8 nov. 2010

IL EST TOUJOURS BON DE PRÉVOIR UN SOLEIL NOCTURNE

Quand Météo France apporte sa pierre à l'édifice de la prévision


Depuis longtemps, nous nous servons du vocabulaire pour diminuer l'acuité d'un problème, voire le masquer complètement : on ne licencie pas, on met un terme à un contrat de travail ; il n'y a plus de personnes âgées, mais des personnes du troisième âge ; un joueur ne rate pas un but, mais a manqué de réalisme …
Météo France vient de franchir un nouveau stade en inventant le soleil nocturne (voir la photo jointe). Ceci a été fait le 1er novembre dernier pour la météo de la commune de Grignan.
Est-ce par esprit de contagion ou pour contribuer à donner une touche d'optimisme dans une ambiance sociale morose ? Ou alors un clin d'œil à la journée des morts, en laissant entendre qu'ils vivent dans un soleil éternel ?
C'est aussi une version moderne et réactualisée du « demain, on rase gratis ». En effet, comment savoir, une fois la nuit tombée, si le soleil pourrait oui ou non émerger au milieu des nuages ? On voit là toute la subtilité de la prévision de Météo France : si elle avait été un plein soleil, il aurait été possible de vérifier si la nuit était parfaitement étoilée.
Ou alors était-ce simplement pour annoncer que le soleil ferait une apparition au moment de se coucher, une politesse de sa part en quelque sorte ?
Dans tous les cas, voilà une avancée importante de notre capacité collective à faire des prévisions…

5 nov. 2010

4 nov. 2010

ON NE PEUT PAS LÂCHER PRISE SANS STABILITÉ PERSONNELLE

Le management n'est pas une profession en soi

Le préalable au succès dans l'incertitude est de commencer par faire le vide : être là sans a priori, observer attentivement, ne pas tout calculer et mathématiser. C'est à ces conditions que l'on pourra lâcher prise et faire confiance à son intuition : on ne pourra pas choisir la mer à l'issue d'un cheminement logique, car partir du futur est d'abord affaire d'imagination. Cette imagination se nourrit de faits et d'informations, car il ne s'agit pas de tirer sa mer à la loterie ou chez une cartomancienne. Mais ce n'est pas un raisonnement « logique » qui va permettre de passer de ces faits à la mer, ce sera un saut créatif.

Ceci suppose la stabilité du management et des actionnaires, et l'existence d'une expérience commune entre eux et avec le cœur de l'entreprise. Pourquoi ? Parce que tout dirigeant, sans qu'il s'en rende nécessairement compte, est conditionné et influencé par son inconscient : dès qu'il décide, une part majeure repose sur ce que l'on appelle son intuition, intuition qui est d'abord le travail de ses processus inconscients1. Aussi, une bonne partie de son succès en tant que dirigeant provient-il de la bonne synchronicité entre deux inconscients : le sien et celui de l'entreprise. Si son expérience personnelle est en phase avec le métier de l'entreprise, s'il sent l'entreprise car il y a grandi, ses intuitions sont exactes et il fait les bons choix. Comme il se sent en confiance, il délègue et peut lâcher prise. Si un changement se profile, si une rupture est nécessaire, il les verra venir, saura transitoirement reprendre le manche et agira en profondeur dans l'entreprise pour reprogrammer ce qui doit l'être.

Si maintenant, auréolé de ses succès passés, il change d'entreprise et se retrouve à la tête d'un ensemble qu'il ne connaît plus et dont les logiques ne sont plus les siennes, il sera trompé par son inconscient et son intuition. Si, par exemple, il passe d'une industrie de processus lourds à un domaine où la technologie et le marketing sont essentiels, comment va-t-il faire ? Comme il doit prendre décision sur décision – il est venu pour cela et il a toujours su le faire –, il ne se rendra pas compte que son inconscient qui le conditionne, le trompe. Et comme il ne comprend pas comment l'entreprise réagit, comme ce qui se passe n'est pas ce qu'il attendait, il se crispe, délègue de moins en moins, contrôle de plus en plus et se réfugie dans des tableaux de chiffres. Rien ne va plus. Voilà ce manager qui a toujours réussi qui ne comprend pas pourquoi cela ne marche plus. Il est perdu, noyé dans un double inconscient qu'il ne perçoit pas.

Plus l'incertitude se développe, plus ce risque est important et réel. Aussi, contrairement à ce qui est souvent affirmé, je ne crois pas qu'un professionnel du management puisse réussir à la tête de n'importe quelle entreprise : manager n'est pas un métier que l'on peut transposer aisément d'un lieu à un autre, c'est le fruit d'une expérience et d'une interaction dans un lieu et un moment précis.


