4 nov. 2008

SURPUISSANCE DE LA NEUROFINANCE

Le texte ci-dessous est un extrait de mon livre « Neuromanagement » dont l’écriture a été terminée en août dernier… Il me semble plus que d’actualité !

« Le système financier fonctionne de plus en plus comme un tout : les bourses réagissent quasiment comme un système unique où les décalages horaires rythment les propagations ; le nombre des monnaies d’échange se réduit ; les systèmes d’assurance et de refinancement mondiaux sont la règle…

… Est ainsi en train de se mettre en place une forme d’espace de travail global qui devient le centre principal des décisions :

- Au vu d’analyses comparatives mondiales construites dynamiquement, des flux financiers se déplacent quasiment instantanément si une opportunité se présente : arbitrage quand un différentiel apparaît entre deux modes de valorisation d’un bien, ou prise de contrôle quand une survaleur peut être créée par un rapprochement ou un démantèlement.

- Un événement qui se produit dans un des sous-ensembles du réseau déclenche progressivement un effet sur l’ensemble du réseau : témoin ce qui s’est passé en 2007-2008 à partir des « subprimes ». Des systèmes de régulation sont mis en place pour piloter ces effets de propagation et les gérer.

- Aucune grande entreprise ne peut agir indépendamment du système financier. Même avec sa puissance financière propre, Microsoft ne peut pas être indépendant de l’évolution de son cours de bourse : la guerre entre Google et Microsoft est d’abord une guerre de valorisation boursière.

- Il est interconnecté avec les Directions des grandes entreprises non financières : les revenus des dirigeants des entreprises cotées sont déterminés de façon croissante par l’évolution du cours de bourse, et non de la performance réelle de leur entreprise. Jugés d’abord en fonction de ce que le réseau financier « pense » de leur performance, ils appartiennent de fait de plus en plus à ce réseau global, et de moins en moins à leur entreprise.

… Cette émergence de cette neurofinance surpuissante peut globalement être un moteur positif de croissance pour l’économie mondiale, si deux conditions majeures sont respectées :

1. Que les outils et les méthodes d’optimisation soient valides :

… La taille du réseau financier et sa complexité font qu’il est de plus en plus difficile à des individus d’en assurer le contrôle : multiplication des logiciels experts, interdépendance entre les sous-systèmes, croissance des informations brassées, évolution en temps réel.

Le management du réseau se fait alors très largement au travers d’outils informatiques : ce réseau central est donc fortement piloté de façon « inconsciente ». Tous les outils liés à l’arbitrage et à l’anticipation sont notamment de plus en plus sophistiqués. Cette sophistication amène à une prise de risque qu’il n’est pas toujours facile d’évaluer.

N’ayant pas vraiment de contre-pouvoir face à lui, le système financier peut dériver.

La crise des prêts immobiliers aux USA en est un bon exemple. Les conséquences des initiatives du trader de la Société Générale en sont un autre…

2. Que la valorisation financière corresponde à la valorisation économique réelle

… Le mode de calcul de la rentabilité d’une activité ne mesure pas nécessairement sa valeur économique : c’est le résultat de conventions plus ou moins proches du réel.

Or la surpuissance du système financier amène à orienter toutes les entreprises dans une logique financière : il devient l’étalon unique de mesures de la performance et influence directement toutes les décisions prises dans les entreprises.

… L’exactitude des modèles utilisés devient donc critique.

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Ainsi, sans contre-pouvoir face à lui, à force de renforcer sa puissance, à force d’élargir son étendue, à force de complexifier sa structure, le système financier risque de dériver du réel, c’est-à-dire de se décorréler de la production effective de richesse.

Attention à ne pas avoir un système central surpuissant…mais malade. »

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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

3 nov. 2008

QUAND L'INCONSCIENT EMPÊCHE L'ACTIVITÉ DE VIVRE…

Depuis peu Président Directeur Général d’une grande entreprise d'équipements de télécommunications, il était avant tout un spécialiste des processus industriels lourds et n’avait jamais managé de métiers grand public à cycle de développement très rapide. Comme la plupart des dirigeants de son entreprise étaient eux aussi essentiellement issus d’une culture industrielle, l’affaire fut vite entendue : la logique dominante de l’organisation des télécommunications serait celle du marché des infrastructures, et le marché des terminaux portables lui serait rattaché.

