7 mai 2009

LES MOUCHES SE CACHENT-ELLES POUR MOURIR ?

Vie, mort et inégalités…

Chaque année, c'est la même chose : quand je rouvre les pièces du haut de ma maison en Provence – là où « les chênes naissent égaux mais cela ne dure pas » –, je trouve comme un cimetière de mouches. Étrange.

Il y a probablement des raisons banales, liées à la vie des mouches, mais je me plais à imaginer comme une volonté d'y venir mourir. Comme un cimetière des éléphants version insecte. Ou un Bénarès du pauvre.

Peut-être que dans la mythologie des mouches, venir mourir dans cette pièce cachée et fermée tout l'hiver est un aboutissement, un nirvana terminal. Qui sait ? Que le premier qui a déjà parlé à une mouche m'affirme le contraire…

Prosaïquement elles vont finir dans le ventre d'un aspirateur…

Quant aux chênes, ils vont bien, merci.

Leur parcours inégalitaire se poursuit. Comme aurait pu l'écrire Spinoza, certains sont sur le bon chemin des rencontres adéquates et s'en trouvent renforcés ; d'autres vont de rencontres inadéquates en rencontres inadéquates, de tristesses en tristesses et survivent comme ils peuvent…

Les mouches meurent là où elles peuvent, les chênes apprennent à vivre là où ils sont, life goes on...

6 mai 2009

NON, LA GUERRE N’EST PAS UN MODÈLE POUR LE MANAGEMENT

Vive les stages commandos pour apprendre à diriger !

Au hasard d'un zapping télévisuel, je suis tombé lundi soir sur une émission sur France 2 qui parlait de l'entreprise et des patrons. Saine et audacieuse démarche…

Sans rentrer sur le fonds de cette émission qui comportait quelques bons passages, je voudrais juste zoomer sur un passage qui a mis en scène un MBA lié à HEC, et une sorte de pseudo-stage commando. Il s'agissait dans ce reportage de montrer comment le temps d'un week-end la promotion de ce MBA se trouvait prise en main par un capitaine de l'armée de terre (si je me souviens bien).

Nous avons eu alors droit à quelques scènes « amusantes » : une équipe qui devait construire un pont et se trouvait désorganisée par l'arrivée impromptue d'un blessé non prévu, une stagiaire prise de vertige, … Passionnant quoi… Et là-dessus une conclusion : l'armée réfléchirait à développer des stages de formation à l'intention des cadres dirigeants…

Nous voilà bien partis pour sortir de la guerre économique et sociale. Stage commando pour la stratégie. Stage GIGN pour les relations sociales. Tout va bien…

Pour ceux qui – comme moi – pensent que la vision moderne du management n'est plus dans l'affrontement mais dans la coopération, que gagner ce n'est pas battre son voisin mais construire avec lui de nouvelles solutions, que diriger c'est lâcher-prise, tout ceci n'est pas vraiment rassurant.

Ce reportage m'a fait repenser à un texte de Boris Vian que j'ai lu il y a longtemps. Paru dans le recueil « Textes et chansons », il s'agit d'un court texte dans lequel Boris Vian explique que « Le jour où personne ne reviendra d'une guerre, c'est qu'elle aura enfin été bien faite »...

Un peu plus tard, le même soir, cette fois sur France 3, j'ai vu un reportage sur l'entreprise Favi : cette fonderie s'est développée grâce à un management fondé sur la responsabilité, l'intelligence et la croyance en la bonté de l'homme… Rafraichissant. Ouf ! Tout n'est pas perdu. Je reviendrai sur cette entreprise dans un autre article.

5 mai 2009

« SI DIEU JOUAIT AUX DÉS… IL GAGNERAIT »

Le hasard existe-t-il ?

La plupart du temps, nous confondons hasard et méconnaissance de la totalité des paramètres d'une expérience.

Prenez l'exemple du jeu de dés. Quand je lance les dés et que je les regarde rouler sur la piste du jeu, je suis incapable de prévoir quel sera le résultat. Si les dés sont « parfaits », j'attribue alors la probabilité de 1/6ème à chacun des résultats possibles. J'en conclus que le résultat est dû au hasard.

