30 janv. 2014

DEVENIR UN FLEUVE POUR ÊTRE UNE ENTREPRISE LEADER

Les Matriochkas d’une stratégie résiliente – Vidéo 2
Comment devenir une entreprise autour de laquelle se structure les actions des autres, tel un fleuve qui attire ses affluents…

29 janv. 2014

ON COMMENCE PAR HASARD, ON RÉUSSIT PAR CHOIX

Les Matriochkas d’une stratégie résiliente – Vidéo 1
Les débuts de toutes les entreprises - Facebook aussi bien que Air Liquide ou 3M - ne sont ni pensés a priori, ni le fruit d'une réflexion stratégique approfondie. Ce n'est que dans un 2ème temps, que se pose la question d'identifier pourquoi on est en train de réussir. Les bons Dirigeants sont donc ceux qui sont capables d'identifier ce qui est né par hasard, de se focaliser, puis de s'y tenir.

28 janv. 2014

QUI POURRAIT AVOIR ENVIE D’ÉCOUTER DE LA MUSIQUE EN MARCHANT ?

Les Matriochkas d’une stratégie résiliente (2)
Ce qui est vrai dans ces moments initiaux, l’est encore souvent plus tard.
Savez-vous qu’en 1927, Harry Warner, un des quatre frères Warner à l’origine des studios Warner Bros, affirma : « Qui pourrait bien avoir envie d’entendre les acteurs parler ? », et qu’en 1943, Thomas Watson Président d’IBM dit : « Je pense qu’il y a la place pour peut-être cinq ordinateurs dans le monde entier ». Pourtant quelques années plus tard, leurs entreprises devenaient des leaders mondiaux grâce à ces innovations jugées au départ par eux sans potentiel.
En 1964, Spencer Silver, un chimiste de 3M, invente en s’amusant, une drôle de colle qui ne colle qu’à elle-même. Faute d’applications, elle échoue dans un placard. En 1974, Art Fry, un collègue de Silver, a l’idée d’utiliser cette colle pour fixer les signets qu’il utilise comme marquer les psaumes dans son hymnaire. Non seulement, cela marche, mais il peut même les repositionner. Reste à améliorer le procédé et à trouver comment lancer le produit, ce qui prendra encore quatre ans. Ce n’est qu’en 1978 que le produit est testé avec succès et qu’en 1980 qu’il prend le nom de Post-it. Vous connaissez la suite…
A la fin des années soixante-dix, les ingénieurs de Sony Electronics développent le Pressman, un prototype pour permettre aux journalistes d’enregistrer facilement leurs interviews. Mais pas moyen d’arriver à une qualité sonore suffisante pour faire ensuite la transcription, aussi ce prototype est mis au rebut, et ne sert aux ingénieurs qu’à écouter de la musique dans leur bureau. Un peu plus tard, parce que Masaru Ibuka, co-fondateur de Sony, veut pouvoir écouter de la musique dans les avions lors des vols long-courriers, ces ingénieurs reprennent ce prototype, suppriment toute fonction d’enregistrement et le dotent d’un casque. Impressionné par le résultat, Ibuka en parle à son collègue Akio Morita. Celui-ci se tourne vers les équipes marketing qui lui disent que l’idée n’a pas d’avenir : qui pourrait bien avoir envie de marcher dans la rue en écoutant la musique au travers d’un casque ? Les revendeurs ne croient pas non plus à un appareil qui ne sert qu’à écouter. Mais Akio et Masaru s’obstinent et font développer le produit. Le Walkman allait naître…
Ainsi l’émergence n’est-elle pas l’apanage des petites entreprises : elle est aussi le cas des grandes. Est-ce à dire donc qu’il ne sert à rien de réfléchir à long terme et de se fixer un objectif ? Réussit-on simplement quand on a de la chance ? Les entreprises qui gagnent sont-elles juste celles qui ont eu la présence d’esprit d’amplifier et mondialiser ce qui était né par hasard ?
Je ne le crois pas… et même pas du tout.
(extrait des Radeaux de feu)

