14 août 2009

ET SI J’ « ASSURAIS » LES ROUES ?

Histoire de caverne (Saison 2 – Épisode 6)

Johnny développe avec succès son offre roue-disque. Mais de nombreuses roues cassent, ou plutôt l'arbre qui les réunit. Comment tirer parti de ce problème ?

Pour aller en avant dans mon idée, j'avais besoin de deux choses : d'abord plus d'information sur le nombre d'arbres de roues qui cassaient ; il faudrait aussi rencontrer Paulo, le nouveau magicien, celui qui savait faire parler le futur encore mieux que Jojo, le Devin.
Pour le premier, c'était facile, Thomas allait s'en charger. Pour le deuxième, cela allait être plus compliqué, car je ne connaissais pas ce Paulo, et il ne fallait pas me mettre à dos le Devin.
Quelques jours plus tard, Thomas était de retour, les poches pleines de pierres plates, toutes striées en de multiples endroits.
« Alors, lui dis-je ?
- Attends, il faut d'abord que je sorte toutes mes pierres.
- Quoi ? Tu as besoin de pierres pour parler maintenant ?
- Pour parler, non. Mais pour prendre des notes et te dire précisément combien d'arbres ont cassé, oui.
- C'est quoi ce charabia ?
- Facile, regarde. C'est une nouvelle méthode mise au point par Paulo, le nouveau magicien.
- Celui que je vais aller voir dès que tu m'auras donné tous les éléments que j'attends ?
- Oui, lui-même. Le principe est super simple. A chaque trait vertical correspond un arbre qui a cassé ; à chaque trait horizontal, un arbre qui n'a pas cassé. Chaque pierre représente une zone de cavernes. Par contre, je ne sais plus quelle pierre correspond à quelle zone. Je n'ai pas fait de signe distinctif et maintenant, elles sont toutes mélangées.
- Pas grave. Je ne m'intéresse pas à la répartition des accidents, mais juste au nombre. C'est astucieux ce système de traits. Donne-moi toutes les pierres et je vais aller voir Paulo. »

J'ai toujours été du genre pressé. Une heure plus tard, j'étais devant la caverne de Paulo. A ma grande surprise, tous les murs étaient couverts de traits dans tous les sens. Au moment de mon arrivée, un grand homme barbu, certainement Paulo lui-même, était en train d'en rajouter quelques-uns de plus.
Mais que faisait-il ?
« Je calcule, si vous voulez savoir, dit-il en se tournant vers moi comme s'il avait deviné mon interrogation.
- Calculer ? Qu'est ce que cela veut dire ?
- Pas facile à expliquer. Disons que je sais jouer avec des traits qui représentent des nombres pour prévoir le futur. J'ai inventé un mot pour cela : je fais des prévisions mathématiques. Ce mot « mathématiques » ne veut rien dire, mais je trouve que cela sonne bien. Qu'est-ce qui amène le puissant roi des billes à venir s'intéresser au sort d'un modeste magicien ? Le Devin et ses notes de conjoncture ne vous suffisent-elles plus ?
- Si bien sûr, répondis-je, gêné par le caractère direct de son propos. Mais je fais face à une situation compliquée pour laquelle votre nouvelle approche m'a semblé plus appropriée.
- Ah oui ?
- Voilà. Vous avez certainement été au courant du développement des roues de Johnny. J'en vois d'ailleurs une le long de votre caverne. J'ai appris que régulièrement des arbres qui les soutiennent cassaient. Mon fils Thomas a, en suivant votre méthode, noté sur ces pierres combien de fois cela arrivait. J'aimerais à partir de ces informations vous me fassiez une prévision du nombre d'arbres qui devraient casser dans l'année qui vient, ainsi que du nombre de roues qui devraient être mises en circulation. Je paierai ce qu'il faut.
- Facile ! »
Il se mit alors à regarder toutes les pierres, puis se lança dans ce qu'il appelait un calcul, c'est–à-dire qu'il se mit à tracer de nouveaux traits dans tous les sens sur les murs de sa caverne. Au bout de dix minutes, il s'arrêta :
« Voilà le résultat. Le nombre de roues va progresser dans les 12 mois qui viennent au rythme de + 10% par mois, avec une incertitude de +/- 2,5 %. Le pourcentage d'accident est actuellement de 9,7%. Il va diminuer chaque mois de 5%, ce pendant 6 mois, puis se stabilisera. Content ?
Je le regardais, estomaqué par tant de prévision.
« Vous êtes sûr de ce que vous avancez, lui demandai-je ?
- Vous me prenez pour un charlatan, me répondit-il avec un regard courroucé.
- Non, bien sûr. Mais moi, je vais risquer mes billes à partir de ces nombres.
- Comment cela ?
- Je vais m'engager à garantir tout achat de roue sous réserve qu'il me soit réglé en billes et moyennant une prime qui couvrira mon risque. Je vais me servir de votre prévision pour calculer cette prime. C'est Thomas qui le fera. Comme la prime sera répartie sur plusieurs personnes, cela revient à créer une forme de solidarité entre tous les acheteurs de roue : ceux qui n'ont pas d'accident participeront au remboursement de ceux qui cassent… Une solidarité sur laquelle je prélèverais une petite commission. Il faut bien que je vive et que je paie vos prévisions. »
C'était mon idée.
« Vous ne manquez pas d'assurance, me dit Paulo.
- Mais vous venez de trouver un excellent nom pour mon idée : je vais l'appeler « l'assurance ». Et ainsi nous aurons face à l'offre intégrée de Johnny disque-roue, une offre intégrée bille-assurance. »
Une nouvelle bataille allait pouvoir commencer !
(à suivre)


