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7 mai 2010

PASSER AU LEGO SUPPOSE LÂCHER PRISE, CONFIANCE ET DURABILITÉ

______ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________

Rappel du patchwork de la semaine :
- Lundi : Dans sa présentation, Georges Whitesides explique que, derrière des objets aussi complexes qu'une cathédrale ou internet, on trouve un système simple fait de blocs – des pierres, des zéros et des uns – que l'on peut facilement empiler les uns sur les autres. Les systèmes vivants sont eux-mêmes des « cellules empilées ».
- Mardi : Pour faire face de façon réactive et efficace à l'incertitude, l'entreprise doit elle-aussi penser plus en termes de systèmes de construction que de solutions finies : chaque direction centrale élabore des « lego » avec lesquels chacun pourra « jouer »
- Mercredi : Je ne crois pas que l'on puisse être un bon manager dans l'absolu. Être un bon manager, c'est avoir un mode de management adapté à la situation de l'entreprise que l'on dirige, selon le rythme de l'innovation, le type de clientèle, le poids des caractéristiques régionales…
- Jeudi : Le Petit Prince de Saint Exupéry est là pour nous rappeler combien le regard de l'enfant peut nous remettre en perspective ce que nous faisons quotidiennement, et que « l'on ne connait que les choses que l'on apprivoise »

Difficile quand on est à la tête d'une grande organisation – que ce soit une entreprise ou une organisation politique – de comprendre qu'il n'est pas efficace de chercher à apporter des solutions toutes faites, mais qu'il faut fournir à tout un chacun un système fait de briques simples. Agir ainsi, c'est tout à la fois :
- Pouvoir construire localement dynamiquement des solutions nouvelles et originales : à partir du même tas de pièces de Lego, aucune construction ne ressemblera à sa voisine,
- Responsabiliser ainsi chacun et lui permettre de mobiliser son intelligence sur la compréhension de la situation locale et sur les décisions à prendre,
- Pouvoir industrialiser la fabrication des briques de base en abaissant les coûts, tout en maintenant de la flexibilité,
- Donner une cohérence globale à l'entreprise par le type de système de construction choisi (on ne peut pas dévisser avec un marteau ou élaborer un repas avec des briques de Lego)
Pour que ceci soit possible, cela suppose que la Direction accepte de lâcher prise dans l'exécution et développe une relation de confiance(1) au sein de l'organisation. Difficile dans une entreprise, et manifestement encore plus au plan politique, dans un pays comme la France.

Cela suppose aussi que la Direction connaisse ce qu'elle dirige, et donc qu'elle et ceux qu'elle dirige prennent le temps de « s'apprivoiser » mutuellement : il n'y a pas d'efficacité dans la durée sans durabilité du management. (2)

(1) Sur l'importance de la confiance voir « Il faut retisser la confiance en France » et « Comment vivre la complexité sans confiance ? »
(2) Voir « Pour la mise en place d'un management durable »

29 avr. 2010

UN DIRIGEANT NE DOIT PAS ÊTRE UN SHOW MAN, MAIS UN “CHAUX MAN”

"CHAUX" TIME (3)

Bizarrement, je ressens de plus en plus ce travail à la chaux comme une métaphore pertinente pour approcher ce que doit être le rôle d'un dirigeant.

Lui aussi, il doit se préoccuper de trouver le bon liant, celui qui va venir assurer les bonnes liaisons, celui qui va donner force et cohésion à l'ensemble. Ce liant doit venir se fondre avec ce qui préexistait. 
Des mois ou des années plus tard, il doit être encore là, mais invisible, noyé dans la masse. Ce liant doit aussi laisser respirer, il ne doit pas constituer une chape de plomb, mais, comme la chaux sait laisser l'humidité, l'action du dirigeant doit fluidifier les échanges et non pas les contraindre. Un liant souple, perméable, naturel…

Lui aussi, il est confronté au rythme et au bon enchaînement des gestes. Au début de l'action, un maximum de fluidité est nécessaire, mais pas trop non plus : comme le mortier à la chaux, il doit avoir cette consistance pâteuse, mi-fluide mi-solide, qui va se glisser là où il faut. Puis il va falloir suivre le durcissement du mortier, l'effet des actions. Venir appuyer un peu là, enlever ce qui est en trop… Enfin, quand les choses seront en place, mais pas encore tout à fait figées, venir faire un dernier lissage.

Le métier d'un dirigeant n'est surtout pas de faire du spectacle, il ne doit pas être un show-man… mais je le vois bien être un « chaux-man ».

28 avr. 2010

LA CHAUX NE SUIT PAS LE RYTHME DU SHOW HABITUEL

"Chaux" time (2)

Je viens de passer une bonne partie de l'après-midi à reprendre à la chaux le mur Est du hangar de ma maison en Provence. En fait, j'ai commencé cela depuis quelques jours.

J'aime cette activité où l'on travaille à la fois sur l'apparence des choses – si le mélange de sables a été judicieusement fait, le mortier à la chaux se fond en une aquarelle qui vient souligner le contour des pierres –, et sur la solidité du mur – la chaux est d'abord là pour maintenir les pierres en place et les lier entre elles.

C'est aussi une matière naturelle que l'on mélange avec du sable et de l'eau. Du choix des sables dépendra l'apparence : comme un peintre joue de la palette de ses couleurs, je vais jouer de celle de mes sables. Plus ou moins fin, avec ou sans des particules colorées, jaune, blanc ou gris…

Ensuite la mise en œuvre d'un mortier à la chaux ne peut pas être accélérée, il faut en respecter les rythmes et les caprices.

D'abord l'application du mortier. A coups de truelle, on vient garnir les pierres de mortier. Au besoin, de ci de là, on met une pierre si le mur est trop dégarni. Puis environ une heure après, toujours avec la truelle, on écrase le mortier pour renforcer son adhérence et on enlève ce qui est en excès. On se sert aussi de ses doigts – un conseil : n'oubliez pas de porter des gants en caoutchouc si vous ne voulez pas voir votre peau disparaître au fur et à mesure que le mur se reconstruit. Un peu après – la durée n'est pas fixe. Elle est fonction de l'épaisseur de mortier mis et de la température extérieure. Il va falloir prendre le temps d'observer… –, avec une brosse métallique, on enlève tout le mortier qui recouvre les pierres et on creuse entre les pierres.

Rejointer un mur à la chaux est donc bien une activité qui joue sur l'apparence, mais qui sait dépasser l'immédiateté.

Un « chaux » time qui n'est plus un show-time.