27 janv. 2014

SEULS DES HOMMES NOUVEAUX POURRONT GÉNÉRER LE SURSAUT NÉCESSAIRE

La transformation de la France suppose une compréhension profonde et intime de la mondialisation en  cours
Il y a un peu plus de deux ans, je publiais un article « Non, le futur n’est pas la reproduction du passé en pire » qui en appelait, quelques mois avant l’élection présidentielle, à la prise de conscience que notre futur en France était largement entre nos mains.
L’essentiel de mon propos était de m’attaquer d’abord au mot même de crise, qui masquait le fait que ce que nous vivions était un processus de transformation, et qu’il était illusoire et dangereux de croire qu’il serait transitoire, et qu’il était possible de revenir à un passé, largement d’ailleurs enjolivé et réinventé.
Cette passage à ce que j’appelle le Neuromonde, repose sur trois moteurs qui se complètent et se renforcent :
- Les niveaux et le mode de vie convergent entre tous les pays,
- Le système économique et industriel passe de la juxtaposition d’entreprises et d’usines, à un réseau global et de plus en plus complexe,
- L’humanité passe d’une juxtaposition d’individus et d’appartenances, à, elle-aussi, un réseau global et de plus en plus complexe
Dès lors raisonner à partir des anciennes logiques, ou attendre que tout se règle de soi-même sont toutes deux dangereuses, ce d’autant plus que de nouveaux défis apparaissent :
- Quelle est la place d’un individu et quelle sera sa liberté dans un monde de réseaux ?
- Comment ne pas remplacer les inégalités entre pays, par des inégalités pires à l’intérieur de chaque pays ?
- Comment ne pas accélérer la consommation de notre planète ?
- Et enfin, quelles structures politiques pour ce Neuromonde ?
Je terminais mon article par un appel à la compréhension que ce Neuromonde était certes nouveau et incertain, mais qu’il était porteur de nouvelles richesses, et qu’il était de la responsabilité des politiques, et singulièrement de ceux qui voulaient devenir Président, d’expliquer que la France, forte de son passé et de tout son capital accumulé, avait les ressources de faire face à ce défi, ce sous deux conditions :
- Avoir confiance en un futur meilleur et mobilisateur,
- Développer une politique de solidarité pour que ce ne soit pas les plus faibles qui pâtissent des changements en cours
Qu’en est-il donc plus de deux plus tard ?
Malheureusement peu de chemin a été parcouru, et l’élection présidentielle française de 2012 n’a pas été – c’est un euphémisme… -  l’occasion de cette prise de conscience.
Le seul progrès que je vois, et il est essentiel, est que tout un chacun comprend de plus en plus que la crise n’est pas un phénomène transitoire, mais bel et bien une transformation.
Par contre, je vois peu de responsables capables de se projeter en exprimant une vision et en étant des catalyseurs de confiance. Pourtant comment croire que tout un chacun se mobilisera, s’il continue de penser que les sacrifices d’aujourd’hui ne conduiront qu’à un futur pire que le présent ?
De même, les égoïsmes sont aussi largement omniprésents, chacun se crispe sur ses acquis, et ceux qui sont en situation de le faire, cherchent le plus souvent à accroître puissance et avantages.
Peu de raison apparemment d’être optimiste.
Mais cette étape était probablement encore nécessaire, et la France semble d’être enfin en train de se réveiller. Il est temps, et il devient urgent de sortir de notre dépression collective.
Il est temps aussi que nous apprenions à arrêter de gaspiller les ressources qui sont les nôtres :
- Nous ne devons plus continuer à accepter d’avoir des structures politiques et administratives qui se chevauchent, se bloquent mutuellement, et in fine, détruisent de la valeur en augmentant sans cesse les prélèvements publics sans contrepartie réelle,
- Nous devons réapprendre à élaborer des solutions plus spartiates et plus économiques, car nous n’avons plus les moyens de dépenser inutilement
Croire que ce sursaut viendra des hommes politiques actuels, ce quel que soit leur bord politique, est illusoire. Ils sont trop issus du système actuel, ont une trop faible compréhension et pratique de la dimension mondiale de la transformation, et finalement trop à perdre, eux-mêmes, pour cela.
Seuls des hommes nouveaux peuvent et pourront générer ce sursaut. C’est donc de ce côté qu’il faut maintenant tourner ses regards, et commencer à agir.
À chacun de se lever. Nous sommes tous des citoyens, et la France sera ce que nous en ferons.

