Voulez-vous parier sur la création ou la copie ?
Quand nous nous lançons dans une recette de cuisine, l'espoir n'est pas dans l'incertitude : elle est dans la conformité du résultat à ce qui a été anticipé. Pour cela, nous ne ménageons pas nos efforts : nous lisons avec attention la recette, nous la suivons scrupuleusement, pesant chaque ingrédient, préchauffant le four à la température indiquée.
Quand un artiste se lance dans la création d'une nouvelle œuvre – peinture, sculpture, musique, écriture, … –, il ne sait pas où il va. Il suit l'idée qui a commencé à combler le vide de la page blanche qu'il avait devant lui, mais cette idée est obscure et mystérieuse. Il est attentif à en suivre les méandres et avide de découvrir où elle va l'emmener.
Pas besoin d'être un grand cuisinier pour suivre une recette. En fait surtout pas, car alors vous pourriez être tenté de ne pas la suivre, et très probablement vous la manqueriez. Faire ainsi la cuisine n'est pas une affaire d'intelligence, un minimum de notre intellect est sollicité. C'est probablement pour cela qu'elle est tellement prisée par tous ceux qui ont une activité professionnelle débordante : il est plus reposant de suivre une recette de cuisine que de diriger une usine.
Impossible de créer une œuvre quelconque sans imagination personnelle. Si vous n'avez pas d'imagination, la page restera durablement blanche, le pinceau sèchera en vain, le marbre restera de marbre… Créer suppose d'être capable de construire des images mentales qui se matérialisent continûment devant vous. Ainsi la création est d'abord une affaire d'intelligence, mais une intelligence complexe et non linéaire, celle qui sait appréhender le complexe et avoir des fulgurances.
Dans Le Diable et le Bon Dieu, Jean-Paul Sartre écrit qu'il préfère le désespoir à l'incertitude. Il pensait manifestement aux recettes de cuisine ! En effet, l'incertitude est le cauchemar du pseudo-cuisinier, celui qui ne fait que reproduire ce qu'un autre à inventer.
Pour ma part, je crois plutôt qu'il n'y a pas d'espoir sans incertitude. Cela tient probablement au fait que je pense que l'avenir est plus à la création qu'à la reproduction, aux artistes qu'aux mécaniciens, à l'intelligence qu'à la peur.
Et vous ?
1 avr. 2010
31 mars 2010
DES OPTIMISATIONS RÉPÉTÉES PEUVENT RENDRE UNE ENTREPRISE CASSANTE
Une entreprise exactement adaptée à sa situation présente est vulnérable
Retour sur l'anorexie et du risque de rendre l'entreprise cassante.
Pour préciser mon propos, je vais vous poser quelques questions « simples » auxquelles je vous laisserai apporter vos réponses (n'hésitez pas à me laisser des commentaires) :
- Un coureur de marathon a-t-il la moindre chance d'arriver au bout de la course, s'il part sans aucune réserve ? N'a-t-il pas pris la peine de manger des sucres lents qu'il a stockés préalablement dans son organisme ? La mise en œuvre d'un plan d'action pour une entreprise est-il une action de courte durée ou s'apparente-t-elle à un marathon ?
- Un ensemble d'engrenages peut-il fonctionner sans présence d'un corps gras et d'un minimum de jeu ? Si l'on réduit toutes les marges de manœuvre et on assèche tous les mécanismes, va-t-il se bloquer ?
- Dans la fable du chêne et du roseau, lequel des deux survit à l'orage ? Pour quelle raison, l'un des deux est-il condamné ?
- Y a-t-il une part de flou dans le vivant ? Est-ce qu'une cellule vivante pourrait s'adapter à des changements de son environnement si elle était parfaitement adaptée à son environnement actuel ? Si un être vivant était exactement ajusté à sa situation présente, que se passerait-t-il si elle changeait ?
- Le chaos – au sens mathématique du terme – est-il omniprésent dans le monde dans lequel nous vivons ? L'évolution d'une situation chaotique peut-elle être anticipée précisément, ou, au contraire, peut-elle varier dans des proportions imprévisibles ?
Je pourrais prolonger cette liste…
Maintenant, je vais ajouter juste une dernière question : si j'optimise exactement une entreprise à sa situation actuelle en supprimant tout ce qui semble inutile et n'apporte rien dans le contexte actuel, est-ce que, en améliorant sa performance immédiate, je ne la rends pas cassante et vulnérable ?
Je vous laisse répondre…
Retour sur l'anorexie et du risque de rendre l'entreprise cassante.
Pour préciser mon propos, je vais vous poser quelques questions « simples » auxquelles je vous laisserai apporter vos réponses (n'hésitez pas à me laisser des commentaires) :
- Un coureur de marathon a-t-il la moindre chance d'arriver au bout de la course, s'il part sans aucune réserve ? N'a-t-il pas pris la peine de manger des sucres lents qu'il a stockés préalablement dans son organisme ? La mise en œuvre d'un plan d'action pour une entreprise est-il une action de courte durée ou s'apparente-t-elle à un marathon ?
- Un ensemble d'engrenages peut-il fonctionner sans présence d'un corps gras et d'un minimum de jeu ? Si l'on réduit toutes les marges de manœuvre et on assèche tous les mécanismes, va-t-il se bloquer ?
- Dans la fable du chêne et du roseau, lequel des deux survit à l'orage ? Pour quelle raison, l'un des deux est-il condamné ?
- Y a-t-il une part de flou dans le vivant ? Est-ce qu'une cellule vivante pourrait s'adapter à des changements de son environnement si elle était parfaitement adaptée à son environnement actuel ? Si un être vivant était exactement ajusté à sa situation présente, que se passerait-t-il si elle changeait ?
- Le chaos – au sens mathématique du terme – est-il omniprésent dans le monde dans lequel nous vivons ? L'évolution d'une situation chaotique peut-elle être anticipée précisément, ou, au contraire, peut-elle varier dans des proportions imprévisibles ?
Je pourrais prolonger cette liste…
Maintenant, je vais ajouter juste une dernière question : si j'optimise exactement une entreprise à sa situation actuelle en supprimant tout ce qui semble inutile et n'apporte rien dans le contexte actuel, est-ce que, en améliorant sa performance immédiate, je ne la rends pas cassante et vulnérable ?
Je vous laisse répondre…
30 mars 2010
LA VIE N’EST PAS UNE AFFAIRE DE STATISTIQUES
On apprend plus de la situation de l'emploi en lisant le livre de Florence Aubenas qu'en lisant les statistiques du chômage
Florence Aubenas promène son regard à hauteur des gens. Elle s'est faite pendant six mois, l'un d'eux. Elle est là parmi eux, sans jugement, sans critique, juste le témoin d'une réalité. Elle apporte un témoignage brut de ce qui est le monde dans lequel nous vivons, même si nous le connaissons parfois bien mal.
Les experts promènent leurs regards à hauteur des idées. Ils se font les professeurs qui nous disent le vrai. Ils sont là au milieu des chiffres, pleins de jugements, pleins de critiques, interprètes d'une réalité absente. Ils apportent des visions alambiquées de ce qui est le monde dans lequel nous vivons, à se demander s'ils le connaissent eux-mêmes.