J'ai comme l'impression que l'on devrait proposer des stages de mortier à la chaux à bon nombre de nos concitoyens…



(à suivre)

6 avr. 2010

DES APPROCHES MANAGÉRIALES DANGEREUSES ET OBSOLÈTES PERDURENT

Un monde incertain (1ère partie)

Le nouveau numéro de la revue trimestrielle Sociétal est centré sur le « Management de l'après-crise ou crise de l'après-management ». J'y participe au travers d'un article intitulé « Un monde incertain ». Compte-tenu de sa longueur, je le publie sur deux jours. En voici la première partie.

LE FLOU ET L'INCERTITUDE SONT DEVENUS LA RÈGLE
Tout le monde se sent débordé par l'incertitude : omniprésente autour de nous, elle en est venue à tout envahir. Quel que soit le journal que je saisisse, quelle que soit la radio que j'écoute, quelle que soit la télévision que je regarde, je suis certain d'y trouver des prévisions démenties, des reprises qui n'arrivent pas, des catastrophes et des succès inattendus. 
La crise économique déclenchée en septembre 2008 a rendu encore plus évidente cette propagation de l'incertitude.
Dans le même temps, nous continuons à rêver d'un monde sécurisant où, à l'image des livres de cuisine, on connaitrait la liste des ingrédients à réunir et le mode opératoire à suivre pour obtenir à coup sûr un résultat connu à l'avance et conforme à la photographie affichée.
Le monde des entreprises, loin d'être épargné, est au cœur et souvent à l'origine de cette tourmente. Qu'en est-il de sa capacité à prévoir ce qui va advenir ? Pour répondre brutalement, il n'en reste plus grand-chose :
- Il n'y a quasiment plus de certitudes, c'est-à-dire de situations dont on peut définir à l'avance l'évolution : la présence des boucles de rétroaction et la densité des interactions empêchent de prévoir de façon certaine ce qui va se passer.
- Il est même impossible, sauf à court terme, de probabiliser l'évolution. Au mieux, nous pouvons définir le monde des possibles : avoir une idée de ce qui est susceptible de se produire, élaguer en définissant des zones impossibles, préciser des chemins, mais sans savoir lequel sera suivi.
- L'horizon du court terme varie selon les pays et les secteurs, mais dans tous les cas, il se rapproche constamment. Il est de l'ordre de l'année, parfois beaucoup moins, rarement beaucoup plus. Au-delà, règne le flou.

POURTANT DES APPROCHES MANAGÉRIALES DANGEREUSES ET OBSOLÈTES PERDURENT
1. La maladie de la prévision Excel

Sous la pression de leur environnement et/ou de leur direction, les entreprises continuent à construire des business-plan peuplés de prévisions à trois ou cinq ans.
Or ceci est faux et dangereux.
Faux parce que :
- On est incapable de modéliser réellement la situation actuelle et de tenir compte de toutes les interdépendances.
- Ceci repose sur une modélisation mathématique du comportement des individus, modélisation le plus souvent contestable (*).
- La projection suppose que ce qui a sous-tendu l'évolution passée, sera vrai dans le futur. Or au mieux, il y aura de faibles déformations ; au pire, tout sera changé.
- Si, par chance, les lois passées restent encore valables, comme les évolutions complexes sont régies par des lois de type chaotique, la moindre erreur initiale générera des erreurs non quantifiables.

Dangereux parce que :

- Elle fait croire le problème résolu et baisser la vigilance : comme on imagine avoir maîtrisé le risque en l'ayant encadré dans des scénarios, on ne prête plus assez attention à ce qui se passe et émerge.
- Souvent les prévisions se retrouvent dans les budgets des années à venir : alors qu'elles ne sont que des construits imaginés, on va évaluer la performance d'une unité ou d'un manager sur sa capacité à les respecter, et non pas sur celle de tirer le meilleur parti de ce qui advient réellement.

2. L' « anorexic management »
Quand on évalue une performance, on met en regard les dépenses allouées et les résultats obtenus. Puis on cherche à comprimer les coûts en supprimant ceux qui sont les moins productifs.
Ceci présente deux risques majeurs :

- La mort comme résultat ultime de la règle magique des 80/20 : quoi que j'observe, je vais constater que 80% du résultat est obtenu avec 20% des efforts faits. Si l'on zoome, on constate que les derniers 5% ont un impact très faible. Alors arrive la question inévitable : pourquoi l'entreprise ne supprime-t-elle pas ces efforts qui ne sont pas rentables ? Si elle le fait et qu'un an plus tard, on mène la même étude, on identifiera à nouveau 5% d'efforts « inefficaces ». Que fait-on ? Coupe-t-on aussi ces efforts là ? Si oui, il n'y a aucune raison que cela s'arrête, et, on va par étapes vers le système le plus productif, le seul qui ne consomme aucune ressource inefficacement : la mort. C'est ce que l'on appelle aussi le « syndrome du wagon de queue » : quoique je fasse, il y en aura toujours un.
- La rigidité comme résultat de la cure d'amaigrissement : quand on mesure les résultats obtenus ou attendus, on n'est incapable par construction de prendre en compte ce qui n'est pas prévu. On va ainsi considérer comme non productif tout ce qui ne peut pas être relié à un bénéfice connu. L'application brutale et sans discernement de l'amélioration de la productivité va supprimer tout ce qui est flou et non-affecté, et rendre l'entreprise cassante : elle sera dépourvue des redondances et du flou indispensable à sa résilience.

Faut-il « jeter aux orties » toute approche de productivité et toute réflexion sur l'adéquation entre moyens et résultats ? Non, bien sûr, mais elle ne doit porter que sur la part « hors flou », et intégrer que ce qui est observé n'est que la partie émergée d'un iceberg. 

J'ai parfois l'impression que, comme pour les mannequins qui meublent les magazines de mode, on fait l'éloge de la maigreur excessive : il n'y a qu'un pas du lean management à l' « anorexic management » !

