Best of
Et si on s'intéressait aussi à la simplicité ?
Dans sa conférence (voir ci-dessous), Georges Whitesides (voir sa bio) s'intéresse à la simplicité, et comment elle permet de construire la complexité. Il y explique que ce sont avec des blocs simples – comme des pierres, des 0 et des 1, … –, que l'on peut élaborer des systèmes sophistiqués comme Internet ou des cathédrales.
Ce qui est simple, c'est tout ce qui peut s'empiler facilement et solidement. Guidé par son imagination et son projet, on va poser les blocs les uns sur les autres : l'un fera une cathédrale, quand un autre en tirera un château ou simplement un mur en pierres sèches…
Pour construire avec ces blocs, vous n'avez pas besoin de connaitre la logique qui a permis à ces blocs d'exister, vous n'avez qu'à savoir vous en servir et les empiler. Ceci rejoint le propos de Ian Stewart qui a écrit dans « Dieu joue-t-il aux dés ? » :« Ce dont nous avons besoin, c'est de la théorie de la simplicité, pas de la théorie de la complexité. Il y a une rhétorique de la science réductionniste qui prétend que, même si la chèvre ne le sait pas, des choses immensément compliquées doivent se produire en elle pour qu'elle se comporte cette façon. (…) Il vous semble, à vous et à la chèvre, que ce qui se passe est simple : mais, en fait, cela ne l'est pas. (…) Une théorie des particules subatomiques est fongible quand on la regarde à partir du niveau de la chèvre. Il faut bien qu'il en soit ainsi, ou bien nous n'aurions jamais été capables de garder une chèvre sans passer auparavant un doctorat de physique subatomique. »
Lego ou Meccano ont apporté à tous les enfants de nouveaux blocs simples pour donner libre cours à leur imagination. McDonald a dominé le monde des hamburgers en le décomposant en briques élémentaires – le pain, la viande, les frites…–, en industrialisant chaque composant et en en facilitant l'assemblage. Le jeu de go repose sur des règles que l'on peut énoncer et comprendre en une minute…
Quand la complexité repose sur des composants eux-mêmes complexes, elle est fragile et vulnérable. Quand elle repose sur des blocs simples, elle est efficace et souple.
A garder en mémoire…
26 déc. 2011
23 déc. 2011
LE TEMPS DES FÊTES
Noël et jour de l’an
Voilà revenu le temps des fêtes
de Noël et de fin d’années. Occasion de vous proposer un petit florilège de
chansons de Noël, en essayant de sortir des sentiers battus.
Pour les deux semaines à venir,
mon blog va prendre quelques vacances, et moi avec lui, occasion d’avancer sur
un livre dont j’aurai l’occasion de vous parler le moment venu…
Afin de le maintenir « en
vie », vous y trouverez les lundi, mercredi et vendredi un article tiré parmi
ceux déjà parus.
Simplement un nouveau billet pour
le 31 décembre, une forme de message de bonne année, une année qui verra se
poursuivre le processus de transformation en cours, processus appelé « crise »
par la plupart des commentateurs…
Et retour en live le 9 janvier
pour la poursuite de cette réflexion sur l’incertitude, les emboîtements et les
émergences.
22 déc. 2011
NOUS CONFONDONS CRISE ET TRANSFORMATION
Non, le futur n’est pas le reproduction du passé en pire
Le mot « crise » est
sur toutes les lèvres, présent au détour des toutes les analyses, leitmotiv de
cette fin d’année 2011. Cette crise omniprésente, qui fut d’abord vue comme
courte et provisoire, est aujourd’hui perçue comme devant durer au moins en
2012, et pour la plupart beaucoup plus longtemps.
Mais,
parler de « crise », c’est :
- Penser que nous ne vivons qu’un moment transitoire et désagréable,
- Imaginer qu’une maladie est venue troubler notre organisme et qu’il faut la soigner,
- Et finalement croire que le futur sera identique au passé. Serrons les rangs, donnons un bon coup de collier, et tout repartira comme avant, en quelque sorte !
Je
crois qu’une telle vue est profondément fausse, et est largement source du
désenchantement actuel. En effet, nous ne vivons pas une crise, mais nous nous
vivons un processus de transformation : demain ne sera pas du tout comme hier,
et, comme une chenille au moment de sa mue en papillon, nous subissons une
réorganisation en profondeur de notre monde.