10 août 2009

DES ROUES QUI SE DÉVELOPPENT, MAIS CASSENT…

Histoire de caverne (Saison 2 – Épisode 5)

Johnny vient d'apporter une révolution majeure avec la première offre intégrée « roue-disque », ou l'intégration industrie-finance. Comment puis-je résister avec mes seuls disques ?
« Ne perdons pas notre calme et analysons la situation froidement, me dis-je à moi-même. Certes, Johnny est très astucieux et son offre est plus que maline. Mais il ne s'attaque – au moins pour l'instant – qu'à ceux pour lesquels le déplacement de charges lourdes est important, ou à ceux qui sont fous de nouveauté – comme Jojo –. Pour le reste, mon offre de billes reste la plus attractive. »
Mes billes inspiraient confiance, nous avions assez travaillé là-dessus avec Jojo : les disques, c'était l'aventure ; les billes, la sécurité. Et, au moment de placer le résultat de sa dernière chasse de mammouths ou de préparer une cagnotte pour sa fille, c'était l'essentiel.
Et puis j'étais le plus grand possesseur de disques. J'avais tiré la leçon de ce qui s'était passé quand Johnny avait failli me déstabiliser à partir de son stock de billes (voir épisode 6 de la saison 1). Donc si jamais les disques en venaient à reprendre de la valeur, je serai le premier bénéficiaire.
Oui, mais je n'aimais pas cela. Cette montée en puissance de Johnny était trop rapide. Je ne pouvais pas le laisser prendre pied ainsi. Il allait falloir l'arrêter tout de suite avant qu'il ne soit trop tard.
Il me fallait pour cela plus d'informations sur ces roues. Hector, il fallait que j'aille le revoir et parler à son fils.

