22 déc. 2011

NOUS CONFONDONS CRISE ET TRANSFORMATION

Non, le futur n’est pas le reproduction du passé en pire
Le mot « crise » est sur toutes les lèvres, présent au détour des toutes les analyses, leitmotiv de cette fin d’année 2011. Cette crise omniprésente, qui fut d’abord vue comme courte et provisoire, est aujourd’hui perçue comme devant durer au moins en 2012, et pour la plupart beaucoup plus longtemps.
Mais, parler de « crise », c’est :
  • Penser que nous ne vivons qu’un moment transitoire et désagréable,
  • Imaginer qu’une maladie est venue troubler notre organisme et qu’il faut la soigner, 
  • Et finalement croire que le futur sera identique au passé. Serrons les rangs, donnons un bon coup de collier, et tout repartira comme avant, en quelque sorte !
Je crois qu’une telle vue est profondément fausse, et est largement source du désenchantement actuel. En effet, nous ne vivons pas une crise, mais nous nous vivons un processus de transformation : demain ne sera pas du tout comme hier, et, comme une chenille au moment de sa mue en papillon, nous subissons une réorganisation en profondeur de notre monde.
Quels sont les moteurs de cette transformation et en quoi le monde de demain sera-t-il si différent ?
J’en vois trois essentiels qui se renforcent mutuellement et s’articulent entre eux : 
  • Les niveaux et le mode de vie convergent entre tous les pays : le niveau de vie moyen d’un habitant de nos pays développés était en 1990, soixante fois celui d’un Chinois ou d’un Indien, et huit fois celui d’un Brésilien ; en 2010, il n’était « plus » que neuf fois celui d’un Chinois, trente fois celui d’un Indien, et quatre fois celui d’un Brésilien (voir mes articles Faire face à la convergence des économies mondiales et Nous n’éviterons pas la baisse de notre niveau de vie),
  • Le système économique et industriel passe de la juxtaposition d’entreprises et d’usines, à un réseau global et de plus en plus complexe : les entreprises ont tissé des réseaux denses entre elles, et entre leurs différents lieux de production. Chaque produit, chaque service, chaque transaction fait intervenir un nombre croissant de sous-produits, sous-services, sous-transactions. Impossible de démêler les fils de ce qui est devenue une toile planétaire.
  • L’humanité passe d’une juxtaposition d’individus et d’appartenances, à, elle-aussi, un réseau global et de plus en plus complexe : sous l’effet cumulé de la croissance de la population, de la multiplication des transports et du développement d’internet, les relations entre les hommes se tissent finement. Les pensées et les actions rebondissent d’un bout de la planète à l’autre, des intelligences collectives apparaissent. (voir l’article que j’ai consacré au dernier livre de Michel Serres Le temps des crises
Vers quoi allons-nous, je n’en sais rien. Comment une chenille pourrait se penser papillon à l’avance ? Mais je ne vois pas de raison d’imaginer que ce futur sera noir, et j’y vois plutôt des raisons d’espérer :
  • Un meilleur partage des richesses entre tous les pays est plus souhaitable, et moins dangereux que les écarts passés, et encore actuels.
  • L’émergence de réseaux collectifs – tant entre les structures collectives comme les entreprises, qu’entre les individus – est l’occasion de nouvelles découvertes, et d’enrichissements vrais, tant collectifs qu’individuels.
  • Notre passé tapissé de guerres et de gaspillages ne rend pas si sympathique la « chenille » que nous sommes en train de quitter.
Bien sûr, un tel futur est peuplé de défis qu’il faudra relever. En voici quelques-uns :
  • Comment protéger et développer le libre arbitre individuel dans un monde de réseaux ? Comment éviter l’homme de devenir une fourmi au service de sa collectivité ?
  • Comment faire en sorte qu’aux inégalités entre pays, ne succède pas une inégalité plus forte au sein de chaque région ou pays ?
  • Comment, propulsé par la puissance de ces réseaux, ne pas consommer encore plus vite note planète ?
  • Quelles structures politiques dans un tel monde ?
La naissance de ce nouveau monde prendra de longues années. Cette transformation qui est en cours, va se prolonger et s’accélérer. Quand sera-t-elle terminée ? Comment savoir ? Mais comment imaginer qu’elle ne va pas prendre plus de dix ans, probablement plus de vingt, et peut-être une cinquantaine d’années…
C’est de cela dont nous devrions parler, et non pas d’une crise. C’est à cela que nous devrions nous préparer. Une telle transformation est douloureuse, surtout dans sa phase initiale.
Mais si nous arrivions à faire comprendre que les difficultés actuelles sont des étapes nécessaires à la naissance d’un nouveau monde meilleur, alors chacun pourrait se mobiliser en positif.
Alors qu’aujourd’hui chacun est persuadé que le pire est devant nous, que le passé est un éden perdu, et qu’une descente aux enfers nous attend.
Nos pays, et singulièrement la France, sont riches de leur passé, et de le capital accumulé – il suffit de voyager un peu pour s’en rendre compte –, nous avons les ressources pour faire face à cette transformation.
A deux conditions :
  • Que nous ayons confiance en un futur meilleur et mobilisateur,
  • Que nous développions une politique de solidarité, faisant porter les efforts là où les richesses ont été accumulées effectivement.
Beaux sujets pour la campagne présidentielle à venir, non ?

