Le texte ci-dessous est un extrait de mon livre « Neuromanagement » dont l’écriture a été terminée en août dernier… Il me semble plus que d’actualité !
« Le système financier fonctionne de plus en plus comme un tout : les bourses réagissent quasiment comme un système unique où les décalages horaires rythment les propagations ; le nombre des monnaies d’échange se réduit ; les systèmes d’assurance et de refinancement mondiaux sont la règle…
… Est ainsi en train de se mettre en place une forme d’espace de travail global qui devient le centre principal des décisions :
- Au vu d’analyses comparatives mondiales construites dynamiquement, des flux financiers se déplacent quasiment instantanément si une opportunité se présente : arbitrage quand un différentiel apparaît entre deux modes de valorisation d’un bien, ou prise de contrôle quand une survaleur peut être créée par un rapprochement ou un démantèlement.
- Un événement qui se produit dans un des sous-ensembles du réseau déclenche progressivement un effet sur l’ensemble du réseau : témoin ce qui s’est passé en 2007-2008 à partir des « subprimes ». Des systèmes de régulation sont mis en place pour piloter ces effets de propagation et les gérer.
- Aucune grande entreprise ne peut agir indépendamment du système financier. Même avec sa puissance financière propre, Microsoft ne peut pas être indépendant de l’évolution de son cours de bourse : la guerre entre Google et Microsoft est d’abord une guerre de valorisation boursière.
- Il est interconnecté avec les Directions des grandes entreprises non financières : les revenus des dirigeants des entreprises cotées sont déterminés de façon croissante par l’évolution du cours de bourse, et non de la performance réelle de leur entreprise. Jugés d’abord en fonction de ce que le réseau financier « pense » de leur performance, ils appartiennent de fait de plus en plus à ce réseau global, et de moins en moins à leur entreprise.
… Cette émergence de cette neurofinance surpuissante peut globalement être un moteur positif de croissance pour l’économie mondiale, si deux conditions majeures sont respectées :
1. Que les outils et les méthodes d’optimisation soient valides :
… La taille du réseau financier et sa complexité font qu’il est de plus en plus difficile à des individus d’en assurer le contrôle : multiplication des logiciels experts, interdépendance entre les sous-systèmes, croissance des informations brassées, évolution en temps réel.
Le management du réseau se fait alors très largement au travers d’outils informatiques : ce réseau central est donc fortement piloté de façon « inconsciente ». Tous les outils liés à l’arbitrage et à l’anticipation sont notamment de plus en plus sophistiqués. Cette sophistication amène à une prise de risque qu’il n’est pas toujours facile d’évaluer.
N’ayant pas vraiment de contre-pouvoir face à lui, le système financier peut dériver.
La crise des prêts immobiliers aux USA en est un bon exemple. Les conséquences des initiatives du trader de la Société Générale en sont un autre…
2. Que la valorisation financière corresponde à la valorisation économique réelle
… Le mode de calcul de la rentabilité d’une activité ne mesure pas nécessairement sa valeur économique : c’est le résultat de conventions plus ou moins proches du réel.
Or la surpuissance du système financier amène à orienter toutes les entreprises dans une logique financière : il devient l’étalon unique de mesures de la performance et influence directement toutes les décisions prises dans les entreprises.
… L’exactitude des modèles utilisés devient donc critique.
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Ainsi, sans contre-pouvoir face à lui, à force de renforcer sa puissance, à force d’élargir son étendue, à force de complexifier sa structure, le système financier risque de dériver du réel, c’est-à-dire de se décorréler de la production effective de richesse.
Attention à ne pas avoir un système central surpuissant…mais malade. »
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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)