Extrait des Mers de l'incertitude

3 nov. 2010

LA VITALITÉ DE LA JUNGLE

Où la vie nait dans le désordre

J'aime profondément ma maison en Provence, mais chaque fois que je regarde la dureté de ce paysage fait de murs en pierre, de vignes et de chênes verts, je repense avec nostalgie à l'énergie verte de la jungle nord-thaïlandaise. Là-bas sous la puissance conjuguée de la chaleur et de l'eau, les plantes y ont une énergie incroyable et le vert y prend une couleur surnaturelle, noyée dans un jaune venu d'on ne sait où. Les bambous montent au ciel, le goudron des chaussées est dévoré par la force qui rampe sous lui, la nature est la vie et mange tout sur son passage.

A chaque fois que j'arrive au nord de Chiang Mai, je ressens cette bouffée de puissance qui me ressource. La nature y est violente, indisciplinée, sauvage. On la sent roder, prête à prendre le pas sur nous. En Europe, elle est disciplinée, construite, reconstruite, artificielle. Nous ne pouvons pas avoir peur d'elle, car nous l'avons domestiquée. Le moindre sursaut de sa part nous inquiète : un peu de neige, un hiver un peu plus froid, un été un peu plus chaud, et rien ne va plus.

En dehors de l'Europe, rien de tel. Quand il pleut, les flots submergent vite champs, routes et même trottoirs. Il n'est pas rare à Calcutta de marcher avec l'eau au-dessus du genou. Imaginer si cela se produisait à Paris ! Les villes nord-américaines sont aussi moins assagies aussi que les nôtres : chaque année ou presque Washington ferme en hiver pour cause d'intempéries. Pendant quelques jours, plus d'écoles, plus de travail, plus de supermarché, chacun reste chez soi, enfermé… En Europe, le thermomètre ne va pas dans ces extrêmes.

Marcher dans la jungle, c'est une immersion énergétique ; plonger dans ce vert, c'est un bain de boue de vitalité. Alors, je ressens cette bouffée de puissance qui me ressource. La nature y est violente, indisciplinée, sauvage, mais vivante. On la sent roder, prête à prendre le pas sur nous. Elle pousse à la vigilance, car sa puissance sauvage n'attend qu'un relâchement de l'homme pour reprendre le dessus : l'entretien oublié d'une route, la peinture d'une façade non renouvelée, les jeunes pousses laissées prendre goût à l'énergie de leurs croissances potentielles, et tout explose, plus de route, plus de maison, juste du vert qui se propage et se multiplie.

En miroir à cette puissance sauvage, les rues de Calcutta vibrent d'une énergie vibrionnaire. Comme la jungle, elles sont le lieu du combat entre ordre et désordre. En marchant dans ces rues, je suis plongé dans la vision de la vie d'Edgard Morin : tout se fait dans un désordre qui peut nous faire croire à l'inefficacité globale, mais comme dans la jungle, la vie nait de ce désordre. Comme l'a théorisé Edgar Morin – un peu de théorie, à condition qu'elle soit construite avec autant de talent, apporte à la compréhension du monde –, la vie a besoin d'un cocktail d'ordres et de désordres, de laisser faire avec quelques règles qui régissent le fonctionnement. L'Inde – et singulièrement Calcutta – en est l'incarnation, avec un minimum de règles.

Quand je compare Paris à Calcutta, je retrouve le parallélisme entre la Provence et la jungle : l'un est ordonné, structuré, fortement minéral, largement artificiel ; l'autre est foisonnant, aléatoire, biologique, fortement spontané.

2 nov. 2010

ON NE CHANGE PAS DE STRATÉGIE COMME ON CHANGE DE CHEMISE !

La route sera longue et difficile

La marque de vêtements Loft Design by a inscrit sur bon nombre de ses produits : « Art is a dirty job, but somebodys got to do it». C'est un peu la même chose qu'il faut graver de partout dans l'entreprise : « Achieving our goals is a dirty job, but somebody's got to do it » !

Mais pourquoi ne pas juste se laisser glisser paresseusement vers sa mer ? Puisque l'on a choisi la bonne, puisque le chemin est là, puisque les potentiels de situations sont favorables, pourquoi aurions-nous des efforts à faire ? Malheureusement, ce n'est pas si simple : construire la bonne stratégie garantit seulement de pouvoir atteindre la mer, l'existence des potentiels de situations favorables de ne pas s'épuiser en allant à contre-courant. Mais comme le trajet précis est inconnu, comme des concurrents peuvent chercher à doubler, comme des difficultés transitoires vont surgir, il va falloir inventer les solutions en temps réel et trouver des voies pour franchir les obstacles.
Ce sont les débuts qui sont les plus critiques. Un fleuve qui vient de quitter sa source, est petit, faible, et fragile. Il ne peut franchir une difficulté qu'en contournant un rocher ou en accumulant de l'énergie pour repousser une branche. Puis, petit à petit, au fur et à mesure de son avancée, il va gagner en puissance et en force. Seuls de grands obstacles vont le ralentir, mais rien ne pourra l'arrêter : il ira jusqu'à la mer.
Idem pour une entreprise. Les débuts sont les plus dangereux. Aussi ne faut-il pas enchaîner les commencements !