24 janv. 2014

DES COULEURS, DES FORMES, DES RIENS…

Murs (2)
Est-ce un mur ou la palette d’un peintre ?
De-ci de-là, sont jetées des tâches de couleur, comme essuyées à la va-vite. Pourquoi donc ces bribes de rouge, de rose et d’orange ?
Je rêve d’un peintre assis devant le mur. Tout à son travail, il ne se rend pas compte que, de temps en temps, des couleurs lui sont volées, et sautent sur la paroi voisine.
Ou n’est-ce pas plutôt ce chien le responsable ? Dès qu’il aperçoit un mur couvert d’une peinture fraiche, il se frotte contre lui, court le plus vite possible pour arriver chez lui avant que la précieuse pellicule ne soit sèche, et une fois arrivé, la dépose…
Cette fois ce ne sont plus les couleurs qui jouent entre elles, mais surtout les matières.
Le mur se fait creux et plein, des briques surgissent derrière l’enduit, quatre minces colonnes, des tuiles empilées…
A chacune sa couleur bien sûr, mais d’abord sa matière. Plate, ronde, lisse, rugueuse…
Que dire de la troisième ?
Probablement me taire et la laisser parler d’elle-même.

A quoi bon commenter…

23 janv. 2014

LA VÉRITÉ, C’EST QUE J’AVAIS UNE IDÉE, UNE IDÉE PAS FAMEUSE…

Les Matriochkas d’une stratégie résiliente (1)
Tout au début du vingtième siècle, Georges Claude, ingénieur chimiste, invente l’acétylène dissous, mais le développement de cette innovation est bridé par le prix trop élevé du carbure de calcium. Il pense alors pouvoir réduire ce dernier, en remplaçant l’électricité nécessaire à la fabrication du produit, par la combustion du charbon par l’oxygène. Sans succès. Mais du coup, il s’intéresse à l’oxygène et invente un nouveau processus de liquéfaction de l’air. C’est ce qui assure le décollage de son entreprise. Au passage, l’oxygène sauvera aussi l’acétylène dissous en lui apportant le débouché du soudage et du coupage. Ainsi la boucle est bouclée, et l’aventure d’Air Liquide part… mais pas du tout comme il l’avait prévu. La vision et la stratégie n’ont pas été conçues a priori, elles ont émergé du chaos et de l’enchaînement des actions. C’est ce qu’il résume lui-même : « La vérité, c’est que j’avais une idée, une idée pas fameuse, mais qui a eu quand même d’utiles conséquences, comme il arrive parfois aux plus mauvaises idées. »
En 1902, cinq hommes d’affaires de Two Harbors dans le Minnesota fondent la société Minnesota Mining & Manufacturing (3M). Leur objectif : exploiter une mine dont ils pensent qu’elle renferme un corps minéral idéal pour la fabrication de papier de verre et de meules. Mais ce corps minéral s’avère de piètre qualité, et trois ans après, 3M part s’installer à Duluth pour se concentrer sur la fabrication de papier de verre. Encore cinq ans et surtout des années difficiles, 3M quitte Duluth pour St Paul dans le Minnesota. Enfin, les innovations techniques et commerciales commencent à porter leurs fruits et, en 1916, 3M verse son premier dividende. Pouvaient-ils imaginer qu’ils prendraient successivement pied en 1925 dans les rubans adhésifs, le célèbre scotch, dans les années quarante dans les rubans magnétiques, en cinquante dans les tampons de récurages, puis pêle-mêle dans les produits pour la radiologie, le contrôle d’énergie, le marché des bureaux, les produits pharmaceutiques modificateurs de la réponse immunitaire, et le fameux Post-it ? Pas vraiment… Un point commun, l’innovation autour de l’enduction d’un support, et la capacité à la décliner mondialement dans des applications multiples. L’art de construire de grands chiffres d’affaires en agglomérant des multitudes de niches.
Rappelez-vous ces fourmis de feu qui apprennent à construire des radeaux pour survivre sans que l’on sache bien comment, et qui sont capables de s’agripper les unes aux autres dès qu’elles sentent l’inondation arriver. Certes à nouveau nous ne sommes pas des fourmis, mais il y a plus de proximité entre la réalité de la naissance d’Air Liquide ou de 3M et leurs radeaux, qu’avec les matrices d’analyse stratégique du Boston Consulting Group ou de McKinsey, ou la recherche de « Patterns » de Mercer Management Consulting.
(extrait des Radeaux de feu)


