18 nov. 2008

SAVOIR DISTINGUER LES FAITS DES OPINIONS

L’objet de la réunion était de discuter de la relance d'un produit qui existait depuis une quarantaine d'années, et qui voyait sa part de marché décliner régulièrement. La promesse produit reposait fortement sur la présence d'un ingrédient, visible dans la texture même de la formule qui était en deux phases physiquement distinctes.
Le chef de produit présentait le résultat des études
« La présence de cet ingrédient vieillit le produit et toute rénovation ambitieuse suppose une nouvelle formule homogène, dit-il.
– Sur quelles données repose cette affirmation, l’interrompit le Directeur Général ? ».
Le chef de produit, interloqué, a repris sensiblement la même explication et terminé par la même affirmation. Il s'est tourné vers le Directeur Général qui, à nouveau, lui a demandé sur quels faits reposait sa conclusion. Blanc dans la salle.
Le chef de produit s'est mis à bredouiller et a fini par dire : « Je n'ai pas vraiment d'études, mais je sais bien que cet ingrédient est dépassé.
– Monsieur, la prochaine fois, vous êtes prié de préciser, quand vous parlez, s'il s'agit de faits ou d'une opinion personnelle, lui a alors asséné le Directeur Général. Vous avez bien sûr le droit d’avoir des opinions, mais, tant que vous n'aurez pas de faits probants montrant que cet ingrédient est dépassé, il sera maintenu. Sujet suivant.»
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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

16 nov. 2008

TAILLER LES ARBRES N’EST PAS QU’UNE AFFAIRE DE LOGIQUE ET DE TECHNIQUE…

Je suis dans le TGV, de retour de ma maison en Provence. Avec novembre, revient le moment de la taille des arbres. Jeu d’entretien et de sculpture.
Au fil des années, j’ai appris à sentir les branches qu’il fallait couper, celles qu’il fallait conserver. Tailler un arbre n’est pas un acte logique et « rationnel » : bien sûr, il y a quelques règles techniques de base à respecter, mais ce n’est pas vraiment l’essentiel.
C’est d’abord une affaire d’esthétique et d’équilibre, comme les volumes d’une statue ou le jeu de couleurs d’un tableau. Pour réussir une taille, il faut savoir prendre du recul et s’observer agissant pour deviner les conséquences des gestes que l’on est en train d’entreprendre.
C’est aussi une affaire d’imagination. En effet, il faut se projeter dans le futur et imaginer ce que va pouvoir devenir cet arbre et ceux qui l’environnent. Chaque entaille faite aujourd’hui est porteur de ce futur implicite qui est inscrit de façon indélébile dans les choix faits.
C’est enfin savoir respecter les rythmes de la nature. Inutile de vouloir brusquer les choses ou de chercher à faire naître une branche là où c’est impossible. Tailler ce n’est pas créer, c’est accompagner la vie et choisir entre des possibles préexistants.
Ces tailles répétées années après années sont à chaque fois comme une leçon qui me ramène à l’essentiel, à ce que, lorsque l’on veut manager une entreprise, on oublie trop souvent, à ces trois principes « naturels » :
- prendre du recul pour veiller à l’équilibre de ce que l’on entreprend ;
- savoir lire les conséquences à long terme des choix immédiats ;
- comprendre que décider c’est choisir parmi des possibles

14 nov. 2008

UNE AGENCE DE TOURISME QUI INVENTE LE SAFARI « NON TOURISTIC » !

Souvenir issu de mon voyage, l’été dernier en Inde. Mon périple m’avait amené jusqu’à Jaisalmer, ville située à l’extrême Ouest, au bord du désert.
Le charme de cette ville est tel qu’elle attire une
foule de touristes – et singulièrement des français –. Du coup, tous les 10 mètres, on trouve une agence de tourisme qui propose ses services.
Au détour d’une rue, je suis tombé en arrêt devant l’une d’elles et sa pancarte pour le moins paradoxale : elle avait inventé le concept du « non touristic camel safari » !
Elle rejoint le Mc Donald du métro Parmentier et ses « 24h sur 24 sauf de 2h à 5h » (
voir l’article) dans le club fermé de promesses intenables !
A nouveau, restons vigilant pour ne pas nous faire manipuler, car la plupart du temps les promesses mensongères sont moins évidentes à déceler que celles-là !

