16 mars 2012
EN PROVENCE…
Ballade
Promenade dans les chênes, les
pierres et les mots…
Nature
Des chênes et des pierres,
Des vivants et des morts,
Le vent passe sans
effort,
Au rythme des pas,
Au jeu du soleil,
Au bruit dans les
feuilles.
Équilibre des formes,
Lumière des ouvertures,
Tranquillité du vide,
Une borie dans un mur,
Des traces dans la terre,
Tracteur ou sanglier,
Métal ou vie,
Qu’importe…
Des chênes et des pierres,
Des traits pour guider
Le regard ou les pas,
Le souffle ou les cris,
Les pleurs ou les joies.
Comme la vie
Posés les uns sur les
autres,
Bruts, sans liant,
Râpeux, rêches, arides,
Comme la vie.
Les moments se succèdent,
Les rencontres
s’enchaînent,
Les pensées se déroulent,
Sans raison, sans logique,
Comme la vie.
Les regards en arrière,
Construisent un chemin,
Trouvent une logique,
À ce qui n’en a pas,
Comme la vie.
15 mars 2012
UN PEU, PARTOUT, LOCALEMENT, EN MÊME TEMPS
Faire de l’émergence efficace, un état d’être - Le
management par émergence (11)
Comment donc
transformer une entreprise, et lui permettre de mettre en œuvre les six points
qui conditionnent une émergence efficace ?
Au risque de
surprendre, ma recommandation est de prendre le contre-pied des trois erreurs
que j’évoquais hier, c’est-à-dire de ne rien changer, de ne pas avoir de plan
d’ensemble et de prendre son temps. Étonnant, non ?
Je m’explique.
Qu’est-ce que je veux dire par « ne rien
changer » ? L’idée essentielle est de ne pas lancer une grande
mobilisation générale, ni de dire que le passé est révolu et que l’entreprise
doit changer. Il faut dans un premier temps ne rien entreprendre de
spectaculaire, et viser une transformation de l’intérieur, qui, au début, sera
invisible et se propagera. Ce ne sera que, in fine, que l’on fera constater à
tous que, oui, tous se sont transformés, et qu’en ce sens, tous ont changé,
mais en profondeur.
Pas de plan
d’ensemble, mais une multiplication de chantiers locaux, sans lien a priori entre
eux. C’est la propagation de ces chantiers qui les fera progressivement se
rejoindre, et qui dessinera, au bout de quelques mois ou années, un schéma
d’ensemble. Mais ce schéma n’aura pas été conçu a priori, il émergera.
Pas de
précipitation enfin. Les premiers résultats seront lents à obtenir et ne seront
pas spectaculaires. Puis, petit à petit, le processus prendra de l’énergie au
fur et à mesure de sa diffusion, et de l’apparition de connexions entre les
chantiers. La transformation aboutira à des résultats visibles globalement au
bout de quelques années. Et ce processus lancé continuera durablement à porter
ses effets.
Comment
concrètement lancer ces chantiers ?
L’idée est simple, et
repose sur la phrase suivante : Agir un peu, partout, localement, en même
temps et sur les six points.
Prenons l’exemple
du premier point, à savoir le lien entre mer et action. Plutôt que vouloir
lancer une mobilisation générale, la démarche est de repérer plusieurs lieux
dans l’entreprise qui sont plus sensibles à la portée d’une telle action :
un manager local qui a une compréhension profonde et fine de la
stratégie ; des équipes qui trouvent qu’elles mènent trop d’actions, sans
comprendre à quoi elles servent, ou qui pensent en avoir trop de front ;
une nouvelle acquisition qu’il faut rattacher au reste de l’entreprise…
C’est ce même
raisonnement qu’il faut suivre pour chaque thème : choisir la voie de la
facilité, c’est-à-dire ce qui sera le plus naturel à cet endroit-là. L’objectif
est que, d’une façon ou d’une autre, chacun participe, même modestement, à, au
moins, un chantier. Je rappelle les six thèmes à lancer : lien action/mer,
paranoïa optimiste, facilité, flou, confrontation et rythme.
