8 avr. 2011

VITESSE, FACILITÉ ET EFFICACITÉ

Savoir prendre son temps et en avoir sous le pied... au cas où...
Après ces quatre articles consacrés aux murs en pierres sèches, je reprends deux de mes vidéos qui correspondent à ce thème.
La première met l'accent sur la nécessité d'adapter la vitesse à la situation, la seconde explique pourquoi, pour pouvoir face à l'incertitude, la recherche préalable de la facilité est nécessaire.


7 avr. 2011

DIRIGER AVEC PARCIMONIE, RESPECT DU PAYSAGE, ET MANAGEMENT EFFICACE

Un management efficace a à voir avec l’art de faire des murs en pierres sèches
Agir pour un dirigeant, c’est construire des murs en pierres en sèches, c’est-à-dire dessiner les lignes qui vont structurer le paysage, tout en se fondant dans son histoire.
Pourquoi cette métaphore ? Pas seulement parce que je construis effectivement des murs en pierres sèches, mais parce qu’elle illustre de façon multiple ce qui me semble de plus en plus essentiel dans le management :
1. Le changement brutalise les organisations et les hommes, il doit être mené avec parcimonie et discernement
Une organisation aussi complexe qu’une grande entreprise implantée sur tous les continents, suppose beaucoup de continuité pour fonctionner efficacement. C’est à cette condition que les hommes pourront se connaître, que les cultures diverses et multiples pourront contribuer à l’émergence de la culture de l’entreprise, que les clients apprendront, eux-aussi, à connaître et apprécier l’entreprise.
Je vois trop de dirigeants qui imaginent que la performance sortira de la brutalité et du changement constant. C’est l’inverse. C’est la stabilité et la persistance qui amènent la performance. Le changement est un mal nécessaire qui doit se mener doucement, comme on dessine un nouveau mur en pierres sèches dans un paysage.
2. Il y a dans le passé de l’entreprise des choses apparemment simples et qu’il ne faut pas oublier
Aucune entreprise n’a réussi par hasard, et rien de ce qui existe aujourd’hui n’a été fait sans raison. Il est important de garder vivantes les recettes de ce succès, ces tours de mains si vite oubliés. Les repérer n’est ni simple, ni évident, car elles font tellement partie du patrimoine de l’entreprise qu’on peut très bien ne plus les voir.
Si une entreprise ne s’appuie pas sur son passé,  elle va s’épuiser dans une innovation constante et coûteuse(1). Il est encore pertinent de se servir des pierres pour faire des murs, faut-il encore savoir comment les construire…
3. Il est nécessaire de faire simple, mais ce n’est pas facile
La simplicité est source d’efficacité tant en interne – meilleure compréhension mutuelle, moindre consommation d’énergie, plus de fluidité – qu’en externe – moindre coût marketing, plus grand impact –. Mais il n’est pas facile de l’atteindre. C’est le fruit d’une intelligence progressive qui va élaguer ce qui peut l’être, trouver le geste efficace.
Elle suppose une compréhension en profondeur et donc de prendre son temps. Il n’est pas si facile de comprendre comment on construit un mur aussi simple qu’un mur en pierres sèches…
Voilà pourquoi j’ai raconté cette semaine cette histoire de murs en  pierres sèches(2)
(1) Le succès de L’Oréal repose notamment sur sa capacité à ne jamais accepter de voir disparaître un de ses produits phare. Elnett, Ambre Solaire ou Elsève sont toujours là…

6 avr. 2011

AGIR POUR SE FONDRE DANS LE PAYSAGE

Tant d’efforts pour rien ?
Comment donc obtenir une ligne horizontale avec des pierres de largeur variable ? Pendant longtemps, j’ai buté sur cette difficulté. Je montais de plus en rapidement mes murs, j’arrivais à utiliser sans problème toutes les pierres quelles qu’elles soient, ils commençaient à s’intégrer dans le paysage, mais leur sommet dessinait une ligne aléatoire, fonction de la taille des dernières pierres…
La solution m’est venue brutalement, comme une évidence. En regardant une fois de plus un mur existant, je vis se dessiner, sous la dernière rangée de pierres, la ligne heurtée de leur base : si la ligne du sommet était presque parfaitement horizontale, c’était parce que l’avant-dernière rangée de pierres ne l’était pas ! Il fallait choisir l’avant-dernière pierre, voire les deux avant-dernières, en fonction de la largeur de la dernière.