12 nov. 2008

TANT QUE L’ON PARLE DE « QUOTA », IL Y A PEU DE CHANCES QU’UNE APPROCHE MARKETING RÉELLE S’AMORCE

La culture dominante de ce groupe pétrolier était industrielle, aussi la distribution avait été pensée jusqu’alors comme une activité de logistique dont le rôle principal était d'acheminer efficacement le carburant jusqu'au client final. Pas question alors d’en faire le lieu d’un service pour les clients : c’était juste un endroit facile d’accès où l’on pouvait être servi – s’il y avait encore alors de pompistes – en carburant. Un point, c’est tout.
Mais depuis lors, les temps avaient changé : la concurrence entre groupes pétroliers était de plus en plus réelle, et surtout un nouvel acteur était apparu, les grandes surfaces. Du coup, l’entreprise s’était mise au marketing et revoyait toute son approche dans les stations-service.
Or dans le même temps, elle continuait à parler non pas de sa part de marché, mais de son « quota » ! Cette expression issue de son histoire était tellement inscrite dans les habitudes qu’il a fallu plus d’un an pour que chacun – Direction Générale y compris – passe à la part de marché : ce changement était nécessaire, car on ne « voit pas le monde » de la même façon quand on parle de sa part de marché ou de son quota.
Attention aux mots que vous employez, ils vont mobiliser différemment vos inconscients collectifs…

(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

11 nov. 2008

QUAND LES MOTS VIENNENT CONTREDIRE LE CHANGEMENT

Cet établissement financier avait décidé de transformer son organisation France. L'entreprise était classiquement structurée en Directions Régionales regroupant les agences. Ces dernières faisaient marginalement de l'accueil physique et majoritairement du contact téléphonique, et étaient « propriétaires » d'un portefeuille clients, ceux qui habitaient sur son territoire.
Dans la nouvelle organisation, elles ont été maintenues, mais aucun portefeuille clients ne leur était plus rattaché : les appels téléphoniques étaient gérés par un système central qui les routait en fonction des disponibilités locales et de quelques critères de priorité.
C'était un changement extrêmement important non seulement sur le plan technique, mais aussi sur le plan du management puisque le rôle et le métier de chaque agent se trouvaient modifiés en perdant sa dimension géographique.
Dans un changement de cette ampleur, le rôle de la Direction – et singulièrement des Directeurs Régionaux – est essentiel pour indiquer la cible et accompagner le mouvement. Or le métier même du Directeur Régional était profondément changé, puisqu'il n'était plus, lui aussi, responsable géographiquement des clients.
Le maintien du nom « Directeur Régional » a été un facteur de confusion et n'a pas indiqué la portée du changement, puisque le mot de « Régional » a été maintenu. Une appellation comme « Directeur Délégué » aurait été préférable.
On a constaté, au bout d’un an, que la plupart des Directeurs Régionaux ne portaient pas la nouvelle réforme et que l'organisation commerciale avait du mal à se l’approprier.
Le maintien du nom n’a pas été à lui seul la cause de ses difficultés, mais il y a contribué : le langage interne était en contradiction avec l’objectif.

9 nov. 2008

NEUROCRISE POUR UN NEUROMONDE (SUITE)

