20 nov. 2009

« LA VÉRITÉ, C'EST QUE J'AVAIS UNE IDÉE, UNE IDÉE PAS FAMEUSE… »

Comment est né Air Liquide

« La vérité, c'est que j'avais une idée, une idée pas fameuse, mais qui a eu quand même d'utiles conséquences, comme il arrive parfois aux plus mauvaises idées. Je voyais mon invention de l'acétylène dissous, à peine éclose, péricliter pour différentes raisons, dont l'une était le prix alors élevé du carbure de calcium. J'eus alors la pensée qu'on pourrait peut-être réduire ce prix en substituant à l'électricité, pour la production des hautes températures nécessaires à la fabrication de ce produit, la simple combustion du charbon par l'oxygène si l'oxygène lui-même pouvait être produit à bas prix.


Bien que cette conception soit restée stérile jusqu'ici et qu'on fabrique toujours le carbure par l'électricité, c'est donc cette conception tout de même - et on aura raison d'appeler cela de la chance - qui m'a amené à l'oxygène pour sauver l'acétylène dissous, avec cette chance supplémentaire et inouïe que c'est quand même cet oxygène qui l'a sauvé en lui donnant le débouché, que je ne pouvais prévoir, du soudage et du coupage, Et ainsi l'acétylène dissous est devenu le gros client de L'Air Liquide, dont il a, à son tour, assuré le succès.

Ce n'est pas tout: s'il est certain que c'est par l'acétylène que j'ai été amené à l'air liquide, il est non moins certain que l'air liquide à son tour m'a conduit à l'extraction des gaz rares, puis à j'extraction de l'hydrogène des gaz de fours à coke et à la synthèse de l'ammoniac par les hyperpressions

Ainsi s'exprimait Georges Claude dont les inventions sont à l'origine, au début du 20ème siècle, de la création d'Air Liquide. Pour qu'Air Liquide se crée, il avait fallu en plus que ces idées rencontrent des hommes comme Paul Delorme, puis Frédéric Gallier prêts à prendre des risques.

Bel exemple de modestie à méditer par tous ceux qui se croient capables de prévoir…

19 nov. 2009

IMAGINER LE FUTUR ET ACCOMPAGNER LA MISE EN ŒUVRE DE SA VISION

Un long chemin fait d'ajustements successifs, d'obstination et de rythme

En 1983, j'ai acheté ma maison en Provence. Le gros-œuvre de la maison était en très bon état, mais l'intérieur était complètement à refaire. Pour le jardin – je devrais dire le terrain –, tout était à faire : à part la truffière, ce n'était que ronces et pruniers, une sorte de jungle, version maquis provençal. Au cours des six premiers mois, j'ai tout nettoyé et me suis retrouvé devant une feuille blanche, ou plutôt verte.
J'ai alors imaginé comment tout ceci pourrait devenir un jardin, me suis construit une vision de comment ce serait à terme. Je me suis assuré que c'était réaliste, compte-tenu du climat et du temps que j'étais prêt à consacrer. Compromis entre ce que je voulais, ce qui naturellement pouvait pousser là, et les moyens disponibles.
Depuis, cette vision s'est mise en œuvre et j'ai sculpté, au cours des années, plantes, arbres et terrain. Le début fut le plus facile : il suffisait de planter des arbres. Simplement il fallait faire attention à les imaginer grands et donc à ne pas les planter trop proches les uns des autres.
Le plus difficile a été d'accompagner leur croissance. J'écris « accompagner », car c'est l'arbre qui grandit, moi, je ne suis qu'un facilitateur. Au fil des années, j'ai appris à sentir les branches qu'il fallait couper, celles qu'il fallait conserver. Tailler un arbre n'est pas un acte logique et rationnel, c'est une affaire d'attention et d'intuition. Bien sûr, il y a quelques règles techniques de base à respecter, mais ce n'est pas vraiment l'essentiel. 
C'est d'abord une affaire d'esthétique et d'équilibre, comme les volumes d'une statue ou le jeu de couleurs d'un tableau. Pour réussir une taille, il faut savoir prendre du recul et s'observer agissant pour deviner les conséquences des gestes que l'on est en train d'entreprendre.
C'est aussi une affaire d'imagination : il faut se projeter dans le futur et imaginer ce que va pouvoir devenir cet arbre et ceux qui l'environnent. Chaque entaille faite aujourd'hui est porteuse de ce futur implicite qui est inscrit de façon indélébile dans ce choix.
C'est enfin savoir respecter les rythmes de la nature. Inutile de vouloir brusquer les choses ou de chercher à faire naître une branche là où c'est impossible. Tailler ce n'est pas créer, c'est accompagner la vie et choisir entre des possibles préexistants. 
Ce sont ces tailles répétées années après années qui ont permis à ce jardin d'être aujourd'hui en ligne avec ce que je voulais.

Mettre en œuvre une stratégie, c'est aussi un long chemin, fait d'ajustements successifs, d'obstination et de rythme. 
Au moment du lancement de cette stratégie, on sait quelle mer on vise, on connait les chemins qui peuvent permettre de l'atteindre, on a identifié les ruptures potentielles les plus dangereuses, on sait précisément comment on va commencer, après on verra ! Aussi, la première chose à ne pas manquer, c'est de coller au plus près du réel.

18 nov. 2009

LA SUPPRESSION DE LA TAXE PROFESSIONNELLE N’EST PAS NÉCESSAIREMENT UNE BONNE NOUVELLE POUR LES ENTREPRISES

« Oui, mais pas chez nous ! »


Le débat actuel sur la suppression de la taxe professionnelle fait actuellement rage. Il porte pour l'essentiel sur la question du financement des collectivités locales – communes et groupement de communes – : comment vont-elle être financées à l'avenir ? Quels seront leurs marges de manœuvre sur l'évolution de ces ressources ?

Double débat évidemment essentiel dont va dépendre leur capacité à faire face ou non à leurs dépenses et le maintien d'une réelle décentralisation. On voit clairement derrière tout ceci flotter ce jacobinisme qui reste de règle dans la plupart des « élites » parisiennes.

Le monde des entreprises reste absent de ce débat, trop content d'engranger enfin cette suppression de la taxe professionnelle tant attendue.

Or je ne pense pas qu'il soit de bonne politique de rester ainsi absent de ce débat et se désintéresser de la suppression du lien entre les entreprises et le territoire sur lequel elles se trouvent.

En effet, si la taxe professionnelle présente des inconvénients importants à cause de son mode de calcul, elle a le mérite de créer une forme de solidarité de fait entre l'entreprise et la ou les communes où elle est implantée : quand la direction d'une usine a un projet de création d'une nouvelle activité et d'extension d'une activité existante, elle sait rencontrer auprès des élus locaux concernés des oreilles a priori bienveillantes. Ceci est d'autant plus important que ce sont bien souvent les seules : la montée en puissance de l'environnement et de l'écologie fait que quasiment tous les autres acteurs – administration, associations locales – vont chercher à s'opposer au projet.

Qu'en sera-t-il demain si l'on supprime la taxe professionnelle et qu'il n'y a plus aucun lien ou un lien très lâche entre une usine et les ressources de sa commune ? Ne va-t-on pas voir le maire devenir le premier opposant à tout projet d'extension ? Ne va-t-on pas comme pour la plupart des projets d'infrastructures voir les populations locales et leurs élus dire « Oui, mais pas chez nous » ? Est-ce que cela ne risque pas d'accélérer la "tertiarisation" de notre pays ?

Non, vraiment, je pense que c'est une vision bien à courte vue de se désintéresser de ce débat du financement des collectivités locales. Le MEDEF et les entreprises qu'il représente pourraient avoir un réveil douloureux…


17 nov. 2009

« LE MOI SUBLIMINAL N'EST NULLEMENT INFÉRIEUR AU MOI CONSCIENT »

Henri Poincaré, dès 1908, parlait du rôle du travail inconscient dans l'invention

Henri Poincaré a écrit en 1908 un traité « Sciences et Méthodes » dans lequel il mène une réflexion sur la méthode scientifique et l'applique ensuite aux mathématiques, à la mécanique, à l'astronomie et à la géodésie.