Mais c'est faux ! Le résultat est complètement défini par mon lancer de dés, par l'interaction entre ces dés et la piste, le tout marginalement influencé par les conditions atmosphériques. Simplement la modélisation de ce système est tellement complexe, que je suis en fait incapable d'anticiper ce résultat : la forme exacte de ma main au moment du lancer, la vitesse et la direction communiquées à chaque dé, la forme exacte de chaque dé et la force d'interaction avec la piste…

Du coup, je constate simplement que, quand je renouvèle souvent l'expérience, comme les conditions initiales changent à chaque fois, finalement les résultats suivent une loi de probabilité. Mais il n'y a pas de hasard à proprement parler… Juste un manque de connaissance de notre part…

C'est ce qui fait dire à Stewart en conclusion de son livre sur les mathématiques du chaos : « Si Dieu jouait aux dés… il gagnerait ! ». Car pour lui, ce ne serait plus un jeu de hasard ! Amusante pirouette non ?



4 mai 2009

TU POUSSES LE BOUCHON, UN PEU TROP LOIN, LA CRISE !

Faire face à ses propres responsabilités...

   

Résumons la situation : un enfant  n'a pas su résister à l'appel irrésistible des mousses au chocolat et fait "porter le chapeau" à son poisson rouge. 

Avec pour chute finale, une phrase devenue "culte" : « Tu pousses le bouchon, un peu trop loin, Maurice ! ». 

Le poisson – Maurice – ne risque pas de répondre, et pour cause !

Bien sûr on peut se contenter de rire du cocasse de la situation et profiter d'un vrai sketch comique – un peu de détente dans l'ambiance morose actuelle est toujours bienvenu !

Mais, ce film tourné en 1995 résonne aussi en écho d'une mode actuelle qui a tendance à se répandre : « Comment faire porter le chapeau à celui qui ne peut rien dire ».

Face à l'accumulation d'incertitudes, il est bien commode de passer le mistigri et refuser d'assumer les conséquences d'erreurs passées.

Vous en doutez ?

Prenez un journal au hasard et vous allez trouver de multiples exemples...

30 avr. 2009

QUAND LES GALÈRES S’ENCHAÎNENT, ON S’EN SORT COMMENT ?

Merci au Crédit Agricole de poser cette question d'actualité, mais que veut-il dire et à qui s'adresse-t-il ?

Nouvelle campagne de communication du Crédit Agricole : « Quand les galères s'enchaînent, on s'en sort comment ? »

Une première question : Quelles sont ces galères qui s'enchaînent ? Voilà en effet une phrase quelque peu paradoxale. Habituellement, c'est aux galères que l'on est enchaîné. Là, ce sont les galères qui s'enchaînent elles-mêmes.

Sont-elles toutes enchaînées au sein d'une « méga-galère », une galère enveloppe ? On ne sait pas. Aucune information sur ce sujet.

Ce paradoxe doit avoir pour but d'accroître les inquiétudes actuelles et renforcer l'impact de la campagne : si même les galères en sont à s'enchaîner, c'est que tout va de travers : dans un monde où les galères s'enchaînent, comment nous pauvres humains avons-nous une chance de nous en sortir ?

Maintenant posons-nous la question de « à qui s'adresse ce message ? ».

Aux clients du Crédit Agricole ?

Il est vrai qu'ils sont de plus en plus pris dans la tourmente de la crise. Pour bon nombre d'entre eux, la question du « comment on s'en sort » est cruciale. Témoin tous les remous dans les entreprises, les séquestrations des patrons et l'effervescence du monde politique.

Mais est-ce qu'une banque est là mieux placée pour une telle affirmation ? Bien sûr, les banques françaises ne sont pas à l'origine de la crise actuelle, mais certains pourraient, par un effet de raccourci, leur en vouloir et imaginer qu'ils ont contribué aux galères actuelles. Donc il y a un risque que cette campagne soit perçue comme une provocation.

Or, je n'ose imaginer qu'il y a derrière ce slogan un nouveau dérapage publicitaire, comme un retour de flamme de la Rolex Séguélienne… Non, nos publicitaires sont trop sérieux, les équipes marketing d'une banque comme le Crédit Agricole trop professionnelles.

Tout ceci a donc dû être pensé.

Et si la cible était le Crédit Agricole lui-même : le management, le personnel, les actionnaires.