3. L'enfermement par l'expertise
Affirmer « Plus une entreprise est performante et expérimentée, moins elle comprendra ses clients » est apparemment une contrevérité. En effet, plus l'entreprise est performante, mieux elle connaîtra son marché, ses clients, sa concurrence. Certes, mais plus elle aura accumulé d'expériences, plus elle va se poser des questions selon sa logique. In fine, elle risque d'avoir un tel niveau d'expertise qu'elle est décalée par rapport à tous les autres, ses clients y compris.
Prenez l'exemple d'une banque dotée d'un système sophistiqué permettant de mesurer et de comparer le temps d'attente dans toutes ses agences, non seulement entre elles, mais vis-à-vis de la concurrence bancaire. Cet outil semble performant et pertinent, mais il présente un vice majeur : il compare la banque dans un référentiel qui n'est pas celui des clients. En effet, la plupart des clients n'ayant qu'un seul compte bancaire, n'ont pas la possibilité de comparer la performance de leur agence versus celle des concurrents. Par contre, comme, quand ils vont dans leur agence, ils sont le plus souvent en train de faire leurs courses, il compare l'agence aux autres commerces de la rue. Difficile quand on est un banquier chevronné de comprendre que l'on doit se comparer à une poissonnerie ou une crèmerie pour savoir si le client sera content ou mécontent !
Ainsi, plus l'entreprise est experte, moins elle parle le langage commun et plus elle peut se tromper. Plus l'incertitude se développe, plus ce risque est grand.
Ceci va souvent de pair avec le développement d'une forme d'arrogance issue de succès répétés et de la sensation d'être invulnérable. Au stade extrême, l'entreprise et ses collaborateurs vont devenirs « autistes » : forts de leur expérience, ils savent ce que veulent les clients, comment va évoluer le marché, quels sont les risques technologiques…
Pour comprendre ses clients, il faut d'abord faire le vide, oublier ce que l'on sait et ne mobiliser qu'a posteriori son expertise.

(à suivre)

(*) Voir notamment les travaux de Daniel Kahneman

26 févr. 2010

ARRÊTONS DE MATHÉMATISER NOTRE PENSÉE ET DE LIRE LE FUTUR DANS LE MARC DE CAFÉ DE NOTRE PASSÉ

______ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________

Rappel du patchwork de la semaine :
- Lundi : L'incertitude est partout et plus rien n'est certain. À court terme, on ne peut que probabiliser ce qui risque d'arriver. Au-delà, c'est le flou et, au mieux, on dessine des futurs possibles.
- Mardi : Malgré le flou, nous continuons à tout vouloir quantifier. Nous voulons prévoir ce qui ne peut pas l'être, et mettre la vie en équation.
- Mercredi : De plan d'économie en plan d'économie, bon nombre d'entreprises, à l'instar des modèles qui marchent sur les podiums de la mode, deviennent anorexiques et cassantes. Prenons garde à préserver la part de flou nécessaire pour faire face aux aléas.
- Jeudi : Paradoxalement, plus l'expertise d'une entreprise progresse, plus elle risque de se couper de la réalité et devenir autiste. Pensons à faire le vide et à ne mobiliser nos savoir-faire qu'a posteriori.

Quand j'observe nos débats collectifs actuels – qu'ils soient politiques, économiques ou sociaux –, je crois que nous tombons le plus souvent dans les travers que j'ai exposés pour les entreprises :
- Nous n'arrêtons pas de manipuler des chiffres et des indicateurs dont le sens et la réalité restent à démontrer : la non-représentativité du taux de croissance a encore été démontrée récemment, mais nous continuons à le suivre obsessionnellement. Sommes-nous sûrs qu'un taux d'inflation mesure autre chose que le résultat du calcul mathématique effectué ? En quoi signifie-t-il vraiment l'évolution du niveau de vie ? Comment pourrions-nous prendre en compte le développement des transactions non-marchandes ? …
- Nous restons avides de prévisions et d'anticipations qui sont quotidiennement démenties : la moindre variation d'un indicateur – qui, par ailleurs, n'est pas significatif d'une réalité – fait l'objet de multiples analyses qui débouchent inévitablement sur des projections et des anticipations. Nous transformons la prospective en une redécouverte de l'alphabet, en passant de la reprise en V, à celle U ou en W. Quand est-ce que l'on comprendra que la bonne lettre est le O, car nous ne faisons que tourner en rond !
- Nous atteignons dans plusieurs domaines l'anorexie : comment pouvons-nous espérer avoir un système éducatif performant avec des niveaux de salaires des enseignants qui les situent au niveau d'ouvriers à peine qualifiés ? Comment exercer sereinement le métier de juge quand les affaires se succèdent à un rythme toujours croissant ? Comment penser que notre système pénitentiaire lutte contre l'insécurité quand les conditions d'hébergement sont dégradées à ce point ? Et dans le même temps, sans états d'âme, nous rajoutons encore une couche de macadam à nos routes déjà excellentes, construisons de nouveaux ronds-points ou maintenons un train de vie versaillais à toutes nos structures politiques, nationales comme locales, …
- Nous regardons le futur à la lumière de ce qui s'est passé : La plupart des experts qui mobilisent et organisent la débat public, sont enfermés dans leurs savoirs et cherchent à lire ce qui se passe au travers de leurs lunettes déformantes. Ils devraient d'abord oublier leurs certitudes pour essayer de comprendre où sont ces mers vers lesquelles va notre monde…

25 févr. 2010

L’ENFERMEMENT PAR L’EXPERTISE

Comment éviter d'être déformé par son passé ?

Affirmer « Plus une entreprise est performante et expérimentée, moins elle comprendra ses clients » est apparemment une contrevérité. En effet, plus l'entreprise est performante, mieux elle connaîtra son marché, ses clients, sa concurrence. 

Certes, mais plus elle aura accumulé d'expériences, plus elle va se poser des questions selon sa logique. In fine, elle risque d'avoir un tel niveau d'expertise qu'elle est décalée par rapport à tous les autres, ses clients y compris.

Prenez l'exemple d'une banque dotée d'un système sophistiqué permettant de mesurer et de comparer le temps d'attente dans toutes ses agences, non seulement entre elles, mais vis-à-vis de la concurrence bancaire. 

Cet outil semble performant et pertinent, mais il présente un vice majeur : il compare la banque dans un référentiel qui n'est pas celui des clients. En effet, la plupart des clients n'ayant qu'un seul compte bancaire, n'ont pas la possibilité de comparer la performance de leur agence versus celle des concurrents. 

Par contre, puisque, quand ils vont dans leur agence, ils sont le plus souvent en train de faire leurs courses, ils comparent l'agence aux autres commerces de la rue. Difficile quand on est un banquier chevronné de comprendre que l'on doit se comparer à une poissonnerie ou une crèmerie pour savoir si le client sera content ou mécontent !

Ainsi, plus l'entreprise est experte, moins elle parle le langage commun et plus elle peut se tromper. Plus l'incertitude se développe, plus ce risque est grand.