Je me mis alors à construire mes murs en deux temps : d’abord la partie faite avec des pierres plates, mais sans la terminer ; puis la fin avec les pierres posées sur la tranche, en ajustant par le dessous pour compenser les écarts d’épaisseur.
Depuis lors, mes murs se fondent dans le paysage. Au fil des années, j’en ai reconstruit ou construit des centaines de mètres, et il est impossible de savoir lesquels.
Étrange activité paradoxale : le but de ce lent et laborieux travail est de disparaître, de ne surtout pas être remarqué. Un mur réussi est un mur qui semble ne pas avoir été touché ou créé. L’inverse de ces actions que nous menons souvent dans les entreprises : nous cherchons du rapide et du spectaculaire.
Mais la performance dans une entreprise n’est-elle pas souvent, à l’instar des murs en pierres sèches, dans la reprise de savoir-faire anciens et oubliés, dans le dépassement de l’apparente évidence de la simplicité et dans la capacité à se fondre dans le paysage tout en le structurant ?
(à suivre)

5 avr. 2011

LA LOGIQUE CACHÉE DES MURS EN PIERRES SÈCHES

Avoir trop de grosses pierres est plus un problème qu’une solution
Si vous aviez à construire un mur en pierres sèches, comment procéderiez-vous ? Vous trieriez les pierres et choisiriez les plus belles, les plus grosses, les plus plates, n’est-ce pas ? C’est exactement ce que j’ai fait au début. Je passais ainsi de longues heures à la recherche de la pierre magique, celle qui allait à la perfection s’emboîter sur la précédente… et bien sûr, je ne la trouvais pas. Alors mes murs étaient bancals, instables, car les pierres ne s’ajustaient jamais parfaitement.
Ensuite, je regardais perplexe le tas de pierres que j’avais délaissées. Elles étaient là, sur le côté, comme autant d’accusatrices de ma façon de faire. Il y avait manifestement un problème : si les paysans avaient procédé ainsi, ils n’auraient jamais pu utiliser toutes les pierres qu’ils trouvaient au hasard de leurs labours. D’ailleurs, il suffisait que je me recule et regarde mon mur : il était comme une verrue dissonante dans le paysage.
Des mois et même des années ont passé avant que je ne comprenne l’origine du problème. Pourquoi autant de temps ? Parce que je construisais en dilettante mes murs, « comme un parisien », je n’étais que de passage en Provence,  entre deux avions, deux rendez-vous. Je n’étais pas réellement présent. J’endurais mon insatisfaction et la maladresse manifeste de mes murs.
Un jour, j’eus enfin la curiosité d’observer en détail comment un mur existant était construit. Il était temps… Pourquoi n’avais-je pas commencé par cela ? Parce que je m’étais dit que ce n’était pas important, que poser des pierres les unes sur les autres, ne demandait pas de compétences, de savoir-faire. Erreur. L’observation d’un mur me montra que la réalité du mode de construction n’était pas si naturelle.
En effet, à ma grande surprise, je constatais qu’il n’y avait quasiment pas de grosses pierres. L’essentiel des pierres de façade étaient des pierres de taille moyenne, voire petites. L’intérieur était garni de petites pierres. Comme cela, elles s’emboitaient les unes dans les autres, les plus petites pierres venant se loger dans les cavités restantes. De temps en temps, une grosse pierre venait réunir le tout et apporter de la cohésion à l’ensemble. Autre point important, la largeur du mur : plus le mur est large, plus il est stable… et plus on utilise de pierres, bénéfice collatéral important, quand il s’agit de, précisément, s’en débarrasser du maximum.
Le sommet du mur était lui constitué uniquement de grosses pierres, posées sur la tranche. Cette technique, outre sa valeur esthétique, avait surtout pour intérêt de contribuer à la solidité du mur. En effet, ces pierres étaient mises en compression, les unes avec les autres, par de petites pierres plates, glissées entre les grosses. Ainsi impossible d’en enlever une.
Certes, mais comment étaient-ils arrivés à obtenir que le haut du mur dessine une ligne horizontale, alors que la largeur de ces pierres terminales variait du simple au double ?
(à suivre)

4 avr. 2011

SUFFIT-IL D’EMPILER DES PIERRES POUR FAIRE UN MUR EN PIERRES SÈCHES ?