Or, si le marché des infrastructures est un marché professionnel très concentré – pour l’essentiel, les clients sont les opérateurs de télécommunications –, le marché des terminaux portables est lui un marché grand public où le marketing et la communication sont essentiels. Handicapée par cette organisation qui ne tenait pas compte des différences structurelles entre les deux métiers, l’activité des terminaux n'a jamais pu faire face vraiment à sa concurrence : freinée dans ses prises de décisions, elle a été constamment en retard d’une gamme de produit ; surestimant la dimension technologique, elle a eu un handicap en matière d’ergonomie et d’interface utilisateur ; sous-investissant en communication et pression commerciale, elle n’a jamais émergée dans le bruit ambiant.


Elle en est morte à petit feu sans que la Direction Générale ne se rende réellement compte de « l’inconscient de structure » généré par l’organisation…
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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

31 oct. 2008

LE POUVOIR MAGIQUE DANS LES ENTREPRISES

Ci-dessous quelques extraits choisis du nouveau livre de Jean-Michel Théron, « Le Pouvoir Magique » (Pearson Éducation France 2008).
Pourquoi ? Parce que c’est un ami et que ses propos, lui qui est Directeur Général d’Inéo, une grande filiale de GDF-Suez, viennent en résonance avec les miens…
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La paranoïa, potion magique du manager ? : « Ce sont les magiciens de leur propre esprit. Ils y reconstruisent un modèle de leur environnement et de leur action qui s’écarte, souvent de façon ponctuelle et légère, de la réalité. C’est en fonction de ce modèle qu’ils interprètent les signaux qu’ils reçoivent. »
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Le chamanisme Microsoft : « Je suis arrivé depuis longtemps à la conclusion que des projections chiffrées sur Excel valent très précisément ce que vaut la parole de l’individu ou de l’équipe qui les présentent. S’ils ont l’habitude de réussir ce qu’ils entreprennent, s’ils ne s’engagent pas à la légère, s’ils connaissent leur sujet, inutile de vous attarder sur le détail des chiffres : ils feront ce qu’ils ont annoncé… Il n’y a en effet pas de différence entre l’utilisation d’Excel telle que je viens de la décrire et la méthode consistant, à partir de la date de naissance du grand-père de Guillaume II, à lui ajouter la somme de ses nombres, puis la somme de la somme de la somme de ses nombres, à ajouter le nombre sympathique et après quelques manipulations du même genre à trouver la date de la Première Guerre Mondiale. »
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Les magiciens de la gestion rationnelle : « La variété des activités des grands groupes est telle que leurs managers sont inévitablement amenés à traiter des domaines qui leur sont étrangers et dont ils doivent se construire des représentations mentales en l’absence de toute expérience… Cette pensée rationalo-magique prospère d’autant plus dans les grandes structures qu’elle est protégée de l’épreuve de la réalité par de nombreux échelons intermédiaires qui œuvrent pour que l’entreprise ou le groupe ne fassent pas faillite. »
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Gourous, chamans, derviches, sorciers, marabouts, … : « Gérer une entreprise, résoudre ses problèmes, c’est difficile, pénible, long, dangereux, comme conduire pendant des semaines ou des mois une caravane de chameaux grincheux dans les sables brûlants, avec la hantise d’être attaqués par surprise par une bande de pillards. A ces managers fatigués, assoiffés, anxieux, ou tout simplement paresseux, les marabouts de l’entreprise proposent le tapis volant de leur méthode qui les transportera en un clin d’œil, sans fatigue et sans danger, à l’oasis du succès. »