Quels
sont les moteurs de cette transformation et en quoi le monde de demain
sera-t-il si différent ?
J’en
vois trois essentiels qui se renforcent mutuellement et s’articulent entre
eux :
- Les niveaux et le mode de vie convergent entre tous les pays : le niveau de vie moyen d’un habitant de nos pays développés était en 1990, soixante fois celui d’un Chinois ou d’un Indien, et huit fois celui d’un Brésilien ; en 2010, il n’était « plus » que neuf fois celui d’un Chinois, trente fois celui d’un Indien, et quatre fois celui d’un Brésilien (voir mes articles Faire face à la convergence des économies mondiales et Nous n’éviterons pas la baisse de notre niveau de vie),
- Le système économique et industriel passe de la juxtaposition d’entreprises et d’usines, à un réseau global et de plus en plus complexe : les entreprises ont tissé des réseaux denses entre elles, et entre leurs différents lieux de production. Chaque produit, chaque service, chaque transaction fait intervenir un nombre croissant de sous-produits, sous-services, sous-transactions. Impossible de démêler les fils de ce qui est devenue une toile planétaire.
- L’humanité passe d’une juxtaposition d’individus et d’appartenances, à, elle-aussi, un réseau global et de plus en plus complexe : sous l’effet cumulé de la croissance de la population, de la multiplication des transports et du développement d’internet, les relations entre les hommes se tissent finement. Les pensées et les actions rebondissent d’un bout de la planète à l’autre, des intelligences collectives apparaissent. (voir l’article que j’ai consacré au dernier livre de Michel Serres Le temps des crises
Vers quoi allons-nous, je n’en sais rien. Comment une chenille pourrait
se penser papillon à l’avance ? Mais je ne vois pas de raison d’imaginer
que ce futur sera noir, et j’y vois plutôt des raisons d’espérer :
- Un meilleur partage des richesses entre tous les pays est plus souhaitable, et moins dangereux que les écarts passés, et encore actuels.
- L’émergence de réseaux collectifs – tant entre les structures collectives comme les entreprises, qu’entre les individus – est l’occasion de nouvelles découvertes, et d’enrichissements vrais, tant collectifs qu’individuels.
- Notre passé tapissé de guerres et de gaspillages ne rend pas si sympathique la « chenille » que nous sommes en train de quitter.
Bien sûr, un tel futur est peuplé de défis qu’il faudra relever. En voici
quelques-uns :
- Comment protéger et développer le libre arbitre individuel dans un monde de réseaux ? Comment éviter l’homme de devenir une fourmi au service de sa collectivité ?
- Comment faire en sorte qu’aux inégalités entre pays, ne succède pas une inégalité plus forte au sein de chaque région ou pays ?
- Comment, propulsé par la puissance de ces réseaux, ne pas consommer encore plus vite note planète ?
- Quelles structures politiques dans un tel monde ?
La naissance de ce nouveau monde prendra de longues années. Cette transformation
qui est en cours, va se prolonger et s’accélérer. Quand sera-t-elle
terminée ? Comment savoir ? Mais comment imaginer qu’elle ne va pas
prendre plus de dix ans, probablement plus de vingt, et peut-être une
cinquantaine d’années…
C’est de cela dont nous devrions parler, et non pas d’une crise. C’est à
cela que nous devrions nous préparer. Une telle transformation est douloureuse,
surtout dans sa phase initiale.
Mais si nous arrivions à faire comprendre que les difficultés actuelles
sont des étapes nécessaires à la naissance d’un nouveau monde meilleur, alors
chacun pourrait se mobiliser en positif.
Alors qu’aujourd’hui chacun est persuadé que le pire est devant nous, que
le passé est un éden perdu, et qu’une descente aux enfers nous attend.
Nos pays, et singulièrement la France, sont riches de leur passé, et de le
capital accumulé – il suffit de voyager un peu pour s’en rendre compte –, nous
avons les ressources pour faire face à cette transformation.
A deux conditions :
- Que nous ayons confiance en un futur meilleur et mobilisateur,
- Que nous développions une politique de solidarité, faisant porter les efforts là où les richesses ont été accumulées effectivement.
Beaux sujets pour la campagne présidentielle à venir, non ?