Pourquoi faire compliqué ?
Les paysages de la Provence, et singulièrement ceux de la Drôme provençale, sont rythmés par des murs en pierres sèches qui dessinent le paysage, soulignent des courbes, délimitent des espaces.
Pourquoi ces murs ? Pour le décor, pour le plaisir des yeux, pour la joie des touristes ? Pas vraiment, du moins, pas à l’origine. Plus prosaïquement, comme les paysans trouvaient des pierres à chaque fois qu’ils retournaient le sol, il fallait bien en faire quelque chose. Alors, plutôt que de les transporter, ils construisaient des murs autour des champs. Pour cela, ils empilaient les pierres, les unes sur les autres, sans liant. Parfois aussi, ces murs avaient pour but de retenir le terrain, mais, autour de Grignan, c’est rare.
Aujourd’hui, nous avons hérité de ces murs et ils contribuent à la beauté de la campagne. Malheureusement, souvent, ils tombent, poussés par un arbre dont les racines soulèvent le mur, emportés par un terrain qui glisse ou encore déstabilisés par le choc d’une voiture.
Alors il faut le remonter. Apparemment, ce n’est pas bien difficile, il suffit de poser des pierres, les unes sur les autres, non ?
C’est effectivement, ce que j’ai cru quand j’ai commencé à remonter des murs en pierres sèches. C’était il y a plus de trente ans, et j’ai donc commencé à poser des pierres. Résultat : un mur… ou plutôt un empilement de pierres. Dans le meilleur des cas, ce tas de pierres était stable, mais souvent non. Dans tous les cas, mes murs étaient comme des tâches dans le paysage : ils n’avaient rien à voir avec les anciens murs.
Que se passait-il ?
(à suivre)

1 avr. 2011

La différence en musique

Apprendre à vivre comme on est...
La semaine a commencé sur les difficultés de la communication, et s'est poursuivie sur les dangers de la mémoire à tout prix.
De cela, ont émergé pour ce vendredi trois chansons qui sont des cris pour la différence, la souffrance et la tolérance. Allez savoir pourquoi !



31 mars 2011

L’OUBLI EST NÉCESSAIRE POUR AVANCER

Devons-nous brûler tous les protestants ?
Il devient ou redevient « à la mode » en France de se replonger dans l’histoire et dans nos racines pour se définir. Certes l’idée est louable et apparemment sympathique. Mais que va-t-on y trouver ? N’est-ce pas le même risque que celui couru par Jeanne dans Incendies(1) ? Les apôtres de la mémoire et des racines ne vont-ils pas mettre le feu à ce pays ? Ne vont-ils pas allumer l’incendie qui va rendre impossible tout vivre ensemble, tout vivre au futur ?
Suivons-les pour un temps et plongeons dans notre passé :
  • Faut-il, au nom des guerres de 14-18 et 39-44, rompre toute relation avec l’Allemagne ? 
  • Ou alors c’est la Grande Bretagne qui est l’ennemie ? La guerre de Cent ans n’est pas si loin, car pourquoi ne pas remonter jusque là ? Y a-t-il une limite au devoir de mémoire ?
  • Côté religion, faut-il se méfier des protestants ? Ils ne sont quand même pas de catholiques. Aurions-nous fait la guerre de religion pour rien ? Pourquoi aller faire une croisade en Lybie alors que l’on peut la faire chez nous ?
  • Inutile de parler des juifs, nous les avons maltraités à de multiples moments, aucune raison d’arrêter.
  • Et pourquoi ne pas non plus réhabiliter l’inquisition ?
  • Et les italiens ne sont-ils pas les héritiers de ces romains qui ont ridiculisé les Gaulois ?
  • Et pourquoi aider les Grecs alors qu’ils ont dominé le monde ? 
  • Et les Égyptiens, où sont donc leurs pharaons ?
Certes, j’exagère. Mais qui a commencé ?
Qui nous parle de la France en nous parlant de son passé ? Qui a peur de ceux qui la rejoignent ? Qui croit que c’est dans son passé que la France trouvera et construira son avenir ? Qui prône le devoir de mémoire ?
Tout individu se construit sur une part d’oubli qui est la seule façon d’avancer, de pardonner et de penser au futur. Il en est de même avec les nations et les pays : la France ne sera généreuse et porteuse d’avenir que si elle ne se pense pas au passé  et ne cherche pas dans le futur le prolongement de ses origines.
Méfions-nous des incendiaires qui pourraient réveiller des démons du passé…