22 janv. 2014

COMMENT LES ENTREPRISES POURRAIENT-ELLES DIRIGÉES COMME ON RÉSOUT UNE ÉQUATION MATHÉMATIQUE ?

Le management par émergence
« Comment existerait-il une théorie et une science là où les conditions et les circonstances restent inconnues et où les forces agissantes ne sauraient être déterminées avec précision ? Quelqu’un peut-il deviner quelle sera la position de notre armée et celle de l’ennemi dans vingt-quatre heures d’ici ? (…) Où peut donc être la science là où tout est vague, où tout dépend de circonstances innombrables, dont la valeur ne saurait être calculée en vue d’une certaine minute, puisque l’instant précis de cette minute est inconnu ? » (1)
Notre monde est habité d’experts de tous poils qui, doctement, nous assènent des prévisions qui sont sans cesse démenties. Si certaines se révèlent exactes, ce n’est que le fruit de leur grand nombre : à force de tout dire et son contraire, certaines se trouvent a posteriori valides, mais comment les repérer a priori, noyées qu’elles sont dans la horde des projections de ces cartomanciens modernes.
Je vois aussi des dirigeants qui imaginent que l’incertitude qui les environnent, peut être réduite, que les erreurs faites dans les business plan témoignent de l’incurie de leurs collaborateurs, et que, face aux aléas et aux exigences sans fin croissantes des financiers, c’est dans le renforcement du contrôle et de leur pouvoir qu’ils trouveront le salut.
Voilà donc les deux soi-disant sauveurs de l’économie contemporaine et mondiale, d’un côté les gourous de la macro-économie qui, du sommet de leurs tours d’ivoire, sauraient ce qui va arriver, de l’autre, les capitaines d’industrie qui, cabrant leur monture et jouant des muscles, pourraient dompter l’immensité de leur entreprise. Comment le croire sérieusement, quand notre monde est tissé d’emboîtements se propageant sans cesse, d’incertitudes accélérant continûment, et d’émergences de propriétés nouvelles, jugées la veille inimaginables ?
Comment les entreprises pourraient-elles dirigées comme on résout une équation mathématique, alors que les mailles du Neuromonde vibrent de plus en plus globalement sous les chocs imprévus des aléas locaux, que les hommes et les femmes qui les peuplent ont des capacités élargies, et que chacun devient tête d’un réseau et générateur d’ondes nouvelles se propageant immédiatement sur toute la planète ?
Comment ne pas être pris de vertige devant les dimensions infinies de la bibliothèque de Babel qui nous fait face ? Comment ne pas se voir de plus en plus comme des fourmis de feu dépassées par la puissance de ce qu’elles ont construit, et qui, tout en les renforçant, les emporte vers des horizons inconnus ?
Aussi plutôt que de vouloir modéliser ce qui émerge, acceptons-le et apprenons à tirer parti de ces radeaux qui se construisent sans que nous sachions bien comment. Comprenons que l’ambition suppose d’abord un regard réaliste sur nos capacités, et donc la modestie d’admettre que la solution n’est ni dans la crispation, ni dans la mathématisation de ce qui ne peut pas l’être.
Voilà le défi moderne du management : dans un monde en création et transformation perpétuelles, où de nouvelles propriétés s’inventent continûment, il faut passer au management par émergence, et donner un sens au collectif en mélangeant anticipation et acceptation, leadership et lâcher-prise, soutien et découverte.
Telles les fourmis de feu qui, ayant construit un radeau qu’elles n’ont pas modélisé, ne sont pas arrêtées par les inondations, et acceptent que leur survie passe par une dérive temporaire avant de pouvoir reprendre leur marche en avant, apprenons à nous appuyer sur ce que nous ne comprenons pas, mais peut nous sauver.
(1) Léon Tolstoï, La Guerre et La Paix, Tome II, Chapitre IV, XI