Quelques minutes plus tard, j'étais de retour chez Hector. Coup de chance, Damien, son fils venait d'arriver :
« Cela te plait ton travail chez Johnny, lui dis-je ?
- Oui, j'aime bien, me répondit Damien. Je vois du pays, je suis dans une activité technologique et je suis bien payé. Qu'est-ce que je pourrais demander de plus.
- Il doit bien y avoir des problèmes quand même. Je n'arrive pas à croire qu'une révolution pareille se passe sans aucune difficulté. Dis-moi en un peu plus sur ces roues.
- Non, je ne peux pas. Je suis vraiment désolé. J'ai signé une clause de confidentialité en prenant mon travail. Vraiment, je ne peux rien te dire. »
Furieux, je regardais Damien, puis Hector. Un mur face à moi. Inutile d'espérer lui en faire dire plus. Je finissais rapidement mon verre et sortis en maugréant.
« Il faut que je trouve un moyen d'en savoir plus, pensai-je. Thomas, mon fils, est un ami de Damien. Peut-être que lui obtiendra plus. »
Thomas avait bien grandi depuis qu'il s'amusait à jouer avec mes pierres sans en comprendre leur valeur. Il occupait maintenant un poste clé dans mon organisation : il était responsable de notre stock de billes et intervenait pour en acheter ou en revendre et réguler ainsi le marché des billes.
« Thomas, j'ai besoin de toi. Il faut que tu fasses parler Damien. Trouve-moi le point faible des roues.
- Facile, si tu m'autorise à lâcher quelques billes à Damien. Il est toujours à cours de pierres.
- Pas de problème »
Deux jours plus tard, je vis Thomas arriver avec un grand sourire.
« Cela m'a coûté une bonne cuite, mais j'ai ta réponse. Il y a bien un point faible, mais je ne sais pas ce que tu vas pouvoir en faire.
- Ça, c'est mon problème. Dis-moi ce que tu as trouvé.
- Eh, bien, fréquemment, les axes – c'est comme cela que Johnny appelle les morceaux de bois qui relient les roues en pierre – cassent. Et l'autre jour, c'est arrivé alors que Damien avançait à fond de mammouth. Résultat la table en pierre qu'il devait livrer est tombée et s'est cassée. Et il paraît que pas mal de clients commencent à se plaindre, qu'ils soient utilisateurs des services de livraison express ou qu'ils aient acheté des roues. Voilà, ce que j'ai trouvé.
- Merci, Thomas. »
Je n'ai rien dit de plus, mais je ne voyais pas bien quoi en faire. Comment tirer parti du fait que les axes cassent ? Tout le monde le savait, et même si des clients râlaient, cela ne les empêchait de revenir. Alors ?
Ils revenaient, mais ils avaient perdu des pierres – disques ou billes, peu importait –, et cela me faisait de la peine. Pour eux et pour moi. Je n'aimais pas voir gaspiller de l'argent comme cela.
A minimum, il faudrait qu'ils n'aient pas tout perdu. Mais cela s'était impossible.
D'un seul coup, j'eus une idée : « Ils vont tout perdre, pensai-je, sauf si … »

(à suivre)

7 août 2009

UNE ROUE QUI NE PASSAIT PAS…

Histoire de caverne (Saison 2 – Épisode 4)

Johnny venait d'inventer la roue et transformer ses disques en une arme de guerre contre mes billes : la guerre de l'industrie contre la finance allait-elle avoir lieu ?

« Rappelle-moi, que dit ta dernière note de conjoncture, Jojo, lui demandai-je ?
- Une fois plus, ne m'appelle pas Jojo quand nous sommes dans un lieu public. Même pour toi, je suis le Devin ! »
Je jetais un coup d'œil autour de moi. Personne à cette heure-là à la taverne du lac. Il exagérait, Jojo.

« OK, MONSIEUR LE DEVIN, quelles sont vos dernières prévisions ?
- Rien de bien nouveau. Une légère tension sur le cours des billes, due à un accroissement tendanciel de la demande, en liaison avec les pluies de la semaine dernière et la reprise probable de l'offre en mammouth liée à la nouvelle saison de chasse. La routine, quoi. Ah si, une nouveauté.- Laquelle ?
- Le disque va avoir une nouvelle décote, me dit-il en éclatant de rire »
Je souris à la nouvelle, et surtout en pensant à la tête de Johnny. Il allait falloir que je passe une semaine de repos dans une des cavernes du lac, pour voir aussi la tête de Jacques. J'avais entendu dire que son affaire de nouvelles cavernes dans le Nord ne s'annonçait pas si facile. Peut-être une occasion de le retourner à mon profit.
A ce moment, un crissement infernal envahit tout mon horizon sonore et un objet bizarre apparut. Comment le décrire ? Je n'avais jamais vu quoique soit de tel.
Commençons par le haut. Là rien d'anormal, à part la quantité. Il s'agissait de plusieurs tables en pierre – j'en comptais au moins quatre –, surmontées d'un menhir.
Au milieu, commençait l'étrangeté. On aurait dit comme des arbres aplatis. Comme si des mammouths avaient joué à sauter sur des troncs jusqu'à en faire des galettes. C'était tout plat et formait comme un sol. Un sol, oui, mais en l'air et fait de bois. Incroyable !
Et dessous ? Comment dire ? Cela ressemblait à quatre disques de pierre reliés par des arbres, mais des disques énormes. Rien à voir avec les disques de Johnny. Ou alors si, mais des disques qui auraient mangé trop de soupe, grandi trop vite.
Et le tout roulait sans problème tiré par un mammouth, conduit par le fils d'Hector. Que faisait à la tête de cet équipage le fils de mon ami Hector ? Il fallait que j'aille lui demander.