Ceci va souvent de pair avec le développement d'une forme d'arrogance issue de succès répétés et de la sensation d'être invulnérable. Au stade extrême, l'entreprise et ses collaborateurs vont devenirs « autistes » : forts de leur expérience, ils savent ce que veulent les clients, comment va évoluer le marché, quels sont les risques technologiques…

Pour comprendre ses clients, il faut d'abord faire le vide, oublier ce que l'on sait et ne mobiliser qu'a posteriori son expertise.

11 janv. 2010

LES MERS DE L’INCERTITUDE

Les entreprises, comme les fleuves, doivent trouver les mers qui les attireront durablement

Je commence l'année 2010 avec un nouveau titre pour mon blog : « Les mers de l'incertitude » et non plus « Seule l'incertitude est certaine ». Pourquoi un tel changement ?
Face à l'incertitude qui nous entoure, je vois deux comportements majoritaires.

Souvent, la sensation de perte de contrôle déclenche des réflexes de peur et de crispation. Se développe et se renforce alors la volonté de contrôle. Ces dirigeants visent des montagnes et vont chercher à l'escalader. L'entreprise est comme une cordée qui va monter progressivement vers le sommet. Les aléas et les vents contraires seront combattus par la force de la cordée et sa capacité à se modifier. La montée se passera dans la douleur, mais c'est à ce prix que l'entreprise pourra progresser. Pour cela, on renforce la centralisation et le contrôle, et on confie son destin au premier de cordée, manager charismatique et tout puissant.
Mais cette montagne, comment, dans le flou qui se répand et le brouillard généralisé, la trouver et être sûr que c'est la bonne ? Comment se fier au jugement d'un seul ? Comment la cordée pourra-t-elle résister à une tempête ou à une avalanche ? Est-ce que le fait d'être solidement attachés ensemble, ce n'est pas risquer d'entrainer tout le monde dans la chute ? Comment maintenir une volonté collective si la montée se poursuit sans fin, sans repos au milieu des tourments ?

A l'inverse, d'autres répondent alors par l'abandon de toute volonté préalable et se réfugient dans le court terme : face à l'incertitude, il est inutile de choisir une direction quelconque. Laissons-nous porter par les événements, abandonnons-nous aux forces instantanées et tirons-en parti. Les entreprises qui gagneraient seraient celles qui vivraient dans l'instant. Où vont-elles ? On verra bien, elles iront là où elles pourront. Dans cette fuite dans l'immédiat, on privilégie la rentabilité à court terme. Sans autre projet que cette succession d'actions, de plan de productivité en plan de productivité, on élague, optimise et s'organise sur ce qui est connu.
Mais, quel est alors le sens à l'action ? Un combat constant et sans autre but que la survie immédiate ? Comment fédérer les efforts de chacun ? Comment éviter que l'entreprise ne se désagrège au gré des courants et forces contradictoires ? Comment convaincre les actionnaires si l'entreprise n'a plus aucune vision ou perspective ? Comme ce faisant, on a supprimé toutes les marges de manœuvre, comment l'entreprise va-t-elle faire face à l'imprévu ?

Voilà la tenaille dans laquelle nous nous trouvons pris :comment concilier la poursuite d'un objectif collectif et l'adaptabilité aux aléas ? Comment marier force instantanée et création durable de valeur?

Oublions un moment ce problème et regardons la Seine couler sous le pont Mirabeau. Elle aussi est plongée dans l'incertitude, et pourtant nous savons qu'elle va finir par atteindre sa mer : quoi qu'il arrive, quels que soient les aléas du climat – pluies abondantes ou pas, températures basses ou élevées,… –, quels que soient les aléas du terrain – modification des berges, construction de barrages,… –, l'eau fera son chemin plus ou moins vite jusqu'à cette destination finale. Les perturbations survenues ne viendront pas déstabiliser ce système structurellement stable – sauf si des conditions extrêmes survenaient (sécheresse durable, transformation profonde de la géographie).

C'est ce que j'ai déjà eu l'occasion d'expliquer dans deux articles précédents : « Sous le pont Mirabeau, coule la Seine… » et « Sous d'autres ponts, aussi… », c'est cette caractéristique qui apporte la résilience au fleuve. Elle sait dépasser notre problème : elle a un but, une destination – sa mer – et en même temps, elle s'adapte en temps réel. Pourquoi parce que sa destination est un attracteur : comme ces attracteurs étranges de la mathématique du chaos, la mer fait venir à elle l'eau quoi qu'il ait pu se passer avant.

Voilà l'idée centrale de mon prochain livre (parution prévue pour mai) : comme un fleuve, une entreprise doit se fixer pour objectif, une mer qui sera un attracteur stable dans les aléas de l'incertitude. D'où le nouveau titre.

Comment ? Qu'est ce que j'entends par là ? J'y reviendrai dans les semaines et mois qui viennent…

19 oct. 2009

(UN HOMME + UN HOMME)/2 = UN HOMME ?

L'efficience et la compréhension commune ne se construisent pas au travers d'équations

En prolongeant les propos tenus par le mathématicien Nicolas Bouleau sur les limites des mathématiques (voir « Une modélisation est toujours une interprétation ») et en les simplifiant, appliquer les mathématiques aux comportements humains pose plusieurs problèmes :
  1. Ceci présuppose qu'un comportement est « sommable » avec un autre, que « (1 homme + 1 homme) /2 = 1 homme », ce qui est faux : aucune situation n'est identique et on ne peut pas quantifier comment et de combien elle diffère.
  2. Le comportement humain est régi par le jeu des interprétations individuelles et collectives (voir mes articles relatifs à ce thème). Celles-ci ne sont pas fixes, mais fluctuantes. De plus elles sont influencées par les mesures prises. On ne peut pas s'extraire de cette boucle de rétroaction.
  3. Finalement la modélisation est d'abord l'expression de l'interprétation de celui ou de ceux qui la font.
Il ne faut pas en déduire qu'il faut jeter au panier tous les calculs économiques et toutes les modélisations. Simplement, il s'agit de rester conscient de leurs limites et de ne pas les prendre comme des tables de la loi. Nicolas Bouleau termine son article (PCM n°10/2008) en disant : « Il vaut mieux dès maintenant laisser la place à des accords politiques ».