On ne sort pas indemne de la lecture du « Quai de Ouistreham ». On garde longtemps présentes les images de ces forçats de la propreté pour lesquels le SMIC est un eldorado inaccessible, les syndicats vu comme des défenseurs des ouvriers nantis, la crise qui est depuis longtemps leur quotidien. Pourquoi supporte-on cette réalité à nos fenêtres sans nous émouvoir plus que cela ?
On sort indemne de la lecture de la plupart des articles des experts. On ne garde présente aucune de leurs analyses contradictoires et constamment démenties, analyses pour lesquelles la reprise sera, selon les cas, en U, V, W ou L, analyses dont ils sont entre eux le premier public. Pourquoi supporte-t-on ces prévisions qui feraient passer la météorologie pour une science exacte ?
Et si la solution était une fois de plus dans l'hybridation et le mélange des genres ? Pourquoi ne pas demander à quelques vrais experts – Dieu merci, ils en existent ! –, de passer du temps à observer la réalité des choses ? Qu'ils y passent le nombre de mois qu'il faudra, qu'ils prennent le temps de partir non plus de chiffres qui n'expriment que le calcul qui est fait, mais de situations vécues.
Certes ceci n'aura pas de valeur statistique, mais comme précisément la vie n'est pas affaire de statistiques, cela tombe bien !
Florence Aubenas promène son regard à hauteur des gens. Elle s'est faite pendant six mois, l'un d'eux. Elle est là parmi eux, sans jugement, sans critique, juste le témoin d'une réalité. Elle apporte un témoignage brut de ce qui est le monde dans lequel nous vivons, même si nous le connaissons parfois bien mal.
Les experts promènent leurs regards à hauteur des idées. Ils se font les professeurs qui nous disent le vrai. Ils sont là au milieu des chiffres, pleins de jugements, pleins de critiques, interprètes d'une réalité absente. Ils apportent des visions alambiquées de ce qui est le monde dans lequel nous vivons, à se demander s'ils le connaissent eux-mêmes.
On ne sort pas indemne de la lecture du « Quai de Ouistreham ». On garde longtemps présentes les images de ces forçats de la propreté pour lesquels le SMIC est un eldorado inaccessible, les syndicats vu comme des défenseurs des ouvriers nantis, la crise qui est depuis longtemps leur quotidien. Pourquoi supporte-on cette réalité à nos fenêtres sans nous émouvoir plus que cela ?
On sort indemne de la lecture de la plupart des articles des experts. On ne garde présente aucune de leurs analyses contradictoires et constamment démenties, analyses pour lesquelles la reprise sera, selon les cas, en U, V, W ou L, analyses dont ils sont entre eux le premier public. Pourquoi supporte-t-on ces prévisions qui feraient passer la météorologie pour une science exacte ?
Et si la solution était une fois de plus dans l'hybridation et le mélange des genres ? Pourquoi ne pas demander à quelques vrais experts – Dieu merci, ils en existent ! –, de passer du temps à observer la réalité des choses ? Qu'ils y passent le nombre de mois qu'il faudra, qu'ils prennent le temps de partir non plus de chiffres qui n'expriment que le calcul qui est fait, mais de situations vécues.
Certes ceci n'aura pas de valeur statistique, mais comme précisément la vie n'est pas affaire de statistiques, cela tombe bien !
29 mars 2010
UNE ENTREPRISE SE COMPOSE ET SE DÉCOMPOSE SANS CESSE
Les règles communes cimentent les systèmes
"A l'échelon le plus élémentaire, on trouve les composants de base de la matière. Ces composants se combinent pour donner des photons, des neutrinos, des électrons ou des quarks. En continuant la remontée, on arrive aux briques de base dont nous avons tous entendu parler depuis longtemps : hydrogène, oxygène, carbone, fer… A leur tour, ces briques se composent pour créer des molécules complexes : eau, gaz carbonique,…
De cette matière, émerge la cellule, l'échelon de base du vivant. Assemblées ensuite dans des schémas plus ou moins sophistiqués, ces cellules donnent naissance à un être vivant allant de l'amibe à l'homme.
Enfin ces êtres vivants interagissent entre eux et donnent naissance à des systèmes : des tribus d'animaux, des écosystèmes (la fleur et l'abeille), des entreprises, des organisations sociales… Puis tous ces systèmes s'articulent entre eux pour donner notre univers. Et au-dessus ? On ne sait pas…
Enfin ces êtres vivants interagissent entre eux et donnent naissance à des systèmes : des tribus d'animaux, des écosystèmes (la fleur et l'abeille), des entreprises, des organisations sociales… Puis tous ces systèmes s'articulent entre eux pour donner notre univers. Et au-dessus ? On ne sait pas…
Qu'est-ce qui fait qu'une collection d'éléments n'est pas seulement une juxtaposition, mais crée un niveau ? C'est l'existence d'au moins une règle commune et nouvelle qui fait que c'est bien un niveau et non pas une collection d'éléments : une collection de stylos ne devient pas un niveau et reste un ensemble d'objet ; une collection de personnes devient un groupe et donc un niveau, si elles suivent des règles communes (des lois, des us et coutumes, …). C'est l'existence de ces règles qui lui apporte ses propriétés spécifiques.
De même, c'est l'existence de règles propres qui fait qu'une entreprise existe en tant que telle, et n'est pas qu'une juxtaposition d'individus. Ces règles peuvent comprendre des éléments objectifs comme le cadre juridique, les systèmes d'information ou l'organisation interne, mais aussi subjectifs comme des us et coutumes, un langage propre. Les éléments qui composent une grande entreprise (filiales, pays, divisions…) n'existeront en tant que niveau propre, que si ils sont eux-mêmes dotés de règles propres, celles-ci pouvant n'être que culturelles.
Comme tout organisme vivant, une entreprise se compose et se décompose sans cesse : elle consomme des produits et en crée d'autres, elle intègre des individus et se séparent d'autres, elle crée des alliances avec certaines entreprises et en attaque d'autres… Elle vit. Sans l'existence de ses règles et de sa culture, l'identité de l'entreprise ne perdurerait pas au travers de ces transformations continues. Si ce ciment venait à disparaître, l'entreprise, en tant que système collectif, cesserait d'exister pour ne devenir plus qu'une collection d'individus juxtaposés. Elle perdrait sa cohésion et ne pourrait plus être dirigée. Si, suite à une fusion, une culture commune n'est pas mise en place, on aura une juxtaposition et non pas une entreprise.
Quand IBM devient une entreprise centrée sur le software et sur la prestation intellectuelle, est-elle toujours IBM ? Après avoir absorbé successivement Fina, puis Elf, Total est-il resté Total ? Quand Veolia nait à partir de la scission des activités environnement issues de la Générale des Eaux redevient-elle la Générale des Eaux sous un autre nom ? Quand France Telecom cesse d'être une entreprise publique et s'internationalise de plus en plus, est-elle toujours France Telecom ? Quand BSN devient Danone s'agit-il d'une création nouvelle ou d'une transformation d'une identité ?"