Dans la partie initiale, il centre notamment sa réflexion sur le processus de l'invention et de la création. Il est frappant de voir comme il était précurseur et en phase avec la vision actuelle telle qu'issue par les derniers développements des Neurosciences (voir notamment « le Nouvel Inconscient » de Lionel Naccache, mon livre Neuromanagement et mon article : « CONSCIENCE ET INCONSCIENCE, LE « YIN ET YANG » DE NOS PROCESSUS VITAUX »)

Sur le processus de l’invention et de l’inspiration : 
« Ce qui frappera tout d'abord, ce sont ces apparences d'illumination subite, signes manifestes d'un long travail inconscient antérieur; le rôle de ce travail inconscient dans l'invention mathématique me paraît incontestable, et on en trouverait des traces dans d'autres cas où il est moins évident. »
« Il y a une autre remarque à faire au sujet des conditions de ce travail inconscient : c'est qu'il n'est possible et en tout cas qu'il n'est fécond que s'il est d'une part précédé, et d'autre part suivi d'une période de travail conscient. Jamais (et les exemples que j'ai cités le prouvent déjà suffisamment) ces inspirations subites ne se produisent qu'après quelques jours d'efforts volontaires, qui ont paru absolument infructueux et où l'on a cru ne rien faire de bon, où il semble qu'on a fait totalement fausse route. Ces efforts n'ont donc pas été aussi stériles qu'on le pense, ils ont mis en branle la machine inconsciente, et, sans eux, elle n'aurait pas marché et n'aurait rien produit. »
« Il faut mettre en œuvre les résultats de cette inspiration, en déduire les conséquences immédiates, les ordonner, rédiger les démonstrations, mais surtout il faut les vérifier. J'ai parlé du sentiment de certitude absolue qui accompagne l'inspiration; dans les cas cités, ce sentiment n'était pas trompeur, et le plus souvent, il en est ainsi; mais il faut se garder de croire que ce soit une règle sans exception ; souvent ce sentiment nous trompe sans pour cela être moins vif, et on ne s'en aperçoit que quand on cherche à mettre la démonstration sur pied. J'ai observé surtout le fait pour les idées qui me sont venues le matin ou le soir dans mon lit, à l'état semi-hypnagogique. »

Sur les processus de décision et de choix

« Ici les échantillons seraient tellement nombreux qu'une vie entière ne suffirait pas pour les examiner. Ce n'est pas ainsi que les choses se passent. Les combinaisons stériles ne se présenteront même pas à l'esprit de l'inventeur. Dans le champ de sa conscience n'apparaîtront jamais que les combinaisons réellement utiles, et quelques-unes qu'il rejettera, mais qui participent un peu des caractères des combinaisons utiles. Tout se passe comme si l'inventeur était un examinateur du deuxième degré qui n'aurait plus à interroger que les candidats déclarés admissibles après une première épreuve. »
« Et alors une première hypothèse se présente à nous : le moi subliminal n'est nullement inférieur au moi conscient; il n'est pas purement automatique, il est capable de discernement, il a du tact, de la délicatesse; il sait choisir, il sait deviner. »

16 nov. 2009

LES MÉDIÉVAUX IGNORAIENT QU’ILS VIVAIENT AU MOYEN ÂGE. ILS SE CROYAIENT COMME NOUS « MODERNES »

Patchwork subjectif tiré de « Les Grecs, les Arabes et nous, enquête sur l'islamophobie savante » (*)

Quand on y parle d’identité européenne
« Nous nous trouvions donc, il y a quelques décennies, confrontés à une situation assez simple. Les sciences européennes trouvaient seules place dans une histoire véritable, c'est-à-dire au fond dans l'histoire ; les sciences non européennes étaient étudiées de manière ethnographique ; les cultures non européennes représentaient, aux yeux de leurs spécialistes (européens) autant d'îlots clos sur eux-mêmes, qui auraient finalement aussi bien se trouver sur Mars ou Jupiter. »
« Nous ne considérons pas que le philosophe ou le scientifique contemporain soit spécialement « grec » ou « arabe » lorsqu'il pratique sa discipline sous prétexte que celle-ci a de très lointains antécédents dans ces langues
Nous ne considérons pas a fortiori que notre société fasse, par l'intermédiaire de ses savoirs, de la prose « grecque » ou « arabe » sans le savoir.
Nous considérons, en revanche, que les savoirs composés de latin et/puis dans les langues vernaculaires européennes sont incompréhensibles sans leur passé gréco-arabe.
Nous considérons donc l'idée d'une européanéité ou d'une christianité de la science et de la philosophie comme une imposture historiographique, démentie par les faits.
Nous considérons en outre que ces faits démentent par eux-mêmes l'idée d'une christianité essentielle de l'Europe.
Et donc, par ricochet, nous considérons que les arguments visant à exclure le monde islamique de la modernité, au motif d'une incapacité foncière à s'assimiler les valeurs traditionnelles qui sont les « nôtres », sont fallacieux et réfutés par provision. »
la Philosophie rime-t-elle avec paganisme ?
« La philosophie est un discours sur le monde et l'âme qui véhicule un certain nombre de thèses heurtant de front le dogme chrétien (les trois plus « célèbres » étant le polythéisme en théologie, l'éternité du monde en cosmologie et l'absence de survie personnelle en psychologie). (…) Les Arabes héritent de l'Antiquité tardive l'idée d'une certaine affinité entre philosophie et paganisme. Une grande partie de leurs efforts va consister à tirer l'Islam du côté du paganisme philosophique et le paganisme philosophique du côté de l'Islam. (…) C'est l'Islam qui ai vu se constituer « le Dieu des philosophes et des savants » en objet philosophique. »

Dieu se préoccupe du bonheur des pauvres mortels
« Comme on supposait à la fois que Dieu voulait le meilleur, on était confronté à la contradiction. (…) Dieu dédommagera dans l'au-delà les souffrances de l'innocent, mais cette solution ne résiste pas à l'argument des trois frères (Le mort-né dans les limbes reprochant à Dieu de ne pas lui avoir permis de vivre pour mériter le paradis comme l'un de ses frères, et le criminel reprochant à Dieu de ne pas l'avoir fait mourir à la naissance pour lui permettre d'éviter les tourments de l'enfer). »
« Dieu met en œuvre sa puissance (quadra) et sa science pour réaliser le meilleur des mondes. (…) La destinée, pour un individu, c'est la détermination, donc la mensuration, donc la limitation, de son bien, permettant de concourir au bien maximal du Tout. »

Quand Dieu crée le monde, peut-il prendre son temps ?

« Dieu, qu'Il soit exalté, n'a pas besoin d'une période de temps pour sa création, en raison de ce qu'il a expliqué, puisqu'Il a créé « cela » à partir de « non-cela » (…) Car l'acte humain étant impossible sans matière, l'acte de celui qui n'a pas besoin de matière pour produire ce qu'il produit n'a pas besoin de temps. »
« Si l'acte de création divine se traduit, au niveau cosmique, par une production, donc une action continue, cette création ne saurait être instantanée comme le voulait al-Kindï et comme le soutiennent les théologiens. Mais si l'on admet la création divine se déroule sur une certaine période de temps finie, des difficultés ne manquent pas surgir. Pourquoi telle période et non pas sa moitié, ou son quart, etc. La toute-puissance de Dieu rend la fixation d'un seuil arbitraire, donc insatisfaisante. »

Tout est relatif

« Comme le disait Étienne Gilson, les médiévaux ignoraient qu'ils vivaient au Moyen Âge. Ils se croyaient comme nous « modernes ». »
« Est-ce seulement grec de croire qu'agir contre la raison va à l'encontre de l'essence divine, ou cela vaut-il en soi et toujours ? (discours de Ratisbonne) »
(*) Enquête réalisée sous la direction de Philippe Büttgen, Alain de Libera, Marwan Rashed, et Irène Rosier-Catach