Là, c'est beaucoup plus cohérent. La question est en effet complètement pertinente : Comment le Crédit Agricole peut-il s'en sortir quand les galères s'enchaînent ?

Tout le top management est actuellement centré sur la réponse à cette question. Tout le monde dans la banque « serre les fesses » en espérant passer au travers de la tempête. Les actionnaires eux prient…

Reste à savoir alors pourquoi cette campagne.

Est-ce un appel à la créativité des français, un concours à idées, une Star Academy du management bancaire ?

Si c'est le cas, nous le saurons bientôt, car nous allons avoir alors une deuxième phase indiquant les prix et les récompenses en cas de bonnes réponses.

Mais si l'objet était ailleurs ? Si cette campagne était une tentative de déstabilisation de ses concurrents.

Car enfin comment expliquer la juxtaposition de cette campagne avec l'annonce du départ de Daniel Bouton de la présidence de la Société Générale ?

Il suffit de regarder par exemple le Monde du 29 avril sur Internet. On trouve en haut la publicité du Crédit Agricole et en dessous le titre « Daniel Bouton un boulet pour la Société Générale » (voir la photo jointe).

Dès lors tout est logique : on a à la fois la question qui résume la problématique de la Société Générale – « elle enchaîne les galères » - et la solution – on s'en sort en se séparant du « boulet ».

Certes c'est efficace, clair et cohérent. Mais quel manque d'élégance ! Le monde bancaire est vraiment devenu une jungle où tous les coups sont permis !

Soyons attentif à la lecture de la presse dans les jours à venir pour voir quelle pourrait être la réponse de la Société Générale.

Va-t-elle détourner son slogan actuel « On est là pour vous aider » en proposant ses services à ses concurrents, et au Crédit Agricole au
premier chef ?

29 avr. 2009

ALÉATOIRE, CHAOS ET SYSTÈMES VIVANTS

Promenade au sein du livre de Stewart « Dieu joue-t-il aux dés ? Les mathématiques du chaos », l'occasion de se poser quelques questions intéressantes…

Peut-on renouveler à l'identique une expérience ?

« Il est possible de répéter l'expérience avec apparemment le même boulet de canon, apparemment au même endroit et apparemment avec la même vitesse initiale, mais on ne peut contrôler individuellement tous les atomes afin de reproduire exactement le même état initial avec une précision infinie. En fait à chaque fois que l'on touche le boulet, quelques atomes sont arrachés à sa surface alors que d'autres sont transférés, ce qui donne des états différents à chaque essai. »

Quelle différence entre des systèmes réellement aléatoires et des systèmes chaotiques ?

« Il sera dit aléatoire si des états apparemment identiques débouchent presque immédiatement sur des résultats différents... L'effet papillon vous interdit des prédictions à long terme mais le déterminisme du chaos rend votre système prévisible à court terme… Le chaos est un mécanisme permettant d'extraire et de mettre au jour l'aléatoire qui réside dans les conditions initiales… Si nous connaissions ces « variables cachées » appartenant au plus grand système, nous arrêterions de croire que le sous-système est aléatoire. Supposons maintenant que nous nous intéressons un système réel que nous pensons aléatoire. Cet état de fait peut être dû à deux raisons : soit nous n'avons pas examiné le système avec assez d'attention, soit celui-ci est irréductiblement aléatoire.

Peut-on prévoir une évolution à long terme ?

« Mais lors même que les lois naturelles n'auraient plus de secrets pour nous, nous ne pourrons connaître la situation initiale qu'approximativement. Si cela nous permet de prévoir la situation ultérieure avec la même approximation, c'est tout ce qu'il nous faut, nous disons que le phénomène a été prévu, qu'il est régi par des lois ; mais il n'en est pas toujours ainsi, il peut arriver que de petites différences dans les conditions initiales en engendrent de très grandes dans les phénomènes finaux ; une petite erreur sur les premières produirait une erreur énorme sur les derniers. La prédiction devient impossible et nous avons le phénomène fortuit... Et c'est pourquoi mon cœur bat et que j'attends tout du hasard (Henri Poincaré, sciences et méthodes). »

Le chaos est-il un mécanisme du vivant ?