28 oct. 2008

SAVOIR APPORTER DES CARAFES D'EAU SANS Y PENSER

Imaginez-vous dans un restaurant et vous venez de demander au garçon qui passe une carafe d'eau. Or il se trouve que votre table n'est pas de sa responsabilité.
Dans beaucoup de restaurants – et singulièrement à Paris ! –, il va vous répondre : « Ce n'est pas ma table ».
Chaque fois que nous vivons ce type d'expérience, nous ressentons une profonde frustration, voire un énervement certain. Il s'agit bien d'un dysfonctionnement de la prestation client.
Est-ce que c'est au manager d'intervenir ? Non, car s'il doit intervenir sur des sujets aussi élémentaires, il va falloir qu'il intervienne sur tout et n'importe quoi.
Donc c'est bien au garçon de gérer la situation.
Que doit-il faire ? Doit-il ne rien dire et vous apporter la carafe d'eau ? S’il le fait, vous allez être effectivement satisfait. Mais s’il ne s'est pas trompé et que c'est bien un autre garçon qui a en charge votre table, il vient de prendre une initiative en contradiction avec sa mission affectée, sauf si explicitement le cas de la carafe d'eau a été indiqué comme dérogatoire.
Dès lors, après avoir apporté cette carafe, pourquoi, quand il passe dans la cuisine et qu'il voit qu'un plat est en retard, ne s'arrêterait-il pas un moment pour cuisiner ? Ou apercevant un client qui arrive en voiture, n'irait-il pas la garer ? De proche en proche, ce sont toute l'organisation du restaurant et donc sa performance, qui vont se trouver déstabilisées : c'est un restaurant où on aura peut-être rapidement sa carafe d'eau mais où plus rien ne fonctionnera !
Donc si ce n'est pas le rôle du garçon d'apporter une carafe d'eau, il ne doit pas le faire : il doit savoir qui est en charge de cette table, et, sans rien dire au client, prévenir le bon garçon de la demande de la carafe d'eau.
Ainsi vous, en tant que client, vous aurez le service attendu et l'organisation prévue aura été respectée.
Dans ce cas, pour le manager, on aura alors un fonctionnement « inconscient » du restaurant qui sera capable d'apporter rapidement et efficacement une carafe d'eau à tout client : comme pour un individu, ce fonctionnement "automatique" sera le résultat d'un apprentissage.
Le restaurant a appris à marcher – apporter des carafes d'eau – sans y penser ... ou presque : Le manager peut se centrer sur ses missions propres, l'organisation générale fonctionne et le client a sa carafe.
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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

26 oct. 2008

PROUST EN BANDE DESSINÉE … A QUAND LA BAIGNADE QUI NE MOUILLE PLUS ?

Vendredi, il est 14 heures et je marche place de la Bastille quand j'aperçois une publicité pour Proust en bande dessinée. Renseignement pris, ce n’est pas une nouveauté, j’ai manqué les épisodes précédents.
Drôle de monde du marketing : lire Proust en bande dessinée, c’est un peu comme vouloir se baigner sans se mouiller. Paradoxe.
J’ai lu Proust une première fois il y a quelques années. Puis à nouveau, il y a un peu plus d’un an à l’occasion de mon voyage au sein des Neurosciences (
c’est ce qui a aboutit à mon livre « Neuromanagement » ).
J’avais alors éprouvé le besoin de me replonger dans cette navigation mémorielle, dans ce flot de mots qui surfent dans un mélange d’émotions enchevêtrées. Cela m’avait paru comme une évidence, comme un complément naturel à mon cheminement d’alors.

Enlever les mots de Proust, les mettre dans des bulles accompagnant des illustrations ce n’est pas le trahir, c’est pire : c’est le détruire…
Quel intérêt de « lire Proust » en bande dessinée ? Qui aurait l’idée de « voir un film » à la radio ? D’écouter de la musique en coupant le son ? Ou de plonger dans une piscine en prenant garde à ne pas se mouiller ?
Faisons attention à ne pas tout dénaturer à force de tout survoler…
Si vraiment vous êtes à la recherche du temps perdu, en voilà un rapide à gagner : ne « lisez » pas Proust en bande dessinée !

22 oct. 2008

UN TRAIN A NE PAS MANQUER !



Pourquoi montrer ce film ?
D'abord quelques mots sur son origine.
J'ai tourné cette vidéo cet été en Inde. Je venais de quitter la ville d'Orchha dans le Nord de l'Inde où se tenaient des festivités pour un pèlerinage. Nous avions dû nous arrêter car un passage à niveaux était fermé. J'étais plutôt content de cet arrêt : occasion de marcher quelques instants, d'acheter des beignets chez un vendeur ambulant, puis de me mêler à la foule qui attendait. Nous étions juste au bord de la gare et j'ai alors sorti ma camera, pensant ne filmer qu'une banale arrivée de train. Quelques minutes plus tard, on entend le train approcher, je suis en position et filme...
Et alors à ma grande surprise, je vois ce que vous pouvez apercevoir dans la vidéo : un train non seulement bondé à l'intérieur - c'est banal en Inde, surtout lorsqu'il y a un pélerinage - mais aussi rempli sur le toit !

Alors donc pourquoi vous montrer ce film ?
D'abord pour vous distraire - j'espère que j'y parviens ! - : Il est important de savoir ne pas être sérieux ... du moins pas tout le temps !
Ensuite parce que, si, pour vous et moi, cette vidéo est surprenante - et j'imagine que c'est le cas -, pour la population locale, rien de tel : personne n'a paru surpris de voir ce toit rempli. Le conducteur du train roulait moins vite, les passagers avaient plus de place, les spectateurs ont salué l'arrivée...
Enfin, parce que, si j'ai pu tourner cette vidéo, c'est parce que j'étais prêt à l'avance, sans bien savoir ce que j'allais filmer : si j'avais dû sortir ma camera quand le train était en train d'arriver, quand il était possible de voir que la vidéo pouvait être originale, il aurait été trop tard. Le temps de la sortir et d'être en position, le train serait déjà passé...