Aussi attention aux allers-retours coûteux :
- En 1980, le cimentier Lafarge entre dans la biochimie au travers de la création d'Orsan, et s'en retire complètement en 1994.
- En 1979, Schlumberger, entreprise spécialisée dans les services pétroliers, prend le contrôle de Fairchild, société spécialisée dans l'électronique et la revend en 1987 ; en 2001, Schlumberger achète Sema, société de services dans l'informatique et la revend deux ans plus tard.
Les « aventures » de la Compagnie Générale des Eaux se transformant en Vivendi pour renaître en Veolia sont un autre cas d' « errance stratégique ».

Extrait des Mers de l'incertitude

29 oct. 2010

JE NOUS SOUHAITE DE BONNES BIÈRES !

_____ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________

28 oct. 2010

QUAND UNE REVUE SPÉCIALISÉE SUR LA SÉCURITÉ PARLE DES "MERS DE L'INCERTITUDE"

L'humour est présent, ce qui donne à ce livre dont l'objet est très sérieux, une légèreté rare qui lui donne toute sa valeur.

« Ce livre est le fruit de l'expérience d'un dirigeant de très grande entreprise qui est aujourd'hui conseil auprès des grands groupes internationaux. Le message qui y est délivré a été structuré autour de l'incertitude, c'est-à-
dire autour du futur, puisque celui-ci a du mal à être dessiné avec exactitude.

L'imprévu étant la norme, comment y faire face ? Telle est la question qui y est posée.
Une question qui est déclinée en trois points :
- quelle attitude avoir ? Analyser la situation et se refuser à faire des prévisions chiffrées et détaillées au-delà de l'horizon immédiat ;
- comment se fixer un objectif ? En cherchant à sentir vers quoi vont les courant et les évolutions et viser celles qui correspondent aux aptitudes de l'entreprise ;
- comment agir au quotidien ? En lâchant prise, c'est-à-dire en prenant appui sur les courants.

Et, après avoir ainsi défini la démarche, Robert Branche montre que l'incertitude étant structurelle, ne saurait être vue comme provisoire et que, dès lors, elle doit être vue non comme un obstacle à la maîtrise, mais comme une « formidable opportunité », comme le moteur de l'innovation. Tissé autour de références vécues et d'observations pratiques l'auteur se moque des modèles déterministes fondés sur la certitude et condamne les prévisions « à coup de tableurs mathématiser (et de) se préoccuper plus des ruptures majeures improbables que des battements d'aile d'un papillon ». On le voit, l'humour est présent, ce qui donne à ce livre dont l'objet est très sérieux, une légèreté rare qui lui donne toute sa valeur.

À lire absolument. »

Septembre-octobre 2010 - N° 113 - Préventique Sécurité

27 oct. 2010

PLUS DE BIÈRES ET MOINS DE COCA-COLA

Nous avons besoin de construire des communs

Face à ce monde de l'incertitude, à ce mélange des races et des cultures, nous avons besoin de plus de bière et moins de Coca-cola !

Qu'est-ce que je veux dire par là ?

Le Coca-cola – je n'ai rien contre la boisson en tant que telle, mais je la prends comme un emblème, un symbole de la réponse univoque, universelle et normalisatrice – est une boisson qui s'impose progressivement et vient gommer les différences. Elle constitue une référence commune, mais une référence sans racines, sans histoires. Que veut-dire le Coca-cola pour un français, un chinois ou un brésilien ? En quoi ce produit qui est devenu un des communs du monde est-il l'expression de la multiplicité des cultures et des histoires ?
En rien. Il s'impose comme une réponse plate et identique, à toutes les situations. Il est destructeur des différences et des passés.
La bière est elle, née dans chacun des pays (*). Elle est commune à nous tous, mais elle est inscrite dans l'histoire et la culture locale. Nous pouvons à la fois partager une bière parce que chacun d'entre nous l'apprécie, et découvrir la différence de cette bière. Chaque bière est différente, car elle est née d'un territoire et d'une histoire.

La bière est un commun de l'humanité, mais elle est un anti Coca-cola. La bière est un construit commun, elle est riche de nos différences.
Apprenons à construire plus de bières et moins de Coca-cola !

(*) Voir « LA BIÈRE EST LE COMMUN DE L'HISTOIRE DES HOMMES »

26 oct. 2010

VIVE LE MULTICULTUREL !

Faire du multiracial et multiculturel une opportunité

Comment arriver à sortir de nos peurs, de notre appréhension du futur, de notre crainte de l'incertitude ?