Hector était aujourd'hui à la retraite et passait le plus clair de son temps au frais dans sa caverne, celle que je lui avais décoré (voir épisode 1). Je l'y trouvais.
« Oui, mon fils a un nouveau travail, me dit-il. Il est employé par Jacques pour acheminer les fournitures nécessaires à ses nouvelles cavernes au Nord.
- Mais je croyais qu'il n'avait pas les fonds nécessaires. Et puis, elles sont beaucoup trop loin ces cavernes.
- Pour les fonds, il n'a pas de problèmes. Il s'est associé avec Johnny qui roule sur le succès grâce à ces disques. Et ce n'est pas simplement une expression puisqu'il a transformé ses disques en roues !
- Des roues ? C'est quoi cette nouvelle invention ?
- De grands disques reliés par des tiges en bois et qui permettent de tout déplacer plus facilement. Tout le monde en veut maintenant. Johnny n'arrive même pas à en fabriquer assez. Il peut demander le prix qu'il veut, en billes… ou en disques. Mais il a une préférence bien sûr pour les disques…
- C'est ce que j'ai vu passer tout à l'heure conduit par ton fils.
- Oui, et cela permet de relier les nouvelles cavernes Nord facilement. Et toi, tes billes, cela se passe comment ? »
Je vis comme un sourire de commisération à sa bouche quand il disait cela.
« Bien, bien. Tout va bien. Cela… – j'allais dire « roule », mais j'ai retenu le mot à temps – marche comme sur des billettes ! Bon, ce n'est pas que je m'ennuie, mais il faut que j'y aille. »
Quelques minutes plus tard, j'étais chez Jojo.
« Mon cher Devin, nous avons un problème. Johnny est en train de révolutionner le monde des cavernes avec ses roues et son offre intégrée roue-disque. Il faut que tu sortes une note bien sentie lançant la suspicion là-dessus.
- Bob, tu es un ami, mais primo, je suis un Devin indépendant et on ne peut pas me dicter mes prévisions. Secundo, Johnny vient de m'offrir ce qu'il appelle une chaise roulante. Avec elle, je gagne en hauteur, dignité et efficacité. Alors… »
Décidément, j'avais un problème…

(à suivre)


3 août 2009

DU DISQUE À LA ROUE, IL N’Y AVAIT QU’UN SAUT CRÉATIF À FAIRE

Histoire de caverne (Saison 2 – Épisode 3)

Johnny, inventeur depuis qu'il avait 5 ans, venait d'avoir une nouvelle idée géniale : les disques, cela roule ?


« Et puisque cela roule, cela peut nous aider à nous déplacer, continua Johnny. Ou à déplacer des choses. »
Il regarda Jacques et, face au vide de son incompréhension, continua :
« Par exemple, pour ton projet de ta caverne à deux jours de marche au Nord, tu vas avoir, au moins au début, à transporter pas mal de matériaux. Il va falloir tirer tout cela, cela ne va vraiment pas être facile. Dommage que cela ne puisse pas rouler, non ?
- Évidemment que si cela pouvait rouler ce serait plus simple. Pas besoin d'avoir fait l'école des cavernes pour le savoir ! Mais je ne vois pas bien comment faire rouler des tables en pierre !
- Des tables en pierre, non. Mais pourquoi ne pas les mettre sur quelque chose qui roule ? »
Il était devenu, fou !

« Quand j'étais petit, – mon père t'en a sûrement parlé –, j'ai eu l'idée de mettre des pierres en silex taillé au bout d'une pique en bois.
- Oui, je sais. Il n'arrête pas de raconter comment son fils a été un génie dès 5 ans.
- Je sens que cela t'énerve… Je continue. Pourquoi ne pas mettre un disque au bout d'une pique en bois. Ou plutôt deux, un à chaque bout. A mon avis, cela devrait rouler, et on doit pouvoir poser quelque chose dessus. »

Jacques commençait à comprendre son idée.