(Ce texte est un extrait de mon nouveau livre "Les mers de l'incertitude" - p. 58-59 - à paraître fin mai)
Quand IBM devient une entreprise centrée sur le software et sur la prestation intellectuelle, est-elle toujours IBM ? Après avoir absorbé successivement Fina, puis Elf, Total est-il resté Total ? Quand Veolia nait à partir de la scission des activités environnement issues de la Générale des Eaux redevient-elle la Générale des Eaux sous un autre nom ? Quand France Telecom cesse d'être une entreprise publique et s'internationalise de plus en plus, est-elle toujours France Telecom ? Quand BSN devient Danone s'agit-il d'une création nouvelle ou d'une transformation d'une identité ?"
(Ce texte est un extrait de mon nouveau livre "Les mers de l'incertitude" - p. 58-59 - à paraître fin mai)
26 mars 2010
NOUS SOMMES TROP DÉPENDANTS POUR NE PAS NOUS FAIRE CONFIANCE
______ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________
Rappel du patchwork de la semaine :
J'insistais la semaine dernière dans mon éditorial du vendredi sur le déficit de confiance qui nous habitait en France.
Et si l'on redonnait la parole un peu plus à la philosophie ?
Rappel du patchwork de la semaine :
- Lundi : Dans « La Barbarie », Michel Henry met l'accent sur les dangers de la propagation d'un discours scientifique hégémonique et simplificateur. A force de vouloir mettre en équation ce qui n'est pas mathématisable, ne courons-nous pas effectivement le risque de nous écarter de la vie et du sens ?
- Mardi : Pékin et Los Angeles ont historiquement peu de choses en commun. Mais au-delà de tout ce qui les sépare, ne sont-elles pas l'une comme l'autre une expression vivante de ce monde construit ou reconstruit qui structurent nos vies à coup d'autoroutes, de centres commerciaux et de cités climatisées ?
- Mercredi : Quand une famille tue l'autre enterre. Clin d'œil amusé et télescopage entre deux familles flippées et flippantes, ou quand les Fisher et les Sopranos nous montrent que vivre au quotidien, « c'est pas gagné » !
- Jeudi : Nous voilà tous doublement connectés, par notre nombre et par nos « objets-monde ». Dans ce Neuromonde qui est devenu le nôtre, nous sommes forts de la toile de nos interdépendances, et nous vibrons du mouvement des autres. Il est illusoire de vouloir y échapper.
J'insistais la semaine dernière dans mon éditorial du vendredi sur le déficit de confiance qui nous habitait en France.
Plus le Neuromonde se développe, plus les interdépendances s'accroissent, plus le flou se propage, et plus ce déficit devient critique. Tant que celui qui je ne connais pas est loin de moi, tant que je n'en suis pas dépendant, je peux ne pas lui faire confiance : nous sommes décorrélés, autonomes, et donc je peux l'ignorer.
Mais quand il devient mon proche – physiquement comme virtuellement –, quand il est indispensable à la production des biens et des services que j'utilise, quand tous ensemble, nous sommes coresponsables de l'avenir de notre planète, comment ne pas comprendre que l'absence de confiance conduira au conflit ?
Et ne nous trompons pas, la solution ne viendra pas d'une géniale solution scientifique : les mathématiques ne sont que de peu d'aide quand il s'agit de penser à la vie. Bien au contraire, par une mathématisation abusive des sciences humaines et la création d'une hydre économico-financière, nous fuyons les vraies questions qui sont celles du vivre ensemble.Et si l'on redonnait la parole un peu plus à la philosophie ?
25 mars 2010
NOUS SOMMES PRIS DANS LES MAILLES DU FILET DE NOTRE INTERDÉPENDANCE
Tous connectés, tous proches, tous codépendants
"Grâce au langage, nous avons appris à manipuler des concepts et des représentations, et à construire des interprétations. Grâce à l'écriture, nous avons pu stocker de l'information non plus seulement dans notre mémoire personnelle, mais aussi dans un support externe, début d'exodarwinisme mental en reprenant la terminologie de Michel Serres. Grâce à l'imprimerie, ce stockage externe a gagné en puissance avec la multiplication facilitée par la reproduction.
Ce processus se poursuit avec l'arrivée des technologies de l'information :
- Elles viennent donner une toute nouvelle puissance au stockage de l'information : nous sommes constamment à un clic tant de la sauvegarde que de l'accès, et on peut stocker aussi bien de l'écrit et de l'image que du son. Le coût du gigaoctet s'effondre et devient de plus en plus une commodité dont la charge tend vers zéro. Ce stockage se fait maintenant sur le réseau et, grâce à l'indexation, aux liens RSS et aux moteurs de recherche comme Google, l'accès est facile et immédiat quel que soit l'endroit où l'on se trouve.
- Elles nous connectent progressivement tous, individus comme systèmes : le monde devient progressivement une grande toile réticulée qui nous prend dans ses filets. Tout peut se propager : comme la toile d'une araignée vibre à la moindre proie qui se prend dans les mailles, nous résonnons au moindre aléa.
- Chacun peut vivre intellectuellement des situations sans avoir à les expérimenter physiquement : chacun peut avoir un avatar et circuler dans le cyberespace pour y interagir avec d'autres excroissances virtuelles. Le développement des systèmes experts facilite l'élaboration de scénarios et la construction de représentations : il est possible de traiter une quantité de plus en plus grande d'informations, de structurer automatiquement des analyses et des synthèses à partir de ce traitement, d'élaborer des représentations de ces résultats plus facilement manipulables dans l'esprit humain.
De plus, nous sommes non seulement connectés par des systèmes, mais aussi physiquement au contact les uns des autres : nos corps se touchent de plus en plus. Depuis un siècle, la croissance de la population humaine s'est brutalement accélérée : en cinquante ans, nous venons de passer de deux milliards et demi d'hommes à six milliards, alors que nous n'étions qu'un milliard, il y a deux cents ans, et deux cent cinquante millions, il y a mille ans. Demain, en 2050, nous serons probablement neuf milliards.
Dans le même temps, l'impact de chacun de nous est démultiplié par tous les outils mis à notre disposition : grâce aux « objets-monde », il suffit de quelques hommes pour agir sur le monde tout entier.
Résultat, comme l'écrit Michel Serres, « nous dépendons enfin des choses qui dépendent de nous. (…) Ladite mondialisation me paraît aujourd'hui au moins autant le résultat de l'activité du Monde que des nôtres. » (*)
Qu'est-ce à dire ? Que nous sommes pris dans les mailles de l'effet de nos propres actes, que la boucle d'interaction entre l'action et ce sur quoi on agit devient prépondérante. Témoin les débats actuels sur le climat et le réchauffement de la Terre, l'eau, la pollution, l'énergie…
Conséquence, l'horizon du flou se rapproche et il devient de plus en plus aléatoire de voir précisément au-delà d'un horizon proche. Très vite, nous ne pouvons au mieux que prévoir les grandes tendances, et non plus les évolutions précises.
Plutôt que parler d'horizon de flou, je devrais parler de flou progressif : plus je m'écarte du présent, moins je vois clair. A un moment, le flou est tel que je ne perçois plus que les grandes lignes.
Vers quel système d'organisation allons-nous ? A quoi va ressembler demain ce « Neuromonde » en train d'émerger ?