21 déc. 2011

NOUS TROUVONS TOUJOURS DE BONNES RAISONS… MÊME À CE QUE NOUS NE COMPRENONS PAS

Emboîtements et émergences (5)
Nous, les humains, avons la capacité d’analyser ce à quoi nous participons, talent clé de notre existence et de notre survie.
Notre connaissance n’est pas infinie, mais elle progresse. Ainsi nous repoussons sans cesse les limites de notre science, nous avons percé la logique de l’ADN, nous plongeons chaque jour plus profondément dans l’infiniment petit comme dans l’infiniment grand, nous approchons du moment du big-bang où tout semble avoir commencé, nous dressons des cartographies de plus en plus fines de notre cerveau et des interactions entre nos neurones…
Certes, certes…
Mais ceci n’est vrai, par construction, que pour ce qui est accessible à notre compréhension. Si jamais il existe quelque chose qui est d’une dimension qui nous échappe littéralement, c’est-à-dire qui, pour une raison ou une autre, ne peut être concevable par nous, alors nous ne pourrons jamais le comprendre. Nous serions dans la situation des bactéries et des neurones dont je parlais hier…
Que se passe-t-il donc quand nous sommes face à de telles situations ? Il semble bien qu’alors, nous sommes les champions de la rationalisation a posteriori. Dans mon livre Neuromanagement, je rapportais une expérience troublante :
« Prenons l’expérience rapportée par Lionel Naccache dans Le Nouvel Inconscient (p. 385) et menée par un chercheur, Michaël Gazzaniga, sur un patient atteint de déconnexion interhémisphérique : dans cette maladie, l’hémisphère droit est incapable de communiquer avec l’hémisphère gauche. L’expérience a été la suivante : à la gauche de l’écran situé devant le patient, est apparu pendant quelques dixièmes de seconde l’ordre verbal « Marchez ». Il s’est alors levé et déplacé : l’ordre lu par l’hémisphère droit venait d’être exécuté, mais, à cause de la maladie, l’hémisphère gauche, qui assure notamment la maîtrise du langage, n’était pas informé de l’existence de cet ordre et donc ne pouvait pas savoir pourquoi il s’était levé.
Gazzaniga lui demanda alors : « Où allez-vous ? ». Au lieu de lui dire qu’il ne savait pas pourquoi, le patient lui répondit du tac au tac : « Je vais à la maison chercher un jus de fruits. » : il venait d’élaborer une interprétation consciente qui lui permettait d’attribuer une signification à son comportement. Plutôt que de répondre : « Je suis en train de sortir de cette pièce mais je ne sais pas du tout pourquoi, comme c’est curieux tout de même ! », le patient avait construit immédiatement une interprétation de son comportement, mais sans se rendre compte que cette interprétation en était une. »
Ainsi quand nos actes sont suscités par quelque chose qui nous dépasse, notre tendance naturelle  serait d’imaginer une motivation que nous comprenons.
Comment alors savoir quand nous comprenons vraiment, et quand nous l’imaginons ?
(à suivre)

20 déc. 2011

PERSONNE NE COMPREND CE À QUOI IL CONTRIBUE… À PART NOUS ?