30 mars 2011

INCENDIES MET LE FEU AU DEVOIR DE LA MÉMOIRE

Comment vivre quand on sait que l’on est né d’un crime ?
Un frère et une sœur, jeunes adultes à l’aube de leur vie, font face au notaire, employeur et ami de leur mère. Celle-ci vient de mourir, et ils écoutent la lecture du testament. Double choc : celui de la demande de leur mère de retrouver leur père, celle de la nouvelle de l’existence d’un frère qu’elle leur demande aussi de retrouver.
Leur père est un inconnu, lointain, quelque part dans ce Liban quitté par leur mère au moment de leur naissance. Ils le croyaient mort. Pourquoi aller à sa rencontre ? Pourquoi remettre en  cause l’équilibre de leur vie, ici ? Pourquoi quitter le Québec ?
Et puis ce frère, qu’est-ce que cela veut dire ? Pourquoi leur mère ne leur en a jamais parlé ? Quelle drôle d’idée, d’un seul coup, dans un testament, de lâcher la bombe de son existence !
Réaction symétrique et opposée entre le frère et la sœur.
Simon, le frère est d’avis qu’il faut continuer comme avant. Surtout ne pas savoir, surtout ne rien changer. Il est bien là après tout. Rien n’est parfait, mais aucun drame apparent. Probablement des non-dits, des problèmes de-ci de-là, mais rien d’apparemment dramatique. Oui, sa mère avait son jardin secret. Oui, ils ont peut-être, et même certainement, un père quelque part au sud Liban, et un frère aussi. Et alors ? Simon ressent le danger de ce passé enfoui. C’est vrai que ce n’est pas très courageux. N’a-t-il pas tort de vouloir laisser inconnu ses origines ?
Jeanne, la sœur, n’a pas peur de ce passé. Elle, elle veut partir, va partir à sa recherche. Elle n’imagine de rester là comment avant. Maintenant qu’elle sait que ce passé inconnu existe, elle doit partir. Pourquoi ? Est-elle plus courageuse ? Est-elle plus insatisfaite de sa vie ici ? Allez savoir… La voilà sur le chemin de ses racines, de leurs racines, mettant ses pas dans ceux de sa mère. Elle découvre l’horreur de la guerre du Sud Liban et comment ses origines en dépendent. Elle va convaincre son frère de la rejoindre.
Je ne vais pas vous raconter le film et le chemin d’horreur de ses découvertes successives. A vous de les découvrir si vous ne l’avez pas vu.
Au terme de ce voyage, quelques questions se poseront : qui avait raison, celui qui voulait continuer comme si de rien n’était ou celle qui voulait savoir ? Comment vont-ils pouvoir vivre avec ce qu’ils ont appris ? Peut-on survivre quand on sait que l’on est né d’un crime ?
Incendies n’apporte pas de réponses. Denis Villeneuve l’a tourné comme un documentaire, pas de commentaires, pas d’explications, pas de jugements. Juste le choc de la succession des images, juste l’empilement des faits, lente plongée… sans fonds.
Il montre simplement que la remontée à la surface de certains faits venant du passé n’est pas toujours souhaitable. Comment vivre en effet sans oubli ?
Ce qui est vrai pour un individu l’est aussi des sociétés : est-il toujours pertinent de vouloir se souvenir de tout ? Le devoir de mémoire n’est-il pas parfois à pondérer par la nécessité de l’oubli ? Que penser de la volonté de penser la France en la plongeant dans son passé ?
 (à suivre)
PS : Si vous n’avez pas vu ce film, courez-y ! Si vous êtes occupés, arrêtez ce que vous faites ! Si vous n’avez pas le temps, trouvez-le ! Bref, aller le voir...