Pour ma part plutôt que de faire référence à la politique, je pense qu'il faut laisser la place à la réflexion et à l'intelligence, individuelle et collective. Il faut trouver et retrouver ce que François Jullien appelle efficience et commun (voir « Le grand général remporte des victoires faciles » et « Notre recherche de l'uniforme : vive l'heure de pointe ») :
Savoir faire le vide et se voir de l'extérieur : comment autrement pourrions-nous faire le tri entre nos interprétations et trouver celles qui s'appuient sur de vrais courants de fonds ?
Repérer les potentiels de situation : Derrière les apparences d'immobilités et de solidité, se cachent les mouvements de demain. Où sont ces barrages, ces retenues d'eau qui vont être les moteurs futurs ?
S'intéresser à ce qui pousse : La vraie croissance n'est pas spectaculaire, mais lente et régulière, aussi le regard est-il attiré par le spectaculaire, et oublie ce qui grandit quotidiennement. Or, on ne peut pas faire pousser plus vite un arbre en lui tirant dessus, on peut simplement l'aider à grandir.
Se confronter dehors et dedans pour construire du collectif : Le commun ne se décrète pas, ni s'impose. Il est le fruit d'une compréhension commune. Celle-ci part de nos différences, de ces écarts qui sont sources d'enrichissement. Cette construction d'une compréhension commune passe par la confrontation (voir mes articles relatifs à ce thème)

9 oct. 2009

NOUS AIMONS TROP LES LIVRES DE RECETTES DE CUISINE


Nous parlons de l'incertitude, mais nous ne l'intégrons que rarement dans nos actes

Imaginez que je pose la question suivante dans un sondage : « L'incertitude est-elle certaine ? ».

A coup sûr (je suis conscient du côté paradoxal d'affirmer que l'on est sûr d'une réponse à une question qui dit que l'incertitude est certaine. Si je suis logique avec ma propre question, je devrais admettre que la résultat est incertain…), un nombre très significatif répondrait « oui, évidemment ! ». Je suis même prêt à parier que, si l'échantillon est composé de dirigeants, le oui deviendra quasi-unanime : ils ont « payé » pour savoir que l'incertitude est certaine !

Maintenant si j'observe nos actes quotidiens, et singulièrement ceux des dirigeants, qu'est-ce que je vois : le refus de l'incertitude, la volonté de prévoir et encadrer, la demande de business plans détaillés, le contrôle a priori, la suppression des marges de manœuvre et des dépenses non affectées…

Nous parlons de l'incertitude, mais ce que nous aimons toujours ce sont les recettes de cuisine : quoi de plus sécurisant que de voir tout écrit, tout décrit, tout prévu. Sur un livre de cuisine, on a la photographie du résultat, la liste des ingrédients à réunir, la description de tout le mode opératoire. Et ce qui distingue un bon livre d'un autre, c'est le fait qu'il est effectivement possible et facile de suivre les indications, et que le résultat final sera bien conforme à la photographie.

Voilà le monde dont nous rêvons : un monde où tout pourrait être prévu et organisé comme dans un livre de cuisine. Ah si seulement, il y avait des recettes toutes faites pour la vie de tous les jours... Car, décidément, nous avons peur des grands espaces, du vide, de la liberté absolue.

Il faut que nous comprenions que nous ne pouvons pas comprendre ce qui va se passer… et n'en tirer aucune compréhension supplémentaire : acceptons cela, lâchons-prise et agissons en conséquence.

28 sept. 2009

NE PLUS PRÉVOIR À COUP DE TABLEURS EXCEL

Halte au chamanisme Microsoft

Résumons les principes de la prévision grâce aux tableurs excel :
1. Vous mettez dans un grand tableur les données de dernières années. Ce tableur reprend toutes les données accessibles (volume produit et vendu, chiffres d'affaires, marges à différents niveaux, rentabilité des capitaux…), ce pour chaque unité composant l'entreprise (filiales, régions, lignes de produits). Plus vous avez de détails et d'historique, plus vous êtes satisfaits.
2. Vous analysez toutes ces données grâce à toutes les techniques de modélisation en votre possession pour trouver les lois sous-jacentes qui relient ces nombres entre eux : interdépendance entre les unités, interdépendance entre les données, évolution dans le temps. Au besoin vous êtes quelques analyses de régression, et autres astuces venant de la boîte à outils des statistiques.
3. Grâce à ces lois trouvées, vous projetez la situation actuelle dans le futur à l'horizon visé (3 ans, 5 ans, 10 ans). Ceci vous donne non seulement la valeur à cet horizon, mais définit l'intervalle de confiance à 95%, c'est-à-dire qu'il y a 95% de chances que la valeur réelle soit à l'intérieur de cet intervalle. Vous jetez quand même un œil sur les résultats pour vérifier que vous n'arrivez pas à des « aberrations ». Si vous en trouvez, vous modifiez un peu les lois jusqu'à faire disparaître ces anomalies.
4. Vous faites des tests de sensibilité en faisant varier les hypothèses clés qui sous-tendent les lois appliquées. Compte-tenu de votre expérience, vous appliquez une déformation de +/- 20%, 30%, 40%. Aucune règle précise.
5. Vous savez alors non seulement quelle sera la situation la plus probable à 3, 5 ou 10 ans, mais vous aurez des scénarios l'encadrant.
Quel est le problème de cette approche ? Il peut être résumé brutalement : cette méthode est fausse et dangereuse. Fausse, car contrairement à ce qui est affirmé la situation anticipée ne correspond pas du tout à la situation la plus probable et les scénarios n'encadrent pas non plus le possible. Dangereuse car elle fait croire à la Direction qu'elle a balisé le futur.

Pourquoi est-elle fausse ?

Parce que l'on est incapable de modéliser réellement comment fonctionne la situation actuelle et de tenir compte de toutes les interdépendances. Au mieux, on aura une vision très approximative et loin de l'exactitude.
Parce que la projection de la situation actuelle vers le futur suppose que ce qui a sous-tendu l'évolution passée sera vrai dans le futur, ce qui reste à démontrer. Au mieux, il y aura de faibles déformations. Au pire, tout sera changé.
Parce que, si, dans le futur, les lois passées restaient encore valables, comme les évolutions complexes sont régies par des lois de type chaotique, les approximations sur la situation initiale et sur l'évolution des lois rendent vain l'exercice de prévision, au-delà du très court terme.
Tout ce temps passé à constituer ces fausses prévisions est autant de temps que l'on ne passe pas à observer attentivement la situation actuelle et à réfléchir vraiment sur le futur.

Pire, une fois ces tableaux remplis, quelques mois plus tard, on risque d'oublier comment on les a constitués, ainsi que toutes les erreurs et approximations qui ont été faites. Il ne restera plus que les chiffres annoncés, chiffres qui seront devenus la vision du futur.