Il ne m’est pas
possible ici de donner une recette, car il n’y a pas, par construction, de plan
type : c’est à chaque équipe de direction, en fonction de l’histoire et de
la culture de l’entreprise, de trouver comment agir.
Il faut simplement ne
pas oublier de se doter d’une équipe qui va être une ressource pour chacun, qui
va progressivement diffuser ce qui est entrepris localement, et in fine le
relier.
Alors l’entreprise
émergera différente, et sera prête à poursuivre cette évolution dynamique,
faite d’émergences continues et efficaces…
14 mars 2012
NON AU CHANGEMENT, OUI À LA TRANSFORMATION
Permettre les émergences - Le management par émergence (10)
Avant d’aborder comment mettre en
œuvre concrètement les six points qui conditionnent une émergence efficace, je
vais d’abord m’arrêter sur quelques erreurs à éviter.
J’en vois trois essentielles :
confondre changement et transformation, avoir un plan d’ensemble rigide et
prédéfini, croire que le résultat sera obtenu rapidement.
Une précision : tout ceci ne
s’applique pas à une entreprise qui fait face à une situation d’urgence, qui
joue sa survie à court terme, qui doit pallier le risque d’un dépôt de bilan
immédiat. Alors, il n’est plus temps de réfléchir au moyen terme, on ne peut
plus que se battre pour exister encore.
Mon
propos s’adresse aux entreprises qui, tout en étant ballottées par les vagues
de l’incertitude, ne sont pas en train de sombrer à court terme. Elles disposent
du temps et de l’énergie nécessaires à une réflexion de fonds. L’objectif est
de trouver les voies et moyens pour leur éviter de précisément se retrouver un
jour en situation d’urgence.
Revenons
donc à mes trois points :
1. Ne pas confondre changement et transformation.
Contrairement
à l’idée reçue, je suis convaincu que le changement est un mal, et non pas un
bien, et que moins on change, mieux on se porte. C’est ce que j’écrivais dans mon article portant ce même titre et qui se terminait ainsi :
« Il est urgent d’affirmer au contraire que
:
-
La performance est dans la constance et la
permanence, qui, seules, peuvent permettre de construire mondialement un
avantage concurrentiel durable et réel,
-
Le changement est un mal parfois nécessaire, mais
à petite dose,
-
La réactivité conduit au zapping et à la
destruction de valeur. »
La
transformation est elle, une adaptation lente et continue, en respirant avec ce
qui nous entoure. Elle est respectueuse du temps et de l’histoire, ne crée pas
de ruptures.
La
meilleure illustration d’une transformation est la croissance d’un
enfant : ni lui, ni nous ne le voyons grandir ou changer, et pourtant il
suffit de se retourner en arrière pour voir le chemin parcouru.
2. Ne pas avoir de plan d’ensemble rigide et
défini.
Comme
tout est incertain, comme l’objectif est de permettre à l’entreprise d’être
managée par émergence, comme nul ne peut prétendre connaître ce qu’il faut
faire, tout dessin précis serait contre-productif.
Il ne
faut surtout pas concevoir l’organisation comme un jardin à la française, avec
de grandes perspectives uniformes, mais au contraire comme un jardin à
l’anglaise qui se dessinera petit à petit. (voir Jardin à la française ou à l’anglaise : comment faire face à l'incertitude dans un cadre rigide et uniforme ?).
3. Ne pas croire que le résultat sera obtenu
rapidement
Mon
expérience m’a montré que, dans une grande entreprise, c’est-à-dire pour fixer
les idées dont l’effectif est supérieur à dix mille personnes, il est illusoire
de penser qu’une transformation réelle prendra moins de trois ans. En-deçà, on
n’obtient que des résultats apparents et de surface.
Ce ne
sont en effet pas seulement des organigrammes qu’il faut redéfinir, des métiers
qu’il faut redécouper, des sociétés qu’il faut fusionner, ce sont surtout des
habitudes et des comportements qu’il faut modifier.
13 mars 2012
VIVE LA PARESSE VERTUEUSE !
Savoir prendre son temps - Le management par émergence (9)
Dernier point nécessaire à une
émergence efficace : le rythme.
Pourquoi ce thème et pourquoi
avoir choisi de terminer par lui ?
