'enfants. Ensuite parce que cet idée d'une sorte d'aspirateur géant qui avale tout ce qui passe à proximité, matière comme lumière, est saisissante. Tout autre monstre n'est qu'un gentil doudou à côté d'un trou noir !
Mais ce n'est pas la seule conséquence de ces trous noirs : ils ne se contentent pas d'absorber de la matière, ils « mangeraient de l'information » et contribueraient à rendre le monde encore moins prévisible ! En effet, quand ils absorbent des particules, ils font aussi disparaître les fonctions d'onde associées. Or, « pour prédire entièrement le futur, il faut connaître entièrement toutes les fonctions d'onde d'aujourd'hui… Cette question conduit donc directement à se demander si les trous noirs n'imprègnent pas l'évolution de notre Univers d'une suite fortuite d'événements, encore plus fondamentale. »
Si même les trous noirs jouent à fausser nos prévisions…
Mais il n'y a pas que les trous noirs auxquels il faudra faire attention lors de votre prochain voyage dans l'espace : l'espace est déformé par tous les objets qui s'y trouvent, et ces masses ne se contentent pas de courber l'espace, mais elles déforment aussi le temps.
Une question au passage : la structure du temps peut-elle se déchirer, puis se réparer ? Selon la théorie des cordes, oui. Mais cette théorie est largement contestée…
Enfin, si l'on fait un saut dans l'ultra-petit, le temps peut aussi jouer des tours : ainsi deux particules peuvent être tellement « sœurs jumelles » que, même séparées, elles continuent à se transmettre instantanément toute information. Comment font-elles ? Où est le truc ?
Depuis que je suis en âge de m'intéresser à la physique, les trous noirs m'ont toujours fasciné. Probablement d'abord à cause du nom : il évoque justement cet espace obscur au fonds du placard, celui qui avait hanté mes nuits d'enfants. Ensuite parce que cet idée d'une sorte d'aspirateur géant qui avale tout ce qui passe à proximité, matière comme lumière, est saisissante. Tout autre monstre n'est qu'un gentil doudou à côté d'un trou noir !
Mais ce n'est pas la seule conséquence de ces trous noirs : ils ne se contentent pas d'absorber de la matière, ils « mangeraient de l'information » et contribueraient à rendre le monde encore moins prévisible ! En effet, quand ils absorbent des particules, ils font aussi disparaître les fonctions d'onde associées. Or, « pour prédire entièrement le futur, il faut connaître entièrement toutes les fonctions d'onde d'aujourd'hui… Cette question conduit donc directement à se demander si les trous noirs n'imprègnent pas l'évolution de notre Univers d'une suite fortuite d'événements, encore plus fondamentale. »
Si même les trous noirs jouent à fausser nos prévisions…
Mais il n'y a pas que les trous noirs auxquels il faudra faire attention lors de votre prochain voyage dans l'espace : l'espace est déformé par tous les objets qui s'y trouvent, et ces masses ne se contentent pas de courber l'espace, mais elles déforment aussi le temps.
Une question au passage : la structure du temps peut-elle se déchirer, puis se réparer ? Selon la théorie des cordes, oui. Mais cette théorie est largement contestée…
Enfin, si l'on fait un saut dans l'ultra-petit, le temps peut aussi jouer des tours : ainsi deux particules peuvent être tellement « sœurs jumelles » que, même séparées, elles continuent à se transmettre instantanément toute information. Comment font-elles ? Où est le truc ?
25 nov. 2009
LE PRINCIPE D’INCERTITUDE VA JUSQUE DANS NOTRE CERVEAU
Ciel mes neurones font de la mécanique quantique !
Rappelons d'abord le fameux principe d'incertitude d'Heisenberg : je ne peux pas connaître à la fois précisément la vitesse et la position d'une particule élémentaire. Mieux je connaitrai sa position, moins je connaitrai sa vitesse. Et réciproquement. Donc si je sais où elle est, je ne sais pas où elle va. Si je sais dans quelle direction elle se dirige, je ne sais pas où elle se trouve.
Pour faire comprendre ce principe, il y a un exemple simple : si vous voulez savoir très précisément où se trouve la particule, vous allez devoir l'éclairer fortement pour la localiser. La quantité de lumière sera telle qu'elle viendra modifier le niveau d'énergie de la particule, et donc vous ne pourrez pas connaître quelle était sa vitesse.