Sauf à vouloir ériger une immense ligne Maginot mondiale, la globalisation des activités est aujourd’hui un phénomène irréversible qui va aboutir à une meilleure répartition des richesses au plan mondial.
Mais sommes-nous prêts dans les pays occidentaux à voir baisser notre niveau de vie relatif ? Et peut-on imaginer que ce « sacrifice » soit d’abord celui des classes les plus aisées ?
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Dans
un article précédent, j’ai insisté sur ce qui me semblait sous-jacent à la crise actuelle, à savoir l’effondrement des barrières géographiques et l’émergence réelle d’un monde global.
Je concluais ainsi : « La crise que nous vivons actuellement est comme une de ces premières contractions qui annoncent le rapprochement de l’accouchement : elle est douloureuse, et malheureusement la délivrance n’est pas encore pour tout de suite. Nous devons collectivement comprendre progressivement la portée des transformations en cours, et commencer à repenser nos organisations politiques collectives… »
Je voudrais maintenant préciser et prolonger mon propos.
Quels faits tout d’abord :
- Le salaire d’un ouvrier en Chine est environ 7 fois inférieur au salaire dans les pays occidentaux, celui des cadres supérieurs 3 fois (ce qui montre au passage le caractère non communiste du pays …)… Ayant monté avec un ami chinois une entreprise entre la France et la Chine, j’ai pu constater directement l’exactitude de ces écarts. On retrouve peu ou prou les mêmes écarts dans les autres pays dits émergents.
- La quasi-totalité des terminaux informatiques et téléphoniques sont produits en Chine. L’essentiel des produits textiles sont fabriqués en Inde et Chine, et le solde au Maghreb et Turquie. La fabrication de la plupart des produits manufacturés fait intervenir un processus compliqué répartissant et enchevêtrant la conception et la fabrication entre tous les pays du Monde. L’industrie du logiciel est structurée entre les pays occidentaux et l’Inde…
- Quand la croissance dans les pays occidentaux et émergents (Chine, Inde, Brésil, …) est au rythme de ces dernières années, nous vivons une tension extrême sur les matières premières (énergétiques notamment, mais pas seulement) et sur le transport maritime. Cette tension se traduit a minima par un renchérissement des biens correspondants.
- En matière d’environnement, les pays émergents sont incapables de financer à court terme un alignement sur les réglementations en vigueur dans les pays occidentaux.
- La Chine - suivie par l’Inde et progressivement les pays d’Amérique du Sud -, n’entend pas rester soumise à une « domination » occidentale. Son histoire s’est faite avec très peu de contacts avec l’extérieur et elle s’appelle elle-même « l’empire du milieu » (sur les différences culturelles, voir «
en Chine, on écrit pour se comprendre »). Elle n’a donc aucune « histoire d’asservissement ».
Essayons sur ces bases de qualifier la probabilité et les conséquences de quelques scénarios extrêmes :
1. Le maintien peu ou prou de la répartition mondiale actuelle
2. Le repli sur soi
3. Une répartition plus homogène des richesses et des niveaux de vie
Prenons-les successivement.

1. Le maintien peu ou prou de la répartition mondiale actuelle
Ce scenario se caractérise par la poursuite d’une organisation mondiale avec un fort écart de niveau de vie entre les pays occidentaux et émergents, accompagnée par une domination des pays occidentaux (condition nécessaire au maintien de l’écart).
Ceci suppose de :
- contenir la volonté de la Chine de rééquilibrer la situation actuelle,
- empêcher les pays disposant de ressources naturelles critiques (notamment pétrole et gaz) de venir contrarier cet « équilibre »,
- avoir dans les pays occidentaux une volonté collective de maintenir les privilèges face au plus grand nombre
Je ne crois pas que ce scenario soit crédible dans la durée.
En effet :
- Il se traduit par une montée des tensions et supposera une présence militaire croissante pour protéger l’accès aux matières premières et maintenir « une police mondiale ».
- Ces tensions se traduisent dans le prix des matières premières qui viennent freiner la croissance dans les pays occidentaux, « siphonnent » leurs liquidités.
- L’imbrication est telle que les pays émergents ont et auront de plus en plus un pouvoir de blocage : comme « ouvriers de l’usine monde », ils peuvent « se mettre en grève » pour exiger une autre répartition des revenus.
- L’existence des fonds souverains arabes et chinois et le poids croissant qu’ils prennent dans le fonctionnement de l’économie mondiale sont des leviers puissants entre les mains des pays émergents. La création envisagée de fonds souverain européen ne changera rien à cet état de fait.
- Il y a une montée progressive au sein même des pays occidentaux d’une prise de conscience collective de l’injustice du système actuel. Ceci est notamment dû à l’importance croissante des populations issues des pays émergents et vivant dans les pays occidentaux.