Précisons d’abord ce que
j’entends par « rythme ». Je mets un double sens derrière ce
mot : c’est la capacité, à la fois, à ajuster dynamiquement la vitesse à
ce que l’on fait (1) , et à agir au bon moment.
Or si l’on n’y prête pas garde,
les vagues tourbillonnantes de l’incertitude nous poussent d’une part à la
précipitation, et à la confusion entre vitesse et efficacité, mouvement et
concrétisation, d’autre part à l’action immédiate, au passage brutal de l’idée
à la réalisation, de la pensée à l’agir.
Est-il bien utile que je revienne
une fois de plus sur les dégâts de l’hystérie actuelle, et du rapport maladif
entretenu avec le temps. Car, enfin, comment imaginer que l’on peut réfléchir
vite à long terme ? Comment ne pas voir que, s’il suffisait de courir pour
mieux réussir, toutes les entreprises seraient agiles, puisque je n’y vois plus
que des gens qui courent ?
A l’inverse, je ne pousse pas non
plus à la sieste généralisée, ou à différer sans cesse ce que l’on peut faire
maintenant.
Non, je me fais l’apôtre de ce
que j’appelle « la paresse vertueuse » ! Qu’est-ce que je veux
dire par là ?
J’emploie volontairement le mot
provocateur de « paresse », car je suis convaincu qu’il faut
maintenant développer un esprit de résistance face à la violence des énergies
en cours, à la turbulence des remous de l’incertitude et à la folie collective.
C’est le pied sur le frein qu’il faut conduire, compte-tenu de la pente
naturelle des systèmes et des organisations.
J’y accole immédiatement le mot
de « vertueuse », pour ne faire l’apologie de l’inaction et du
laisser-faire : le lâcher-prise n’est pas le laisser-faire, il est tout le
contraire.
Le lâcher-prise est l’attention
portée aux courants en place, à la sensation de ces moments où vouloir agir ne
servirait à rien, et au contraire de ceux où l’action est démultipliée.
Le lâcher-prise est le refus de
se laisser emporté par ce qui n’est qu’une agitation inefficace, qu’une
dispersion d’énergies, un bruit ambiant.
Le lâcher-prise est la volonté de
se poser pour réfléchir, regarder et comprendre.
Voilà donc terminé, ce tour rapide et superficiel sur ces six points qui conditionnent, selon moi, l’émergence efficace, à savoir le lien action/mer, la paranoïa optimiste, la facilité, le flou, la confrontation, et le rythme.
Pour terminer cette série sur le
management par émergence, j’en viendrai demain à comment le mettre en œuvre
concrètement…
(à suivre)
12 mars 2012
IL N’EST PAS NORMAL D’ÊTRE SPONTANÉMENT D’ACCORD ENSEMBLE
Se confronter continûment - Le
management par émergence (8)
Arrive maintenant le cinquième,
et avant-dernier point nécessaire à une émergence efficace : la
confrontation.
Thème central de mes deux livres,
tant Neuromanagement que les Mers de l’incertitude, la
confrontation est le préalable au bon fonctionnement de toutes les structures
collectives, et surtout dans le monde de l’incertitude.
Pourquoi est-elle ce préalable indispensable ?
Parce que tout est trop mouvant,
trop complexe, trop multiforme pour être compris par un individu isolé,
Parce que chacun d’entre nous est
trop prisonnier de son expertise, de son passé, de l’endroit où il se trouve,
pour avoir une vue complète et absolue,
Parce que l’objectivité n’est pas
de ce monde, parce que tout est contextuel, parce que seules les
interprétations existent, et que les faits restent cachés et obscurs.
Parce que, si une entreprise
réussit dans ce qu’elle entreprend, elle va, faute de se confronter au dehors,
se sentir petit à petit invulnérable, dériver, et se réveiller, un jour,
déconnectée de son marché, de ses clients et de ses concurrents.
Qu’est-ce que la confrontation ?
La confrontation est le chemin
étroit entre nos deux tendances naturelles, qui sont le conflit et l’évitement.
Elle est cette attitude d’ouverture aux autres, qu’ils soient membres de
l’entreprise ou à l’extérieur, la mise en débat de ses convictions et ses
interprétations.
