L’entreprise est une
construction contingente (4)
Quelles sont donc
ces lignes de force qui pourraient structurer l’émergence de nos nouvelles
organisations économiques collectives ?
J’en vois trois
essentielles – du moins à ce jour ! – : la relation à l’information
et à la matière, la relation à l’espace et à la géographie, les rôles de
l’argent et de l’homme.
Dans cet article, je
vais aborder la première. Je traiterai les suivantes dans mes deux prochains
articles.
En caricaturant mon
propos, je pourrai dire que nous passons d’une économie où la matière était
abondante et l’information rare, à l’inverse.
En effet, jusqu’à
présent, nous, humains, étions en petit nombre, et chacun de nous – du moins la
plupart – consommions peu par individu. Ainsi nous étions face une abondance de
matières premières, et le modèle économique dominant s’est construit sur le peu
de dépendance vis-à-vis de ces matières premières. Un axiome implicite était qu’elles
seraient toujours là et en quantité suffisante, quoiqu’il arrive. Il a fallu
voir apparaître des entreprises géantes qui, à quelques-unes, ont pu se construire
des empires en s’accaparant certaines d’entre elles – ou sur leur accès, ce qui
revient au même –. Ce n’est donc pas que la matière était rare, mais que son
accès était contrôlé.
Parallèlement
l’information était limitée, son accès difficile et le savoir l’affaire de
quelques-uns. Ce qui limitait la croissance était finalement cette intelligence
à se servir de la matière disponible. Il devenait dès lors logique de payer
très cher des cerveaux exceptionnels et des talents rares, et peu une matière
qui ne l’était pas.
L’organisation
correspondante, même si elle n’était plus taylorisée, restait avec un grand
écart entre une tête pensante et une masse obéissante (d’abord dans les usines,
puis dernièrement dans les bureaux).
Aujourd’hui la
relation s’inverse, car nous consommons notre planète plus vite que les
ressources ne se renouvellent, alors que, grâce aux développements de
l’éducation, de l’informatique, des
télécommunications et d’Internet, la quantité d’informations disponibles
explosent et que son accès est quasi universel.
On voit déjà se
transformer les modes de management et d’organisation, avec l’émergence de
réseaux horizontaux, la diffusion des connaissances et des processus de
décisions, l’acceptation d’une direction intégrant le lâcher prise.
Côté production,
comment imaginer que nous allons pouvoir durablement produire des voitures en
nombre croissant qui, la plupart du temps, restent immobiles, et qui, quand par
exception elles se déplacent, le font avec une seule personne à bord, le
conducteur ?