« Et si on prenait 2 piques au lieu d'une, poursuivit-il. On pourrait poser quelque chose en travers. Cela devrait être plus stable.
- On pourrait y mettre tes tables en pierre ou tout autre chose »
Brillant !
Quelques jours plus tard, l'atelier de disques muta. À côté de la production des disques monnaie – il n'était pas question de lâcher la proie pour l'ombre –, naissait un atelier complémentaire qui, dans le plus grand secret, commençait à produire des disques d'un plus grand diamètre et se livrait à des mises au point complexes.
Un mois plus tard, la roue naissait. Pourquoi l'avoir appelé roue ? Bonne question. Nul n'a jamais su pourquoi exactement.
Certains ont dit que c'était Jacques qui avait choisi le nom et que, comme il n'avait ni imagination, ni orthographe, il s'était inspiré de la couleur de cheveux de Johnny. D'autres pensent que, comme la roue avance aussi vite qu'un oiseau sans avoir des ailes, Johnny a fait un jeu de mot stupide : la roue roule sans l – sans aile quoi ! –, donc c'est une roue. Personnellement, je crois qu'ils avaient tous les deux beaucoup bu, beaucoup trop, et qu'ils ont inventé un mot qui ne voulait rien dire.
Toujours est-il que la roue était née. Et que la guerre entre l'industrie et la finance allait commencer…

(à suivre)





31 juil. 2009

JOHNNY, INVENTEUR À 5 ANS !

Histoire de caverne (Saison 2 – Épisode 2)

Jacques et Johnny, J&J, en avaient assez de la domination de mes billes. Johnny venait d'avoir une idée.
« Les disques, ce n'est pas simplement une monnaie concurrente des billes, dit Johnny. Voilà l'idée ! »
Jacques le regarda, interloqué. Mais qu'est-ce qu'il pouvait bien vouloir dire ? Toujours aussi incompréhensible ce Johnny !
Cela avait commencé alors qu'il n'avait que 5 ans. Jacques qui connaissait bien ses parents les avait entendus mille fois raconter la première invention de Johnny.
Ce soir-là, la famille était tranquillement réunie dans sa caverne, - une confortable 3 pièces avec 2 chambres et un living-room -. Le père de Johnny était tailleur de silex, la troisième génération de tailleur, et avait une clientèle bien installée, donc la famille vivait dans l'aisance. Johnny n'avait jamais manqué de rien. Assis dans un coin, il écoutait son père raconter l'histoire du chasseur de mammouth.
« A ce moment, il se dressa, face à l'énorme bête, et poussa un cri terrible. Le mammouth, loin d'être effrayé, continua d'avancer, imperturbable. Il en avait vu d'autres et avait déjà embroché une bonne centaine de chasseurs. Alors ce n'était pas ce petit minus, coléreux et hystérique qui allait lui faire peur. Avec son petit bout de pierre dans la main, il se prenait pour qui !