21 déc. 2011
NOUS TROUVONS TOUJOURS DE BONNES RAISONS… MÊME À CE QUE NOUS NE COMPRENONS PAS
Emboîtements et émergences (5)
Nous, les humains, avons la
capacité d’analyser ce à quoi nous participons, talent clé de notre existence
et de notre survie.
Notre connaissance n’est pas
infinie, mais elle progresse. Ainsi nous repoussons sans cesse les limites de
notre science, nous avons percé la logique de l’ADN, nous plongeons chaque jour
plus profondément dans l’infiniment petit comme dans l’infiniment grand, nous
approchons du moment du big-bang où tout semble avoir commencé, nous dressons
des cartographies de plus en plus fines de notre cerveau et des interactions
entre nos neurones…
Certes, certes…
Mais ceci n’est vrai, par
construction, que pour ce qui est accessible à notre compréhension. Si jamais
il existe quelque chose qui est d’une dimension qui nous échappe littéralement,
c’est-à-dire qui, pour une raison ou une autre, ne peut être concevable par
nous, alors nous ne pourrons jamais le comprendre. Nous serions dans la
situation des bactéries et des neurones dont je parlais hier…
Que se passe-t-il donc quand nous
sommes face à de telles situations ? Il semble bien qu’alors, nous sommes les
champions de la rationalisation a posteriori. Dans mon livre Neuromanagement,
je rapportais une expérience troublante :
« Prenons l’expérience rapportée par Lionel Naccache dans Le Nouvel
Inconscient (p. 385) et menée par un chercheur, Michaël Gazzaniga, sur un
patient atteint de déconnexion interhémisphérique : dans cette maladie,
l’hémisphère droit est incapable de communiquer avec l’hémisphère gauche.
L’expérience a été la suivante : à la gauche de l’écran situé devant le
patient, est apparu pendant quelques dixièmes de seconde l’ordre verbal «
Marchez ». Il s’est alors levé et déplacé : l’ordre lu par l’hémisphère droit
venait d’être exécuté, mais, à cause de la maladie, l’hémisphère gauche, qui
assure notamment la maîtrise du langage, n’était pas informé de l’existence de
cet ordre et donc ne pouvait pas savoir pourquoi il s’était levé.
Gazzaniga lui demanda alors : « Où allez-vous ? ». Au lieu de lui dire
qu’il ne savait pas pourquoi, le patient lui répondit du tac au tac : « Je vais
à la maison chercher un jus de fruits. » : il venait d’élaborer une
interprétation consciente qui lui permettait d’attribuer une signification à
son comportement. Plutôt que de répondre : « Je suis en train de sortir de
cette pièce mais je ne sais pas du tout pourquoi, comme c’est curieux tout de
même ! », le patient avait construit immédiatement une interprétation de son
comportement, mais sans se rendre compte que cette interprétation en était
une. »
Ainsi quand nos actes sont suscités par quelque chose qui nous
dépasse, notre tendance naturelle serait
d’imaginer une motivation que nous comprenons.
Comment
alors savoir quand nous comprenons vraiment, et quand nous l’imaginons ?
(à suivre)
20 déc. 2011
PERSONNE NE COMPREND CE À QUOI IL CONTRIBUE… À PART NOUS ?
Emboîtements et émergences (4)
Dans
Fourmiz, Woody Allen prête sa voix à l’ouvrière Z-4195, une fourmi pleine
d ‘états d’âme et amoureuse de la princesse Bala.
Personnellement,
à la différence de l’auteur de ce film, c’est une autre question qui
m’interpelle : une fourmi est-elle capable de comprendre, ou simplement de
percevoir les propriétés de la fourmilière, propriétés qui la dépassent, mais
auxquelles elle participe, et qui n’existeraient pas sans elle.
Ainsi
quand une de ses étonnantes fourmis d’Amérique du Sud, s’associe à ses voisines
pour créer un radeau qui va permettre à la fourmilière de devenir
insubmersible, sait-elle ce qu’elle fait et pourquoi elle le fait ? Ou
quand une autre de ses congénères se livre à la culture de champignons,
est-elle consciente de participer à créer une nourriture indispensable à la
survie future ? Et quand d’autres viennent au secours de nymphes pour
faire partir des prédateurs, ont-elles en tête le nectar que cette même nymphe
pourra donner en retour ? (voir La fourmi est petite, mais la fourmilière est grande)
Pas sûr
non ? Pas sûr du tout, même…
Prenons
maintenant un quelconque des microorganismes qui peuplent notre organisme. Nous
avons l’embarras du choix, car ils sont des millions de milliards à se promener
sur notre peau et en nous. Certains ne sont que de passage, rencontres
fortuites dues aux chocs aléatoires de la vie, mais d’autres participent à
notre bon fonctionnement.