Elle est la recherche de ses
propres hypothèses implicites, souvent inconscientes, qui nous conduisent à
notre vision du monde, et à recommander telle solution, plutôt que telle autre.
Quelles sont les conditions d’une confrontation réussie ?
Elles sont au nombre de cinq, et
chacune est nécessaire :
- Un travail personnel pour asseoir ses propres convictions, et être capable d’expliciter le raisonnement qui les a structurées,
- Une confrontation sur l’analyse et les raisonnements, jamais sur les conclusions,
- La compréhension du rôle des autres et le respect dans leur professionnalisme,
- La connaissance de l’objectif commun visé, de cette mer située à l’horizon, et des actions à mener pour s’en rapprocher,
- La confiance en soi-même, en les autres et dans l’entreprise.
Pour
aller plus en avant ce sujet de la confrontation, vous pouvez lire les nombreux articles que je lui ai consacrés sur ce blog, ainsi bien
sûr que mes deux livres.
En
conclusion, voici un extrait de ce que j’écrivais dans les Mers de
l’incertitude :
« Finalement, c’est l’absence de
confrontation qui n’est pas un bon signe : pour tout projet complexe, il n’est
pas normal que tout le monde soit d’accord sans confrontation. Cela signifie
soit que l’analyse a été trop superficielle, soit que certaines parties
prenantes ont évité la discussion. Quand un projet avance trop vite, quand
aucun arbitrage n’est nécessaire, c’est souvent qu’une partie du champ de
contraintes n’a pas été pris en compte. On constate alors a posteriori les
dégâts : l’objectif n’est pas atteint, ou les délais ne sont pas respectés, ou
les coûts ont dérapé… ou les trois.
Plus il y aura de confrontation, meilleures
seront la qualité des analyses et la performance des actions. La confrontation
n’apporte pas de la rigidité, car elle est un processus dynamique d’ajustement.
Elle va apporter le liant qui permet les relations et les fluidifie. C’est elle
qui va construire le langage commun, la culture de l’entreprise. Si les
dinosaures s‘étaient un peu plus confrontés à la réalité de leur monde et à son
évolution, ils seraient probablement encore là ! »
9 mars 2012
TÉLESCOPAGES D'IMAGES...
Puzzles
Quand les photos remplacent les mots
Du bois, des pierres et un veilleur ...
Des pierres, du bleu et une ombre ...
Trois verticales ...
Quand les éclairs viennent du sol ...
8 mars 2012
NE PAS TOUT DÉFINIR, NE PAS TOUT OPTIMISER
Savoir lâcher prise - Le management par émergence (7)
Après le lien entre
mer et action, la paranoïa optimiste et la facilité, voici le quatrième point
nécessaire à une émergence efficace : le flou.
Là encore, pour les
lecteurs réguliers de mon blog, ou ceux qui ont lu mon livre les Mers de l’incertitude, il ne s’agit
pas d’une idée neuve. Quelle est-elle ?
Elle part une fois
de plus d’une idée toute simple : comment on ne peut pas, par
construction, prévoir ce que l’on ne connaît pas, si l’on ajuste exactement une
entreprise à la vision actuelle que l’on a de la situation future, on la rendra
cassante et elle ne pourra pas faire face aux aléas à venir.
C’est pourquoi le
sous-titre de mon livre est : une entreprise anorexique ne peut pas faire
face aux aléas, et que j’y écrivais : « Je sais combien ceci va aux antipodes de la tendance actuelle qui
cherche par tous les moyens à accroître la rentabilité des entreprises : on
coupe tout ce qui ne sert apparemment à rien, on comprime tout ce qui n’est pas
lié directement avec ce qui est planifié. Mais si l’on améliore les résultats
immédiats, on se prépare pour un mort future certaine. L’anorexie managériale
en quelque sorte : des entreprises devenues tellement maigres qu’elles vont
être emportées par la première bourrasque. »
Est-ce donc à dire
qu’il ne faut pas se préoccuper de l’allocation des ressources, et que l’on
peut dépenser sans compter ? Évidemment non !