- Mais pourquoi il ne met pas la pierre au bout d'un morceau de bois, s'exclama Johnny.
- Quoi ? Qu'est ce que tu dis ?
- Eh bien, pourquoi il ne prend pas un long morceau de bois sur lequel il attacherait le silex taillé ? Comme cela il pourrait blesser le mammouth sans s'approcher de lui. »
Un silence se fit dans la caverne.
« Mais d'où tu sors cette idée, dit son père ?
- De nulle part ! C'est juste du bon sens, non ? Comme nos bras sont courts et vulnérables, mieux vaut les prolonger avec des morceaux de bois. C'est d'ailleurs ce que je fais quand je joue avec mes copains.
- Peut-être, mais là on n'est pas en train de jouer avec tes copains. C'est du sérieux : une chasse au mammouth. Alors, merci de ne pas m'interrompre avec tes idioties, et laisse-moi reprendre mon histoire. »
Furieux, Johnny sortit en courant de la caverne, laissant le reste de la famille écouter l'histoire.
Trente minutes plus tard, il était de retour avec une pique en bois à laquelle il avait attaché un silex taillé emprunté au stock de son père.
« Et cela, c'est n'importe quoi, hurla-t-il ? Tu ne crois pas que ton chasseur aurait eu plus de chance face au mammouth s'il était en possession de ça ! »
Son père le regarda sans un mot. La première lance était née. Elle fit la fortune de la famille car son père lança un atelier de fabrication de lances. La carrière de Johnny l'inventeur venait de commencer.
Il ne s'arrêta pas là.
A 10 ans, il inventa le lit de sable : vous prenez un lit normal, c'est-à-dire une pierre à peu près plane, sur laquelle vous répandez une couche de sable fin venant du bord du lac, et vous obtenez une merveille de confort.
A 15 ans, le feu sans fin : vous démarrez normalement un feu avec de la paille, du bois et des silex. Puis vous versez dessus la pâte noire et nauséabonde que l'on trouve à côté de la source de fumée brulante. Et cela durera tant que vous aurez de la pâte noire.
A 20 ans, la peinture murale : vous prenez une caverne normale, un morceau de bois tiré d'un feu – avec ou sans pâte noire, cela n'a pas d'importance – et avec la partie noire du bois, vous faites de drôles de trucs sur les murs.
C'est alors qu'il quitta la caverne familiale pour se lancer directement dans les affaires. Il disparut alors pendant 3 ans. Nul ne sût où il était allé, ni ce qu'il avait fait. Mais à son retour, il avait avec lui des sacs de graines à cuire. Et la recette pour en fabriquer. Une méthode apparemment absurde et pourtant efficace : il suffisait de mettre quelques graines dans le sol et plein de nuits plus tard – un nombre tellement grand que personne n'avait jamais pu les compter -, une grande herbe sortait de terre et le nombre de graines était multiplié. Un miracle, quoi !
Il fit un malheur avec ses graines. Il m'en vendit d'ailleurs, ce qui me donna l'idée de lancer mes pierres (voir les épisodes 1 à 3 de la saison 1). Ensuite, il lança ses disques. Il n'avait que 25 ans.
« Oui, les disques ce n'est pas seulement de la monnaie : cela roule, continua Johnny. »
Évidemment que cela roule puisque ce sont des disques, pensa Jacques…

(à suivre)



27 juil. 2009

QUAND J&J JOUENT AVEC DES DISQUES…

Histoire de caverne (Saison 2 - Épisode 1)

Rappel (rapide !) de la saison 1 (cliquer pour la lire ou relire) : Pour permettre un meilleur développement de mes affaires, j'ai créé la première monnaie sous la forme de pierres. Rapidement, j'ai dû faire face à l'émergence d'une concurrence : Johnny et ses disques. Mes pierres sont alors devenues de billes de couleur et, pour asseoir ma suprématie, avec l'aide de mon ami Jojo le devin, nous avons lancé une agence de notation et de conjoncture. Aujourd'hui nous dominons le marché. Tout va bien…

« Cela ne peut plus durer, dit Jacques, tout en se resservant un verre.
- Oui, tu as raison, lui répondit Johnny. Je ne supporte plus de voir mes disques être dévalorisés sans cesse par le Devin et ses soi-disantes notes de conjoncture. Et en plus, il a maintenant le culot de me demander quelles sont mes prévisions de demande sur les disques. Comme si j'en avais la moindre idée ! Lui non plus d'ailleurs, mais comme il est le Devin, il peut dire ce qu'il veut, tout le monde le croît.
- Et comme Jojo sait que nous sommes amis, le voilà qui vient de prévoir la pluie pour mes nouvelles cavernes au Nord. »
Jacques continuait en effet ses projets d'extension. Il avait déjà tout un ensemble de cavernes avec vue sur le lac (voir notamment l'épisode 3 de la saison 1). Il venait d'avoir l'idée de se lancer dans une nouvelle aventure : créer tout un réseau de cavernes beaucoup plus au Nord à 2 jours de marche. C'était un endroit idéal : une colline avec des cavités naturelles, une vue magnifique sur une grande plaine giboyeuse, une rivière à côté.