13 nov. 2009

LA RECONNAISSANCE DE L’INCERTITUDE EST ESSENTIELLE POUR LA PROSPECTIVE

Patchwork subjectif tiré des écrits de Pierre F. Gonod (voir son site)

"Prévision et prospective traitent toutes les deux de l'incertitude, mais la première dégage des certitudes (déterministes ou aléatoires), la seconde des anticipations sur des advenirs (dans les conditions d'incertitude qualitative ou/et quantitative »

« Typologie :
- Type 1. Prévision à contenu déterministe, et quasi-mécaniste. C'est le domaine de la certitude. Il s'agit de processus dont les lois de transformations ou de mouvements sont connues et quantifiables. (…)
- Type 2. Prévision aléatoire, stochastique. Là aussi les lois de transformation sont connues ainsi que leurs équations conditionnelles. (…)
- Type 3. Certitude qualitative et incertitude quantitative. L'orientation des processus est connue mais ne peut être assortie d'un jeu de probabilités de leur réalisation. (…)
- Type 4. Incertitude qualitative et quantitative. Il est impossible de connaître les alternatives des futurs. »
« Ainsi quand on questionne des experts sur des éventualités futures et qu'on leur demande d'estimer leurs probabilités de réalisation, d'abord les experts ne diront pas qu'ils ne savent pas, ensuite ils auront tendance à affecter d'une faible probabilité les fortes incertitudes. Par ailleurs les économètres construiront des modèles sur la base des variables qu'ils savent quantifier, excluant les autres, qu'on rejettera dans le fourre-tout du facteur résiduel. Mais cela conduira quand même à des prévisions... La reconnaissance de l'incertitude est essentielle pour la pratique prospective. »

« Dans une époque de grandes turbulences, de renouvellement des structures, il y a des événements inopinés qui émergent. L'expression de Pierre Massé sur "les faits porteurs d'avenir" a fait fortune. Mais personne n'a jusqu'alors indiqué comment on pouvait les repérer. Parce que scientifiquement c'est impossible. »

« Les incertitudes du futur sont le produit de celles du présent, du passé, et des advenirs. »

« L'avenir est imprévisible. La chance en fait partie. Elle est souvent assimilée au chaos. Une distinction théorique doit cependant être notée. Un processus est indéterminé quand des conditions littéralement identiques peuvent aboutir à des résultats différents. On parle alors de chance. En contraste un processus est chaotique si les conditions initiales sont indistinguables. Ici de très petites différences initiales peuvent s'amplifier considérablement et provoquer des différences énormes des résultats. La distinction théorique est importante, mais il est difficile de la mettre en pratique, en raison de l'impossibilité de cerner les conditions initiales. On parlera alors indifféremment de chance ou de chaos. »

12 nov. 2009

NON, RONALD MC DONALD N’EST PAS UN JEDI !

Tout fout le camp !


Depuis longtemps la Guerre des Etoiles et sa galerie de personnages font partie de ma mythologie personnelle : je n'ai jamais manqué la première d'un nouvel épisode (j'ai encore la souvenir ému de la salle entière qui applaudit à l'apparition du générique du début, assurance d'une communion nouvelle de deux heures) ; avant la sortie du dernier épisode, soit le n°3 de la série des 6, (si jamais vous ne comprenez pas comment le n°3 peut être le dernier d'une série de 6, c'est que vous ne connaissez décidemment rien à la saga de la Guerre des Etoiles…), avec un ami, nous avions imaginé quel pouvait être le scénario permettant de raccorder l'épisode 2 et l'épisode 4 (le 4 étant évidemment le premier…) ; sur ma télévision, trône un Yoda, grandeur nature (prochainement je vous raconterai l'histoire de son arrivée en France et de ses démêlés avec la douane..)…

Bref, je suis un fan. Et comme tout fan, je ne peux donc pas admettre que l'on manque de respect à mes idoles. C'est la moindre des choses, non ?
Or lundi soir, j'ai eu un choc en faisant une halte au Mc Donald de Montélimar : Ronald Mc Donald se prend pour un Jedi ! Les photos jointes sont la preuve du délit.

Commençons par le plus grave : comment oser écrire sur une affiche : « Avec ton happy meal, un Jedi tu deviens ». D'abord, on ne devient pas un Jedi, on l'est ou on ne l'est pas. Certes on peut être formé, entrainé, amélioré, mais si on n'est pas un Jedi à la naissance, on ne le deviendra pas. Ensuite, c'est un chemin long, difficile, semé d'embuches. Comment avoir écrit qu'il suffit d'absorber un hamburger pour le devenir ? Comment le gardien du temple de la Guerre des Etoiles, Georges Lucas, a pu laisser faire cette hérésie. Tout fout le camp…

Ensuite, c'est quoi cette juxtaposition de Ronald Mc Donald avec sur le côté la casque de Dark Vador. Aurait-il la prétention de nous faire croire qu'il est le père de Luke ? Et ce sabre laser à ses pieds que vient-il faire ? Veut-on nous laisser à penser que, chez Mc Do, le pain est fendu à coup de sabre laser ? Non vraiment, tout fout le camp…


Quant à ce clown sinistre arborant un tee-shirt rayé et masqué comment peut-il avoir l'audace de se tenir entre Maître Yoda et R2D2 ? Si au moins il s'était fait petit, mais non, il est trois fois plus grand qu'eux. De qui se moque-t-on ?

Je faisais parti de ceux pour qui l'élection d'Obama avait une nouvelle d'espoir. Un an après, quand on va dans un Mc Do, on doit faire face à l'évidence : les USA perdent leurs valeurs les plus importantes…


10 nov. 2009

« ON A BEAU ENTASSER DES LIGNES, ON N’OBTIENT PAS UN PLAN »

Patchwork subjectif tiré de « Les Institutions du sens » de Vincent Descombes (ce livre fait suite à « La Denrée mentale »)

SUR L'INTENTION
Le contenu d'un rêve n'est pas Réel, puisqu'il était ce qu'il était seulement en ce que quelqu'un en a fait le rêve ; mais le fait de ce rêve, lui, est réel. (…) La relation intentionnelle doit aller à un objet réel. Faute de quoi il y aurait bien l'intention d'une relation à quelque chose, mais non la relation d'intention à quelque chose. (…) Pour que la proposition disant que Socrate est assis porte sur Socrate, il faut qu'un lien réel soit supposé entre le nom « Socrate » et la personne de Socrate. (…) La proposition vous dit qui est assis : c'est Socrate. Mais la proposition ne vous dit pas qui est Socrate. Vous devez l'avoir appris par un autre moyen. 
« Je peux le chercher alors qu'il n'est pas là, mais je ne peux pas le prendre alors qu'il n'est pas là » (Wittgenstein, Recherches Philosophiques, §462)
En revanche, l'agent intentionnel qui tire sur l'extrémité de la chaîne du seau pour puise de l'eau dans le puits agit là où il ne se trouve pas. Il est exact de dire que son action dynamique est localisée au bout de la chaîne qu'il tient dans sa main : mais il serait absurde de dire que son action intentionnelle n'a pas pour objet le seau d'eau.
On pourrait croire que l'histoire des éléphants n'a rien à voir avec l'histoire du mot « éléphant », mais ce serait une erreur. Grâce à ce mot, l'éléphant entre dans les délibérations des hommes. Or ces discours ont conduit à des décisions concernant les éléphants.