Emboîtements et émergences (4)
Dans Fourmiz, Woody Allen prête sa voix à l’ouvrière Z-4195, une fourmi pleine d ‘états d’âme et amoureuse de la princesse Bala.
Personnellement, à la différence de l’auteur de ce film, c’est une autre question qui m’interpelle : une fourmi est-elle capable de comprendre, ou simplement de percevoir les propriétés de la fourmilière, propriétés qui la dépassent, mais auxquelles elle participe, et qui n’existeraient pas sans elle.
Ainsi quand une de ses étonnantes fourmis d’Amérique du Sud, s’associe à ses voisines pour créer un radeau qui va permettre à la fourmilière de devenir insubmersible, sait-elle ce qu’elle fait et pourquoi elle le fait ? Ou quand une autre de ses congénères se livre à la culture de champignons, est-elle consciente de participer à créer une nourriture indispensable à la survie future ? Et quand d’autres viennent au secours de nymphes pour faire partir des prédateurs, ont-elles en tête le nectar que cette même nymphe pourra donner en retour ? (voir La fourmi est petite, mais la fourmilière est grande)
Pas sûr non ? Pas sûr du tout, même…
Prenons maintenant un quelconque des microorganismes qui peuplent notre organisme. Nous avons l’embarras du choix, car ils sont des millions de milliards à se promener sur notre peau et en nous. Certains ne sont que de passage, rencontres fortuites dues aux chocs aléatoires de la vie, mais d’autres participent à notre bon fonctionnement.
Imaginez-vous un instant de la « peau » d’un de ceux-là. Si pour la fourmi, vous pouviez tout à l’heure avec moi avoir un doute, cette fois, aucune chance de comprendre ce à quoi vous participez. La propriété à laquelle vous contribuez – par exemple vous êtes en train de lutter contre un microbe mortel pour un homme –, vous dépasse littéralement.
Prenons maintenant une de nos cellules, et choisissons une des plus « nobles », à savoir un neurone. Il s’agit bien d’un être vivant, mais à nouveau, comment pourrait-il « savoir » ce à quoi il participe ? Ou alors il y aurait des neurones géniaux, capables de se dire : « Tiens, je viens d’intervenir dans le processus de mémorisation d’une émotion ». Non, évidemment !
Telle est bien la logique dominante des emboîtements et des émergences : on ne comprend pas ce à quoi on participe, on agit et c’est tout... Et on n’a pas le choix, car on n’a jamais vu une fourmi se rebeller contre ses congénères, un antibiotique ne pas attaquer l’infection pour laquelle il était adapté, ou un neurone bloquer volontairement sa synapse.
Ainsi va la monde… sans une réelle compréhension de ce qui se passe.
Heureusement que nous sommes arrivés, nous les humains avec notre intelligence et notre capacité à tout analyser et comprendre. Certes, certes…
(à suivre)