2. Le repli sur soi
Face aux tensions actuelles, et notamment par crainte de la perte des privilèges et de l’accroissement du chômage, la mondialisation des activités est stoppée et un retour à des productions locales (au moins au sein des pays occidentaux) est mis en place.
On vise ainsi à un « découplage » entre les pays occidentaux et les autres pays. Ce scenario constitue une forme de « ligne Maginot » qui viendrait nous protéger et maintenir nos acquis.
Ce scenario est impossible pour de multiples raisons :
- L’imbrication de l’organisation économique est telle que le découplage est quasiment infaisable et prendrait au mieux de longues années (sauf à supposer que l’on se prive pendant plusieurs années de la plupart des biens courants).
- Les acteurs qui sous-tendent l’activité économique ne sont pas les États, mais les entreprises. Or celles-ci sont mondiales et ne pourraient donc pas mener ce découplage qui serait contraire à leurs intérêts. Il faudrait donc avoir préalablement créé des entreprises « nationales » qui viendraient remplacer les entreprises actuelles, ou avoir tout nationalisé (ceci au niveau d’un pays ou plutôt à l’échelle de l’Europe ou de l’Amérique du Nord)…
- Le découplage provoquerait probablement un rapatriement des fonds souverains qui se traduiraient certes par un perte de substance des ces fonds, mais aussi par une crise financière majeure dans les pays occidentaux.
- Le niveau de vie des pays occidentaux repose précisément sur l’existence des inégalités avec les pays émergents. En cas de repli, on aurait une baisse mécanique du niveau de vie moyen dans les pays occidentaux.
- La défense de cette « ligne Maginot » supposerait la mise en place de forces armées pour défendre les frontières. Comment aussi gérer la présence de communautés très importantes issues des pays émergents et qui ont maintenu des liens très forts avec leurs pays d’origine (singulièrement cas de la population d’origine chinoise) ?
Or bon nombre des discours actuels font référence implicitement ou explicitement à ce scenario…
Encore un dimanche matin sur Europe 1, un des invités mettait en avant qu’il allait bien falloir revenir sur la logique de la mondialisation, car, selon lui, c’était la seule solution…

3. Une répartition plus homogène des richesses et des niveaux de vie
Ce scenario est le seul compatible dans la durée avec la globalisation des activités. Cette globalisation vient aussi de l’émergence d’individus ayant par eux-mêmes une approche et une « conscience » mondiale, ceux que j’appelais précédemment des « neurocitoyens ».
C’est l’effet « naturel » du système en place : quand vous réunissez des bassins d’eau auparavant séparés, inévitablement les niveaux de l’eau s’ajustent. Vous pouvez freiner cet ajustement, mais pas l’empêcher…
Cet ajustement des niveaux implique une baisse relative du niveau de vie dans les pays occidentaux…
Si cette baisse était supportée essentiellement par les catégories les plus favorisées, ceci serait relativement « supportable », car cela reviendrait à diminuer la part de superflu. Mais le rapport de force au sein de nos pays est tel que cette pression à la baisse – qui est déjà amorcée – est d’abord répercutée sur les populations les moins puissantes, et donc les plus pauvres.
C’est ce point que je développais déjà dans
mon article « Essayons d’éviter la case Neurojungle ».

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Je crois que le 3ème scenario est non seulement inévitable, mais qu’il est souhaitable car il est le plus juste.
Simplement, comment imaginer que les pays occidentaux vont spontanément accepter ce rééquilibrage ? Et comment faire porter ce rééquilibrage d’abord sur les classes favorisées ?
Cela n’est évidemment – et malheureusement- pas le cas. Ceci se fait et se fera au travers d’un combat, une forme de lutte des classes à l’échelle des pays.
Les tensions de fonds que nous vivons actuellement sont provoquées par ce rééquilibrage progressif.
Ne nous trompons pas : si la crise financière provoquée par les spéculations n’est que transitoire, celle liée à ce rééquilibrage ne fait que commencer…
(à suivre)