Pour prendre une
image : si pour démonter une prise, une personne est suffisante, inutile
d’être à deux…
Non, ce qu’il faut
préserver, c’est une part de flou, c’est-à-dire des ressources en temps, en
argent et en moyens techniques non affectées pour pouvoir faire face à
l’imprévu, pour permettre d’inventer, pour autoriser des émergences créatives.
Quelle quantité de
flou ?
Le plus possible,
en fonction de la rentabilité de l’entreprise et des moyens requis pour tout ce
qui est déjà engagé et planifié. En d’autres mots, priorité d’abord à
l’accomplissement de ce qui est prévu à court terme : inutile de se donner
une souplesse pour le futur, si l’on n’est pas capable de faire face aux
contraintes de la situation actuelle.
Ce flou ne doit pas
être réservé à des fonctions d’état-major ou d’encadrement. Il faut le répartir
dans toute l’entreprise, et apprendre à chacun à s’en servir pour tirer parti de ce qui se présente, saisir une
opportunité nouvelle, s’engager dans une pente naturelle qui était restée
jusqu’à présent cachée, entreprendre une action qui va rapprocher un peu de la
mer visée…
L’idée de flou doit
aussi être intégrée dans la conception du rôle de chacun et dans le dessin des
organisations. Comme il est impossible de tout optimiser, de tout prévoir, de
tout planifier, pourquoi vouloir tout définir ? Pourquoi ne pas lâcher prise,
et accepter de laisser le futur répondre à ce que l’on ne sait pas aujourd’hui ?
(à suivre)
7 mars 2012
ÉVITONS LE TRIATHLON SI L’ON NE SAIT PAS NAGER
Rechercher la facilité pour pouvoir faire face à l’imprévu - Le management par émergence (6)
Comment passer de
la métaphore des caravanes de l’Ouest américain sur laquelle je finissais mon
article d’hier, a un éloge de la facilité ? N’y a-t-il pas une
contradiction à vouloir allier les deux ?
Non, je ne crois
pas… à la condition expresse de ne pas faire de contresens sur la notion de
facilité : je ne l’emploie pas dans le sens occidental du terme,
c’est-à-dire celui d’une paresse ou d’une inclination à fuir la difficulté,
mais dans le sens asiatique, c’est-à-dire celui de la pente naturelle ou de
l’inclination à fuir l’adversité.
Pour ceux qui ne
l’ont pas encore lu, je conseille fortement la lecture de la Conférence sur l’efficacité de François
Jullien. Ce court ouvrage – il ne comprend que quatre-vingt-douze pages – est
un modèle de concision et de clarté. Sa qualité est une forme de démonstration
de l’efficacité dont il traite ! Dans mon article Le grand général remporte des victoires faciles, j’en ai donné mon best of.
J’aime
particulièrement ce qu’il dit des plantes et de la façon dont elles
poussent : « Méditer la poussée des
plantes : Ni volontarisme, ni passivité ; mais, en secondant dans le processus
de poussée, on tire parti des propensions à l'œuvre et les porte à leur plein
régime. (…) Comme est indirect de biner au pied de la plante pour la faire
pousser. (…) On ne voit pas la plante pousser. (…) La grande stratégie est sans
coup d'éclat, la grande victoire ne se voit pas. »
Sur ce même thème,
j’écrivais dans les Mers de l’incertitude : « Comme un fleuve, la voie vers la mer doit « couler de source », elle
doit prendre appui sur la géographie de l’entreprise : les tendances de fonds
de la situation actuelle ; les savoir-faire de l’entreprise, sa position, son
histoire, ses hommes ; ceux de la concurrence actuelle et potentielle… On teste
la faisabilité du chemin à parcourir sans entrer dans le détail, car il est
inutile et même dangereux de vouloir dessiner trop précisément le chemin : il
se dessinera au fur et à mesure de l’avancée en fonction. »
De ce point de vue,
la culture judéo-chrétienne nous a vraiment bien peu préparés à cette recherche
de la facilité. Je vois trop de dirigeants qui se font les chantres de
l’effort, de la transpiration, de montagnes à escalader… Pour eux, seule, la
recherche de la difficulté semble noble.