19 déc. 2011

LES “RÉVOLURGENCES” DE NOTRE MONDE

Emboîtements et émergences (3)
Depuis quinze milliards d’années, le monde joue aux poupées russes, aux emboîtements qui tissent la matière et la vie.
Qu’est-ce qui fait qu’un emboîtement en est un bien un, et pas seulement une collection d’éléments ? Quelle est la « glu » qui le cimente ?
Dans les Mers de l’incertitude, j’écrivais à ce sujet : « Qu’est-ce qui fait qu’une collection d’éléments n’est pas seulement une juxtaposition, mais crée un niveau ? C’est l’existence d’au moins une règle commune et nouvelle qui fait que c’est bien un niveau et non pas une collection d’éléments : une collection de stylos ne devient pas un niveau et reste un ensemble d’objets ; une collection de personnes devient un groupe et donc un niveau, si elles suivent des règles communes (des lois, des us et coutumes,…). C’est l’existence de ces règles qui lui apporte ses propriétés spécifiques. »
À ces règles communes, correspondent des propriétés nouvelles qui émergent. Ces propriétés n'existaient pas au niveau précédent, ni partiellement, ni même comme esquisse. Comment en effet dire que les propriétés d'un atome sont inscrites dans celles d'une particule, celle de l'oxygène dans un électron ou d'une chaîne carbonée dans le carbone ? Comment relier notre identité et notre conscience individuelle à partir de ce que nous comprenons des cellules qui nous composent ?
Ou comme l’écrivait Yongey Mingyour Rinpotché dans le Bonheur de la méditation, « Ma main n’est pas mon moi, mais elle est à moi. Bien, mais elle est faite d’une paume et de doigts, elle a une face supérieure et une face inférieure, et chacun de ces éléments peut être décomposé en d’autres éléments comme les ongles, la peau, les os, etc. Lequel de ces éléments peut être appelé « ma main » ? »
Ainsi ces propriétés émergentes, si elles sont rendues possibles par ce qui les composent, et lui sont indissolublement liées, sont à chaque fois une innovation profonde et révolutionnaire.
Oui, ces deux mots d'émergence et de révolution sont bien au cœur de l'élaboration de notre monde : émergence, car ce qui nait se produit sans être inscrit dans ce qui le précède; révolution, car chaque étape vient comme faire table rase de ce qui existait avant.
Ainsi est né notre monde, et ainsi il a continué. Le meccano a construit la matière inerte qui a, au moins sur notre planète, "inventé" la vie.
Émergences et révolutions perpétuelles, révolurgences si vous me permettez ce néologisme pour décrire ce couple inséparable.
(à suivre)

16 déc. 2011

MISE EN BOÎTE... MUSICALE

Emboîtements et émergences (en musique)
Illustration musicale sur les enchaînements, les emboîtements et les émergences : 
-  Aux suivants chanté par M, 
- Jeux de boites avec Graeme Allwright, 
- Jeux de mots avec Bobby Lapointe.

15 déc. 2011

TOUT S’EMBOÎTE… MAIS POURQUOI ?

Emboîtements et émergences (2)
Les quarks s’emboîtent dans des atomes qui composent les minéraux qui sont nécessaires aux cellules qui constituent chaque organisme vivant… Et ainsi va le jeu de la vie, du bricolage et de l’auto-organisation.
Chaque être vivant « respire » avec son environnement, échange, absorbe, rejette, se modifie… et s’articule avec ce qui l’entoure. Seul, il est limité, fragile et vulnérable. Associé à d’autres, il acquiert de nouvelles forces, de nouvelles propriétés. Il y perd de sa liberté, mais il gagne en résilience, en capacité à survivre dans les aléas qui l’entourent.
Souvent il s’associe avec ses alter egos, ceux qui lui ressemblent et sont issus de la même dérive biologique. C’est sa tribu, son groupe, sa niche. De la fourmi nait la fourmilière, de l’abeille la ruche1, et de l’homme l’humanité.
Il lui faut aussi collaborer avec les autres, trouver les bonnes symbioses, se changer et changer ses voisins pour accroître ses chances d’être là un peu plus longtemps. L’abeille et la fleur apprennent à se séduire mutuellement, les fourmis et leurs troupeaux s’apprivoisent, tous les écosystèmes bricolent ensemble.
Voilà bien la flèche du temps depuis le Big-Bang : la construction d’emboîtements de plus en plus complexes et imbriqués. Cela dure depuis près de quinze milliards d’années, et, sans cesse, de nouvelles poupées russes viennent entourer les précédentes.
Pourquoi donc ?
Comment répondre à une telle question ? Faut-il d’ailleurs toujours chercher des pourquoi ? Ou du moins, le sens des choses et de la vie sont-ils accessibles à nous qui ne sommes finalement qu’un morceau de ce tout en mouvement perpétuel ? Impossible de savoir…
Une remarque toutefois qui me semble potentiellement éclairante : ce sont les emboîtements qui ont permis l’émergence de nouvelles propriétés, propriétés qui n’étaient même pas embryonnaires à l’échelon inférieur.
Et si l’on suivait ce fil du couplage des emboîtements et des émergences…
(à suivre... la semaine prochaine...)