Ainsi ce qui est surprenant pour les uns est banal pour les autres (voir "En Chine, on écrit pour se comprendre")...
Et si je veux pouvoir innover, je dois être disponible...

Si jamais la SNCF veut s'inspirer de cette vidéo pour accroître la capacité des TGV, libre à elle ! :-)


Bon film !

19 oct. 2008

SANS EFFETS MIROIRS, LES ENTREPRISES NE PEUVENT PAS RESTER CONNECTÉES AU RÉEL

Assis confortablement dans mon salon, je regarde distraitement la télévision. Sur l’écran, défilent les images d’un documentaire sur l’environnement. Un de plus.
Pour une fois le ton n’est ni dogmatique, ni catastrophique : le réalisateur a eu l’intelligence de laisser les images parler d’elles-mêmes.
Progressivement, je me sens entrer involontairement en résonance avec les propos : c’est bien ma planète que je suis en train de détruire. Un sentiment de culpabilité se diffuse en moi. Impossible de continuer à agir comme avant, impossible de ne plus réfléchir, impossible de ne pas mobiliser ma conscience pour aider à traiter ce problème : faire le bilan des mètres cubes d’eau gâchée, des kilowatts d’électricité brûlée pour rien…
Violences des images du tsunami qui a tout emporté sur son passage en Thaïlande, des tours de Wall Street qui s’effondrent, d’un enfant brûlé par le napalm pendant la guerre du Vietnam… Toutes ces violences exigent de nous une réponse : nous nous sentons mobilisés. Puissance et force de ces neurones miroirs qui nous font entrer en résonance avec les émotions perçues : génétiquement câblés pour la survie de notre espèce, nous décodons l’urgence des situations.
Vouloir faire changer les choses, c’est donc d’abord mettre les individus en face des conséquences de leurs actes : émotionnellement déstabilisés, nous sommes alors prêts à agir. Mais cela ne va pas suffire. Il faut que notre système conscient ne vienne pas contredire notre moteur émotionnel : quelles sont les interprétations que nous faisons de la situation actuelle et quelle en est notre compréhension ? En quoi nos actions individuelles peuvent-elles se relier à ce que nous voyons et ressentons ?
Quelles sont nos marges de manœuvre et sur quoi pouvons-nous vraiment agir ?
Effet miroir pour déclencher le besoin d’agir, analyse consciente pour déterminer les modalités d’action : le but est d’arriver à transformer les interprétations qui sont le support de la conscience. Car, comme le dit Lionel Naccache dans Le Nouvel Inconscient : « J’interprète, donc je suis. ». (
voir « l’inconscient se cache souvent derrière des télescopages » )
Dès 1670, Spinoza, dans Éthique, écrivait : « L’Esprit humain ne perçoit aucun corps extérieur comme existant en actes, si ce n’est par les idées des affections de son propre Corps. », ou dit plus simplement : tant nous ne ressentons pas directement une situation, elle n’existe pas vraiment pour nous. Il en est de même pour l’entreprise : ce qui conditionne ses actions, c’est l’analyse qu’elle fait de sa situation et de l’effet des actions qu’elle entreprend.
S’il y a un décalage entre cette analyse et la réalité, l’entreprise va dériver (
voir « Sans Inconscient pas d’entreprise efficace » ). Ce sont donc ces décalages potentiels qu’il faut mettre en lumière et obliger l’entreprise à admettre pour pouvoir ensuite les traiter.
Ceci doit se faire par un ensemble d’outils et d’approches qui vont matérialiser les conséquences de ce que l’entreprise entreprend. Ces « autoconnexions au réel » vont la brancher automatiquement et continûment sur ce qui se passe vraiment.
Prenons par exemple, le cas de la relation client.
Commençons par une anecdote issue de mon expérience personnelle – je suis consultant - : Une banque veut étalonner la performance des files d’attente dans ses agences. Elle dispose déjà d’un baromètre interne les comparant entre elles. Elle vient de sauter un pas important en procédant à des enquêtes externes permettant de comparer ce temps d’attente à celui de ses concurrents. La banque en est très satisfaite.
C’est un progrès évident, mais ceci ne correspond toujours pas à la logique client. En effet, la plupart n’ont pas de compte dans d’autres banques et ne sont donc pas à même de comparer le temps d’attente de leur agence versus celui chez un concurrent.
Quel était le vrai parcours client ? La plupart sont en train de faire leurs courses. Ainsi le client va comparer le temps d’attente dans l’agence aux autres temps d’attente qu’il vient de vivre : étalonner la performance de l’agence implique donc de connaître quel est le meilleur commerce de la rue – qui peut être une boucherie ! - et de se comparer à lui. Compliqué pour une banque de comprendre la vraie logique client…
On voit au travers de cet exemple comme il est difficile de ne pas être décalé par rapport à la réalité client : l’entreprise est souvent « trompée » par sa propre expertise et n’analyse pas naturellement une situation comme le font ses clients.
En effet, prenons un cas « idéal » où, comme dans cette banque, une Direction Générale a réussi à mobiliser tout le monde autour des priorités clients et où chacun à son niveau l’a compris et cherche à faire de son mieux. Est-ce que l’entreprise va alors se centrer effectivement sur les priorités clients ?
Non pas nécessairement, car chacun va se centrer non pas sur la réalité de ces priorités, mais sur l’interprétation qu’il en fait : il ne risque de ne pas voir que pour le client la bonne comparaison c’est la boucherie…
Ainsi, ce qui va déterminer les actions de chacun, ce ne sont pas les priorités clients réelles, mais les priorités clients telles que vues et interprétées par l’organisation et son personnel : s’il y a un décalage entre ce qu’attend le client et ce que croit l’entreprise qu’il attend, le centrage des actions sera inefficace.
Il y a donc un intérêt à mettre en regard, comme par un effet miroir, ce que l’entreprise croit que le client pense et ce qu’il pense vraiment.
L’entreprise a besoin d’un « Miroir Client », qui va matérialiser les décalages éventuels –– entre ce qu’elle pense faire et ce que voient et expérimentent ses clients.
En fait, c’est d’un ensemble de « miroirs » dont l’entreprise a besoin :
- le « Miroir Management » : les décalages à l’intérieur de leur entreprise,
- le « Miroir Rentabilité » : les décalages de rentabilité entre activités et produits,
- le « Miroir de l’inacceptable » : la matérialisation de là où l’entreprise va si rien n’est changé,
- les « Scores Miroirs » : la matérialisation de buts marqués
Et pourtant bien peu d’entreprises se sont dotées de tels outils… Alors c’est la porte ouverte à toutes les dérives
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18 oct. 2008