Imaginez-vous
un instant de la « peau » d’un de ceux-là. Si pour la fourmi, vous
pouviez tout à l’heure avec moi avoir un doute, cette fois, aucune chance de
comprendre ce à quoi vous participez. La propriété à laquelle vous contribuez –
par exemple vous êtes en train de lutter contre un microbe mortel pour un homme
–, vous dépasse littéralement.
Prenons
maintenant une de nos cellules, et choisissons une des plus
« nobles », à savoir un neurone. Il s’agit bien d’un être vivant,
mais à nouveau, comment pourrait-il « savoir » ce à quoi il
participe ? Ou alors il y aurait des neurones géniaux, capables de se
dire : « Tiens, je viens d’intervenir dans le processus de
mémorisation d’une émotion ». Non, évidemment !
Telle
est bien la logique dominante des emboîtements et des émergences : on ne
comprend pas ce à quoi on participe, on agit et c’est tout... Et on n’a pas le
choix, car on n’a jamais vu une fourmi se rebeller contre ses congénères, un
antibiotique ne pas attaquer l’infection pour laquelle il était adapté, ou un
neurone bloquer volontairement sa synapse.
Ainsi
va la monde… sans une réelle compréhension de ce qui se passe.
Heureusement
que nous sommes arrivés, nous les humains avec notre intelligence et notre
capacité à tout analyser et comprendre. Certes, certes…
(à suivre)
19 déc. 2011
LES “RÉVOLURGENCES” DE NOTRE MONDE
Emboîtements et émergences (3)
Depuis
quinze milliards d’années, le monde joue aux poupées russes, aux emboîtements
qui tissent la matière et la vie.
Qu’est-ce
qui fait qu’un emboîtement en est un bien un, et pas seulement une collection
d’éléments ? Quelle est la « glu » qui le cimente ?
Dans
les Mers de l’incertitude, j’écrivais à ce sujet : « Qu’est-ce qui fait qu’une collection
d’éléments n’est pas seulement une juxtaposition, mais crée un niveau ? C’est
l’existence d’au moins une règle commune et nouvelle qui fait que c’est bien un
niveau et non pas une collection d’éléments : une collection de stylos ne
devient pas un niveau et reste un ensemble d’objets ; une collection de
personnes devient un groupe et donc un niveau, si elles suivent des règles
communes (des lois, des us et coutumes,…). C’est l’existence de ces règles qui
lui apporte ses propriétés spécifiques. »
À ces
règles communes, correspondent des propriétés nouvelles qui émergent. Ces
propriétés n'existaient pas au niveau précédent, ni partiellement, ni même
comme esquisse. Comment en effet dire que les propriétés d'un atome sont
inscrites dans celles d'une particule, celle de l'oxygène dans un électron ou
d'une chaîne carbonée dans le carbone ? Comment relier notre identité et notre
conscience individuelle à partir de ce que nous comprenons des cellules qui
nous composent ?
Ou
comme l’écrivait Yongey Mingyour Rinpotché dans le Bonheur de la méditation, « Ma main n’est pas mon moi, mais elle est à moi. Bien, mais elle est
faite d’une paume et de doigts, elle a une face supérieure et une face
inférieure, et chacun de ces éléments peut être décomposé en d’autres éléments
comme les ongles, la peau, les os, etc. Lequel de ces éléments peut être appelé
« ma main » ? »
Ainsi
ces propriétés émergentes, si elles sont rendues possibles par ce qui les
composent, et lui sont indissolublement liées, sont à chaque fois une
innovation profonde et révolutionnaire.
Oui,
ces deux mots d'émergence et de révolution sont bien au cœur de l'élaboration
de notre monde : émergence, car ce qui nait se produit sans être inscrit dans
ce qui le précède; révolution, car chaque étape vient comme faire table rase de
ce qui existait avant.