(extrait des Radeaux de feu)

21 janv. 2014

NOTRE NEUROMONDE ET L'ACCÉLÉRATION DE L'INCERTITUDE

Vidéo « Les Radeaux de feu » (7)
Pourquoi notre Neuromonde, c’est-à-dire un monde connecté et où "nous nous touchons" tous, génère-t-il une accélération de l'incertitude.

20 janv. 2014

FIN D’ÉTAPE…

Du Big Bang au Neuromonde
Nous voilà arrivés à la fin du patchwork au sein des deux premières parties des Radeaux de feu.
Nous avons cheminé depuis le Big Bang au travers du minéral, du végétal, de l’animal et de l’humain. Nous y avons trouvé une histoire du monde, tissée d’incertitude croissante et accélérée, d’emboîtements sans cesse foisonnants, et d’émergences nouvelles.
Nous avons ensuite erré dans les allées du Neuromonde, notre monde naissant où tout est connecté, où le connectif remplace le collectif, où les entreprises mutent en méga-entreprises, où plus que jamais des Dirigeants sont nécessaires, mais des Dirigeants conscients du dépassement qui les entoure et les habite.
Il va être temps de passer au management par émergence et à son explicitation concrète. C’est à cela que sera consacré la suite du patchwork.
Il abordera successivement les points suivants :
- Comment construire une stratégie résiliente en emboîtant des actions changeantes et imprévisibles dans une enveloppe stable,
- Avoir une ergonomie des actions émergentes facilitant la prise en compte des diversités réelles et la convergence globale,
- Diriger en se centrant sur la recherche de sens, et de compréhension pour être un ciment porteur de confiance

17 janv. 2014

JEUX DE COULEURS

Des murs (1)
Dénuement du mur de ma chambre.
Une peau orangée me fait face. Derrière, Hampi, le jeu des pierres superposées, des ruines désenfouies, des présents démantelés.
Tout vibre en moi, mais rien ne pénètre cette pièce. Seuls témoins, un short, et deux tee-shirts imprégnés de sueur.
Sans raison explicite, le jeu des couleurs, le contraste des formes, le dessin des lignes, tout me ramène en ce lieu magique…
Autres murs, autres couleurs, mais toujours la même simplicité et le même dépouillement.
Quelques lignes brutes, raides et anguleuses. Du vert qui court autour d’elles et les souligne, et recouvre aussi portes ou volets.
Aucune volonté de faire beau, aucune prétention, aucune œuvre d’art décidée.
Et pourtant un équilibre et une justesse d’où émanent calme et beauté…
Encore des murs.
Le bleu y quitte le ciel pour devenir aplat. Le vert s’est nourri de jaune, et se fait végétal. Un peu de rouge s’est inséré comme subrepticement.
La vie n’est pas loin. Abritée derrière ces paravents de briques, elle a laissé des indices. Un vélo, un peu de linge.