Mais si l’on part à
contre-courant, si, dès le départ, on n’a pas privilégié ce qui était le plus
naturel, comment faire face à l’imprévu, à la difficulté qui surgit sans qu’on
l’attende ?
J’ai couru
plusieurs marathons, et je dois – au risque de vous décevoir – dire que, pour
cela, je m’étais entraîné, avais perdu un peu de poids, avais fait attention la
veille de bien dormir, et m’étais alimenté tout au long de l’épreuve. Pour être
plus méritant, aurait-il fallu que je le coure avec un sac à dos plein de
cailloux, aurais-je dû arriver fatigué le matin de la course, et ai-je eu tort
de boire et manger durant les un peu plus de quarante-deux kilomètres ?
Ou encore si l’on
ne sait pas nager, n’est-il pas raisonnable d’éviter le triathlon ? Ou si
l’on a le vertige, est-il vraiment nécessaire de monter en haut de la Tour
Eiffel ?
(à suivre)
6 mars 2012
LA RECONQUÊTE DU « PRODUIRE EN FRANCE » NE VIENDRA PAS D’UN ÉTAT INDUSTRIEL ET MAGIQUEMENT STRATÉGIQUE
Au temps de l’incertitude, la reconstruction de l’industrie française sera
longue, décentralisée... et européenne !
Voilà donc trouvée la recette à la désindustrialisation française : le
retour de la politique industrielle et l’impulsion par l’État d’une politique
de filières.
Que nous disent les chantres
politiques de cette renaissance tout gaullienne ?
En résumant :
- Au centre, la puissance intellectuelle et visionnaire du système public qui va défricher le futur pour trouver là où il faut aller.
- Puis sous l’impulsion de ce centre enfin retrouvé, toutes les PME de France et de Navarre se réuniront sous les ailes protectrices et devenues bienveillantes des grandes entreprises françaises, pour partir à la conquête du monde entier.
- Et le tour sera joué : dans quelques années, que dis-je dans quelques mois - pourquoi en effet ne pas être ambitieux dans la concrétisation de cette volonté… -, les emplois industriels refleuriront, l’innovation viendra arroser les terres arides de nos zones industrielles, et notre balance des paiements se dressera fièrement.
Certes, quel beau conte de fées…
Mais, probablement à cause d’une vision trop empreinte d’un scepticisme suranné,
qui devrait être dépassé par ces vagues d’enthousiasme, j’ai dû mal à me
laisser emporté par cet élan, et ce pour trois raisons :
1. Comment imaginer que dans le
monde de l’incertitude, la solution puisse venir d’une recentralisation des
décisions ?
Mon expérience personnelle, ma
pratique auprès de dirigeants d’entreprises, mes recherches personnelles et les
réactions recueillies suite à la publication de mon livre, les Mers de l’incertitude, et à mes conférences, m’amènent à
beaucoup plus de modestie en la matière. Je crois que la performance tient de
plus en plus à la mise en place de processus conduisant à des émergences
efficaces, et de moins en moins à la concentration de la prise de décisions,
fussent-elles faites par les meilleurs cerveaux du monde.
2. Comment, compte-tenu de
l’historique, croire à la capacité de l’État français de concevoir des plans
par filière réellement efficaces ?
J’ai encore le souvenir des plans
industriels lancés en 1981, suite à l’élection de François Mitterrand. Étant
alors chargé de mission à la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à
l’Action Régionale (DATAR), j’ai été pour celle-ci le correspondant du
Ministère de l’industrie pour l’élaboration et le suivi de tous ces plans. Quel
fiasco ! Tout l’argent déversé l’a été en pure perte, que ce soit pour le
plan machine-outil, textile ou un autre. Les succès de l’État industriel ne
l’ont été que dans le cadre d’investissements majeurs comme l’aviation civile,
la filière nucléaire ou le TGV. Cela n’a absolument pas empêché l’écart avec
l’Allemagne, l’Italie ou même la Grande Bretagne de se creuser, et à notre
balance des paiements de s’effondrer.
3. Comment croire que la
performance viendra d’une relation contrainte entre grandes entreprises et PME ?