7 nov. 2008

QUAND DÉSORDRE RIME AVEC HARMONIE ET EFFICACITÉ

Certains groupes sont managés « rationnellement » : régulièrement, des comités de direction examinent en détail les comptes du mois ; tout investissement doit être présenté au travers d’un dossier très structuré ; pour chaque projet, il y a un seul responsable clairement défini.
Chez d'autres, rien de tel. Dans ces groupes, le président ne veut ni chiffres, ni dossiers : il veut qu’on lui « raconte » le projet. Les business plan, on n’y croît pas vraiment. Pour chaque projet, il y a comme une confusion avec plusieurs membres du comité de direction qui vont intervenir et ce sans responsable clair.

La première fois que je me suis trouvé confronté à ce deuxième type de management, j'ai été franchement perdu et ai pensé qu'ils allaient dans un mur ! Et puis, petit à petit, j’ai vu que ce désordre apparent était paradoxalement efficace.
Pourquoi ?
Parce que, quand les métiers sont incertains, il faut des défricheurs : produire des chiffres sur le futur, du coup, n’a pas grand sens. L’important, c’est de comprendre qu’elle est la logique du projet et si on y croît.
Parce que, finalement, c’est l’intelligence collective qui compte : grâce au surnombre apparent, il y a une expertise cumulée très importante et le président peut faire le bon choix.
Parce que, à c
ertains moments, il faut aller plus vite que les concurrents – surtout s'ils sont le challenger -. Ce qui compte alors c'est le charisme du président et sa capacité de focaliser les énergies de tous : il doit fonctionner comme un « aimant » qui orienterait via un champ magnétique tout le comité de direction. A l’inverse quand il n’y a pas d’urgence, le fait d’être plusieurs sur un même projet, fait que personne n’est indispensable et qu’il y a moins de risques d’erreurs.
Résultat des courses, j'ai pu constater que, le plus souvent, leur rentabilité est supérieure à celle du leader.
Alors qui est le plus "rationnel" ?
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Sur le même thème voir aussi :
- « Attention aux jardins à la française »
- « C’est quand tout le monde est d’accord qu’il faut s’inquiéter »
- « Attention aux indicateurs qui ne correspondent pas au réel... »

6 nov. 2008

Promettre tout... et son contraire !

Si vous passez à proximité du métro Parmentier, allez jeter un œil au McDo qui est à côté et vous pourrez y lire cette promesse pour le moins paradoxale : 24H sur 24 sauf de 2h à 5h !
24h/24 = 21h/24 ?

Nous vivons dans un monde de signes et de promesses. Faisons attention chacun à ne pas nous laisser séduire ou entrainer par des lectures trop rapides.
Parfois, il est bon de mobiliser son processus conscient pour analyser la réalité et limiter le risque de se faire manipuler !

4 nov. 2008

SURPUISSANCE DE LA NEUROFINANCE

Le texte ci-dessous est un extrait de mon livre « Neuromanagement » dont l’écriture a été terminée en août dernier… Il me semble plus que d’actualité !

« Le système financier fonctionne de plus en plus comme un tout : les bourses réagissent quasiment comme un système unique où les décalages horaires rythment les propagations ; le nombre des monnaies d’échange se réduit ; les systèmes d’assurance et de refinancement mondiaux sont la règle…

… Est ainsi en train de se mettre en place une forme d’espace de travail global qui devient le centre principal des décisions :

- Au vu d’analyses comparatives mondiales construites dynamiquement, des flux financiers se déplacent quasiment instantanément si une opportunité se présente : arbitrage quand un différentiel apparaît entre deux modes de valorisation d’un bien, ou prise de contrôle quand une survaleur peut être créée par un rapprochement ou un démantèlement.

- Un événement qui se produit dans un des sous-ensembles du réseau déclenche progressivement un effet sur l’ensemble du réseau : témoin ce qui s’est passé en 2007-2008 à partir des « subprimes ». Des systèmes de régulation sont mis en place pour piloter ces effets de propagation et les gérer.