Parfois ainsi, l’Inde sait ne pas se faire bouillonnante, et permettre à l’esprit de vagabonder tranquillement…

16 janv. 2014

ET POURTANT DIRIGER EST PLUS QUE JAMAIS NÉCESSAIRE

L’entreprise au cœur de l’incertitude et des émergences (4)
Au nom de la complexité des organisations, du foisonnement irréductible des décisions, de l’émergence continue, ne faut-il rien faire ? L’art du management par émergence serait-il celui d’un dirigeant spectateur, qui, depuis un pont ou un hélicoptère, admirerait son entreprise avancer vers sa mer, toute seule, et trouver d’elle-même le bon cap ? La bonne façon de diriger serait-elle de prendre de longues vacances, de ne surtout pas intervenir, de travailler son handicap au golf, ou de devenir un expert cinématographique ? Ou, alors dans un élan mystique, convaincu que, derrière la richesse du foisonnement de notre monde, une présence divine serait probable et que ce serait elle qui guiderait l’avancée des choses, faudrait-il passer son temps dans des églises, des mosquées ou des synagogues ? 
Évidemment non ! L’acceptation de ses propres limites et la compréhension de la complexité doivent conduire au lâcher-prise, qui n’est pas le laisser-faire.
Sans leadership, l’entreprise se désagrégera aux hasards des initiatives prises : puisque chacune de ses composantes est soumise à un champ de forces spécifique, et que chaque dirigeant local construira progressivement sa propre interprétation et sa propre compréhension de ce qu’il faut faire, elle implosera. Rapidement la culture commune n’existera plus, et ses différentes composantes ne se comprendront plus. Dans le meilleur des cas, la solution passera par sa scission en autant d’ensembles qu’il y aura eu de dérives locales. Le plus souvent, elle disparaîtra, sans laisser d’autres traces que des souvenirs et des regrets.
Ou risque symétrique, elle se soudera chaque jour un peu plus, se coupera du monde extérieur, dérivera et, sans s’en rendre compte, s’éloignera de ce qu’elle vise, ou encore continuera en s’en rapprocher, mais trop lentement, sans voir qu’elle s’est faite doubler par des concurrents plus efficaces. Forte de ses convictions internes, persuadée de sa supériorité, aveuglée par son expertise passée, elle se réveillera trop tard, perdue et loin de tout, irrémédiablement distancée. Les usines fermeront les unes après les autres, faute de compétitivité globale ; les budgets marketing seront amputés, accélérant et suscitant les baisses de part de marché ; les rémunérations seront revues à la baisse, et les meilleurs s’en iront…
(…) Ainsi en résumé, la décision émergente doit être prise et assumée, tout en sachant que son impact en tant que telle est limité, car elle n’est qu’une au milieu d’un très grand nombre d’autres, et que sa rationalité propre est limitée.


(extrait des Radeaux de feu)

