Comment
se fait-il que les prévisions soient toujours fausses, du moins dès qu’elles ne
portent pas sur l’immédiat ? Pourquoi les meilleurs experts n’arrivent-ils
pas à démêler les fils de l’incertitude ?
Une des raisons essentielles – pour ne pas dire la principale – est que la quasi totalité des phénomènes de notre univers suivent ce que l’on appelle des processus chaotiques, et que, dans un processus chaotique, la moindre erreur initiale, même la plus petite, provoque des divergences non bornées.
De quoi s’agit-il ?
Une des raisons essentielles – pour ne pas dire la principale – est que la quasi totalité des phénomènes de notre univers suivent ce que l’on appelle des processus chaotiques, et que, dans un processus chaotique, la moindre erreur initiale, même la plus petite, provoque des divergences non bornées.
De quoi s’agit-il ?
Tout d’abord, il n’a rien à voir avec le sens commun du mot « chaos ». Le chaos dont il s’agit ici n’est pas un état de désordre total, bien au contraire : c’est un état qui est soumis à des règles rigoureuses et précises, mais dont l’effet est de rendre imprévisible l’évolution future. Ou plus exactement, il suppose une précision infinie pour pouvoir prévoir l’évolution : dans un processus chaotique, la moindre erreur est fatale, car elle va s’amplifier, et sans que l’on puisse même la borner.
Prenons
un exemple : portez un nombre au carré, multipliez le par 2, puis enlevez 1, ce
qui s’écrit sous la forme suivante, 2x2-1. Simple et précis, non ?
Comment imaginer que ceci peut donner naissance à un processus chaotique. C’est
pourtant le cas.
Comment
s’en rendre compte ? Pas compliqué : il vous suffit d’effectuer ce même calcul
sur le nombre obtenu, et de le reproduire un grand nombre de fois, disons
cinquante fois, pour que le résultat final soit chaotique, c’est-à-dire
sensible à la moindre modification de la condition initiale.
Vous ne
me croyez pas ? Eh bien, faisons le calcul ensemble. (cf. la courbe ci-jointe)
Prenons
d’abord comme nombre initial 0,6. A la première itération, on obtient -0,28. A
la suivante, 0,8432. Si l’on observe la
série des 50 nombres obtenus, ce qui est déjà surprenant, c’est le caractère
erratique des résultats. Pour ne donner que les quatre derniers : -0,99445693,
0,977889172, 0,912534467 et 0,665438307.
Faisons
maintenant varier le nombre initial d’un millionième en le passant à 0,6000006,
et observons ce qui se passe.
Au
début, rien de bien particulier, on obtient des écarts minimes : -0,2799986 au
lieu de -0,28, puis -0,8432016 au lieu de -0,8432.
Puis à
partir de la seizième itération, les courbes divergent, et n’ont plus aucun
rapport entre elles. Regardons les quatre dernières valeurs : 0,954941863,
0,823827922, 0,35738489, -0,744552081. Les écarts sont respectivement de 196%,
16%, 60% et 211% !
Donc
une erreur initiale de un millionième a non seulement généré des écarts
considérables, mais erratiques. Or tout ceci repose sur une équation à la fois
précise et simple. Voilà le chaos : il combine rigueur, simplicité et aléa.
Or ces
phénomènes ne sont pas des curiosités mathématiques, car notre monde est peuplé
de processus chaotiques : l’hydrodynamique, l’électronique, les lasers ou
l’acoustique... Bien plus, des systèmes très simples peuvent avoir un
comportement chaotique non prévisible. Contrairement à ce qui semblait
jusque-là une évidence, un comportement compliqué ne résulte pas forcément d’un
système compliqué.
Poincaré,
dès le début du vingtième siècle avait montré qu’un système composé de trois
corps en interaction gravitationnelle, (comme par exemple, celui composé du
Soleil, de Jupiter et de Saturne) avait en général un comportement chaotique.
Dans le problème des trois corps, l’on est face à un système à neuf degrés de
liberté, et on a montré plus tard que trois degrés. Il s’agit donc de systèmes
extrêmement simples.
En un
mot comme en cent, le chaos est partout !
Et
j’entends encore des « experts » venir nous assener leurs certitudes,
parce que le taux de croissance serait passé de 1,6 à 1,7 % ! Mais
savent-ils seulement qu’ils sont incapables de le mesurer aussi précisément
(voir Est-il raisonnable de continuer à déraisonner en économie ?), et que, en admettant
qu’une évolution soit vraie, les conséquences en sont inconnues ?
Si tout
cela n’était qu’un jeu de Monopoly et si tous les billes étaient sans valeur,
ceci ne serait pas bien grave. Mais c’est avec les emplois et les revenus de
tout un chacun qu’ils jouent…