- Aucune grande entreprise ne peut agir indépendamment du système financier. Même avec sa puissance financière propre, Microsoft ne peut pas être indépendant de l’évolution de son cours de bourse : la guerre entre Google et Microsoft est d’abord une guerre de valorisation boursière.

- Il est interconnecté avec les Directions des grandes entreprises non financières : les revenus des dirigeants des entreprises cotées sont déterminés de façon croissante par l’évolution du cours de bourse, et non de la performance réelle de leur entreprise. Jugés d’abord en fonction de ce que le réseau financier « pense » de leur performance, ils appartiennent de fait de plus en plus à ce réseau global, et de moins en moins à leur entreprise.

… Cette émergence de cette neurofinance surpuissante peut globalement être un moteur positif de croissance pour l’économie mondiale, si deux conditions majeures sont respectées :

1. Que les outils et les méthodes d’optimisation soient valides :

… La taille du réseau financier et sa complexité font qu’il est de plus en plus difficile à des individus d’en assurer le contrôle : multiplication des logiciels experts, interdépendance entre les sous-systèmes, croissance des informations brassées, évolution en temps réel.

Le management du réseau se fait alors très largement au travers d’outils informatiques : ce réseau central est donc fortement piloté de façon « inconsciente ». Tous les outils liés à l’arbitrage et à l’anticipation sont notamment de plus en plus sophistiqués. Cette sophistication amène à une prise de risque qu’il n’est pas toujours facile d’évaluer.

N’ayant pas vraiment de contre-pouvoir face à lui, le système financier peut dériver.

La crise des prêts immobiliers aux USA en est un bon exemple. Les conséquences des initiatives du trader de la Société Générale en sont un autre…

2. Que la valorisation financière corresponde à la valorisation économique réelle

… Le mode de calcul de la rentabilité d’une activité ne mesure pas nécessairement sa valeur économique : c’est le résultat de conventions plus ou moins proches du réel.

Or la surpuissance du système financier amène à orienter toutes les entreprises dans une logique financière : il devient l’étalon unique de mesures de la performance et influence directement toutes les décisions prises dans les entreprises.

… L’exactitude des modèles utilisés devient donc critique.

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Ainsi, sans contre-pouvoir face à lui, à force de renforcer sa puissance, à force d’élargir son étendue, à force de complexifier sa structure, le système financier risque de dériver du réel, c’est-à-dire de se décorréler de la production effective de richesse.

Attention à ne pas avoir un système central surpuissant…mais malade. »

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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

3 nov. 2008

QUAND L'INCONSCIENT EMPÊCHE L'ACTIVITÉ DE VIVRE…

Depuis peu Président Directeur Général d’une grande entreprise d'équipements de télécommunications, il était avant tout un spécialiste des processus industriels lourds et n’avait jamais managé de métiers grand public à cycle de développement très rapide. Comme la plupart des dirigeants de son entreprise étaient eux aussi essentiellement issus d’une culture industrielle, l’affaire fut vite entendue : la logique dominante de l’organisation des télécommunications serait celle du marché des infrastructures, et le marché des terminaux portables lui serait rattaché.

Or, si le marché des infrastructures est un marché professionnel très concentré – pour l’essentiel, les clients sont les opérateurs de télécommunications –, le marché des terminaux portables est lui un marché grand public où le marketing et la communication sont essentiels. Handicapée par cette organisation qui ne tenait pas compte des différences structurelles entre les deux métiers, l’activité des terminaux n'a jamais pu faire face vraiment à sa concurrence : freinée dans ses prises de décisions, elle a été constamment en retard d’une gamme de produit ; surestimant la dimension technologique, elle a eu un handicap en matière d’ergonomie et d’interface utilisateur ; sous-investissant en communication et pression commerciale, elle n’a jamais émergée dans le bruit ambiant.


Elle en est morte à petit feu sans que la Direction Générale ne se rende réellement compte de « l’inconscient de structure » généré par l’organisation…
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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)