15 janv. 2014

UN HOMME SEUL NE PEUT RIEN

L’entreprise au cœur de l’incertitude et des émergences (3)
La plupart des livres de management, des colloques ou des propos d’experts tournent autour de la décision : comment décider dans l’incertitude ? Les actionnaires, comme les salariés ou les pouvoirs publics semblent rêver d’un gourou charismatique qui saurait trouver le cap et sauver son entreprise du chaos environnant.
Mais comment dans un Neuromonde tissé d’incertitudes croissantes, du foisonnement de matriochkas s’emboîtant et se chevauchant, d’émergences multiples et imprévues de propriétés rendant obsolètes ce qui était pensé comme certain la veille, un dirigeant, seul ou avec une équipe rapprochée, pourrait-il sauver une collectivité ? A-t-on jamais vu une tribu de fourmis de feu sauvée par quelques individus ? Il n’y a que dans les rêves d’un cinéaste que la fourmi Z-4195 peut à elle seule sauver toute sa communauté !
Daniel Kahneman est un de ceux qui a le mieux montré les limites de l’homme miracle. Dans son dernier livre, Thinking fast and slow, il s’en prend au mythe tant de la « main magique » dans le basket professionnel que du PDG sauveur de son entreprise :
« Bien sûr, certains joueurs sont plus précis que d'autres, mais la séquence de tirs ratés et réussis satisfait tous les tests du hasard. La main magique n'est vraiment qu'une vue de l'esprit, les spectateurs étant toujours trop prompts à vouloir déceler ordre et causalité au cœur du hasard. »
« Si le succès relatif d'entreprises semblables était déterminé entièrement par des facteurs que le PDG ne contrôle pas, vous vous apercevriez que dans 50 % des cas, la société la plus forte serait dirigée par un PDG moins efficace. Avec une corrélation de 0,3, vous croiserez le meilleur PDG aux commandes de la meilleure entreprise dans 60 % des paires. (…) Ne vous y trompez pas : améliorer les chances de succès en les faisant passer de 1 pour 1 à 3 contre 2 est un avantage incontestable, tant sur le champ de course que dans les affaires. » (1)
En effet si l’impact direct du leader est réel, n’est-il pas évident qu’au fur et à mesure du déploiement du Neuromonde et des méga-entreprises, il est de plus en plus limité, et que tout dirigeant est de moins en moins légitime à clamer que c’est d’abord grâce à lui seul que le succès est arrivé ?
(1) Daniel Kahneman, Thinking Fast and Slow, Kindle Edition, emplacements 2585 et 4613
(extrait des Radeaux de feu)


14 janv. 2014

LA MATIÈRE EST DEVENUE RARE, ET L’INFORMATION SURABONDANTE

L’entreprise au cœur de l’incertitude et des émergences (2)
Jusque très récemment, tant que nous, humains, étions en petit nombre, et que la plupart d’entre nous consommions peu par individu, la question des ressources physiques ne se posait pas vraiment. Ou plus exactement, le facteur limitatif n’était pas leur disponibilité, mais notre capacité à les trouver et à les exploiter : comment mieux les extraire, les combiner, et qu’en faire.
Face à cette abondance, le modèle économique dominant s’est construit sur le peu de dépendance vis-à-vis des matières premières. Un axiome implicite était qu’elles seraient toujours là, en quantité suffisante, quoi qu’il arrive. Il y avait bien une bataille pour l’accès à certaines ressources critiques, comme par exemple le charbon, le pétrole ou des matériaux rares, mais c’était pour permettre à quelques entreprises d’asseoir leur supériorité et leur domination via ce contrôle.  Globalement, il n’y avait pas de pénurie, elle était artificiellement créée par des monopoles ou des oligopoles.
Parallèlement l’information était limitée, son accès difficile et le savoir l’affaire d’un petit nombre. Malgré l’abandon progressif du taylorisme initial, les organisations continuaient à reposer sur un grand écart entre une tête pensante et une masse obéissante. Puisque ce qui limitait la croissance était la rareté de cette intelligence et non pas celle de la matière, il était logique de payer très cher des cerveaux et des talents exceptionnels, et peu la matière.
Aujourd’hui la relation s’inverse, car nous consommons notre planète plus vite que les ressources ne se renouvellent, alors que, grâce aux développements de l’éducation, de l’informatique, des télécommunications et d’Internet, la quantité d’informations disponibles explosent et que leur accès est quasi universel.
Ainsi le rapport est-il en train de s’inverser : l’information devient surabondante et constamment accessible, la matière physique se raréfie. Et « la montée inexorable et rapide de l’économie des signes parfaitement mobiles et liquides, nous fait passer sensiblement, selon la formulation d’André Orléan, de l’économie des grandeurs (…) à celle des relations. » (1)
(1)  Charles-Henri Filippi, Les sept péchés du capital, p.55
(extrait des Radeaux de feu)