SUR LE TOUT ET LA PARTIE
« Tout au long de ma traduction, j'ai commis le solécisme « Le peuple sont ». C'est que le terme anglais « The people » commande le pluriel, et que cette forme est de grande conséquence. Que le peuple se mette au pluriel ou au singulier, ce sont là idées cognitives différentes, dont l'une nous présente une foule d'individus et dont l'autre se prête à la personnalisation de l'ensemble. » (…) Mais la notion d'individu collectif contient une contradiction latente. D'un côté, on doit se représenter une pluralité qui conserve assez de diversité pour justifier l'adjectif « collectif ». Mais, d'un autre côté, on veut avoir affaire à un individu, à quelque chose qui se présente comme « indivis » et « indivisible », ce qui semble vouloir dire : à quelque chose qui réprime suffisamment toute division interne pour justifier le substantif « individu ». (…) Les gens, les militants (versus) le Peuple, le Parti.
Comment saisir une complexité interne ? Il s'agira de prendre la chose en tant qu'elle est une partie. Par exemple, le médecin inspecte à la fois Socrate et une partie de Socrate, et, s'il considère un pied, ce n'est pas un pied détaché, mais un organe vivant. La description holiste du pied est la description de ce qu'il est en tant que pied de Socrate. En quoi cette description est-elle spéciale ? En ceci qu'on en dira pas : « Le pied de Socrate a mal », mais plutôt : « Socrate a mal au pied ».
(sur la construction des mots) : Le tout concret ne peut être donné qu'après avoir été construit avec les éléments requis pour sa construction : Pour composer le mot avec les lettres en bois, il faut se procurer les morceaux en bois convenablement découpés. (…) Le tout doit être donné (avec ses parties) avant ses éléments : Si le tout n'était pas donné avant les éléments, on ne pourrait pas dire que les éléments soient sélectionnés de manière significative. (…) Si BA est la combinaison de B et A (pris dans cet ordre) en vue de composer un tout qui, une fois donné dans son intégralité, est le mot BABAR.
On a beau entasser des lignes, on n'obtient pas un plan

SUR LA COMPRÉHENSION 
Sachant qu'on ne peut pas identifier les entités mentales une à une (sur la base du comportement extérieur), faut-il en conclure à l'impossibilité de comprendre une déclaration venant d'une personne dont nous ne connaissons pas la vision du monde et les aspirations ? (…) Je ne peux pas comprendre une seule de vous paroles si je ne connais pas toutes vos paroles. Autant dire : je ne peux pas vous comprendre tant que je n'ai pas fait le tour de votre esprit, tant que je ne suis pas devenu comme vous et, à la imite, tant que moi reste distinct de vous.
Même si un lion pouvait parler, nous ne le comprendrions pas (Wittgenstein, Recherches Philosophiques, II, XI). Il faut comprendre quelque chose de la forme de vie d'un être pour saisir la teneur de ses propos.
La divergence ne porte nullement sur le sens des mots, elle porte sur le sens des choses signifiées par les mots. (…) Dès qu'il y a autrui, le sens de mon geste n'est plus celui que moi, l'auteur du geste, je veux lui donner, c'est le sens que l'autre lui donne.
Comment n'y a-t-il pas un conflit de deux systèmes de signes, mais un conflit de deux pensées qui se manifeste lorsque les deux parlent, et qu'ils usent de la même langue ?

SUR LES RÈGLES SOCIALES
Extériorité veut dire que l'idée se présente à nous comme une règle bien établie et qui ne dépend d'aucun de nous en particulier. Ce n'est pas parce que j'y consens qu'une certaine façon de s'exprimer est correcte en français, ce n'est pas parce que je la désapprouve qu'une autre façon devient incorrecte. 
Les hommes arrivent à la conscience en assimilant, sans le savoir, une certaine manière de penser, de juger, de sentir qui appartient à une époque, singularise une nation ou une classe (…). L'individualité biologique est donnée, l'individualité humaine est construite à partir du fonds commun. (Raymond Aron, Introduction à la philosophie de l'histoire : essai sur les limites de l'objectivité historique)
Quiconque accomplit une action sociale manifeste à la fois un esprit subjectif (une capacité à l'action individuelle, une visée relevant du quant-à-soi) et un esprit objectif (une capacité, définie dans le système, à coordonner son action à celle d'un partenaire). Le professeur peut présenter une idée qui lui est propre dans son enseignement et faire ainsi preuve d'originalité. Mais cet enseignement, et quel qu'en soit le contenu, s'il a été donné, a dû être reçu : comme tel, il est la manifestation d'un esprit objectif.

SUR LES PENSÉES : 
Un maître d'école peut s'adresser à la classe toute entière : « Inscrivez votre nom sur la première page de votre cahier ». Il n'y a qu'une instruction donnée, la même pour tous, que chaque élève exécute, comme les autres, en accomplissant une opération unique en son genre. Dans tous ces exemples, l'instruction générale conserve un caractère prédicatif, ou, si l'on veut, « ouvert », au sens où un prédicat est une « phrase ouverte », une phrase dont le sujet n'a pas encore été déterminé. 
Une pensée sociale est une pensée qui répond à la condition suivante : si l'autre n'a pas la même idée que moi, alors je n'ai pas non plus cette idée. (…) Considérons deux personnes qui ont rendez-vous l'une avec l'autre. La première A se dit : « J'ai rendez-vous avec B ». La seconde, B, se dit : « J'ai rendez-vous avec A ». (…) La pensée de A et la pensée de B sont une seule et même pensée, que chacun s'applique à soi-même. Lorsque A pense qu'il a rendez-vous avec B, et lorsque B pense qu'il a rendez-vous avec A, les deux personnages n'ont pas des pensées distinctes qui se trouveraient correspondre.
Les individus sont certainement les auteurs des phrases qu'ils construisent, mais ils ne sont pas les auteurs du sens de ces phrases. (…) Mon interlocuteur a tort s'il n'a pas compris ce que j'ai dit dans le sens de ma phrase veut dire dans le contexte. Moi-même, j'ai tort si je prétends qu'il a été dit par moi autre chose que ce qui a été dit par ma phrase en vertu des usages établis. (…) Ces usages établis permettent de décider de ce qui est dit, et donc de ce qui a été pensé, quand quelqu'un se fait entendre de quelqu'un. Ce sont bien des institutions du sens.

9 nov. 2009

UNE AGENCE DE DESIGN QUI FERME UNE ANNÉE TOUS LES SEPT !

Savoir garder 15% du temps pour l'improvisation



Stefan Sagmeister est à la tête d'une fameuse agence de design à New York (http://www.sagmeister.com/sagmeister.html). Il présente une caractéristique étonnante : tous les sept ans, il ferme son agence pendant un an. Une année sabbatique pour tout le monde. Les clients sont prévenus, inutile d'appeler, personne ne répondra.
Dans la vidéo ci-dessous, Stefan Sagmeister explique que, grâce à cet arrêt, il régénère les idées de son agence, trouve de nouvelles initiatives, fait le vide. Résultat : plus forte créativité, plus forte croissance, meilleure rentabilité. Ainsi en acceptant de « perdre » une année toutes les sept, soit environ 15% de son temps, il est plus performant.

On retrouve le temps que se gardent des entreprises comme 3M ou Google pour la créativité personnelle et l'initiative non programmée.

Savoir garder du flou et des ressources – en temps comme en argent – non affectée est essentiel pour l'innovation et la capacité à faire face à l'imprévu.


8 nov. 2009

QUNAD LES MOTS PERTURBENT UN CLUB VIDEO

J'en ai souvent écrit sur l'importance des mots et de leur sens. Voici une vidéo qui montre ce qui se passe quand on les prend au pied de la lettre (sachant qu'un lettre n'a pas de pied...)



6 nov. 2009

LE TEMPS DU POUVOIR ABSOLU EST RÉVOLU

Histoire de caverne (Saison 3 – Épisode 10)

Rebaptisées tours du futur, les piles de cabanes révolutionnaient la vie des cavernes. Grâce au réseau des tours de la parole et à la création de l'Écho du Monde, nous pouvions agir globalement des deux côtés du bout du monde.

Isabella souriait, seule assise au fond de sa cabane : elle tenait enfin sa revanche. Elle n'avait jamais pardonné à Jordana de lui avoir préféré Jacques. Elle gardait une nostalgie de ce temps béni où elle et Jordana ne se quittaient pas et avaient apporté tout ce mouvement au pays de cavernes. J & I comme on disait alors. Depuis, c'était devenu J & J, Jordana et Jacques, le couple roi de l'immobilier, celui qui possédait toutes les plus belles tours, celui dont la puissance et la richesse approchaient presque celle de Bobby, le roi de la finance.