« Une des raisons du pouvoir d'attraction qu'exercent ces fables tient à une mauvaise compréhension de ce qu'est la stabilité de la nature. Il est clair qu'un écosystème viable doit être d'une certaine manière stable, sinon il ne pourrait continuer d'exister (c'est la signification même du mot « viable »). Jusqu'à une époque récente, le paradigme de la stabilité était l'équilibre. Par conséquent, il se trouve de nombreuses personnes pour argumenter qu'un écosystème étant une toile complexe d'interactions, la perte d'une partie quelconque de cette toile provoquerait la destruction la stabilité - parce que (« de façon évidente ») cela affecterait l'équilibre. Cette argumentation est fausse sur bien des points… Vous ne pouvez pas déterminer ce qui se passera en vous contentant de regarder la taille de votre perturbation ; cela dépend de la situation de la dynamique par rapport à un éventuel « point de bifurcation », autrement dit de sa sensibilité envers toute modification de ses paramètres... La plupart des gens recherchent des réponses faciles, la plupart des hommes politiques et des groupes de pressions veulent des slogans simples. Les écosystèmes, eux, sont trop complexes pour se plier à cette exigence… Les cerveaux ont besoin du chaos : le chaos est nécessaire aux fonctions cérébrales car le cerveau traite de l'information, ce qui implique une capacité à commuter rapidement d'un état à un autre. Nous avons vu que ce type de flexibilité est caractéristique des systèmes chaotiques, car les systèmes possédant une dynamique plus régulière ne peuvent changer d'état aussi rapidement. Il semblerait donc que le cerveau doit être chaotique pour pouvoir fonctionner correctement. »

28 avr. 2009

TOUS ENSEMBLE, HYBRIDONS-NOUS DE NOS DIFFÉRENCES

Nous devons repenser notre identité individuelle et collective

Donnons une nouvelle fois la parole à Michel Serres, cette fois dans l'Incandescent :

« Ainsi confondons-nous toujours appartenance et identité. Qui êtes-vous ? En entendant cette question, vous déclinez nom et prénom, et vous y ajoutez, parfois lieu et date de naissance. Mieux encore, vous vous prétendez français, espagnol, japonais ; non, vous n'êtes pas, identiquement, tel ou tel, mais, derechef, vous appartenez à l'un ou l'autre de ces groupes, de ces nations, de ces langues, de ces cultures...

Non vous n'êtes pas musulmane, fille, protestante ou blonde, vous ne faites que partie de tel pays et de ses modes printanières, de cette religion et de ses rites ou d'un sexe et de ses rôles mouvants...

Puissions-nous, de temps en temps, oublier nos appartenances. Notre identité gagne. Avec, en prime, la paix. »

Ce texte écrit en 2003 résonne avec la crise actuelle et toutes les pertes de repère.

Que chacun élargisse le champ de son intelligence consciente, et se construise un réseau étendu et divers,

Que chacun de nous prenne ses distances vis-à-vis du territoire où il se trouve sans le renier, et ne substitue pas identification tribale à identification géographique,

Que chacun de nous bâtisse son identité à partir des expériences multiples, et se serve de son histoire propre pour enrichir celle de l'autre et non plus pour lui expliquer ce qu'il devrait faire,

Que tous ensemble, nous nous hybridions de nos différences.

27 avr. 2009

« D'OÙ ÊTES-VOUS ? DE N'IMPORTE OÙ … »

Nous expérimentons le monde.

Retour à Michel Serres dans Hominescence :

« D'où êtes-vous ? ... Sans ici, plus de moi, voilà de quoi les grognons prennent peur : de ne plus exister, les pauvres, pour ne plus savoir où ils mettent les pieds. Comme si le je devait plonger dans un espace, comme s'il appartenait à un sous-ensemble qu'il n'avait pas choisi... Le je sans référence, fixe et mobile à la fois, changeant, oui, ondoyant et divers, chatoyant selon ceux que je ne rencontre en l'Univers, ne dépend plus de que de moi, ne se définit que par la tautologie, plate et blanche, de l'identité, jamais par un quelconque lien d'appartenance... Tu n'es que là d'où tu viens. Non, je suis qui je suis, voilà tout... L'espace sans distance implique un je sans espace... Nous n'avons plus mal à l'espace; D'où êtes-vous ? De n'importe où ? ... Je navigue. Qui êtes-vous ? Je fluctue, percole et ne suis pas. Comme tous, j'habite le monde et son temps. »