Personne ne le sait vraiment. Simplement, ce sera un monde où il sera très difficile de démêler les fils, où une action en un point pourra se répercuter de partout. Toutes les crises récentes témoignent de ce flou qui nous envahit de plus en plus."
(Ce texte est un extrait de mon nouveau livre "Les mers de l'incertitude" - p. 67-68 - à paraître fin mai)
(*) Le temps des crises,
"Grâce au langage, nous avons appris à manipuler des concepts et des représentations, et à construire des interprétations. Grâce à l'écriture, nous avons pu stocker de l'information non plus seulement dans notre mémoire personnelle, mais aussi dans un support externe, début d'exodarwinisme mental en reprenant la terminologie de Michel Serres. Grâce à l'imprimerie, ce stockage externe a gagné en puissance avec la multiplication facilitée par la reproduction.
Ce processus se poursuit avec l'arrivée des technologies de l'information :
- Elles viennent donner une toute nouvelle puissance au stockage de l'information : nous sommes constamment à un clic tant de la sauvegarde que de l'accès, et on peut stocker aussi bien de l'écrit et de l'image que du son. Le coût du gigaoctet s'effondre et devient de plus en plus une commodité dont la charge tend vers zéro. Ce stockage se fait maintenant sur le réseau et, grâce à l'indexation, aux liens RSS et aux moteurs de recherche comme Google, l'accès est facile et immédiat quel que soit l'endroit où l'on se trouve.
- Elles nous connectent progressivement tous, individus comme systèmes : le monde devient progressivement une grande toile réticulée qui nous prend dans ses filets. Tout peut se propager : comme la toile d'une araignée vibre à la moindre proie qui se prend dans les mailles, nous résonnons au moindre aléa.
- Chacun peut vivre intellectuellement des situations sans avoir à les expérimenter physiquement : chacun peut avoir un avatar et circuler dans le cyberespace pour y interagir avec d'autres excroissances virtuelles. Le développement des systèmes experts facilite l'élaboration de scénarios et la construction de représentations : il est possible de traiter une quantité de plus en plus grande d'informations, de structurer automatiquement des analyses et des synthèses à partir de ce traitement, d'élaborer des représentations de ces résultats plus facilement manipulables dans l'esprit humain.
De plus, nous sommes non seulement connectés par des systèmes, mais aussi physiquement au contact les uns des autres : nos corps se touchent de plus en plus. Depuis un siècle, la croissance de la population humaine s'est brutalement accélérée : en cinquante ans, nous venons de passer de deux milliards et demi d'hommes à six milliards, alors que nous n'étions qu'un milliard, il y a deux cents ans, et deux cent cinquante millions, il y a mille ans. Demain, en 2050, nous serons probablement neuf milliards.
Dans le même temps, l'impact de chacun de nous est démultiplié par tous les outils mis à notre disposition : grâce aux « objets-monde », il suffit de quelques hommes pour agir sur le monde tout entier.
Résultat, comme l'écrit Michel Serres, « nous dépendons enfin des choses qui dépendent de nous. (…) Ladite mondialisation me paraît aujourd'hui au moins autant le résultat de l'activité du Monde que des nôtres. » (*)
Qu'est-ce à dire ? Que nous sommes pris dans les mailles de l'effet de nos propres actes, que la boucle d'interaction entre l'action et ce sur quoi on agit devient prépondérante. Témoin les débats actuels sur le climat et le réchauffement de la Terre, l'eau, la pollution, l'énergie…
Conséquence, l'horizon du flou se rapproche et il devient de plus en plus aléatoire de voir précisément au-delà d'un horizon proche. Très vite, nous ne pouvons au mieux que prévoir les grandes tendances, et non plus les évolutions précises.
Plutôt que parler d'horizon de flou, je devrais parler de flou progressif : plus je m'écarte du présent, moins je vois clair. A un moment, le flou est tel que je ne perçois plus que les grandes lignes.
Vers quel système d'organisation allons-nous ? A quoi va ressembler demain ce « Neuromonde » en train d'émerger ?
Personne ne le sait vraiment. Simplement, ce sera un monde où il sera très difficile de démêler les fils, où une action en un point pourra se répercuter de partout. Toutes les crises récentes témoignent de ce flou qui nous envahit de plus en plus."
(Ce texte est un extrait de mon nouveau livre "Les mers de l'incertitude" - p. 67-68 - à paraître fin mai)
(*) Le temps des crises,
24 mars 2010
QUE L’ON TUE OU QUE L’ON ENTERRE, RIEN N’EST SIMPLE POUR AUTANT
Chacun fait comme il peut
Dans l'une des familles, on assassine, dans l'autre on enterre. Comme une complémentarité. Comme si l'une était nécessaire à l'autre…
Pour des canards qui s'envolent sans raison, sans explication, la vie de Tony Soprano bascule. Il ne pourra plus échapper à ce passé qui vient de le prendre à la gorge. Lui qui règne sur sa « famille », lui qui empile les cadavres quand c'est nécessaire, le voilà perdu entre l'enfant qu'il a été, une mère manipulatrice, des maitresses multiples et sa famille. Il va chercher refuge sur le divan d'une psy qui, elle-même, sera séduite et terrifiée par les confidences qui s'accumulent.
Pour une cigarette allumée mal à propos, la vie de Nathaniel Samuel Fisher Senior s'arrête brutalement. Nate, Nathaniel Samuel Fisher Junior, revenu uniquement pour un repas de Noël, ne repartira plus de la maison familiale. Lui qui était parti pour échapper à la pesanteur de cette « maison funèbre », lui qui est toujours au bord de la rupture, coincé entre ses fragilités multiples, le voilà prenant les rênes de la maison, essayant de fédérer comme il peut une mère qui s'émancipe, un frère en mal de coming out et une jeune sœur. Il va chercher refuge dans cette fille aimée brutalement dans les toilettes de l'aéroport.
Tony essaie comme il peut de cloisonner ses univers et de ne pas se trouver piégé dans ses vies parallèles. Mais comment expliquer à son fils qu'il ne faut pas boire le vin de messe, quand celui-ci a compris que son père était un parrain de la mafia ? Comment vouloir une vie familiale catholique et rangée quand on jongle entre sexe, FBI et assassinats ? Comment se confier vraiment à sa psy sans en tomber amoureux ?
Nate essaie de construire sa vie et de cheminer le moins mal qu'il peut. Mais comment construire avec Brenda un couple stable sans additionner leurs névroses respectives ? Comment survire au décès de Lisa et faire face à cet enfant qui la rappelle tous les jours ? Comment aider son frère David à assumer sa sexualité quand on a tant de problèmes avec sa vie ? Comment être spectateur des errements affectifs de sa mère sans la juger ?
Les deux familles font chacune comme elles peuvent. Pas de recettes miracles : que l'on s'appelle Soprano ou Fisher, que l'on soit mafiosi ou croque-mort, on ne peut pas échapper à son passé et on doit simplement apprendre à faire avec. On n'est certes pas seul, et les autres sont là pour le meilleur et le pire. Finalement, on trace son chemin et on avance.