Mais tout cela allait s'effondrer, Isabella en riait de plaisir. Elle n'avait plus qu'à laisser se propager les effets de ce qu'elle venait de faire ce matin.

Tout d'abord, en tout début de matinée, elle avait enfin pu convaincre la plupart des propriétaires des premières cabanes, celles qui avaient été construites avant les tours, de ne plus payer les traites de leurs prêts. Ils savaient que, du coup, ils allaient être mis dehors de leurs cabanes, car elles étaient la garantie de leurs prêts. Mais alors, ils seraient relogés gratuitement dans de nouvelles cabanes construites par Isabella. Celle-ci, en effet, avait acheté à bas prix les terrains que personne ne voulait, ceux sur lesquels on ne pouvait pas faire construire des tours. Puis elle y avait mis de grandes cabanes traditionnelles et vastes. Confortables, modernes et bon marché. Du coup, tout le monde allait être gagnant : eux0 car ils allaient troquer leurs anciennes cabanes contre de nouvelles flambant neuves ; elle, car tout le système de prêt allait se retourner contre ses créateurs. Les seuls perdants allaient être Bobby, Jordana, Jacques et consœurs…

Ensuite, elle avait reçu les représentants des chimpanzés. Depuis deux mois, elle leur avait expliqué qu'ils se faisaient exploiter, que plus les tours étaient hautes, plus leur pouvoir était grand. Ce à une condition : qu'ils arrêtent de se battre avec les gorilles et qu'ensemble ils lancent une grève générale. Pour cela, il avait fallu construire une association, la confédération des gorilles et des chimpanzés, la CGC. Il avait aussi fallu la doter d'un système de communication capable de rivaliser avec celui de l'Écho du Monde. Isabella avait eu l'intelligence de tirer parti de l'ouïe des chimpanzés : le système reposait non plus sur la propagation de signaux lumineux, mais sur celle de signaux sonores. Tout un réseau de chimpanzés avait été installé secrètement et jalonnait tout le parcours. Elle était consciente que ce système était moins performant que celui de l'Écho du Monde, car il était limité par les capacités intellectuelles des chimpanzés. Mais il était largement suffisant pour ce que l'on voulait en faire, et il avait l'avantage de fonctionner aussi de nuit et quelque soit la météo.

En fin de matinée, elle avait donné le go pour la grève générale. Elle commencerait exactement dans une semaine, au moment précis où les propriétaires des premières cabanes cesseraient leurs paiements. Elle n'avait plus qu'à attendre. Cette semaine allait lui sembler longue…

« C'est une vraie catastrophe, m'exclamai-je. J'ai maintenant sur les bras une cinquantaine de cabanes que je n'arrive pas à revendre. Or je dois faire face à mes engagements pris sur le bon fonctionnement des tours : dans les contrats d'assurance, il y avait explicitement une clause sur le bon travail des chimpanzés et des gorilles. Si cette grève générale continue encore, je vais être à court de billes.
- Nous, me répondit Jordana, ce n'est pas mieux. Comme tu as essayé de revendre à bas prix tes cabanes, tu as fait s'effondrer tout le marché. Et avec la grève, il y a une crise de confiance sur les tours. Nous n'arrivons plus à commercialiser nos dernières réalisations.
- Je viens d'avoir une conversation lumineuse – c'est comme cela que l'on appelait les échanges via le réseau des tours de la parole – avec Paulo, continua Jojo. Ce n'est pas mieux pour eux. Les effets de la grève sont dévastateurs. A tel point que certains commencent à regretter le temps béni des modestes cabanes…
- Je sais, repris-je. Je suis directement concerné, car c'est moi qui finance aussi le bout du bout du monde. Je ne vois pas comment nous allons éviter de négocier avec la CGC. »


Un ange passa dans la caverne – Je n'avais jamais accepté de quitter ma caverne – et nous nous regardâmes en silence. Il s'était écoulé trois mois depuis le lancement par Isabella de sa double action de déstabilisation et les résultats avaient dépassé ses espérances.

« Tu sais ce qu'ils réclament, reprit Jojo : augmentation des salaires, mise en place de congés, encadrement du prix des bananes. Et cela ne va régler ton problème de liquidité.
- Pour cela, je ne vois pas comment m'en sortir sans fabriquer une nouvelle quantité de billes.
- Mais, vu le besoin en question, cela revient à tout déstabiliser.
- Peut-être, mais je ne vois pas d'autre solution. Et puis, personne ne connait vraiment le nombre de billes en circulation. Du moins, personne à part ceux qui sont dans cette pièce, plus Johnny et Paulo. Même Christina n'est pas vraiment au courant. Donc je ne vois pas le danger.
- Tu oublie Isabella. C'est elle qui est derrière tout cela : c'est elle qui a relogé tous ceux que tu as dû exproprier ; c'est elle qui est à la tête de la CGC. Je ne parierais pas qu'elle n'a pas non plus le moyen de suivre le nombre des billes. Imagine un seul instant qu'elle le puisse et qu'elle répande la nouvelle. Si les gens n'ont plus confiance dans les billes, c'est le retour au troc et toute l'économie s'effondre.
- Très bien. Alors rencontrons-la et nous verrons bien. »


Inflation potentielle du nombre des billes, déstabilisation de l'immobilier des cabanes et des tours du futur, montée en puissance d'une association regroupant les travailleurs migrants, globalisation du monde…
Décidément, le futur des cavernes allait encore réserver de nombreuses surprises.

(Fin de la saison 3)


5 nov. 2009

LES TOURS MONTENT TOUJOURS PLUS HAUT

Histoire de caverne (Saison 3 – Épisode 9)

Grâce à l'importation d'une population de chimpanzés, Johnny comptait casser le monopole des gorilles. De mon côté, il me restait à développer les piles de cabanes.

« Comment appeler ces piles de cabanes, pensais-je ?
- Papa, tu me fatigues avec tes piles, me dit Thomas en sortant. »
J'avais dû penser tout haut. Il fallait que je fasse attention, cela tournait à l'obsession.

Pourtant, tout avançait bien. Les plans que m'avait laissé Johnny étaient suffisamment clairs et Jordana avec l'aide d'Isabella les avaient même améliorés : maintenant, nous pouvions mettre huit cabanes par niveau et non plus seulement de quatre et six niveaux au lieu de trois. 
La construction des piles avaient commencé très vite. Johnny n'était reparti que depuis trois mois, et nous allions inaugurer la première pile, la semaine prochaine. La formation des chimpanzés avait commencé. Aucune raison de s'inquiéter.
Oui, mais je n'avais pas trouvé de nom et je n'arrivais pas à me faire à l'idée de lancer les piles en les nommant « piles de cabanes ». D'ailleurs, Jacques était d'accord avec moi : il refusait de se lancer dans les piles de cabanes sans un nom un peu vendeur.
« Tu vois vraiment ton journal « L'écho des cavernes » titrer : Vive les piles de cabanes, m'avait-il dit enfonçant le clou à l'endroit qui fait mal ? »
Une fois de plus ce fut Jojo qui me sauva.

« J'ai une idée, me dit-il, deux jours avant l'inauguration. Pourquoi ne pas les appeler simplement les « Tours du futur » et lancer une campagne d'information sur le thème « Donnez de la hauteur à votre vie » ?
- Génial et simplissime ! Vendu, on lance les tours du futur. »
Pour une dernière validation, j'en parlais à Jacques qui fut emballé. Il ne réalisa pas que le succès des tours risquait de diminuer la valeur de tous les terrains qu'il avait acquis. D'autant plus, que pour une tour, le type de terrain requis n'était plus exactement le même : il fallait un sol plus ferme, et aussi un point de vue pour créer une survaleur pour les derniers étages.
La réaction du marché local fut immédiate : tout le monde voulait habiter dans les derniers étages des tours. Qui pouvait ne pas vouloir « donner de la hauteur à sa vie » ?
La spéculation immobilière repartit donc de plus belle. Il fallait toujours plus de billes pour financer les achats, et mes prêts assis sur la valeur du bien acquis faisaient merveille. Plus les cabanes montaient, plus les prix aussi et mes prêts suivaient.