Parfois ces chiffres se retrouvent ensuite dans les budgets des années à venir : on va évaluer la performance d'une unité ou d'un manager sur sa capacité à respecter des prévisions, alors que celles-ci sont sans valeur réelle. On entendra à l'occasion d'un comité de direction : « Tout va bien, nous sommes en avance sur nos prévisions. » Ce qui se passe dans le monde réel n'a plus finalement tellement d'importance : l'entreprise s'enferme progressivement dans la virtualité du monde qu'elle s'est construite et qu'elle a imaginé.

Arrêtons donc le plus vite possible ce mode d'approche.

18 sept. 2009

MICROSOFT, IPOD, GOOGLE… DES SUCCÈS FACILES À PRÉVOIR DÈS LE DÉPART ?

Quelques succès improbables…

12 Août 1981, aux États-Unis.

Le tout-puissant IBM annonçait fièrement au monde entier le lancement de son nouveau petit ordinateur, le PC. Personne n'a fait attention à la petite société qui fournissait le système d'exploitation, un obscur Microsoft. Tous les yeux étaient rivés avec admiration sur la seule nouvelle importante : IBM et son PC. Le succès fit immédiat.

22 avril 1993, en Illinois, aux États-Unis.

Peu de monde avait fait attention à la naissance d'Internet. Né au départ pour les besoins de l'armée américaine, repris ensuite par les milieux universitaires et les laboratoires américains, Internet avait commencé à se développer dans le grand public grâce aux liens hypertexte et à quelques premiers navigateurs.

Il fallait vraiment avoir la fibre technologique bien accrochée pour s'en servir : les boites aux lettres email restaient désespérément vides ; regarder un site WEB supposait de s'armer de patience, tellement le chargement des pages était lent (« www = World Wide Waiting » comme on avait l'habitude de le dire) ; une fois téléchargée, la page WEB tant attendue était d'une tristesse affligeante. Cela ne me faisait rien, car on se sentait appartenir à une grande aventure.

Le 22 avril 1993, une équipe de chercheurs de l'université d'Illinois, dirigée par Marc Andreessen, dévoilait Mosaic, un nouveau navigateur. Dans la foulée, Marc Andreessen créait Netscape et lance Navigator.

Le déjà grand Microsoft ne s'intéressait pas alors à Internet, et donc a fortiori pas à la naissance de Netscape. Quelle importance cela aurait pu avoir pour le leader mondial des systèmes d'exploitation et des logiciels de traitement de texte ?

Deux ans plus tard, Microsoft devra se lancer dans une course effrénée, et utiliser au maximum de sa base installée, pour faire un come-back et imposer son navigateur Internet Explorer.

7 Septembre 1998, un garage à Menlo Park en Californie.

Larry Page et Sergey Brin, deux étudiants de Stanford, lançait dans un garage de Menlo Park Google Inc. Soutenus par Andy Bechtolsheim, un des fondateurs de Sun Microsystems, fort d'un pactole d'un million de dollars, ils allaient pouvoir donner une autre dimension à leur moteur de recherche inventé deux ans plus tôt.

Microsoft, de son côté, s'inquiétait de la montée en puissance potentielle du système d'exploitation Linux, ou du navigateur Mozilla, mais restait serein compte-tenu de la puissance de l'assemblage Windows-Explorer-Office. Pas de raison de s'inquiéter. Tout allait bien. Pourquoi se sentirait-il menacé par le développement d'un moteur de recherche ?

23 Octobre 2001, en Californie.

Apple lançait l'iPod. Le monde de la musique regardait sceptique ce drôle d'objet. Probablement un gadget. De leur côté, les spécialistes des téléphones mobiles ne sentaient pas concernés.

Aujourd'hui, là où vous trouvez.

Au fond d'un garage ou dans l'obscurité d'un bureau sont en train de naître de nouvelles ruptures. Mais où ?

Impossible de les repérer a priori, sauf à tomber dessus par hasard. Et encore, comment percevoir leur potentiel ?

16 sept. 2009

LA ROUE N’EST PAS NÉE PAR HASARD

Tout était prévu dès le départ !

Dans une caverne, Paulo, un adolescent s'ennuie. Il regarde son père et son grand frère d'un air bougon. 
« Non, je n'irai pas à la chasse, dit-il. J'en ai plus qu'assez de marcher dans la forêt. Vraiment, papa, moi, ce n'est pas mon truc. Tu sais bien que je préfère rester à bricoler à la maison et à aider Maman.
- Bon, d'accord pour cette fois, lui répondit son père. De toute façon, nous n'avons pas besoin de grand-chose. »
Paulo sourit, soulagé. Il allait pouvoir continuer à travailler sur son projet secret. Il attendit patiemment que son père et son frère soient partis pour dire à sa mère : 
« Ne me cherche pas. Je vais faire un tour. Tu n'as pas besoin de nouvelles herbes ?
- Non. Mais ne t'éloigne pas trop. »
Paulo sortit, marcha sur une centaine de mètres, souleva un buisson et découvrit l'entrée d'une petite caverne, son repère secret. A l'intérieur, tout un amoncellement de pierres, d'outils divers et de branches d'arbres. Il s'assit et commença immédiatement à saisir la pierre du dessus et à la regarder. Il la prit, posa sa tranche sur le sol, lui donna une petite impulsion. La pierre se mit à se déplacer comme d'elle-même, ce jusqu'à l'autre bout de la caverne.
« Je crois que j'y suis cette fois, pensa-t-il. »
Tout avait commencé, il y a bien longtemps. Lui-même, Paulo ne savait pas bien quand. Il savait simplement qu'il était très petit alors, probablement guère plus de 5 ans. 
La famille était occupée dans la caverne, et lui jouait tout seul devant l'entrée. Il avait faim et n'avait envie de rien faire. Il regardait distraitement la forêt alentour, quand une pierre se détacha et vint rouler jusqu'au ses pieds.
« C'est drôle, cette pierre qui roule, pensa-t-il. Elle est venue toute seule vers moi. »
Il aperçut un peu plus loin ses voisins : ils étaient de retour de la chasse et tirait péniblement sur le sol leur butin.
« La pierre se déplace plus facilement qu'eux, continua-t-il. Dommage que leur butin ne roule pas comme elle. Ce serait moins fatigant. »
Il eut alors comme un éclair dans la tête. Une vision lui était apparue : celle du butin roulant sur des pierres.
Il lui avait fallu de longues années pour mettre en œuvre cette vision : trouver un endroit tranquille pour faire ses expériences ; choisir les bonnes pierres ni trop dures – sinon elles étaient impossibles à tailler -, ni trop tendres – sinon elles se brisaient tout de suite - ; comprendre qu'il fallait réunir les deux pierres par une branche ; avoir l'idée de faire un trou au milieu des pierres pour y ficher la branche ; choisir le bon bois…
Cette fois, il était au bout du chemin. Il le sentait : cela allait marcher. Il s'apprêtait de sortir son invention au grand jour.
Au cours de ces longues années, il avait eu le temps de comprendre la portée de ce qu'il avait inventé. 
Il voyait comment cela allait simplifier tous les déplacements. Il allait falloir aménager la forêt pour créer des zones où les pierres pourraient rouler. Ce serait du travail, cela prendrait des années, mais ils les voyaient ces pistes avec les pierres qui roulaient dessus.
Il savait aussi que bientôt, on pourrait enfin avoir plus de nourriture. Au lieu de se contenter des modestes récoltes de champs voisins, on allait avoir de grand champ : avec ces pierres, quelques animaux bien choisis, on pourrait travailler de grandes surfaces.
Dans ses rêves les plus fous, il avait même vu de ses pierres qui tournaient dans l'eau. Plus besoin de travailler, la force de l'eau allait faire les efforts pour nous. Il se voyait allongé paresseusement dans l'herbe, à regarder la pierre tourner.
Demain, ce serait le grand jour. Il allait montrer à tous, et bien sûr d'abord à son père, ses pierres.
Restait une question en suspend. Comment appeler ces pierres magiques. Il n'en avait pas la moindre idée, mais ce n'était pas l'essentiel…