29 mars 2011

ON NE PEUT PAS NE PAS COMMUNIQUER, MAIS QUE COMMUNIQUE-T-ON ?

Quand des chercheurs de Palo Alto appliquent des modèles logiques pour analyser la communication humaine
Patchwork tiré d’un livre publié en 1967 pour l’édition originale, UNE LOGIQUE DE COMMUNICATION de P. Watzlawick, J. Helmick Beavin et Don D Jackson
Fatale communication et communication fatale
« On ne peut pas ne pas avoir de comportement. Or, si l’on admet que, dans une interaction, tout comportement a la valeur d’un message, c’est-à-dire qu’il est une communication, il suit qu’on ne peut pas ne pas communiquer, qu’on le veuille ou non. Activité ou inactivité, parole ou silence, tout a valeur de message. De tels comportements influencent les autres, et les autres, en retour, ne peuvent pas ne pas réagir à ces communications, et de ce fait eux-mêmes communiquer. »
« Qu’est-ce que la communication analogique ? La réponse est relativement simple : pratiquement toute communication non-verbale. (…) Il faut y englober posture, gestuelle, mimique, inflexions de la voix, succession, rythme et intonation des mots, … (…) Toute communication a deux aspects : contenu et relation ; nous pouvons nous attendre à voir non seulement coexister, mais se compléter, les deux modes de communication dans tout message. (…) Chaque partenaire risque d’introduire, dans le processus de traduction, le type de digitalisation conforme à sa vision de la nature de la relation. ( …) Quelle signification digitale ont la pâleur, les tremblements, la transpiration et le bégaiement d’un individu soumis à un interrogatoire ? »
 « Soit un couple pris avec un problème conjugal. (…) Dépouillés de leurs éléments passagers et fortuits, leurs affrontements se réduisent à un échange monotone de messages de ce genre : « Je me replie parce que tu te montres hargneuse » et « Je suis hargneuse parce que tu te replies ». (…) Dans les Paradoxes de l’infini, Bolzano étudie différents types de suites (S) dont la plus simple est sans doute la suivante : S = a-a+a-a+a-a+a-a-… Selon les regroupements, S = (a-a) + (a-a) … = 0, ou S=a – (a-a) – (a-a)… =a, ou S=a-(a-a+a-a=a-a…)=a-S, donc S=a/2 (…) La nature d’une relation dépend de la ponctuation des séquences de communication entre les partenaires. »
Incomplétude, paradoxe et confiance
 « Il est facile de comprendre que les discordances dans la ponctuation des séquences de faits ont lieu toutes les fois que l’un au moins des partenaires, ne possède pas la même quantité d’information que l’autre, mais ne s’en doute pas. (…) D’une manière générale, c’est faire une supposition gratuite de croire que l’autre, non seulement possède la même quantité d’information que moi-même, mais encore qu’il doit en tirer les mêmes conclusions. »
 « Faites cadeau à votre fils Marvin de deux chemises de sport. La première fois qu’il en met une, regardez-le avec tristesse, et dites-lui d’un air pénétré : « Alors, et l’autre, elle en te plaît pas ? » »
« X sait si son chèque est valable ou non ; Y ne peut que lui faire confiance, ou au contraire se méfier systématiquement, car avant de porter le chèque à la banque, il ne saura pas s’il a eu raison ou non de l’accepter. A partir de ce moment-là, sa confiance ou sa méfiance seront remplacées par la certitude qui était celle de X au départ. Il n’y a dans la nature de la communication humaine aucun moyen de faire partager à autrui une information ou des perceptions que l’on est seul à connaître. Au mieux, l’autre peut faire confiance, ou se méfier, mais il ne peut jamais savoir. »
On ne peut pas sortir du cadre dans lequel on se trouve
« Le rat qui dirait : « J’ai bien dressé mon expérimentateur. Chaque fois que j’appuie sur le levier, il me donne à manger », refuserait d’admettre la ponctuation de la séquence que l’expérimentateur cherche à lui imposer. »
 « En ce sens, la situation de l’homme face à son mystérieux partenaire n’est pas foncièrement différente de celle du chien de Pavlov. Le chien apprend rapidement quel est le sens du cercle et de l’ellipse, et son monde vole en éclats quand brusquement l’expérimentateur détruit ce sens. Si nous scrutons notre expérience subjective, dans des situations comparables, nous découvrons que nous sommes enclins à supposer qu’un « expérimentateur » secret est à l’œuvre derrière les vicissitudes de notre vie. La perte ou l’absence d’un sens de la vie est peut-être le plus commun dénominateur de toutes les formes de détresse affective. »
« Gödel a pu montrer que dans ce système, ou un système équivalent, il est possible de construire une proposition, G, qui : 1° est démontrable d’après les prémisses et les axiomes du système, mais : 2° dit d’elle-même qu’elle est indémontrable. Ce qui signifie que si G est démontrée dans le système, son « indémontrabilité » (qui est ce qu’elle dit d’elle-même) pourrait également être démontrée. (…) Alors G est indécidable dans les termes du système. »
« Wittgenstein montre que nous ne pourrions connaître quelque chose sur le monde comme totalité que si nous pouvions en sortir ; mais si cela était possible, ce monde ne serait plus le tout du monde. (…) Car, comme il doit être plus qu’évident désormais, rien à l’intérieur d’un cadre ne permet de formuler quelque chose, ou même de poser des questions, sur ce cadre. (…) « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire » (Ludwig Wittgenstein, Tractatus logico-philosophique) »