Du côté du bout du bout du monde, Johnny n'avait pas non plus perdu son temps. Ses chimpanzés avaient cassé le monopole des gorilles et fait s'effondrer les prix : on ne payait plus un régime de banane pour une journée de travail, mais pour une semaine. Et les idées de repos rémunérés avaient été rapidement abandonnées.
Surtout, il avait enfin trouvé une idée pour améliorer les communications. Tout était parti, comme toujours avec Johnny, d'une constatation banale. Un jour où il était assis à côté de Christina, Paulo entra en disant :
«  C'est drôle, je savais que vous étiez là tous les deux.
- Ah bon, te voilà aussi devin, lui dit Johnny ? Tu veux faire le Jojo local ?
- Arrête avec tes sarcasmes ! Non, c'est tout simple. De loin, j'ai vu le soleil se refléter sur la pierre que Christina porte autour du cou. Comme il n'y a qu'elle qui porte une pierre verte, ce n'était pas difficile. Le reflet était comme signé. »
Il y eut alors comme un blanc. Les yeux de Johnny s'arrondirent brutalement et il se leva en criant :
« Viens que je t'embrasse. C'est génial, tu viens d'inventer la transmission à distance !
- La transmission à distance ? Christina, s'il te plaît, fais quelque chose pour calmer Johnny. Je crois qu'il a un peu trop fumé de tes herbes locales.
- Mais je n'ai rien fumé du tout. Tu viens sans t'en rendre compte de m'apporter la solution que je cherchais. Je t'explique. Si nous voulons vraiment tirer parti de notre présence des deux côtés du bout du monde, il nous faut un moyen pour communiquer rapidement entre ici et le pays des cavernes.
- Oui, tout le monde le sait. Et ce délai est d'un mois.
- Grâce à toi, il n'y a plus de délai du tout. Nous allons pouvoir parler avec Bobby, Jojo, Jordana ou Jacques comme je te parle à toi.
- Tu rêves ! Christina, je t'en prie, fais quelque chose. Cela ne peut plus durer.
- Attends. Imagine que j'envoie depuis ici un éclair lumineux comme la pierre de Christina, on pourrait le voir de loin, non.
- Oui, bien sûr. C'est exactement ce que je viens de te dire.
- Imagine maintenant que l'on construise un code qui fasse correspondre à chaque lettre un certain type de signal lumineux, on pourrait ainsi transmettre à distance des phrases.
- Oui, mais jamais jusqu'au pays des cavernes. Ils sont trop loin pour voir le moindre signal lumineux. Et il y a les montagnes entre nous et eux.
- Je sais. Mais si nous mettons en place des relais. Nous pouvons transmettre progressivement le signal. Construisons des piles de cabanes aux bons endroits et le tour sera gagné.
- Tant qu'il y aura du soleil, rajouta Christina en souriant. Je te taquine, ton idée est géniale ! »
Il fallut six mois pour construire le réseau des « tours de la parole » (c'est comme cela qu'elles furent rebaptisées par Bobby dès qu'il eut connaissance du projet). Ce réseau fut rapproché de celui des panneaux de pierre de l'Écho des Cavernes. A cette occasion, l'Écho des cavernes changea de nom et devint l'Écho du Monde.

Grâce à l'Écho du monde, nous pouvions communiquer à distance via les tours de la parole et le diffuser localement via les panneaux de pierre.
Nous étions riches, globaux et surpuissants. Nos tours étaient montées jusqu'au ciel…
(à suivre)


4 nov. 2009

COMMENT CASSER LE POUVOIR DES GORILLES ?

Histoire de caverne (Saison 3 – Épisode 8)

Au pays des cavernes, grâce au nouveau système de prêts, il n'y avait plus de limites au développement des cabanes. Au-delà du bout du bout du monde, les piles de cabanes étaient nées. La croissance allait bon train.

« Tu sais, il faut vraiment que je reparte : mes cavernes me manquent trop, disait Johnny à Christina. 
- Comme tu veux, lui répondit Christina. Il est vrai que nous maîtrisons complètement la construction des piles de cabanes. Mais toi, tu vas me manquer…
- Toi aussi, tu vas me manquer. Mais je ne pars pas pour toujours et reviendrai vite.
- Oui, j'espère… A ce propos, tu connais la dernière ?
- Non, raconte-moi.
- Les gorilles viennent de se mettre en grève : ils refusent de continuer à porter les habitants, et encore moins leurs paquets, car ils se considèrent exploités. Ils veulent maintenant non plus seulement un régime de bananes par jour, mais en plus un jour de repos par semaine payé. Ils disent ne plus avoir le temps de s'occuper de leurs enfants.
- Incroyable. Et dire que sans moi, ils n'auraient rien. Quelle ingratitude !
- Peut-être, mais en attendant, qu'est-ce que je dois faire ? Si je cède, c'est la porte ouverte à tous les excès. Si je ne cède pas et qu'ils poursuivent leur grève, cela va faire capoter tous nos projets de piles. Plus personne ne voudra y aller.
- Écoute, je vais demander à Paulo de rester. Il est vraiment de bon conseil et devrait pouvoir t'aider. Moi, je vais faire au plus vite pour retourner au pays des cavernes. En faisant vite, je dois pouvoir y aller en un mois. Là-bas, je demanderai son aide à Bobby : c'est vraiment un dieu de la finance et de la négociation. Je suis sûr qu'il va avoir une idée. Je resterai le moins de temps possible et devrait donc être de retour dans trois mois au plus tard.
- Si tu crois que c'est la meilleure solution, pars vite et reviens encore plus vite. Et demande à Paulo de venir au plus vite. »
Une heure plus tard, Johnny était déjà en route et Paulo en discussion avec Christina.

« Je viens de faire le calcul, dit Paulo en sortant des tablettes de pierre. Regarde, compte-tenu du nombre de régime de bananes à donner par semaine pour chaque pile de cabane et vu le nombre de piles prévues, nous allons nous trouver à court de bananes dans moins d'un an. »

Christina se plongea un moment dans la succession de traits et de ronds qui constellaient les tablettes.

« Vraiment, je ne comprends rien à tout cela, dit-elle en relevant la tête. Pour moi, ce ne sont que des pierres que tu me montres.
- Désolé, j'oublie toujours que tu n'as pas appris le calcul mathématique. Alors fais-moi confiance : on ne m'appelle pas le magicien pour rien !
- OK, je veux bien te croire. Mais alors que faut-il faire selon toi ?
- Diminuer le nombre de bananes que nous donnons aux gorilles.
- Tu es fou. Déjà qu'ils sont en grève ! Et tu veux leur donner encore moins de bananes. C'est n'importe quoi !
- Mais ce qu'ils demandent, ce sont des jours de repos, pas de bananes en plus. Donc, je te propose d'accepter leur demande, mais à la condition que l'on diminue d'autant le nombre de bananes. Cette diminution de 14% va suffire pour nous donner le temps de déployer de nouvelles productions de bananes. En fait, tu as une marge de manœuvre, car, avec 10%, cela passe.
- Je vais essayer. Mais toi, tu viens avec moi. »
Ainsi commença la carrière de Paulo comme conseil en gestion de conflit. Quinze jours d'âpres discussions avec les gorilles furent nécessaires pour l'obtention de l'accord : ils obtinrent leur jour de repos et en prime deux semaines de vacances par an ; en échange, ils acceptèrent une baise de 10% du nombre de régimes de bananes.

De son côté, Johnny avançait le plus vite possible. Il ne mit comme promis qu'un mois pour atteindre le pays de cavernes, ou plutôt celui des cabanes : partout elles avaient comme fleuri. En tout, il n'était parti que depuis 9 mois, mais il ne reconnaissait plus rien. Il eut à retrouver ma caverne.