PS : pour en savoir plus ces deux séries cultes cliquer sur ces liens : The Sopranos et Six feet under
Dans l'une des familles, on assassine, dans l'autre on enterre. Comme une complémentarité. Comme si l'une était nécessaire à l'autre…
Pour des canards qui s'envolent sans raison, sans explication, la vie de Tony Soprano bascule. Il ne pourra plus échapper à ce passé qui vient de le prendre à la gorge. Lui qui règne sur sa « famille », lui qui empile les cadavres quand c'est nécessaire, le voilà perdu entre l'enfant qu'il a été, une mère manipulatrice, des maitresses multiples et sa famille. Il va chercher refuge sur le divan d'une psy qui, elle-même, sera séduite et terrifiée par les confidences qui s'accumulent.
Pour une cigarette allumée mal à propos, la vie de Nathaniel Samuel Fisher Senior s'arrête brutalement. Nate, Nathaniel Samuel Fisher Junior, revenu uniquement pour un repas de Noël, ne repartira plus de la maison familiale. Lui qui était parti pour échapper à la pesanteur de cette « maison funèbre », lui qui est toujours au bord de la rupture, coincé entre ses fragilités multiples, le voilà prenant les rênes de la maison, essayant de fédérer comme il peut une mère qui s'émancipe, un frère en mal de coming out et une jeune sœur. Il va chercher refuge dans cette fille aimée brutalement dans les toilettes de l'aéroport.
Tony essaie comme il peut de cloisonner ses univers et de ne pas se trouver piégé dans ses vies parallèles. Mais comment expliquer à son fils qu'il ne faut pas boire le vin de messe, quand celui-ci a compris que son père était un parrain de la mafia ? Comment vouloir une vie familiale catholique et rangée quand on jongle entre sexe, FBI et assassinats ? Comment se confier vraiment à sa psy sans en tomber amoureux ?
Nate essaie de construire sa vie et de cheminer le moins mal qu'il peut. Mais comment construire avec Brenda un couple stable sans additionner leurs névroses respectives ? Comment survire au décès de Lisa et faire face à cet enfant qui la rappelle tous les jours ? Comment aider son frère David à assumer sa sexualité quand on a tant de problèmes avec sa vie ? Comment être spectateur des errements affectifs de sa mère sans la juger ?
Les deux familles font chacune comme elles peuvent. Pas de recettes miracles : que l'on s'appelle Soprano ou Fisher, que l'on soit mafiosi ou croque-mort, on ne peut pas échapper à son passé et on doit simplement apprendre à faire avec. On n'est certes pas seul, et les autres sont là pour le meilleur et le pire. Finalement, on trace son chemin et on avance.
PS : pour en savoir plus ces deux séries cultes cliquer sur ces liens : The Sopranos et Six feet under
23 mars 2010
DEUX « PARADIS » DE LA VOITURE, DU BRUIT ET DU CONSTRUIT
Si seulement quand on chassait le naturel, il revenait au galop !
L'avion est posé depuis une vingtaine de minutes quand j'arrive à la douane. Regard crispé et peu avenant. Coup d'œil sur le passeport et le visa. Pas de questions. Quelques instants plus tard, le taxi roule sur l'autoroute au milieu d'une campagne reconstruite. Alignements d'arbres, puis rapidement de cités qui se succèdent. Le flux des voitures se densifie et les autoroutes s'entremêlent. Paradis du pétrole, du béton et du bruit.
L'avion est posé depuis une vingtaine de minutes quand j'arrive à la douane. Regard fixe et autoritaire. Pas question de plaisanter et de tergiverser. Coup d'œil sur mon passeport, pas besoin de visa. Quelques instants plus tard, le taxi est directement happé dans le flux continu. Parler de flux est inapproprié, vue l'absence de vitesse. L'horizon est rythmé d'autoroutes, d'autoponts et de « mall ». Paradis de la voiture, du commerce et du bruit.
Marcher est toujours une entreprise risquée. L'ordre dans cette ville est dicté par le rapport de force : la voiture domine, et c'est aux vélos de les éviter ; les deux ont pour cible commune les piétons qui s'engagent à leurs risques et périls sur le macadam. Le piéton se cantonne donc dans les espaces qui lui sont réservés. Nuées de fourmis pressées, s'arrêtant parfois pour saisir une brochette, une soupe ou un journal.
Marcher est une activité suspecte. Personne ne marche dans cette ville : on y roule, c'est tout. Quand on s'extrait de sa voiture, c'est pour s'engouffrer dans un bureau, un bar, un restaurant ou un magasin. Les quelques piétons se dépêchent de ne plus marcher, et en sont presque à s'excuser d'être là, pouvant gêner par leur présence l'empire mécanique.
Pour affirmer sa modernité, Pékin a rasé sans état d'âme l'essentiel de son passé. N'ont été épargnés que la cité impériale, quelques jardins et un ilot de « hutongs ». Les grandes avenues et leurs chapelets de cités climatisées ont envahi l'espace, se propageant du centre à la périphérie, périphérie qui s'étend sans fin d'anneau circulaire en anneau circulaire.
Los Angeles est née moderne, et, n'ayant pas de passé, n'a rien eu à raser. Elle étale les étoiles de sa superbe en les imprimant sur les trottoirs d'Hollywood boulevard. Les grandes avenues et leurs chapelets de lotissements dessinent l'espace, se propageant comme un tapis qui se déroule, toujours plus loin.
Au-delà des différences, ces deux mégapoles si distantes dans l'espace physique et culturel se regardent et se jaugent par dessus le Pacifique, comme deux piliers jumeaux de notre modernité actuelle.
L'avion est posé depuis une vingtaine de minutes quand j'arrive à la douane. Regard crispé et peu avenant. Coup d'œil sur le passeport et le visa. Pas de questions. Quelques instants plus tard, le taxi roule sur l'autoroute au milieu d'une campagne reconstruite. Alignements d'arbres, puis rapidement de cités qui se succèdent. Le flux des voitures se densifie et les autoroutes s'entremêlent. Paradis du pétrole, du béton et du bruit.
L'avion est posé depuis une vingtaine de minutes quand j'arrive à la douane. Regard fixe et autoritaire. Pas question de plaisanter et de tergiverser. Coup d'œil sur mon passeport, pas besoin de visa. Quelques instants plus tard, le taxi est directement happé dans le flux continu. Parler de flux est inapproprié, vue l'absence de vitesse. L'horizon est rythmé d'autoroutes, d'autoponts et de « mall ». Paradis de la voiture, du commerce et du bruit.
Marcher est toujours une entreprise risquée. L'ordre dans cette ville est dicté par le rapport de force : la voiture domine, et c'est aux vélos de les éviter ; les deux ont pour cible commune les piétons qui s'engagent à leurs risques et périls sur le macadam. Le piéton se cantonne donc dans les espaces qui lui sont réservés. Nuées de fourmis pressées, s'arrêtant parfois pour saisir une brochette, une soupe ou un journal.
Marcher est une activité suspecte. Personne ne marche dans cette ville : on y roule, c'est tout. Quand on s'extrait de sa voiture, c'est pour s'engouffrer dans un bureau, un bar, un restaurant ou un magasin. Les quelques piétons se dépêchent de ne plus marcher, et en sont presque à s'excuser d'être là, pouvant gêner par leur présence l'empire mécanique.