D'abord comme je l'évoquais hier, en comprenant que bon nombre de nos peurs viennent de notre passé animal, et qu'il est peut-être temps de les dépasser.
Ensuite, en pensant et réfléchissant à partir de la situation réelle et non pas de la situation rêvée. Je vois partout des paroles et des écrits qui imaginent que le monde devrait être autrement ; que le mélange des races, des cultures et des religions est une mauvaise chose ; que le bon temps des colonies et de celui où « chacun était chez soi » était non seulement le bon temps, mais celui où il faudrait revenir (*).

Une image pour me faire comprendre – ou du moins essayer – : si vous prenez deux gaz et que vous les mélangez, vous ne pourrez jamais les séparer à nouveau – sauf à dépenser des quantités d'énergies disproportionnées –. De même, je crois qu'il est illusoire de croire que l'on va pouvoir détricoter la globalisation. Nous sommes mélangés, multiculturels, multiraciaux, multi-religieux pour le meilleur et le pire, et le retour en arrière est impossible.

Ce mélange est pour moi une bonne nouvelle et plus l'opportunité d'une nouvelle création qu'un risque, mais je comprends que l'on puisse penser le contraire – je crois même que la majorité pense le contraire, on a tellement entretenu les peurs, tellement parlé des lions qui pouvaient être cachés dans le bruit des feuilles…–.

Quand les USA ont déclaré la guerre au Japon, ils ont dû parquer à proximité de Los Angeles la dizaine de milliers de Japonais résidant sur leur territoire. Que ferons-nous demain si nous refusons de bâtir une société multiculturelle et que nous déclarons la guerre à la Chine et à l'Inde au nom d'emplois détruits chez nous ? Allons-nous parquer un million d'individus et lancer des pierres aux Chinois lors du prochain Nouvel An ?
Quand allons-nous comprendre qu'à refuser le monde tel qu'il est, nous allons vers une guerre civile dans nos cités ?
A l'inverse, nous avons la chance de pouvoir inventer le monde de demain, à condition que nous comprenions que l'incertitude est d'abord un champ d'opportunités et que nous voyons le fait d'être devenu un pays multiculturel et multiracial comme une source de richesse.

Mes propos peuvent sembler utopistes… mais où est l'alternative ? Et sont-ils utopiques ou n'ont-ils pas été mis en œuvre ?

(*) Voir « CHACUN CHEZ SOI ET LES VACHES SERONT MIEUX GARDÉES ! » et « JE N'AVAIS JAMAIS PENSÉ QUE L'INDE PUISSE DEVENIR IMPORTANTE UN JOUR »

25 oct. 2010

VIVE L’INCERTITUDE !

Nous avons mal à l'incertitude

Que nous le voulions ou pas, à chaque bruit dans les feuilles, ce sont des lions que nous sentons venir, et non pas une gentille brise (*) : nous sommes programmés pour la survie et prendre le vent pour un lion n'a jamais tué personne, alors que l'inverse … Aussi voyons-nous des lions à chaque fois.

Mais est-ce vraiment si bon pour notre survie collective ?
Quand notre futur dépend de plus en plus des solidarités et des capacités à créer ensemble, est-ce qu'avoir peur de l'autre, de celui que je ne connais pas, n'est pas plus un problème qu'une solution ?
Quand la plupart des processus de fabrication font intervenir une multitude de pays et de savoir-faire, comment penser que la solution va venir d'un retour en arrière, d'une relocalisation chez nous, de la remontée des frontières ? Doutons-nous à ce point de nous-mêmes pour avoir de telles peurs ?
Sommes-nous condamnés à n'être que ces animaux que nous avons été ? Est-il normal de spontanément percevoir celui que je ne connais pas, comme un ennemi, un rival, un agresseur potentiel ? Est-il normal de ne pas nous faire confiance les uns les autres (**) ?

L'incertitude – le bruit dans les feuilles, l'autre que je ne connais pas, le demain qui m'est inconnu – est-il donc une si mauvaise nouvelle ? Ou l'incertitude est-elle cette page blanche sur laquelle je vais pouvoir exprimer ma créativité ?
Pour me faire comprendre, je voudrais que vous preniez le temps d'imaginer un monde sans incertitude. Donc vous vivez dans un monde dont l'évolution est connue et où chacun de vos actes est prévisible. Avez-vous vraiment envie de ce monde ?

Moi pas ! Aussi je m'écrie, sans aucune retenue : vive l'incertitude, car il n'y a pas d'espoir sans incertitude !


(*) Voir « IL EST MOINS DANGEREUX D'INVENTER UN LION QUE D'EN MANQUER UN ! »)
(**) Voir « COMMENT VIVRE LA COMPLEXITÉ SANS CONFIANCE ? »