Une des conséquences amusantes de ce principe est que, si vous cherchez à confiner les particules dans des boites très petites, elles vont se déchainer : elles ne supportent pas que l'on sache où elles sont !
Autre conséquence plus troublante de la mécanique quantique : il y aurait comme une sorte de communication instantanée à distance entre les particules. Ce paradoxe, dit paradoxe EPR, viendrait contredire la sacrosainte loi de la vitesse de la lumière comme vitesse limite. Il est mis en évidence suite à la séparation de deux particules initialement en interaction : toute modification constatée sur l'une se transmet instantanément à l'autre, comme si l'information voyageait instantanément. Rappelez-vous les deux images de poisson : tout changement observé sur un poisson était immédiatement et simultanément constaté sur l'autre, et pour cause, puisque c'était le même poisson. Sommes-nous devant le même type de réalité arrière cachée ?
Tout ceci me rappelle ces tours de magie, au cours desquels on est émerveillé par ce qui se passe et qui contredit les lois de la nature : un chapeau ne peut pas contenir à la fois une dizaine de lapins, trois couples de colombes, la moitié du rayon de foulards d'un magasin de quartier. Il y a un truc, forcément. Où est le truc, cette fois ?
Mais comme cela ne concerne que des particules extrêmement petites, nous n'avons pas de raison de nous faire des nœuds au cerveau. Dans la vie quotidienne, rien de tout cela ne s'applique : je n'ai à me préoccuper que des faisceaux de particules, pas d'une particule en particulier. Mes neurones peuvent se reposer tranquillement.
Mais au fait, mes neurones justement, comment communiquent-ils entre eux ?
Le point de contact est appelé synapse et la transmission est de nature chimique : un neurone émet au niveau de la synapse des molécules, des neurotransmetteurs. Ceux-ci sont réceptionnés par l'autre neurone et ils provoquent telle ou telle réaction en fonction du neurotransmetteur émis. C'est grâce à ce mécanisme que circule l'information entre neurones. Tout le fonctionnement de notre cerveau repose là-dessus : activité consciente et inconsciente, mémoire, interprétation, émotion, sentiment, décision. Sans neurotransmetteurs, rien. Cette émission de neurotransmetteurs s'appelle une exocytose. Joli nom, non ? Cette exocytose suppose l'ouverture de petites vésicules qui contiennent les molécules à émettre. Jusque là, rien de bien troublant. Oui, mais ces vésicules sont tellement petites, les quantités émises tellement faibles, que l'on se trouve dans les ordres de grandeur où il faut appliquer la mécanique quantique : dès que l'on analyse la transmission synaptique, on doit passer à une approche probabiliste.
Ainsi derrière chacune de nos émotions, chacun de nos réflexes, chacune de nos pensées, il y a un peu du principe d'incertitude.
A partir de cette information, on peut jouer au jeu du « cerveau quantique » :
- Nos pensées sont partout et nulle part à la fois : il est impossible de les localiser et de savoir où elles vont. Si je sais à quoi je pense, je ne sais pas où cela va me conduire. Si je sais où cela va me conduire, je ne sais pas pourquoi.
- Chacune de nos pensées est intraçable : on ne peut connaître que le flux global des pensées et non pas les suivre, une par une.
- Tout confinement conduit à l'agitation : toute tentative d'enfermer un raisonnement dans un cadre étroit provoquera un bouillonnement de la pensée qui permettra au sujet de s'échapper,
- …
Quelle pagaille en perspective…
Rappelons d'abord le fameux principe d'incertitude d'Heisenberg : je ne peux pas connaître à la fois précisément la vitesse et la position d'une particule élémentaire. Mieux je connaitrai sa position, moins je connaitrai sa vitesse. Et réciproquement. Donc si je sais où elle est, je ne sais pas où elle va. Si je sais dans quelle direction elle se dirige, je ne sais pas où elle se trouve.
Pour faire comprendre ce principe, il y a un exemple simple : si vous voulez savoir très précisément où se trouve la particule, vous allez devoir l'éclairer fortement pour la localiser. La quantité de lumière sera telle qu'elle viendra modifier le niveau d'énergie de la particule, et donc vous ne pourrez pas connaître quelle était sa vitesse.