Ainsi
est né notre monde, et ainsi il a continué. Le meccano a construit la matière
inerte qui a, au moins sur notre planète, "inventé" la vie.
Émergences
et révolutions perpétuelles, révolurgences si vous me permettez ce néologisme
pour décrire ce couple inséparable.
(à suivre)
16 déc. 2011
MISE EN BOÎTE... MUSICALE
Emboîtements et émergences (en musique)
Illustration musicale sur les enchaînements, les emboîtements et les émergences :
- Aux suivants chanté par M,
- Jeux de boites avec Graeme Allwright,
- Jeux de mots avec Bobby Lapointe.
15 déc. 2011
TOUT S’EMBOÎTE… MAIS POURQUOI ?
Emboîtements et émergences (2)
Les quarks s’emboîtent dans des
atomes qui composent les minéraux qui sont nécessaires aux cellules qui constituent
chaque organisme vivant… Et ainsi va le jeu de la vie, du bricolage et de
l’auto-organisation.
Chaque être vivant
« respire » avec son environnement, échange, absorbe, rejette, se
modifie… et s’articule avec ce qui l’entoure. Seul, il est limité, fragile et
vulnérable. Associé à d’autres, il acquiert de nouvelles forces, de nouvelles
propriétés. Il y perd de sa liberté, mais il gagne en résilience, en capacité à
survivre dans les aléas qui l’entourent.
Souvent il s’associe avec ses
alter egos, ceux qui lui ressemblent et sont issus de la même dérive
biologique. C’est sa tribu, son groupe, sa niche. De la fourmi nait la
fourmilière, de l’abeille la ruche1, et de l’homme l’humanité.
Il lui faut aussi collaborer avec
les autres, trouver les bonnes symbioses, se changer et changer ses voisins
pour accroître ses chances d’être là un peu plus longtemps. L’abeille et la
fleur apprennent à se séduire mutuellement, les fourmis et leurs troupeaux
s’apprivoisent, tous les écosystèmes bricolent ensemble.
Voilà bien la flèche du temps
depuis le Big-Bang : la construction d’emboîtements de plus en plus
complexes et imbriqués. Cela dure depuis près de quinze milliards d’années, et,
sans cesse, de nouvelles poupées russes viennent entourer les précédentes.
Pourquoi donc ?
Comment répondre à une telle
question ? Faut-il d’ailleurs toujours chercher des pourquoi ? Ou du
moins, le sens des choses et de la vie sont-ils accessibles à nous qui ne
sommes finalement qu’un morceau de ce tout en mouvement perpétuel ?
Impossible de savoir…
Une remarque toutefois qui me
semble potentiellement éclairante : ce sont les emboîtements qui ont
permis l’émergence de nouvelles propriétés, propriétés qui n’étaient même pas
embryonnaires à l’échelon inférieur.
Et si l’on suivait ce fil du
couplage des emboîtements et des émergences…
(à suivre... la semaine prochaine...)
14 déc. 2011
LES POUPÉES RUSSES DE NOTRE MONDE
Emboîtements et émergences (1)
Prenez en main des poupées
russes, vous savez, ces poupées russes qui s’emboitent les unes dans les
autres. Ouvrez la plus grande, et vous en trouvez une autre, et ainsi de suite.
Au bout d’un moment, ces emboîtements successifs s’arrêtent, et vous avez entre
les mains, la plus petite.
Prenez un élément quelconque qui
compose notre monde, par exemple celui qui est juste en face de vous au moment
où vous lisez cet article. Regardez-le bien, et vous vous apercevrez qu’il est
lui-même comme les poupées russes, le résultat d’emboîtements successifs.
Simplement le nombre de poupées est considérable, et les emboîtements ne sont
pas parfaits, mais se chevauchent.
Au cœur de notre monde, au plus profond
de la matière, nous trouvons les composants de base qui, en se combinant,
donnent des photons, des neutrinos, des électrons ou des quarks. Quels sont-ils
ces composants de base ? Des cordes comme un théorie récente le
propose ? Peut-être… Ou alors découvrirons-nous un jour, qu’ils sont eux-mêmes
le résultat d’emboîtements subtils, aujourd’hui incompris et inconnus.
Quoiqu’il en soit, ces composants de base sont déjà réellement très petits,
puisque la taille d’un quark est inférieure à 10-18 m !