Puis un extrait de mon livre Neuromanagement :

« Trois messages apparaissent simultanément sur mon écran : un virement vient d'arriver sur mon compte bancaire, les demi-finales de Roland Garros viennent de se terminer, mon avion est en retard. Pratique et efficace. Je n'ai pas eu besoin de mobiliser ma conscience pour aller chercher ces informations : elles sont venues d'elles-mêmes vers moi. Ou plutôt, en utilisant les sites internet de ma banque, de mon journal et de ma compagnie aérienne, j'ai défini quels types de messages je voulais recevoir, et tout ensuite est automatique.

On retrouve exactement le principe de fonctionnement de la relation conscient/inconscient : l'inconscient sait gérer des processus appris préalablement consciemment et alerter la conscience si nécessaire. Rappelez-vous la course le long de la Seine.

Ainsi Internet vient me doter d'un nouvel inconscient programmable : le réseau va travailler pour moi et alerter ma conscience si nécessaire. La technologie sophistiquée qui est derrière est transparente : je n'ai pas besoin de savoir comment fonctionne un lien RSS pour le mettre en œuvre.

Cet inconscient a une puissance quasi infinie, celle du réseau et de l'intelligence artificielle présente. Et, à la différence de mon inconscient physique, il pourra être modifié et reconfiguré : il sera donc maîtrisable…

Jusqu'à présent, l'individu se définissait fortement à partir de l'endroit où il était né, où il habitait, et des personnes qui s'y trouvaient physiquement : ce qui était proche de lui, c'était son voisin au sens géographique du terme. Cet ancrage au territoire se retrouve aussi fortement dans cette question souvent posée lors d'une première rencontre : « Tu es d'où ? ».

Avant, entrer en relation avec quelqu'un à distance était complexe : comment identifier la bonne personne sans la rencontrer ? Comment communiquer de façon interactive et riche sans se voir ? Le franchissement de toutes ces barrières n'était possible qu'au prix d'un surcoût extrêmement élevé en temps et en argent.

Avec la téléphonie mobile et Internet, tout change. La localisation se dilue : je peux joindre ou être joint sans savoir où est l'autre ou avoir à dire où je suis. Je peux aussi, grâce aux différents moteurs de recherche et à l'ensemble des sites structurés autour de la notion d'affinités, localiser une ou plusieurs personnes correspondant à ma recherche. Ensuite, via le réseau, je pourrai entrer en relation à coût quasiment nul, en échangeant des textes, des sons, des images ou de la vidéo.

Ainsi le lieu occupé par mon corps et les informations qui viennent de mes cinq sens (ouïe, vue, toucher…) ne sont plus qu'une donnée à côté de celles qui viennent du réseau : là où je suis et là d'où je viens ne sont plus mon seul facteur d'identité. Celui qui m'est proche n'est plus nécessairement ni mon voisin, ni mon parent. Celui qui m'est proche est celui que je choisis ou qui m'a choisi, celui avec qui je vais pouvoir entrer en résonance émotionnelle virtuellement. Celui qui m'est proche est celui que je rencontrerai physiquement peut-être un jour… ou peut-être pas.

Bien sûr un tel changement ne peut qu'être très progressif et ne touche pour l'instant qu'un nombre limité d'entre nous. Mais il est en route. Et nous voilà donc en train de devenir des neurocitoyens : muni de notre inconscient virtuel surpuissant et accédant à un nouveau niveau de conscience, nous nous extrayons de notre passé animal pour expérimenter le neuromonde… »

24 avr. 2009

EXPERIMENTER SANS NOTRE CORPS ?

Nous accédons à une réalité élargie

"Le développement de notre cerveau, et donc de notre intelligence individuelle, se fait au travers de nos expériences et des informations acquises. Jusqu'à présent ces expériences pouvaient être soit :

- vécues physiquement : ce que je vis ou ai vécu,

- imaginées : ce que je pense ou ai pensé,

- racontées : ce que d'autres ont vécu ou pensé.

Avec l'essor d'Internet, apparaît un quatrième type d'expérience : vécue mais virtuelle.