14 déc. 2011

LES POUPÉES RUSSES DE NOTRE MONDE

Emboîtements et émergences (1)
Prenez en main des poupées russes, vous savez, ces poupées russes qui s’emboitent les unes dans les autres. Ouvrez la plus grande, et vous en trouvez une autre, et ainsi de suite. Au bout d’un moment, ces emboîtements successifs s’arrêtent, et vous avez entre les mains, la plus petite.
Prenez un élément quelconque qui compose notre monde, par exemple celui qui est juste en face de vous au moment où vous lisez cet article. Regardez-le bien, et vous vous apercevrez qu’il est lui-même comme les poupées russes, le résultat d’emboîtements successifs. Simplement le nombre de poupées est considérable, et les emboîtements ne sont pas parfaits, mais se chevauchent.
Au cœur de notre monde, au plus profond de la matière, nous trouvons les composants de base qui, en se combinant, donnent des photons, des neutrinos, des électrons ou des quarks. Quels sont-ils ces composants de base ? Des cordes comme un théorie récente le propose ? Peut-être… Ou alors découvrirons-nous un jour, qu’ils sont eux-mêmes le résultat d’emboîtements subtils, aujourd’hui incompris et inconnus. Quoiqu’il en soit, ces composants de base sont déjà réellement très petits, puisque la taille d’un quark est inférieure à 10-18 m !
Avec les photons, les neutrinos, les électrons et les quarks, naissent les briques dont nous avons entendu parler depuis longtemps : hydrogène, oxygène, carbone, fer… Ces briques, à leur tour, s’associent et jouent entre elles pour donner naissance à des molécules plus complexes, des gaz, des liquides, des solides. Et de ces molécules émergent le monde physique que nous voyons et touchons.
Mais comment pouvons-nous voir et toucher ? Comment pouvons-nous vivre ?
Nous sommes nous aussi des poupées russes. Notre élément de base est la cellule qui est au cœur du vivant, cellule elle-même née à partir des composants dont je parlais précédemment. Comment est-elle née ? Nous n’avons pas la réponse à cette question, mais nous savons que les emboîtements qui la composent, jouent un rôle essentiel.
Ces cellules, selon la façon dont elles sont composées et assemblées, peuvent donner naissance aux êtres vivants les plus simples, l’amibe, comme les plus complexes, l’homme.
La succession des emboîtements s’arrête-t-il là ?
(à suivre)

13 déc. 2011

POURQUOI LE MOUSTIQUE PIQUE-T-IL ?