« Alors, Bobby, me dit-il. Les affaires n'ont pas l'air d'aller si mal depuis que je suis parti. Jordana ne t'a pas mangé tout cru ?
- Non, lui répondis-je. Je suis même dépassé par le succès : mes billes et mes assurances ne se sont jamais aussi bien portées. Et les tiennes aussi, ne t'inquiète pas. J'ai pris soin de faire intégrer ta fabrique de roues à notre accord. Et toi, alors ce bout du bout du monde ? »
Il nous fallut plus d'une heure pour nous mettre au courant mutuellement de ce que nous avions fait.

« Pas bête, ton idée de pile de cabanes. Cela va nous permettre de limiter la spéculation sur les terrains. Reste à trouver un nom pour cette idée, car, vraiment, pile de cabane, je n'aime pas.
- Fais comme tu veux. Ce qui m'importe ce n'est pas cela. Moi, ce dont j'ai besoin, c'est d'un moyen de ne plus être pieds et poings liés avec les demandes des gorilles. 
- Ce qu'il faut, c'est d'une part les payer avec des billes et non plus avec des bananes. Comme cela, si on les trouve trop gourmand, on pourra toujours faire baisser la valeur des billes. Et puis, il faut mettre de la concurrence. Je vais discuter avec nos chimpanzés. Ce que tes gorilles font, nos chimpanzés doivent pouvoir le faire aussi… et pour beaucoup moins cher.
- Bonne idée : il faut importer au pays de Christina de la main d'œuvre étrangère et moins exigeante. »
Une semaine plus tard, Johnny repartait avec une cinquantaine de chimpanzés. Vu la taille de la caravane, le trajet fut plus compliqué, et donc plus long. Il lui fallut près de deux mois. Tout cela était trop long, trop lent : si l'on voulait vraiment tirer parti de la globalisation, il fallait accélérer les communications. Oui, mais comment ?

C'est avec cette question en tête et non résolue, qu'il tomba dans les bras de Christina.

(à suivre)

3 nov. 2009

PLUS RIEN NE POURRAIT PLUS ENRAYER LA CROISSANCE ET LE DÉVELOPPEMENT

Histoire de caverne (Saison 3 – Épisode 7)

Jordana m'a demandé de l'aider avec mes billes et mes assurances, Johnny a proposé à Christina d'empiler les cabanes les unes sur les autres. Où va-t-on ?

« Regardez les arbres autour de vous, continua Johnny, et voyez comme ils montent haut. Ils ont un tronc au centre et des branches qui se succèdent les unes au-dessus des autres. Pourquoi ne pas faire de même avec vos cabanes ? On pourrait avoir comme un tronc au centre, et autour avoir des cabanes en cercle. Sur ce premier rang, on pourrait ensuite en superposer un deuxième et ainsi de suite.
- Vous croyez vraiment que cela tiendrait, demanda Christina.
- Franchement, je n'en sais rien, mais je pense que oui, on doit pouvoir y arriver.
- Et cela servirait à quoi.
- A rien, mais cela ferait comme des sculptures. Et puis s'il ne fallait faire que des choses qui servaient à quelque chose, à quoi bon sortir de nos cavernes !
- Vous êtes bizarre… Bon, si cela vous amuse, faites des essais, je n'ai rien contre. Après tout, vous avez peut-être raison : il est temps que nous commencions à faire des choses qui ne servent à rien. »


De l'autre côté du bout du monde, c'est-à-dire au royaume des cavernes, l'apport de ma créativité financière avait fait exploser le business des cabanes. Tout s'était finalement passé assez vite. Au début, comme Jordana me l'avait demandé, j'avais simplement intégré les cabanes dans le monde des billes en fixant une première parité, c'est-à-dire combien il fallait de billes pour acheter une cabane. Parallèlement, Thomas avait étudié les risques de dégradation d'une cabane (incendie, troupeau de mammouths, …) et avait pu calculer le coût d'une police d'assurance.
Puis, tout s'était emballé. La demande en cabane avait augmenté brutalement suite à l'offre de financement couplé à l'assurance. Jordana avait été incapable de suivre. Du coup, l'offre a été insuffisante et les prix se sont envolés. Les prix des cabanes en l'espace de trois mois avaient doublé et la hausse ne s'arrêtait pas. 
Voilà maintenant en plus que la question de leur localisation se mettait aussi intervenir. Au départ, le prix d'une cabane était indépendant de l'endroit où elle se trouvait. Puis certains ont fait valoir qu'être au bord de la rivière ou au sommet de la colline avec vue sur les environs, c'était quand même autre chose qu'être enfermé au milieu des arbres ou contre les cavernes. 
Alors Jacques, le roi des cavernes de tourisme, avait vu une opportunité de faire rapidement de l'argent : il avait acheté tous les terrains les mieux placés. Quand je dis « acheter », il avait simplement déclaré qu'ils étaient à lui le premier en y implantant ne serait-ce que quelque morceaux de cabanes et en y mettant quelques hommes pour les surveiller. Ensuite il avait commandé un maximum de cabanes et commençait à les déployer.


Six mois après mon accord avec Jordana, les tensions commencèrent à apparaître sur la marché des cabanes : les prix avaient tellement augmenté que plus personne ne pouvait les acheter. Jacques et Jordana qui venaient de s'associer dans une nouvelle société « Cabanes de rêves » – certains disaient d'ailleurs que leur association allait bien au-delà que la seule mise en commun de leur affaires… – vinrent me trouver et me demandèrent de trouver une solution pour relancer le marché.
Avec Jojo et Thomas, nous eûmes alors l'idée des prêts à long terme, garantis par la valeur de la cabane.
« Voilà, dis-je trois jours plus tard à Jordana et Jacques
, je règle d'un coup tous les problèmes de liquidité du marché en supprimant les risques de solvabilité des clients.
- Liquidité du marché, solvabilité des clients, qu'est-ce que tu veux dire ?
- Je ne sais pas moi-même, mais je trouve ces expressions très jolies, c'est Thomas qui en a eu l'idée. L'important, c'est que nous allons prêter de l'argent à tout acheteur sans avoir à nous préoccuper de savoir s'il pourra ou non rembourser le prêt. Puisque nous aurons la cabane en garantie et que les prix des cabanes ne font qu'augmenter, nous ne risquons rien. Si jamais il ne peut plus payer, nous récupérerons la caverne. »
Et la croissance du marché des cabanes reprit de plus belle.

Au-delà du bout du bout du monde, au pays de Christina, les premières piles de cabanes venaient de voir le jour. Elles se composaient pour l'instant de quatre cabanes par niveau, et de trois niveaux superposées, soit donc un total de douze cabanes. Pour assurer la desserte des cabanes du haut, Johnny avait passé un accord avec la tribu des gorilles voisine : moyennant une rémunération d'un régime de bananes par jour, les gorilles portaient les habitants, ainsi que tous leurs paquets, quels qu'ils soient.
Ainsi des deux côté du bout du monde, grâce à la collaboration et à la fertilisation croisée, la croissance était là. Rien ne pouvait l'arrêter…

(à suivre)

2 nov. 2009

L’AFFRONTEMENT EST-IL LA SOLUTION LA PLUS EFFICACE ?

Histoire de caverne (Saison 3 – Épisode 6)

Johnny et Paulo venaient de partir à la découverte du bout du bout du monde. De mon côté, je venais d'apprendre que Jordana avait besoin de moi.