Un univers comme « Second Life » en est un exemple typique : chacun peut y développer un ou plusieurs avatars et vivre ainsi un ensemble de vies virtuelles. Une fois choisies mon apparence et ma personnalité, je peux interagir avec les autres, c'est-à-dire avec d'autres projections virtuelles de personnes réelles mais physiquement inconnues. Ces interactions peuvent être professionnelles, amicales, sexuelles… Il ne s'agit pas d'imagination, car personne ne contrôle l'action des autres : chacun ne pilote et ne définit que son avatar, et est soumis aux actes et décisions des autres.

Si cette réalité est nouvelle et différente de celle qui provient de l'univers physique, elle n'en est pas moins vraie. Si cette interaction est virtuelle, pour la conscience, elle est réelle : le système conscient ne manipulant que des interprétations, celles-ci ont potentiellement la même valeur que les autres. Ceci dérange nos habitudes et trouble nos raisonnements : le virtuel n'est pas la négation de la réalité, c'est un autre type de réalité.

Ainsi nous avons la capacité à « vivre » intellectuellement des situations sans avoir à les expérimenter physiquement : notre système conscient, nourri de nouvelles données, pourra construire de nouvelles interprétations, et donc de nouvelles logiques de décision.

Dans cette situation, le corps physique n'est plus nécessaire pour expérimenter : il devient seulement le support qui nourrit - au sens premier du terme - le cerveau. Au début, nous sommes conscients d'être en train de piloter l'ordinateur, mais, rapidement, grâce à l'apprentissage, ce pilotage, comme pour une voiture, se fait automatiquement, c'est-à-dire inconsciemment : nous sommes alors directement connectée à notre avatar sans aucun intermédiaire perçu ; nous sommes cet avatar.

J'ai personnellement vécu cette étrange sensation sur Second Life : au bout d'un moment, je me suis senti immergé dans cet univers virtuel. A l'instar de ce qui se passait dans le film d'anticipation Tron, je me suis « physiquement » retrouvé dans mon ordinateur… Et demain, il est probable que, cet ordinateur, nous pourrons le piloter réellement directement par le cerveau, sans passer par notre corps physique."

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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

23 avr. 2009

NOUS SORTONS DE NOS CAVERNES

Nous avons une nouvelle roue

Le premier outil a été simplement un prolongement de la main dont il améliorait l'efficacité et la capacité à modeler son environnement. La mise en œuvre et l'utilisation de cet outil reposaient uniquement sur l'énergie humaine.

L'invention de la roue est venue apporter un double bénéfice :

- Possibilité d'utiliser les énergies naturelles autres que l'énergie humaine : animal, eau, vent,

- Facilitation des déplacements par diminution du besoin d'énergie pour mouvoir un objet

Avec la roue, l'artisanat a pu se constituer, l'agriculture se développer, les villes apparaître.

Comme l'imprimerie a accru la puissance de l'écriture, l'arrivée de la maîtrise des énergies – charbon, pétrole, nucléaire, solaire... – a décuplé la puissance de la roue : train, voiture, mécanisation des processus de production...

L'industrie "moderne" s'est mise en place, l'agriculture a eu de moins en moins besoin de bras humains, les campagnes se sont vidées – mouvement qui s'amorce maintenant en Chine –, les villes se sont développées, les structures familiales se sont distendues – amorce de l'éclatement géographique des familles –.

Arrivent les technologies de l'information :

- Comme la maîtrise de l'énergie a vidé nos campagnes des agriculteurs, elles viennent "vider" les entreprises des hommes en développant des systèmes capables de gérer plus efficacement des pilotages de plus en plus complexes.

- Comme la roue et l'énergie avaient transformé la relation à la géographie physique – Marseille à 3H de Paris -, elles se moquent des distances et du temps : Elles installent l'échange à distance à coût voisin de zéro et instantané. Tout ce qui peut être numérisé n'a plus de localisation.

Elles viennent aussi donner une puissance nouvelle aux systèmes d'information et à la capacité à synchroniser des travaux individuels. Ainsi elles rapprochent encore un peu plus l'entreprise d'un fonctionnement neuronal : tous les termes des analogies développées précédemment en ressortent renforcer.

Vers quel système d'organisation allons-nous ? La transformation sera-t-elle de la même ampleur que la sortie des cavernes et l'émergence de l'agriculture et des villages ?