Conscience, oui mais laquelle ? (Neurosciences 9)
Après les neurones
de la lecture et des nombres, après le voyage dans les terres cachées de
l’inconscient cognitif, Stanislas Dehaene a abordé dans son cours 2010 au collège
de France, le monde de l’accès à la conscience.
Il commence par
cette citation de Julian Jaynes : « Un
ermitage caché dans lequel nous pouvons nous livrer à loisir à l'étude du livre
agité de ce que nous avons fait et de ce qui nous reste à faire. Un monde intérieur
qui est plus moi-même que tout ce que je peux trouver dans un miroir. Cette
conscience qui est l'essence de tous mes moi, qui est tout, sans être cependant
quoi que ce soit, qu'est-elle donc ? » (1)
Dès lors, comment
procéder par expérimentation pour ce qui est par nature subjectif, pour ce qui
n’est en première analyse que vécu par chacun d’entre nous ?
Avec Lionel
Naccache, il répond à cette question initiale ainsi :
« Les
neurosciences cognitives de la conscience visent à déterminer s’il existe une
forme systématique de traitement de l’information, et une classe d’états
d’activité du cerveau, qui distinguent systématiquement les états que les
sujets identifient comme “conscients” des autres états. (…) La première étape,
cruciale, consiste à prendre au sérieux ce que les sujets rapportent de leur
introspection et de leur phénoménologie. Ces rapports subjectifs sont les
phénomènes clés qu’une neuroscience cognitive de la conscience vise à étudier.
En tant que tels, ils constituent les données primaires que l’on doit mesurer
et enregistrer en parallèle avec toutes les autres données physiologiques. »
Mais, au fait, de
quelle conscience parle-t-on ?
-
De la conscience d’avoir accès à
une information, de se rendre compte que l’on pense ceci ou cela ?
-
D’état de conscience, du fait que
l’on ne soit ni endormi, ni anesthésié, ni dans le coma, ni dans un état
végétatif ?
-
De conscience de soi, de cette
permanence qui fait notre identité et lie chacun des instants de notre vie et
est le socle de notre responsabilité ?
- Ou enfin de la conscience
phénoménale, celle qui meuble chacun de nos instants de la couleur subjective
de nos émotions, cette couleur unique, riche et personnelle ?
Le cours de
Stanislas Dehaene ne porte « que » sur ce premier aspect de la
conscience, à savoir la conscience d’accès une information.
Selon lui, cet
accès à la conscience se caractérise ainsi :
- L’information en question doit
pouvoir être accessible par tous les processeurs composant le cerveau et être
rapportable à nous-mêmes et aux autres,
-
L’accès correspond à une ignition
soudaine d’une aire appelée « espace de travail global » (global
neuronal workspace ou GNW)
-
Pendant la durée de la perception
consciente, le GNW reste dans un état métastable qui permet la distribution
effective de l’information au reste du cortex
Mais comment
s’articule-t-il avec les processus non-conscients ? N’y a-t-il aucun lien
entre les deux ?
(à suivre)
(1) The Origin of Consciousness in the Breakdown of the
Bicameral Mind ; Traduction de Guy de Montjou, PUF 1994