Attention aux jardins à la française !

Nous aimons les jardins à la française avec leurs grandes perspectives structurées par des immenses allées qui rendent le jardin lisible de presque n'importe quel point, les répétitions des essences et des bassins, la simplicité des rythmes... Tout cela est reposant, rassurant. Tout y est « luxe, calme, et volupté »...
Mais est-ce vraiment un lieu de vie ? N’est-ce pas plutôt un lieu de représentation, de théâtre ? La vie n’appelle-t-elle pas plus de désordre et d’improvisation ?
Ouvrez donc un instant une boîte crânienne, munissez vous de tout l’appareillage nécessaire et dressez une cartographie des neurones. Vous allez trouver un enchevêtrement largement incompréhensible, car l’architecture du cerveau n’est pas le fruit d’un plan logique et conçu a priori : elle est le résultat d’un processus sélectif largement aléatoire où la fonction d’une cellule est déterminée par sa position et non pas prédéfinie, où les terminaisons se chevauchent et se recouvrent, où les « accidents » modifient les liaisons et vont agir sur les comportements futurs…
Les jardins à l'anglaise procèdent d'une toute autre logique. Comme dans la vie, on y trouve un apparent désordre, une apparente improvisation. Pourtant le plan est bien là, mais caché. L'unité de l'ensemble vient du projet qui dépasse les différences apparentes et qui s'exprime fortement par les circulations et l'organisation des communications.
En matière d'organisation d’entreprise, une approche de type « jardin à la française » est la plus courante. C'est en effet elle qui est la plus confortable pour la Direction Générale : elle a alors face à elle un ensemble cohérent, simple et visible. Même si la conception de l'organisation a été précédée d'une analyse des logiques de chaque métier, on a procédé in fine à des arbitrages pour aboutir à la structure finale : elle ne correspondra vraiment qu'à la logique du métier principal.
Et alors les processus inconscients de l’entreprise seront inefficaces et l’emmèneront là où le management ne veut pas aller…
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