Une des conséquences amusantes de ce principe est que, si vous cherchez à confiner les particules dans des boites très petites, elles vont se déchainer : elles ne supportent pas que l'on sache où elles sont !
Autre conséquence plus troublante de la mécanique quantique : il y aurait comme une sorte de communication instantanée à distance entre les particules. Ce paradoxe, dit paradoxe EPR, viendrait contredire la sacrosainte loi de la vitesse de la lumière comme vitesse limite. Il est mis en évidence suite à la séparation de deux particules initialement en interaction : toute modification constatée sur l'une se transmet instantanément à l'autre, comme si l'information voyageait instantanément. Rappelez-vous les deux images de poisson : tout changement observé sur un poisson était immédiatement et simultanément constaté sur l'autre, et pour cause, puisque c'était le même poisson. Sommes-nous devant le même type de réalité arrière cachée ?
Tout ceci me rappelle ces tours de magie, au cours desquels on est émerveillé par ce qui se passe et qui contredit les lois de la nature : un chapeau ne peut pas contenir à la fois une dizaine de lapins, trois couples de colombes, la moitié du rayon de foulards d'un magasin de quartier. Il y a un truc, forcément. Où est le truc, cette fois ?
Mais comme cela ne concerne que des particules extrêmement petites, nous n'avons pas de raison de nous faire des nœuds au cerveau. Dans la vie quotidienne, rien de tout cela ne s'applique : je n'ai à me préoccuper que des faisceaux de particules, pas d'une particule en particulier. Mes neurones peuvent se reposer tranquillement.
Mais au fait, mes neurones justement, comment communiquent-ils entre eux ?
Le point de contact est appelé synapse et la transmission est de nature chimique : un neurone émet au niveau de la synapse des molécules, des neurotransmetteurs. Ceux-ci sont réceptionnés par l'autre neurone et ils provoquent telle ou telle réaction en fonction du neurotransmetteur émis. C'est grâce à ce mécanisme que circule l'information entre neurones. Tout le fonctionnement de notre cerveau repose là-dessus : activité consciente et inconsciente, mémoire, interprétation, émotion, sentiment, décision. Sans neurotransmetteurs, rien. Cette émission de neurotransmetteurs s'appelle une exocytose. Joli nom, non ? Cette exocytose suppose l'ouverture de petites vésicules qui contiennent les molécules à émettre. Jusque là, rien de bien troublant. Oui, mais ces vésicules sont tellement petites, les quantités émises tellement faibles, que l'on se trouve dans les ordres de grandeur où il faut appliquer la mécanique quantique : dès que l'on analyse la transmission synaptique, on doit passer à une approche probabiliste.
Ainsi derrière chacune de nos émotions, chacun de nos réflexes, chacune de nos pensées, il y a un peu du principe d'incertitude.
A partir de cette information, on peut jouer au jeu du « cerveau quantique » :
- Nos pensées sont partout et nulle part à la fois : il est impossible de les localiser et de savoir où elles vont. Si je sais à quoi je pense, je ne sais pas où cela va me conduire. Si je sais où cela va me conduire, je ne sais pas pourquoi.
- Chacune de nos pensées est intraçable : on ne peut connaître que le flux global des pensées et non pas les suivre, une par une.
- Tout confinement conduit à l'agitation : toute tentative d'enfermer un raisonnement dans un cadre étroit provoquera un bouillonnement de la pensée qui permettra au sujet de s'échapper,
- …
Quelle pagaille en perspective…
24 nov. 2009
COMMENT SAVOIR LE SENS DE CE QUE L’ON REGARDE ?
Nous n'avons pas la possibilité de passer derrière l'écran
Vous avez devant vous deux listes de résultats provenant de deux caméras distinctes. Vous savez que l'une des caméras mesure la position et que l'autre analyse la couleur. Le premier listing se compose de la suite suivante : « gauche », « gauche », « droite », « gauche », « gauche », « droite »,… Le second est : « rouge », « blanc », « rouge », « rouge », « blanc », « rouge »,…
Avec ces informations, vous savez donc que l'objet vu par la camera 1 est soit à gauche, soit à droite, et que celui vu par la caméra 2 est soit rouge, soit blanc. Vous ne pouvez rien déduire de plus.