4 sept. 2009

NON, JE NE PEUX PAS VOUS DÉMONTRER LOGIQUEMENT QUE J’AI RAISON…

Seule l'incertitude est certaine

« Pouvez-vous me préciser pourquoi vous voyez cette évolution pour notre marché, venait de me demander ce dirigeant ? »
- Je sens que vous avez envie que je vous démontre la solidité de ce que je viens de vous dire. L'idéal serait un bon enchaînement logique qui, à partir d'une analyse de la situation actuelle, de prévisions de marché et des actions des concurrents, montrerait ce qui va arriver. C'est bien cela ?
- Oui, vous formulez plus précisément ma pensée, mais c'est bien ce que j'attends de vous.
- Désolé, mais cela ne va pas être possible. »

Il y eut alors un blanc. Comme le bruit d'un silence gêné. Cela faisait maintenant plus de deux ans que je travaillais pour lui, et là, je venais de le prendre de court.

« Par contre, ce que je peux faire, c'est vous exposer l'ensemble des faits que j'ai réunis – sur votre position actuelle, sur des futurs possibles, sur des hypothèses d'actions des concurrents, sur l'évolution de la société en général –, et tâcher de vous faire percevoir comment j'en suis arrivé à la conviction que je viens de vous exprimer, il y a quelques minutes. Mais cela reste une conviction, et non pas une certitude. Donc je ne vous propose surtout pas de la prendre pour argent comptant, mais comme un axe qui peut structurer la réflexion sur le futur. »

Quel chemin personnel, il m'avait fallu pour avoir le « courage » de m'exprimer ainsi, pour affirmer que penser au futur, ce n'était nécessairement prévoir au sens classique du terme, et en tout cas, sûrement pas construire des prévisions de marché à coup de tableurs excel.

Quelques « anecdotes » :
- en 1998, j'ai eu à construire le business plan à 10 ans pour le projet d'un réseau 3G (appelé aussi réseau UMTS) pour un acteur en place. Dans cette étude, j'ai négligé un élément majeur : le Wifi. Pourquoi ? Pour une raison simple : personne n'en avait entendu parler, ou du moins personne au niveau management. En 98, la technologie n'avait pas émergé et n'était connue que des techniciens. Ce n'est que deux ans plus tard que l'on a commencé à en parler et à percevoir son impact. Or il a été majeur, car il a amputé le 3G d'une part importante du revenu envisagé.
- IBM avait-il prévu que ce sous-traitant, à qui il venait de confier le développement du système d'exploitation de son nouveau « personal computer », le fameux futur PC, allait devenir le tout puissant Microsoft ?
- Ce tout puissant Microsoft, comment, quelques années plus tard, a-t-il pu ne pas prévoir l'essor d'internet ? Il a su efficacement ensuite contrecarrer Netscape, mais de justesse.
- Et comment Microsoft a-t-il pu laisser grandir Google ?

Puis-je me permettre de vous poser une question simple et naïve : imaginez-vous à la tête de Microsoft à la fin des années 90. Est-ce que vous vous sentiriez menacé par ce petit groupe d'étudiants qui s'amusent à développer un moteur de recherche ? Est-ce que vous n'auriez pas le regard vissé sur les progrès de Linux ou Apple côté système d'exploitation, ou Mozilla pour les navigateurs internet ? Pour vous préoccuper de Google naissant, il faut d'abord que vous soyez au courant : pas facile de distinguer cette information au sein du brouhaha ambiant. Ensuite que vous perceviez combien cela allait simplifier la vie des internautes, au point que nombre d'entre eux se serviront de Google plutôt que taper l'adresse d'un site internet. Enfin, que vous compreniez que tout ceci allait devenir une machine à cash grâce aux revenus publicitaires.
Qu'en pensez-vous ? Vous auriez prévu la percée de Google ? Vraiment ? Moi pas.

Ainsi au bout de ce chemin personnel, je me suis trouvé arrivé à une conviction : l'incertitude n'était pas réductible, elle était inhérente à la vie des entreprises.

Alors apprenons à vivre avec. Je sais comme cela est dérangeant, pénible et perturbant. Moi aussi, j'aimerais bien pouvoir me reposer sur ces certitudes, sur des prévisions. Mais malheureusement, ce n'est pas possible.
Que faire ensuite ? Jeter à la poubelle toutes les études, toutes les réflexions ? Se contenter pour le fun d'aller voir des cartomanciennes qui vont tirer les stratégies à coup de tarot ?
Non, vraiment pas ! Je crois qu'il est possible de construire des réponses et d'apprendre à vivre avec l'incertitude.
C'est à cela que je me suis attaché…

Un message d'optimisme pour finir cet article : heureusement que l'incertitude est là, car c'est le meilleur garant de nos libertés individuelles et collectives. Oui l'incertitude est un facteur de risque, oui, elle est source de fatigue, mais oui, elle est le moteur de la création et de la vie : quel serait le plaisir de diriger une entreprise si cela pouvait se ramener à la résolution d'une équation ?

3 sept. 2009

ÊTRE RATIONNEL, EST-CE REFUSER L’INCERTITUDE ?