Avec les photons, les neutrinos,
les électrons et les quarks, naissent les briques dont nous avons entendu
parler depuis longtemps : hydrogène, oxygène, carbone, fer… Ces briques, à
leur tour, s’associent et jouent entre elles pour donner naissance à des
molécules plus complexes, des gaz, des liquides, des solides. Et de ces
molécules émergent le monde physique que nous voyons et touchons.
Mais comment pouvons-nous voir et
toucher ? Comment pouvons-nous vivre ?
Nous sommes nous aussi des
poupées russes. Notre élément de base est la cellule qui est au cœur du vivant,
cellule elle-même née à partir des composants dont je parlais précédemment.
Comment est-elle née ? Nous n’avons pas la réponse à cette question, mais
nous savons que les emboîtements qui la composent, jouent un rôle essentiel.
Ces cellules, selon la façon dont
elles sont composées et assemblées, peuvent donner naissance aux êtres vivants
les plus simples, l’amibe, comme les plus complexes, l’homme.
La succession des emboîtements
s’arrête-t-il là ?
(à suivre)
13 déc. 2011
POURQUOI LE MOUSTIQUE PIQUE-T-IL ?
La vie évolue au gré des heurs et malheurs, nés de rencontres aléatoires et
imprévisibles…
Extrait des Mers de l’incertitude
Je déteste les moustiques. Probablement, vous
aussi.
Souvenirs
multiples d’été, où, parce que j’avais laissé la fenêtre ouverte alors que la
lumière était allumée, les nuits ne furent qu’une longue suite de
bourdonnements, de batailles sans fin au cours desquelles ma main maladroite et
endormie essayait désespérément de mettre un terme à la vie de cet insecte. Les
lendemains, je ne pouvais que mesurer l’étendue des dégâts au nombre des
cloques rouges, et la démangeaison venait me rappeler le danger de la fenêtre
ouverte…
Or ces
moustiques, je ne les connaissais pas, ne leur avais rien fait. Alors pourquoi
venaient-ils ainsi m’agresser ? Je connais bien sûr la réponse : s’ils me
piquent, c’est pour se nourrir.
Mais
vous êtes-vous déjà posé la question suivante : comment cela a-t-il commencé ?
Pourquoi le moustique s’est-il mis à nous piquer ? Est-ce qu’un jour, il y a
longtemps, très longtemps, les ancêtres des moustiques se sont réunis pour
savoir comment assurer leur survie et améliorer leur nourriture quotidienne ?
Auraient-ils alors mené une étude approfondie pour inventorier toutes les
possibilités ? Parmi celles-ci, ont-ils identifié celle de venir piquer des
animaux, dont nous, pour prélever du sang ? Ont-ils procédé méthodiquement à
des tests, pour finalement conclure, que, oui, le sang était bien la meilleure
option ? Ont-ils enfin formé tous leurs jeunes à l’art de piquer vite et bien ?
En un
mot : le moustique pique-t-il parce que c’était la meilleure solution et que
l’évolution a donc été orientée dans cette direction ?
Non,
évidemment cela ne s’est pas passé comme cela.
Tout a
effectivement commencé, il y a longtemps, très longtemps même : le lointain
ancêtre du moustique était un insecte qui, comme bon nombre d’autres, avait
développé un appendice effilé pour absorber un liquide, une sorte de paille si
vous voulez. Pratique pour survivre et boire rapidement. Un jour, l’un d’eux
s’est posé sur la peau d’un animal à sang chaud. Or cette peau, pour assurer la
régulation de température et les échanges avec l’extérieur, était poreuse. Comme
l’appendice était très effilé, il a pu pénétrer à l’intérieur et a trouvé un
liquide riche et nourrissant : du sang. Il a trouvé cela tellement bon qu’il en
est devenu complètement accro, et qu’il a fait partager l’aubaine à ses
congénères.
Et
voilà, comment une espèce est devenue une sorte de vampire nocturne : par le
hasard de la rencontre d’un appendice créé pour boire un liquide et d’une peau
perméable pour assurer la respiration. Cette rencontre fortuite a modifié le
cours des deux espèces : la survie du moustique a été garantie, l’espèce s’est
développée… et, dommage collatéral, la malaria s’est propagée.1
(1) J’ai
librement développé et réinterprété cet exemple donné par Ian Stewart dans son
livre Dieu joue-t-il aux dés ?
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