La vie évolue au gré des heurs et malheurs, nés de rencontres aléatoires et imprévisibles…
Extrait des Mers de l’incertitude
Je déteste les moustiques. Probablement, vous aussi.
Souvenirs multiples d’été, où, parce que j’avais laissé la fenêtre ouverte alors que la lumière était allumée, les nuits ne furent qu’une longue suite de bourdonnements, de batailles sans fin au cours desquelles ma main maladroite et endormie essayait désespérément de mettre un terme à la vie de cet insecte. Les lendemains, je ne pouvais que mesurer l’étendue des dégâts au nombre des cloques rouges, et la démangeaison venait me rappeler le danger de la fenêtre ouverte…
Or ces moustiques, je ne les connaissais pas, ne leur avais rien fait. Alors pourquoi venaient-ils ainsi m’agresser ? Je connais bien sûr la réponse : s’ils me piquent, c’est pour se nourrir.
Mais vous êtes-vous déjà posé la question suivante : comment cela a-t-il commencé ? Pourquoi le moustique s’est-il mis à nous piquer ? Est-ce qu’un jour, il y a longtemps, très longtemps, les ancêtres des moustiques se sont réunis pour savoir comment assurer leur survie et améliorer leur nourriture quotidienne ? Auraient-ils alors mené une étude approfondie pour inventorier toutes les possibilités ? Parmi celles-ci, ont-ils identifié celle de venir piquer des animaux, dont nous, pour prélever du sang ? Ont-ils procédé méthodiquement à des tests, pour finalement conclure, que, oui, le sang était bien la meilleure option ? Ont-ils enfin formé tous leurs jeunes à l’art de piquer vite et bien ?
En un mot : le moustique pique-t-il parce que c’était la meilleure solution et que l’évolution a donc été orientée dans cette direction ?
Non, évidemment cela ne s’est pas passé comme cela.
Tout a effectivement commencé, il y a longtemps, très longtemps même : le lointain ancêtre du moustique était un insecte qui, comme bon nombre d’autres, avait développé un appendice effilé pour absorber un liquide, une sorte de paille si vous voulez. Pratique pour survivre et boire rapidement. Un jour, l’un d’eux s’est posé sur la peau d’un animal à sang chaud. Or cette peau, pour assurer la régulation de température et les échanges avec l’extérieur, était poreuse. Comme l’appendice était très effilé, il a pu pénétrer à l’intérieur et a trouvé un liquide riche et nourrissant : du sang. Il a trouvé cela tellement bon qu’il en est devenu complètement accro, et qu’il a fait partager l’aubaine à ses congénères.
Et voilà, comment une espèce est devenue une sorte de vampire nocturne : par le hasard de la rencontre d’un appendice créé pour boire un liquide et d’une peau perméable pour assurer la respiration. Cette rencontre fortuite a modifié le cours des deux espèces : la survie du moustique a été garantie, l’espèce s’est développée… et, dommage collatéral, la malaria s’est propagée.1
(1) J’ai librement développé et réinterprété cet exemple donné par Ian Stewart dans son livre Dieu joue-t-il aux dés ?

12 déc. 2011

APPLIQUER À SOI-MÊME CE QUE L’ON RECOMMANDE AUX AUTRES

De la sécurité des actions à celle des processus de décision
Il y a quelques jours à l’occasion d’une visite dans une usine, j’ai vu, inscrites sur un tableau, trois risques développant l’insécurité :
-        Inattention du regard,
-        Perte d’équilibre,
-        Mauvaise ligne de tir
Le directeur de l’usine m’expliqua alors ces trois points : « Tout d’abord, si l’on regarde trop vite ou mal, on va prendre les mauvaises décisions et faire courir des risques pour soi-même et pour les autres. Ensuite, avoir une mauvaise assise, c’est souvent provoquer une chute, et un accident. Enfin, ne pas viser là où il faut, c’est ne pas se préoccuper des bonnes choses ».
Amusant comme ces trois règles de sécurité rejoignent ce que je crois être celles d’un bon diagnostic ou d’un bon processus de prise de décision :
-        Si l’on n’a pas un regard attentif, si l’on procède par zapping, on restera à la surface de la situation et on n’en percevra pas la vraie dynamique.
-        Si l’on n’a pas une bonne assise personnelle, on ne va pas suffisamment lâcher prise.
-        Si l’on est distrait ou si l’on n’est pas focalisé dans la bonne direction, on se trompera de sujet.
Les dirigeants devraient intégrer plus dans leurs propres processus de décision, les règles de sécurité qu’ils promeuvent dans leurs usines…

9 déc. 2011

DES MOTS EN MUSIQUE

Christophe, Julien Doré et Alain Bashung
Comment avec les mêmes mots, fussent-ils bleus, quand le langage de la voix diffère, une chanson peut muter...