Pour affirmer sa modernité, Pékin a rasé sans état d'âme l'essentiel de son passé. N'ont été épargnés que la cité impériale, quelques jardins et un ilot de « hutongs ». Les grandes avenues et leurs chapelets de cités climatisées ont envahi l'espace, se propageant du centre à la périphérie, périphérie qui s'étend sans fin d'anneau circulaire en anneau circulaire.
Los Angeles est née moderne, et, n'ayant pas de passé, n'a rien eu à raser. Elle étale les étoiles de sa superbe en les imprimant sur les trottoirs d'Hollywood boulevard. Les grandes avenues et leurs chapelets de lotissements dessinent l'espace, se propageant comme un tapis qui se déroule, toujours plus loin.
Au-delà des différences, ces deux mégapoles si distantes dans l'espace physique et culturel se regardent et se jaugent par dessus le Pacifique, comme deux piliers jumeaux de notre modernité actuelle.
22 mars 2010
« LES SCIENCES HUMAINES SONT DES SCIENCES SANS OBJET »
Quand la science en arrive à nier la vie…
Promenade aléatoire et personnelle au sein de « La Barbarie », livre écrit en 1987 par le philosophe français Michel Henry (*)
Vie, conscience et culture…
« La conscience est toujours conscience de quelque chose, elle révèle autre chose qu'elle-même. »
« En son savoir propre, au contraire, la vie ne révèle rien d'autre, aucune altérité, aucune objectivité, rien qui soit différent d'elle, rien qui lui soit étranger. »
« L'être originel de la vie et de la science elle-même en tant que mode de vie, en tant que pathos, n'est pas, il advient comme l'incessante venue en soi de la vie, comme ce qui, ne cessant de se sentir et de s'éprouver soi-même, ne cesse de s'éprouver de telle façon et ainsi de se modifier de la façon dont se modifie le Souffrir primitif qui constitue la possibilité de toute épreuve. »
« La vérité originelle étant soi-même son propre critère et disant elle-même, ce qu'elle est, se passe de toute « interprétation » et a fortiori de toute discussion. »
« La culture est l'ensemble des entreprises et des pratiques dans lesquelles s'exprime la surabondance de la vie, toutes elles ont pour motivation la « charge », le « trop » qui dispose intérieurement la subjectivité vivante comme une force prête à se prodiguer et contrainte, sous la charge, de la faire. »
« Toute culture est la libération d'une énergie, les formes de cette culture sont les modes concrets de cette libération. »
Science, objectivité et instrumentalisation
« Ce qu'est la vie, au contraire, la science n'en a aucune idée, elle ne s'en préoccupe nullement, elle n'a aucun rapport avec elle et n'en aura jamais. Car il n'est d'accès à la vie qu'à l'intérieur de la vie et par elle, s'il est vrai que seule la vie se rapporte à soi, dans l'Affectivité de son auto-affection. »
« L'objectivisme du projet scientifique implique l'établissement des idéalités en lesquelles le donné se prête à un traitement mathématique. »
« Tout ce qui peut être fait par la science doit être fait par elle et pour elle, puisqu'il n'y a rien d'autre qu'elle et que la réalité qu'elle connaît, à savoir la réalité objective, dont la technique est l'auto-réalisation. »
« Négativement la présupposition de la science, c'est qu'il n'y a rien d'autre que l'être extérieur, que la vérité, c'est cette extériorité comme telle, soit, dans la perspective et le langage du savant, l' « objectivité ». »
« Ce n'est donc pas seulement la culture scientifique, c'est l'élimination voulue et prescrite par elle de tous les autres modèles spirituels qui constitue le trait décisif de la culture moderne. »
Sciences humaines, mathématisation et vie
« Dans le cas des sciences humaines au contraire, la mise hors jeu de la subjectivité ne signifie rien de moins que l'exclusion de ce qui en l'homme constitue son essence propre. »
« La physique et les sciences qui lui sont liées conservent cette référence principielle à une nature abstraite qu'elles prennent pour la nature réelle. Mais que peut bien laisser subsister, dans le cas des sciences humaines, à titre de référence ou de thème possible, cette élimination radicale de la subjectivité. En un sens : rien. C'est pourquoi nous disons d'abord que ces sciences sont sans objet. »
« Ce n'est pas en effet le travail vivant et réel qu'on mesure, dont on produit une expression idéale rigoureuse, c'est seulement son double représentatif irréel, soit le travail objectif. Pas même celui-ci, à vrai dire, mais seulement le temps pendant lequel il dure. »
« Cette mesure-là (mathématique du temps) ne mesure rien, ne sait rien du travail effectif, du travail vivant de ceux qui travaillent : ils sont restés huit heures à l'usine, dans leur bureau, mais qu'y ont-ils fait ? »
Science, objectivité et art
« La composition esthétique n'est assurément pas cette sorte de palette de couleurs qu'est devenue la toile sous l'effet des coups de pinceau ou de couteau de l'artiste, mais elle n'est possible qu'à partir d'elle. »
« C'est précisément la méconnaissance du statut ontologique de l'œuvre d'art par le savoir scientifique et par l'esthétique scientifique (qui en prolonge la visée objectiviste) qui conduit une telle « esthétique » à confondre l'œuvre avec son support, à s'imaginer que l'authenticité de la première se recouvre rigoureusement avec celle du second et que, si le support a été refait, l'œuvre originale n'existe plus. »
« Que se passe-t-il ? En raison de son progrès théorique indéfini, la science offre aujourd'hui la possibilité, grâce à diverses méthodes comparatives, de dater un matériau de manière rigoureuse et, par conséquent, de discerner dans un œuvre restaurée ce qui est original et ce qui ne l'est pas. (…) Ce qui importe dans ce monastère byzantin qui se tient devant nous, c'est ce qui en lui peut être rendu objectif de cette façon et à cette fin, ce qui peut être établi scientifiquement, à savoir notamment la discrimination des ajouts, raccords et autres repeints apportés à l'œuvre primitive – et les coups de marteau des démolisseurs qui font dégringoler systématiquement ces adjonctions expriment très exactement ce que le science a à dire au sujet du monastère de Daphni, ils sont la conséquence rigoureuse de son savoir et de son vouloir. »
Université, apprentissage et savoir…
« Il y a toujours à apprendre. Il n'y a aucune raison de quitter l'Université. »
« Mais l'apprentissage ou l'enseignement qui ont rendu l'individu apte à l'exercer se sont interrompus à ce stade de qualification qui était requis. L'individu a quitté l'Université pour entrer dans la vie active. Son activité du même coup subit une mutation essentielle, cessant d'être prise dans un progrès autonome et indéfini de perfectionnement pour se conformer à des modèles arrêtés. »
« Les sciences ne parlent jamais de l'homme ou, ce qui revient au même, elles en parlent toujours en tant qu'autre que lui-même, en tant qu'atomes, molécules, neurones, chaînes d'acides, processus biologiques, physiologiques, etc. Les « lettres » au contraire édifient à leur manière, qui paraît souvent confuse, et même si elles n'ont pas une conscience claire, un savoir réel de l'homme dans son humanité transcendantale. »