28 mars 2011

ON NE DIRIGE PAS EFFICACEMENT EN SE TRANSFORMANT EN UNE MACHINE

Il n’y a pas d’un côté le professionnel du management, et de l’autre l’homme privé
Comme je l’ai évoqué dans mes derniers articles, ainsi bien sûr que dans mes livres, le vrai management a peu à voir avec les mathématiques, les tableurs excel et les raisonnements mécaniques :
  • Contrairement aux apparences, la réalité des processus de décision est beaucoup plus complexe et fait intervenir des inconscients multiples : ceux des acteurs en place, les acteurs cachés, les processus implicites, les habitudes… (1).
  • La pérennité d’une entreprise repose largement sur sa culture qui constitue une forme d’ADN (2)
  • .Le futur est imprévisible et non modélisable. L’élaboration d’une stratégie doit partir d’abord du futur et de la localisation des « mers » vers lesquelles l’entreprise peut aller (3). 
  • Les mathématiques doivent être utilisées avec précaution et parcimonie dès qu’il s’agit de prévision et de management (4).
Et pourtant rien – ou bien peu – ne change dans les écoles d’ingénieurs et de commerce. On continue à faire croire que le management est une affaire de mise en équation et de recherche de certitudes.
Il est à ce titre significatif que les « Mecque » du management s’appellent des MBA, c’est-à-dire des Master of Business Administration : faut-il vraiment administrer les entreprises ?
Ne serait-il pas plus judicieux de les appeler des MBU, c’est-à-dire des Masters of Business Understanding ?
A quand des cours d’histoire pour enseigner l’art de l’interprétation et la recherche des sens cachés et oubliés ?
A quand des cours de philosophie pour se préoccuper du sens à apporter aux actions ?
A quand des cours de neurosciences et psychologie pour mieux comprendre comment se forment les décisions ?
Et surtout quand fera-t-on comprendre aux managers qu’il n’y a pas deux personnes : d’un côté une personne privée qui lit des romans, ressent des émotions, aime ou déteste,  croit ou non en Dieu… et d’un autre côté un dirigeant qui serait une mécanique froide, professionnelle, faisant des calculs sans affects…
Il est urgent de réunir les deux : chacun de nous est un et indivisible !

(1) Voir Une entreprise décide-t-elle consciemment ?
(2) Voir Une entreprise est-elle seulement une juxtaposition d’individus ? 
(3) Voir notamment Réfléchir à partir du futur pour se diriger dans l’incertitude
(4) Voir On ne trouve pas dans les mathématiques la réponse à l’incertitude, et  Attention à ne pas mathématiser le monde