Mais il était confronté à un double problème : le financement de son projet et la distance.
Pour le financement, il pouvait prendre appui sur ses cavernes existantes et le revenu qu'elles dégageaient. Mais cela ne suffisait pas : il devait emprunter de l'argent, et même pas mal. C'est pourquoi la prévision de pluie faite par Jojo – il continuait à l'appeler ainsi, car il l'avait connu à ses débuts, et il avait du mal avec son titre de Devin –, ne l'arrangeait vraiment pas. Il comptait aussi sur Johnny pour l'aider, mais cela supposait que ses disques se revalorisent. Et là à nouveau, il trouvait le Devin sur son chemin.
Pour la distance, il allait falloir tout porter sur une longue distance. Cela allait compliquer tous les travaux, au moins au début. Ensuite, il devrait pouvoir trouver sur place ce dont il avait besoin, et les ouvriers logeraient dans les premières cavernes. A leurs frais, bien sûr… Il faudrait aussi aménager le chemin pour aller à ces cavernes, sinon personne ne voudra s'y rendre.
Pas facile.
Machinalement, Johnny et Jacques – J&J comme on les appelait souvent – jouaient avec des disques sans s'en rendre compte. Dans un moment de colère, plusieurs leur échappèrent des mains.
Jacques pesta encore un peu plus contre lui. Si en plus, on en vient à casser le peu d'argent que l'on a, se dit-il à lui-même.
A l'inverse, l'œil de Johnny s'alluma tout en regardant les disques rebondir et se mettre à rouler sur le sol.
« Je crois que je viens d'avoir une idée. Et même une sacrée idée ! »
(à suivre)


24 juil. 2009

HISTOIRE DE BLOG

Du Neuromanagement au Lâcher-prise, 10 mois et près de 250 articles

Fin septembre dernier, j'ai commencé ce blog. Son objectif initial était de contribuer à faire connaître mon livre Neuromanagement.
Progressivement, il a évolué. Depuis ces dernières semaines, il m'a servi à commencer à mettre en forme mes nouvelles idées et à les tester. Cette "mise en débat" de ce qui va servir pour un prochain livre a été amplifiée par la reprise de bon nombre de mes articles sur d'autres sites, et singulièrement sur Agoravox.
Je me suis aussi "servi" de ce blog comme un moyen de faire passer mes amusements face à l'actualité et des situations.
J'ai volontairement évité les propos directement politiques, car ce n'est pas son objet.

Voilà arrivé le temps des vacances, et donc celui de faire une pause.
Je n'ai toutefois pas voulu que mon blog reste "muet" cet été.
Vous allez donc y trouver, au rythme de 2 épisodes par semaine - le lundi et le vendredi - la saison 2 de mon "histoire de caverne". J'espère que vous vous amuserez autant à la lire que moi à l'écrire.

Fin août, je reprendrai le fil de mes articles quotidiens. Mon nouveau livre sera alors en cours d'écriture, et il y aura naturellement un rebond entre les deux. Je ferai d'ailleurs évoluer alors le nom de mon blog.

D'ici là, je vais plonger à nouveau dans la jungle thaïlandaise et "perdre du temps" à regarder le Mékong se déployer paresseusement. J'espère que cette errance sans programme écrit à l'avance contribuera à aider à la maturation de mon livre, dont le thème central sera justement l'importance du lâcher-prise.
Bonnes vacances à tous !

23 juil. 2009

LES CHÊNES N'EN FONT QU'À LEUR TÊTE

Les truffes, c'est s'ils le veulent bien !

Pour clore, cette "chronique" sur mes relations avec les occupants locaux de ma maison en Provence, après les animaux, quelques lignes sur un végétal, le seigneur des lieux : le chêne truffier.
Lieu de mon conflit avec les sangliers, pères nourriciers de truffes, ils peuvent être blancs ou verts (les chênes verts sont à feuilles persistantes), grands ou petits (voir sur ce sujet, l'article : "Les chênes naissent égaux, mais cela ne dure pas").
J'aime ces arbres qui architecturent le terrain, mais, question truffes, vraiment la plupart ne font rien.
Paresse ? Incompétence ? Rébellion face à ce que l'on attend d'eux ?
Et si c'étaient les plus malins qui arrivaient à cacher si bien leurs truffes que ni les sangliers, ni les chiens ne les trouvaient... J'aime à m'imaginer des chênes complotant de la sorte.

Voilà, j'ai voulu terminer cette première année de mon blog par ces quelques billets d'humeur provençale. Une façon de glisser vers l'été et un peu de vacances.
A demain encore pour un dernier article qui vous introduira le "feuilleton de l'été" (mis en ligne au cours du mois d'août)....