« Le changement le plus spectaculaire concerne la philosophie, qui constituait la formation fondamentale, à raison de neuf heures par semaine, pour soixante ou soixante-dix pour cent des élèves des classes terminales et donc l'horaire a été réduit, pour l'ensemble de ces classes, à deux ou trois heures. »
« Le lecteur du Concept d'angoisse de Kierkegaard n'en sait-il pas sur la sexualité un peu plus que celui qui aurait parcouru la totalité des traités scientifiques passés et à venir sur le sujet, avec leur encombrement de statistiques, qui saurait que tant pour cent de jeunes Américains ont connu un rapport homosexuel avant tel âge et que « sept pour cent des Françaises font l'amour dans l'escalier » ? »
Fuite de soi, événementiel et médias…
« Le non-accomplissement de l'accroissement, pathétique comme lui, c'est donc l'ennui. « Je ne sais pas quoi faire » veut dire : à chaque instant la force est là, s'engageant dans son être – mais aucune des pratiques permettant la poursuite de cet engagement aucune des voies offertes par la culture. Il s'agit alors pour cette force qui ne s'accomplit pas de s'oublier en quelque sorte, elle et son pathos, et cela dans la fuite hors de soi – pour autant que dans cette extériorité quelque chose se lève devant le regard à chaque instant et le captive : l'image télévisée. »
« Ce qui est là maintenant, en cet instant qui retentit en même temps dans le monde entier, c'est justement ce monde tout entier, la totalité des événements, des personnes et des choses. Il faut donc choisir. Qu'est-ce qui dirige ce choix ? Sur le tout de la réalité les médias jettent une grille, ne retenant d'elle que ce qui correspond à cette grille. »
« Ces événements présentent un caractère commun : l'incohérence. Considéré isolément, chacun d'eux se résume à un incident ponctuel. Ni ses tenants ni ses aboutissants ne sont donnés avec lui. »
« Parce que la communication médiatique définissant l'existence médiatique envahit tout, les valeurs aussi sont désormais celles des médias. La liberté, la liberté fondamentale et essentielle, « la clef de voûte de toutes les autres », c'est la liberté de la presse, la liberté de l'information, c'est-à-dire en vérité la liberté des médias et ainsi de l'existence médiatique elle-même, la liberté sans limite d'abrutir, d'avilir, d'asservir. »
(*) Mille mercis à Paule Orsoni pour m'avoir conseillé cette lecture !
Promenade aléatoire et personnelle au sein de « La Barbarie », livre écrit en 1987 par le philosophe français Michel Henry (*)
Vie, conscience et culture…
« La conscience est toujours conscience de quelque chose, elle révèle autre chose qu'elle-même. »
« En son savoir propre, au contraire, la vie ne révèle rien d'autre, aucune altérité, aucune objectivité, rien qui soit différent d'elle, rien qui lui soit étranger. »
« L'être originel de la vie et de la science elle-même en tant que mode de vie, en tant que pathos, n'est pas, il advient comme l'incessante venue en soi de la vie, comme ce qui, ne cessant de se sentir et de s'éprouver soi-même, ne cesse de s'éprouver de telle façon et ainsi de se modifier de la façon dont se modifie le Souffrir primitif qui constitue la possibilité de toute épreuve. »
« La vérité originelle étant soi-même son propre critère et disant elle-même, ce qu'elle est, se passe de toute « interprétation » et a fortiori de toute discussion. »
« La culture est l'ensemble des entreprises et des pratiques dans lesquelles s'exprime la surabondance de la vie, toutes elles ont pour motivation la « charge », le « trop » qui dispose intérieurement la subjectivité vivante comme une force prête à se prodiguer et contrainte, sous la charge, de la faire. »
« Toute culture est la libération d'une énergie, les formes de cette culture sont les modes concrets de cette libération. »
Science, objectivité et instrumentalisation
« Ce qu'est la vie, au contraire, la science n'en a aucune idée, elle ne s'en préoccupe nullement, elle n'a aucun rapport avec elle et n'en aura jamais. Car il n'est d'accès à la vie qu'à l'intérieur de la vie et par elle, s'il est vrai que seule la vie se rapporte à soi, dans l'Affectivité de son auto-affection. »
« L'objectivisme du projet scientifique implique l'établissement des idéalités en lesquelles le donné se prête à un traitement mathématique. »
« Tout ce qui peut être fait par la science doit être fait par elle et pour elle, puisqu'il n'y a rien d'autre qu'elle et que la réalité qu'elle connaît, à savoir la réalité objective, dont la technique est l'auto-réalisation. »
« Négativement la présupposition de la science, c'est qu'il n'y a rien d'autre que l'être extérieur, que la vérité, c'est cette extériorité comme telle, soit, dans la perspective et le langage du savant, l' « objectivité ». »
« Ce n'est donc pas seulement la culture scientifique, c'est l'élimination voulue et prescrite par elle de tous les autres modèles spirituels qui constitue le trait décisif de la culture moderne. »
Sciences humaines, mathématisation et vie
« Dans le cas des sciences humaines au contraire, la mise hors jeu de la subjectivité ne signifie rien de moins que l'exclusion de ce qui en l'homme constitue son essence propre. »
« La physique et les sciences qui lui sont liées conservent cette référence principielle à une nature abstraite qu'elles prennent pour la nature réelle. Mais que peut bien laisser subsister, dans le cas des sciences humaines, à titre de référence ou de thème possible, cette élimination radicale de la subjectivité. En un sens : rien. C'est pourquoi nous disons d'abord que ces sciences sont sans objet. »
« Ce n'est pas en effet le travail vivant et réel qu'on mesure, dont on produit une expression idéale rigoureuse, c'est seulement son double représentatif irréel, soit le travail objectif. Pas même celui-ci, à vrai dire, mais seulement le temps pendant lequel il dure. »
« Cette mesure-là (mathématique du temps) ne mesure rien, ne sait rien du travail effectif, du travail vivant de ceux qui travaillent : ils sont restés huit heures à l'usine, dans leur bureau, mais qu'y ont-ils fait ? »
Science, objectivité et art
« La composition esthétique n'est assurément pas cette sorte de palette de couleurs qu'est devenue la toile sous l'effet des coups de pinceau ou de couteau de l'artiste, mais elle n'est possible qu'à partir d'elle. »
« C'est précisément la méconnaissance du statut ontologique de l'œuvre d'art par le savoir scientifique et par l'esthétique scientifique (qui en prolonge la visée objectiviste) qui conduit une telle « esthétique » à confondre l'œuvre avec son support, à s'imaginer que l'authenticité de la première se recouvre rigoureusement avec celle du second et que, si le support a été refait, l'œuvre originale n'existe plus. »
« Que se passe-t-il ? En raison de son progrès théorique indéfini, la science offre aujourd'hui la possibilité, grâce à diverses méthodes comparatives, de dater un matériau de manière rigoureuse et, par conséquent, de discerner dans un œuvre restaurée ce qui est original et ce qui ne l'est pas. (…) Ce qui importe dans ce monastère byzantin qui se tient devant nous, c'est ce qui en lui peut être rendu objectif de cette façon et à cette fin, ce qui peut être établi scientifiquement, à savoir notamment la discrimination des ajouts, raccords et autres repeints apportés à l'œuvre primitive – et les coups de marteau des démolisseurs qui font dégringoler systématiquement ces adjonctions expriment très exactement ce que le science a à dire au sujet du monastère de Daphni, ils sont la conséquence rigoureuse de son savoir et de son vouloir. »
