Vers la connexion globale (1)
Il y a dix ou vingt ans, nous n’étions, chacun de nous, soumis qu’à l’incertitude de ce qui était autour de nous, à portée de notre vue et notre toucher. Nous savions que nous pouvions subir le décès imprévu d’un de nos proches, que le ticket de loterie que nous venions d’acheter pouvait être gagnant ou pas, qu’un client pouvait nous faire défaut, qu’une machine pouvait brutalement se casser, qu’il était imprudent d’affirmer qu’il ferait beau demain, etc.
Par contre, ce qui se passait dans le lointain, dans une autre ville, un autre pays, un autre continent, cela ne nous concernait pas. Nous pouvions regarder serein les informations, sans nous sentir impliqués, car cela n’avait pas de conséquences directes sur notre vie quotidienne, sur notre famille, sur notre emploi, sur notre entreprise, sur notre pays. Et si jamais des conséquences étaient possibles, puisque la vitesse de propagation des effets était suffisamment lente, nous avions le temps de mettre en place les actions correctives nécessaires.
Aussi, ce qui était lointain n’était pas incertain pour nous : il était prévisible, parce que distant. Le monde était partitionné, cloisonné, et nous en avions l’habitude. Nous étions protégés des incertitudes des autres. Certes le champ géographique de propagation des incertitudes s’était étendu au rythme du développement de l’énergie et des transports, mais jusqu’à ces dernières années, la vitesse de propagation restait limitée.
Trois phénomènes majeurs ont changé la donne :
- La croissance de la population humaine s’est brutalement accélérée : en moins de quarante ans, nous venons de passer de quatre milliards d’hommes à sept milliards, alors que nous n’étions qu’un milliard, il y a deux cents ans, et deux cent cinquante millions, il y a mille ans. Demain, en 2050, nous serons probablement neuf milliards. Nous sommes de plus en plus voisins, les uns des autres.
- L’impact de chacun de nous est démultiplié par tous les outils mis à notre disposition : avant, nos outils ne prolongeaient nos bras que de la longueur d’un morceau de bois – un marteau, une pelle, une pioche… Maintenant (…) nous sommes pris dans les mailles de l’effet de nos propres actes, et de ceux des autres : il y a de plus en plus une interaction dynamique entre l’objet sur lequel nous agissons et nous-mêmes. (…)
- Avec le déferlement des technologies de l’information, la partition du monde a volé en éclat : grâce à l’informatique, aux télécommunications et à l’internet tout se propage instantanément, et nous sommes directement et immédiatement exposés à toutes les incertitudes. S’appuyant sur ces réseaux, les entreprises ont globalisé leurs modalités d’actions, et bon nombre de produits sont le résultat d’un processus de fabrication faisant intervenir plusieurs pays, et souvent plusieurs continents.