Les grandes entreprises ne poursuivent
pas dans des stratégies nationales, mais mondiales. Ceci est vrai pour toutes
les entreprises, qu’elles soient françaises, allemandes, italiennes ou
britanniques. Si Volkswagen s’appuie sur un tissu d’entreprises moyennes
allemandes, si elle maintient des emplois industriels en Allemagne, ce n’est
pas au nom d’un nationalisme germanique, mais à cause d’un réalisme
économique : le climat social, la confiance qui existe entre les individus
et les organismes, la qualité des formation, le principe du transfert de
propriété au paiement et non à la livraison, tout cela amène à la performance
d’un système global. Si l’on cherche à contraindre une entreprise française à
faire ce qui n’est pas souhaitable pour elle, soit, si l’entreprise est
suffisamment indépendante de l’État, on ne l’obtiendra pas, soit, si elle ne
peut pas dire non, on entravera son développement futur. Loin de construire la
performance à venir de la France, on la détruira.
Je ne crois donc pas à ces
recettes magiques, tirées d’une réalité qui n’a jamais existé.
Aussi si, oui, il faut se battre
pour développer le « Produire en France », il ne faut pas le faire avec ces recettes
éculées, inefficaces et dangereuses.
Pourquoi ne pas développer un
label France ? C’est une idée à tenter, à condition d’y intégrer la notion
de niveau, permettant d’aller du « Assembler en France » au
« Tout en France », en passant par le « Fabriqué en
France » (voir « Label France : et si Bayrou avait raison »).
Mais ce n’est pas le plus
important. Ce sont sur les fondamentaux du développement de nos entreprises
qu’il faut agir. J’en vois personnellement deux :
-
En priorité, nous devons
réapprendre à nous faire confiance, ce qui suppose de revoir notre mode
d’éducation, en passant du travail individuel au travail en groupe, et en
cassant notre culte de la hiérarchie et du statut. (voir « Veut-on attendre que la France devienne le Tiers-monde de l’Europe ? »)
-
Il est urgent aussi de revoir le
mode de transfert de propriété pour qu’il n’ait plus lieu à la livraison, mais
au paiement. Comme cela, les PME ne financeront plus la distribution et les
grandes entreprises. Cette modification reviendrait à augmenter la trésorerie des
PME de probablement nettement plus de 100 Milliards d’euros ! (voir « Qui arrêtera l'hémorragie financière des PME ? »)
Enfin, pourquoi ne pas doter
l’État d’une vraie agence de conseil indépendante, construite à partir l’Agence
pour les Participations de l’État et des experts mis en place pour la gestion
du grand emprunt ? Je connais bon nombre d’anciens associés de cabinet de
conseil, qui, après une carrière réussie dans le privé, seraient prêts à mettre
leur expertise au service de l’État. Cette agence pourrait être indépendante
des lobbies, éclairer les choix publics, et aider les entreprises moyennes dans
leurs réflexions et leurs choix… mais sans les contraindre, ni les définir.
Bien sûr tout ceci ne va
transformer la France par un coup de baguette magique, et redresser
instantanément notre balance des paiements. Mais qui peut croire que notre
handicap structurel peut être comblé en peu de temps ? C’est une action de
fonds qu’il faut entreprendre. Le reste n’est que tour de
prestidigitation, baliverne, et poursuite de nos erreurs passées…
Enfin, la solution ne pourra pas
être seulement franco-française. Elle va nécessairement passer par la
construction d’une réelle Europe fédérale. Pouvons-nous le faire dans la
dilution qu’est devenue la communauté européenne, ou faut-il repasser par un
noyau autour duquel viendront ensuite s’agglomérer les autres ? Par réalisme,
j’opterais plutôt pour la seconde.
Comme ces transformations seront
longues et difficiles, Il faut commencer maintenant. Souvenir d’une anecdote
attribuée au Maréchal Lyautey. Un jour où il visitait un village marocain, il
s’étonnait qu’il n’y ait aucune ombre sur la place centrale.
« Il faudrait au moins dix ans
pour qu’un arbre donne une ombre significative, lui dit le chef du village.
- Raison de plus pour le planter
tout de suite, fut sa réponse. »
Inscription à :
Articles (Atom)