Université, apprentissage et savoir…
« Il y a toujours à apprendre. Il n'y a aucune raison de quitter l'Université. »
« Mais l'apprentissage ou l'enseignement qui ont rendu l'individu apte à l'exercer se sont interrompus à ce stade de qualification qui était requis. L'individu a quitté l'Université pour entrer dans la vie active. Son activité du même coup subit une mutation essentielle, cessant d'être prise dans un progrès autonome et indéfini de perfectionnement pour se conformer à des modèles arrêtés. »
« Les sciences ne parlent jamais de l'homme ou, ce qui revient au même, elles en parlent toujours en tant qu'autre que lui-même, en tant qu'atomes, molécules, neurones, chaînes d'acides, processus biologiques, physiologiques, etc. Les « lettres » au contraire édifient à leur manière, qui paraît souvent confuse, et même si elles n'ont pas une conscience claire, un savoir réel de l'homme dans son humanité transcendantale. »
« Le changement le plus spectaculaire concerne la philosophie, qui constituait la formation fondamentale, à raison de neuf heures par semaine, pour soixante ou soixante-dix pour cent des élèves des classes terminales et donc l'horaire a été réduit, pour l'ensemble de ces classes, à deux ou trois heures. »
« Le lecteur du Concept d'angoisse de Kierkegaard n'en sait-il pas sur la sexualité un peu plus que celui qui aurait parcouru la totalité des traités scientifiques passés et à venir sur le sujet, avec leur encombrement de statistiques, qui saurait que tant pour cent de jeunes Américains ont connu un rapport homosexuel avant tel âge et que « sept pour cent des Françaises font l'amour dans l'escalier » ? »
Fuite de soi, événementiel et médias…
« Le non-accomplissement de l'accroissement, pathétique comme lui, c'est donc l'ennui. « Je ne sais pas quoi faire » veut dire : à chaque instant la force est là, s'engageant dans son être – mais aucune des pratiques permettant la poursuite de cet engagement aucune des voies offertes par la culture. Il s'agit alors pour cette force qui ne s'accomplit pas de s'oublier en quelque sorte, elle et son pathos, et cela dans la fuite hors de soi – pour autant que dans cette extériorité quelque chose se lève devant le regard à chaque instant et le captive : l'image télévisée. »
« Ce qui est là maintenant, en cet instant qui retentit en même temps dans le monde entier, c'est justement ce monde tout entier, la totalité des événements, des personnes et des choses. Il faut donc choisir. Qu'est-ce qui dirige ce choix ? Sur le tout de la réalité les médias jettent une grille, ne retenant d'elle que ce qui correspond à cette grille. »
« Ces événements présentent un caractère commun : l'incohérence. Considéré isolément, chacun d'eux se résume à un incident ponctuel. Ni ses tenants ni ses aboutissants ne sont donnés avec lui. »
« Parce que la communication médiatique définissant l'existence médiatique envahit tout, les valeurs aussi sont désormais celles des médias. La liberté, la liberté fondamentale et essentielle, « la clef de voûte de toutes les autres », c'est la liberté de la presse, la liberté de l'information, c'est-à-dire en vérité la liberté des médias et ainsi de l'existence médiatique elle-même, la liberté sans limite d'abrutir, d'avilir, d'asservir. »
(*) Mille mercis à Paule Orsoni pour m'avoir conseillé cette lecture !
19 mars 2010
IL FAUT RETISSER LA CONFIANCE EN FRANCE
______ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________
Depuis longtemps, on dit que les élections se gagnent ou se perdent dans les six derniers mois, et que tout ce qui s'est passé avant, n'a que peu d'importance. Et si ceci avait affaire avec ce jeu de la mémoire qui ne se souvenait que de la fin des histoires. C'est à la fois rassurant – cette capacité que nous avons d'oublier, ou plutôt de ne pas nous souvenir, est l'occasion de cicatriser des peines passées –, mais aussi inquiétant, car cela peut nous conduire à oublier nos erreurs passées et à les répéter sans fin.
Notamment notre erreur collective principale n'est elle pas dans notre difficulté à nous faire confiance les uns les autres ? N'est-ce pas ce qui est la cause de la surabondance des textes réglementaires, des contrôles de tous ordres, et de notre mal-être à vivre ensemble ? J'ai le souvenir d'un débat public que j'ai contribué à organiser pour le compte d'une entreprise cliente, et au cours duquel aucun des participants n'apportait un quelconque crédit à ce que disait cette entreprise. Comment avancer de façon constructive dans un tel contexte ?
Quand allons-nous commencer à construire cette confiance mutuelle et retisser la société ? C'est probablement à ce prix-là que nous pourrons retrouver une relation collective plus apaisée, plus productive et aussi plus heureuse…
Rappel du patchwork de la semaine :
- Lundi : Où l'on voit que, dans nos systèmes complexes, la performance économique collective est directement liée au degré de confiance vis-à-vis des institutions et de ses concitoyens, et que, à ce jeu là, la France est très mal placée.
- Mardi : Où l'on se rend compte qu'il ne sert à rien de promettre des récompenses, sauf dans les cas les plus simples. A nouveau, dans une situation complexe, c'est d'abord une affaire de confiance en soi.
- Mercredi : Où l'on apprend que notre mémoire nous raconte des histoires incomplètes et partiales, que la fin compte plus que le début, et qu'une belle histoire qui se termine mal ne laissera qu'une trace négative.
- Jeudi : Où les entreprises sont comme les individus à la fois fortes de leur passé et prisonnière de leur mémoire, qu'elles se construisent des interprétations au travers de leurs langages.
Depuis longtemps, on dit que les élections se gagnent ou se perdent dans les six derniers mois, et que tout ce qui s'est passé avant, n'a que peu d'importance. Et si ceci avait affaire avec ce jeu de la mémoire qui ne se souvenait que de la fin des histoires. C'est à la fois rassurant – cette capacité que nous avons d'oublier, ou plutôt de ne pas nous souvenir, est l'occasion de cicatriser des peines passées –, mais aussi inquiétant, car cela peut nous conduire à oublier nos erreurs passées et à les répéter sans fin.
Notamment notre erreur collective principale n'est elle pas dans notre difficulté à nous faire confiance les uns les autres ? N'est-ce pas ce qui est la cause de la surabondance des textes réglementaires, des contrôles de tous ordres, et de notre mal-être à vivre ensemble ? J'ai le souvenir d'un débat public que j'ai contribué à organiser pour le compte d'une entreprise cliente, et au cours duquel aucun des participants n'apportait un quelconque crédit à ce que disait cette entreprise. Comment avancer de façon constructive dans un tel contexte ?
Quand allons-nous commencer à construire cette confiance mutuelle et retisser la société ? C'est probablement à ce prix-là que nous pourrons retrouver une relation collective plus apaisée, plus productive et aussi plus heureuse…
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