Or c'était le même objet qui était vu par les deux caméras : il s'agissait d'une boule soit blanche, soit rouge qui passait aléatoirement à gauche ou à droite.
Cette expérience décrite par Michel Bitbol (« Mécanique quantique, une introduction philosophique ») pose très simplement la question suivante : comment pouvons-nous savoir quand on peut ou non unifier des contextes, c'est-à-dire affirmer que telle et telle observations proviennent en fait du même objet ?
Autre exemple : mettez un poisson dans un aquarium, filmez-le par deux objectifs et projetez les deux images sur deux écrans dans une salle voisine. Tous les spectateurs vont voir deux poissons exactement synchrones. Tout ce qui se passe pour l'un se répercute immédiatement sur l'autre. Tout le monde risque d'être tenté de penser que c'est le même poisson filmé sous deux angles différents. Mais comment en être sûr si l'on reste dans la salle sans avoir accès à l'aquarium.
Prenez maintenant un cylindre. Comment le définir ? Un moyen simple est le suivant : si, en coupant un objet selon un plan, vous obtenez un rectangle, et qu'en le coupant selon le plan perpendiculaire, vous obtenez un cercle, c'est un cylindre. Maintenant si vous avez devant vous un rectangle et un cercle, et que vous savez seulement que chacun est le résultat d'une coupe faite sur un objet, vous ne pouvez rien conclure sur l'objet lui-même : rien ne vous dit que les deux coupes viennent du même objet et que ces deux coupes sont orthogonales.
Dans la vie quotidienne, nous sommes constamment devant ce dilemme : est-ce que les différentes informations qui m'arrivent simultanément proviennent oui ou non du même objet ? Comment puis-je être certain que ce que je vois et ce que j'entends proviennent de la même source ?
Parfois, nous avons la possibilité de « passer derrière l'écran » et de nous assurer que, oui, c'est bien le même objet et que, donc, nous avons le droit de réunir les informations. Mais souvent, ce n'est pas possible : nous qui ne lisons le monde qu'à partir de ce que nous voyons, comme savoir ce qui se passe vraiment ? Peut-on réunir des données et considérer qu'elles décrivent des aspects différents de la même réalité ? Ou à l'inverse, ce sont des données qui correspondent à des réalités disjointes ? Comment savoir ?
La réponse est malheureusement assez claire : on ne sait pas. Nous n'avons accès qu'aux apparences et nous n'avons pas accès à la « chose en soi ». Déstabilisant, non ?
Vous avez devant vous deux listes de résultats provenant de deux caméras distinctes. Vous savez que l'une des caméras mesure la position et que l'autre analyse la couleur. Le premier listing se compose de la suite suivante : « gauche », « gauche », « droite », « gauche », « gauche », « droite »,… Le second est : « rouge », « blanc », « rouge », « rouge », « blanc », « rouge »,…
Avec ces informations, vous savez donc que l'objet vu par la camera 1 est soit à gauche, soit à droite, et que celui vu par la caméra 2 est soit rouge, soit blanc. Vous ne pouvez rien déduire de plus.
Or c'était le même objet qui était vu par les deux caméras : il s'agissait d'une boule soit blanche, soit rouge qui passait aléatoirement à gauche ou à droite.
Cette expérience décrite par Michel Bitbol (« Mécanique quantique, une introduction philosophique ») pose très simplement la question suivante : comment pouvons-nous savoir quand on peut ou non unifier des contextes, c'est-à-dire affirmer que telle et telle observations proviennent en fait du même objet ?
Autre exemple : mettez un poisson dans un aquarium, filmez-le par deux objectifs et projetez les deux images sur deux écrans dans une salle voisine. Tous les spectateurs vont voir deux poissons exactement synchrones. Tout ce qui se passe pour l'un se répercute immédiatement sur l'autre. Tout le monde risque d'être tenté de penser que c'est le même poisson filmé sous deux angles différents. Mais comment en être sûr si l'on reste dans la salle sans avoir accès à l'aquarium.