22 juil. 2009

NON, JE NE SUIS PAS EN GUERRE CONTRE LE MONDE ANIMAL

Abeilles, fourmis et même crocodiles je vous aime !

Au travers de mes deux derniers écrits, je ne voudrais pas vous avoir donné l'impression que je suis en lutte avec tout le monde animal. Non, à part ma haine contre un pivert obstiné et mes démêlés avec des sangliers fantomatiques, tout va bien !
Côté abeilles, nous avons un "gentleman agreement" qui fonctionne bien : je plante des lavandes et les entretiens, elles butinent... et j'achète du miel.
Côté guêpes, c'est plus compliqué, mais nous avons trouvé un modus vivendi : chacun vit sa vie, car nous n'avons pas grand chose à nous dire. Elles viennent boire l'eau de la piscine, et, tant qu'elles ne piquent pas, tout va bien. Quand elles prospèrent de trop, je fais procéder à un "léger" contrôle des naissances sur les toits où elles habitent.
Côté fourmis, là non plus, rien de particulier, on cohabite : je contribue à leur subsistance au travers de tout ce qui tombe par terre ; elles mènent une existence fébrile à laquelle je ne comprends pas grand chose. Cela amuse certains des enfants de passage, fait peur à d'autres : elles font partie du folklore local.
Enfin côté crocodiles, c'est l'entente cordiale. Eh oui, il y a des crocodiles en Drôme provençale ! Même des crocodiles nucléaires, la plus grande ferme d'Europe. Ces êtres apparemment placides, immergés dans des eaux chauffées grâce à la centrale de Pierrelatte, font le bonheur des enfants. Il est vrai qu'ils ne quittent pas leur enclos...
Restent plein d'autres animaux - taupes, frelons, araignées, ... - avec lesquels la cohabitation ne pose pas non plus de problèmes particuliers. J'espère que d'avoir choisi de m'arrêter plutôt sur d'autres, ne les vexera pas. Mais je suis confiant, je les connais.
Reste que, face au pivert, ils ne font rien pour m'aider...

21 juil. 2009

LA GUERRE DES TRUFFES A LIEU

Il n'y a pas d'entente possible quand on veut la même chose !

Je vous ai parlé hier de ma "haine" d'un pivert. J'ai aussi des problèmes avec des sangliers.
Mais à la différence du pivert, ils respectent eux l'intégrité de mon patrimoine immobilier - le pivert ferait bien d'en prendre de la graine ! - et notre conflit est localisé dans le terrain, et plus précisément, autour des chênes truffiers.
Pourquoi je parle de conflit et non pas de confrontation ? Parce qu'il n'y a pas de doute : nous voulons la même chose. Nous ne divergeons pas seulement sur la méthode - ils ont leur groin, nous avons un chien -, mais nous sommes en compétition pour la conquête de la même chose : les truffes ! Toutes les truffes qu'ils mangent, c'est autant que je n'aurai pas. Pas de compromis, ni d'entente possibles.
Pourquoi les sangliers aiment-ils les truffes ? Bonne question. Sont-ils amoureux du goût ? Ou alors la truffe a-t-elle une valeur énergétique idéale recommandée dans le cadre d'un régime alimentaire ? Ou une affaire de fétichisme liée à une histoire qui remonterait aux origines des sangliers et des truffes ? Je ne sais pas. Mais ce qui est sûr, c'est qu'ils aiment les truffes. Et moi aussi...
Dernière remarque sur ce conflit qui dure depuis plus de vingt ans. Je n'ai encore jamais pu voir un seul sanglier. D'autres les ont vus, moi pas. M'évitent-ils ? Se sentent-ils coupables ? Craintifs ? Ou est-ce juste, une fois de plus, la loi du hasard ? Ou ... ? Ce que je vois, c'est, au matin, les dégâts, le sol labouré...
Mais malgré tout, ces sangliers me sont plus "sympathiques" que le pivert : lui, il s'attaque à la maison, c'est pire. Je peux comprendre et, à la limite, accepter que des sangliers mangent des truffes, c'est dans leur nature.
Mais qu'un pivert transforme des volets en gruyère, non !