« Vous avez besoin de moi ? 
- Oui, j'ai observé votre système de billes. C'est vraiment malin. Si j'ai bien compris, vous avez créé par exemple une correspondance entre la valeur d'une peau de mammouth et un certain nombre de billes. Donc on n'a plus besoin du troc pour se faire payer.
- Oui, c'est bien cela. C'est la base. Simplement c'est un peu plus compliqué que cela. J'ai créé tout un système d'équivalence entre les billes et tous les produits ou services. (voir la saison 1 pour plus de détails sur comment j'ai développé mes billes).
- Et aussi donc vous avez aussi la possibilité d'assurer contre la rupture des roues.
- Oui. Et nous avons aussi développé d'autres assurances : la garantie châsse pour faire face aux risques de revenir bredouille, l'assurance bris de lance, …
- Vraiment astucieux tout cela. Pourriez-vous intégrer nos cabanes  dans votre système? Leur développement est freiné par la complexité du mode de paiement actuel : soit je m'en tiens à la tarification habituelle qui est de 20 mammouths séchés, peaux incluses, et bientôt il n'y aura plus assez de mammouths pour en acheter, soit j'innove. De plus, beaucoup de nos clients potentiels ont peur de la fragilité du bois : ils préfèrent rester dans leurs cavernes qu'ils trouvent plus sûres. Pourquoi ne pas assurer les cabanes contre le risque de bris ? »
Un océan de nouveaux profits s'ouvraient devant moi. Et si l'arrivée de Jordana et de ses congénères était plus une opportunité qu'un problème ?

Pendant ce temps, Johnny et Paulo progressaient lentement. Il leur fallut plus d'un mois pour arriver au pied des montagnes. La route était longue, mais n'était pas si difficile. Tous les trois jours de marche, il y avait une petite cabane où l'on pouvait se reposer.

« Bobby avait vraiment tort de craindre pour notre sécurité, dit Johnny. Loin de vouloir freiner notre progression, dès que nous rencontrons quelqu'un, on nous aide. Incroyable.
- Oui, on a vraiment l'impression, répondit Paulo, de ne plus être dans la jungle. Il est vrai que plus nous progressons, moins la forêt est dense. »
Deux semaines plus tard, nous étions en train d'escalader la montagne, quand Paulo s'écria : «  Regarde, là, il y a une voie entre les rochers. On a l'impression que cela redescend après. »
Effectivement, Paulo avait raison : quelques minutes plus tard, nous amorcions la descente. Un sentiment étrange les habitait : ils venaient de dépasser le bout du monde. Ils étaient ailleurs.


Devant eux, ils apercevaient en contrebas, de grandes plaines herbeuses et aussi de grandes forêts. La descente fut rapide : une semaine leur suffit pour se retrouver dans les herbes. Encore une autre semaine et ils atteignaient la forêt.
Là, une immense foule les attendait : leur arrivée était manifestement attendue. Le climat n'était pas hostile, mais il y avait comme de l'électricité dans l'air.
Une grande femme sortit de la foule et s'approcha d'eux : «  Bienvenue dans la terre des bois. Je m'appelle Christina. Je sais que vous venez du pays des cavernes, là où nombre de mes sœurs se sont rendues. Puis-je vous poser une question : pourquoi avoir fait tout ce chemin ? Quelles sont vos intentions ? »
Johnny pensa qu'il était probablement temps de leur communiquer ses idées sur l'amélioration des cabanes.
« Nous sommes venus pour vous faire part de nos idées, commença-t-il. N'avez-vous jamais pensé à mettre des cubes les uns sur les autres ?
- Que voulez-vous dire par là, lui répondit Christina. »

(à suivre)

30 oct. 2009

POURQUOI NE PAS CHERCHER À COMPRENDRE PLUTÔT QUE DE PRÉVOIR

Histoire de caverne (Saison 3 – Épisode 5)
Manifestement pendant notre absence de quatre mois, rien ne s'était passé comme prévu et Thomas n'avait rien contrôlé. Mais que s'était-il passé exactement ?

Nous étions tellement inquiets que nous avons fait la distance qui restait en trois jours au lieu de cinq. Tout le long du chemin, espacés d'environ un jour de marche, nous avons revu des cubes en bois, ces cabanes comme elles les appelaient. Nous n'avons pas voulu nous y arrêter, trop pressés d'arriver.


Au fonds de sa caverne, nous avons trouvé Thomas, prostré, immobile, le regard dans le vague. Devant lui, des verres vides avec une forte odeur de jus d'herbes, une des potions favorites de Jojo, une de celles qu'il utilisait pour faire ses prévisions. Manifestement il était allé vider les réserves de Jojo. En nous entendant, il arriva à lever un œil vers nous.
« Ah, vous voilà. Enfin !
- Mais qu'est-ce qui se passe, criai-je en entrant ? Dans quel état es-tu ? Tu crois vraiment que c'est comme cela que l'on peut diriger des affaires et faire face ?
- Désolé, j'ai dû boire un peu trop de la potion de Jojo. Mais j'ai pensé que cela allait m'aider à revoir mes prévisions. Enfin, pour être honnête, c'est pour cela que j'en ai pris au début, puis rapidement, comme plus rien ne marchait, j'ai continué à en boire non plus pour prévoir, mais pour oublier que rien de ce que j'avais prévu n'arrivait.
- Raconte-moi ce qui s'est passé.
- C'est simple. Vous veniez de partir quand les premiers nouveaux chariots sont arrivés : cinq la première journée, puis dix la suivante, et après j'ai arrêté de compter. Un flot continu de chariots. Puis les cabanes ont commencé à apparaître. De partout des femmes, mais pas seulement. Des familles au complet : hommes, enfants et même des animaux. Les animaux, ils les appellent des « animaux de compagnie » : ce sont de drôles de petites bêtes qui ne servent à rien, qu'il faut nourrir et qui se mettent à crier dès que l'on approche de la cabane. Au début, j'ai essayé de lutter en revoyant mes méta-tableurs. Mais rien ne marchait, tout était faux. Alors j'ai commencé à boire le jus d'herbes, et depuis, je ne sais plus très bien. »
Impossible de tirer quoique ce soit de plus de lui. 
« Nous n'allons quand même pas nous laisser faire, dis-je en regardant Johnny.
- Non, bien sûr, me répondit-il. Mais je crois surtout qu'il faut que nous changions de méthode. Toutes ces prévisions, c'est n'importe quoi. Désolé, Jojo et Paulo, de dire cela, mais il faut nous rendre à l'évidence. Comme ces femmes viennent toutes du bout du bout du monde, de cet endroit qui, pour nous, n'existe même pas, vous n'êtes pas capables de les intégrer dans vos calculs, et Thomas non plus.
- Et tu proposes quoi alors ?
- Je me propose d'aller moi-même au bout du bout du monde et de voir de mes propres yeux leur monde pour comprendre ce qui se passe.
- Mais tu vas te faire mettre en pièces. Tu n'arriveras jamais vivant jusque là-bas.
- Non, je ne crois pas. Car si nous regardons bien, elles ne sont pas agressives et n'ont jamais cherché à nous attaquer. Elles sont simplement arrivées chez nous, et le simple fait de leur arrivée a tout changé. En plus j'ai quelques idées pour les amadouer le cas échéant.
- Tu comptes utiliser de tes charmes pour les séduire ?
- Non pas vraiment ! Ce n'était pas mon idée, mais maintenant que tu m'en parles, pourquoi pas ! Non plus sérieusement, en regardant leurs cabanes, j'ai eu quelques idées simples pour améliorer leur mode de construction.
- Comment ?
- Pour l'instant, je le garde pour moi. Paulo, tu veux venir avec moi. Ta présence serait utile pour mieux analyser ce que l'on va trouver. »


Ainsi fut fait. Vingt-quatre heures après notre retour, Johnny et Paulo étaient déjà repartis en direction du bout du bout du monde.

De mon côté, il était temps d'aller voir Jordana. Je la trouvais, trônant dans une immense cabane.
«  Tiens, le roi des cavernes est de retour, me dit-elle en me voyant entrer. Que me vaut le plaisir de votre visite ?
- Je voulais vous féliciter de vive voix du succès de votre développement.
- Merci. Isabella m'a bien aidé, mais je vais avoir besoin de vos services. Si vous n'y voyez pas d'inconvénients, bien sûr »
Elle avait besoin de moi ? Je la regardais, interloqué…

(à suivre)