Prenez maintenant un cylindre. Comment le définir ? Un moyen simple est le suivant : si, en coupant un objet selon un plan, vous obtenez un rectangle, et qu'en le coupant selon le plan perpendiculaire, vous obtenez un cercle, c'est un cylindre. Maintenant si vous avez devant vous un rectangle et un cercle, et que vous savez seulement que chacun est le résultat d'une coupe faite sur un objet, vous ne pouvez rien conclure sur l'objet lui-même : rien ne vous dit que les deux coupes viennent du même objet et que ces deux coupes sont orthogonales.
Dans la vie quotidienne, nous sommes constamment devant ce dilemme : est-ce que les différentes informations qui m'arrivent simultanément proviennent oui ou non du même objet ? Comment puis-je être certain que ce que je vois et ce que j'entends proviennent de la même source ?
Parfois, nous avons la possibilité de « passer derrière l'écran » et de nous assurer que, oui, c'est bien le même objet et que, donc, nous avons le droit de réunir les informations. Mais souvent, ce n'est pas possible : nous qui ne lisons le monde qu'à partir de ce que nous voyons, comme savoir ce qui se passe vraiment ? Peut-on réunir des données et considérer qu'elles décrivent des aspects différents de la même réalité ? Ou à l'inverse, ce sont des données qui correspondent à des réalités disjointes ? Comment savoir ?
La réponse est malheureusement assez claire : on ne sait pas. Nous n'avons accès qu'aux apparences et nous n'avons pas accès à la « chose en soi ». Déstabilisant, non ?
23 nov. 2009
LA CRISE DE LA VITICULTURE EST TERMINÉE
Ne laissons plus les viticulteurs brûler de l'argent en plein airCe jeudi, je suis passé dans l'Ile de la Cité et ai fait un arrêt aux Marchés aux fleurs. Mon regard sautait sans beaucoup d'attention d'une plante à l'autre, quand il s'arrêta sur un cep de vigne et son prix : 375 €.
Le cep n'avait rien d'exceptionnel (voir la photo ci-jointe prise ce même jour), juste un cep comme on peut en voir en abondance dans toutes les régions viticoles.
J'eus alors un éclair : voilà la solution à la crise viticole. Tous les viticulteurs sont riches comme Crésus sans le savoir. Il faut simplement qu'ils arrêtent cette attitude stupide et rétrograde qui consiste à brûler les ceps de vigne après les avoir arrachés. Non, il faut soigneusement les retirer du sol, les loger précautionneusement dans des pots – pas de souci, un pot en plastique fera l'affaire –, puis les mettre dans un camion et venir les vendre aux Parisiens qui en seront ébahis de plaisir.
Vu le nombre de ceps de vigne qu'il y a par hectare, leurs fortunes sont faites. Il est même probablement plus rentable de venir revendre les ceps de vigne que de produire des grands crus.
Quand je pense à tous ces ceps qui brûlent au bord des champs, c'est un peu comme Serge Gainsbourg qui avait brûlé un billet de 500 F au cours d'une émission TV.
Que les viticulteurs se rassurent donc, la crise est derrière eux !
Le cep n'avait rien d'exceptionnel (voir la photo ci-jointe prise ce même jour), juste un cep comme on peut en voir en abondance dans toutes les régions viticoles.
J'eus alors un éclair : voilà la solution à la crise viticole. Tous les viticulteurs sont riches comme Crésus sans le savoir. Il faut simplement qu'ils arrêtent cette attitude stupide et rétrograde qui consiste à brûler les ceps de vigne après les avoir arrachés. Non, il faut soigneusement les retirer du sol, les loger précautionneusement dans des pots – pas de souci, un pot en plastique fera l'affaire –, puis les mettre dans un camion et venir les vendre aux Parisiens qui en seront ébahis de plaisir.
Vu le nombre de ceps de vigne qu'il y a par hectare, leurs fortunes sont faites. Il est même probablement plus rentable de venir revendre les ceps de vigne que de produire des grands crus.
Quand je pense à tous ces ceps qui brûlent au bord des champs, c'est un peu comme Serge Gainsbourg qui avait brûlé un billet de 500 F au cours d'une émission TV.
Que les viticulteurs se rassurent donc, la crise est derrière eux !
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