Sans incertitude, pas d'innovation et de création

Nous cherchons tous à prévoir : économistes, dirigeants, financiers, consultants, journalistes, politiques… Ce ne sont partout que prévisions de marché, anticipations, business plan… 

Et pourtant, tout nous montre que la réalité ne se plie pas à nos calculs : aussi rebelle que la météo, quand nous annonçons le soleil, c'est la pluie qui est au rendez-vous.

Si vous en doutez, pensez à la crise financière récente, ou encore à toutes les prévisions faites par des organismes de tous bords et tous pays.

Est-ce que ceci n'est que provisoire ? Est-ce simplement le résultat de l'imprécision des modèles et des calculs ? Ou encore d'intérêts cachés qui expliqueraient son erreur ?

Nous vivons collectivement dans cette certitude : plus nous allons avancer, plus l'incertitude diminuera. Et arrivera enfin ce temps tant attendu où nous saurons tout prévoir. Fini alors ce temps maudit où l'on ne savait pas le temps qu'il allait faire ! Plus besoin du « PPP », le « parapluie par précaution » : nous saurons avec certitude quand et où il va pleuvoir.

Mais réfléchissez et posez la question suivante : avez-vous vraiment envie de vous trouver dans un monde prévisible ? Quelle serait alors la place de l'innovation, de la création et de la liberté ? Et finalement de la vie même, c'est-à-dire de ce processus qui est précisément tissé d'innovation, de création et de liberté ? Et à quoi bon vivre et diriger si tout peut être prévu, puisqu'un bon ordinateur suffira ?

Heureusement – du moins de mon point de vue ! –, ce n'est pas prêt d'arriver, car nous nous trompons dans cette vision d'un monde dans lequel connaissance va de pair avec limitation de l'incertitude. 

Je crois en effet que l'incertitude est inhérente au processus même de la vie. Et donc manager une entreprise ce n'est pas lutter contre l'incertitude, mais apprendre à vivre avec et à en tirer parti.

Quatre questions à se poser :

- Être rationnel, est-ce refuser ce que les sciences nous apprennent et rester enfermé dans ses certitudes ou est-ce accepter même ce qui dérange ?

- Être rationnel, est-ce croire que l'on va arriver à prévoir ce qui va se passer ou est-ce accepter l'incertitude et apprendre à vivre avec ?

- Être rationnel, est-ce centrer son énergie sur la prévision d'un futur qui échappe ou est-ce vivre son présent pour renforcer sa capacité à résister à plus d'aléas ?

- Être rationnel, serait-ce alors de lâcher-prise pour ne plus se laisser enfermer dans des futurs imaginés ou voulus, et savoir saisir les opportunités qui accroissent sa résilience propre ?

2 sept. 2009

PEUT-ON SE LANCER SANS CONNAÎTRE TOUTES LES CONSÉQUENCES EVENTUELLES ?

Quand le petit Gutenberg réfléchit avant d'agir…

Vers 1420, à Mayence, petite ville d'Allemagne. Le petit Johannes n'était vraiment pas un enfant facile. Cet enfant de dix ans n'avait qu'une seule réelle passion : la lecture. Son aptitude à lire et écrire faisait d'ailleurs la fierté de ses parents, mais sa passion était dévorante. Il n'y avait jamais assez de parchemins à la maison ni de livres à lire.

On avait beau expliquer à Johannes que les livres coûtaient trop chers et étaient trop rares, il s'en moquait. Il avait l'habitude de répondre : « Quand je pense au nombre de gens qui ont des idées intéressantes et que je ne peux pas rencontrer, je ne peux pas croire qu'il y ait aussi peu de livres ! »

« Allez, cela va lui passer, dit sa mère. Tu vas voir. Bientôt il ne pensera plus qu'à développer nos affaires. Pense plutôt à préparer notre départ prochain pour Strasbourg. »

Son père rentra la tête dans ses épaules, fit un oui approximatif et sortit en direction de sa boutique. Sa mère retourna vers sa cuisine. Seul, restait Johannes dans la pièce.

Levant les yeux et regardant autour de lui, il vit qu'il était seul. Il attendit encore quelques minutes pour s'assurer que personne ne revenait, puis alla vers la bibliothèque. Il prit le troisième livre en haut à droite et en retira un papier.

Le papier était recouvert d'une écriture serrée et de nombreux dessins.

« Plus j'y pense, plus je trouve cela simple et évident, se dit-il. Je ne comprends pas pourquoi personne n'y a pensé avant moi. Pour qu'il y ait plus de livres disponibles, il faut faciliter la création d'un livre et sa reproduction. Or un livre, qu'est-ce que c'est ? Une succession de lettres sur des pages. Pour les lettres, cela fait longtemps que j'ai trouvé la solution, et ce grâce à mon père ! »

En effet, alors que Johannes n'avait que huit ans et affichait déjà son besoin monomaniaque de lire, son père, fatigué de le voir courir après tous les livres, dit à son propos : « Cet enfant ne fera rien plus tard s'il ne pense qu'à lire. Il aurait bien besoin d'avoir un peu plus de plomb dans la cervelle. »

Au départ Johannes fut vexé des propos de son père. Puis, une idée lui vint : « Le plomb, voilà l'idée, merci Papa ! ».

Pour ne pas alerter la famille et quand même tester son idée, il alla chercher ses soldats de plomb. Quelques sacrifices plus tard, les premières lettres en plomb étaient nées. Pour l'encre, Johannes prit un peu de son sang. Résultat probant.

Depuis lors, il avait parcouru un chemin important et son invention était au point : les lettres en plomb pour composer le texte, la presse pour faciliter l'impression. Même le papier avait été optimisé.

Mais ce dont Johannes était le plus fier était la qualité des prévisions qu'il avait faites. Il voyait clairement à quoi allait servir son invention, et ce qui allait se passer :

-    Abaissement du prix de revient d'un livre et possibilité de produire un grand nombre d'exemplaires,

-    Accès de la classe moyenne à la lecture, débouchant sur un accès plus large à l'éducation et à l'université

-    Émergence progressive de best-sellers qui allaient se diffuser mondialement,

-    Restructuration de la production de papier pour faire face à l'explosion de la demande,

-    Déstabilisation des monastères qui devraient trouver des activités de substitution face au déclin de la demande en manuscrits et enluminures,

-    Utilisation de cette technique pour produire en grande quantité des billets de banque, venant compléter les pièces de monnaie.

Il sentait toutefois qu'il devait encore travailler là-dessus. Il ne voulait pas se lancer tant qu'il ne sentirait pas complètement prêt et qu'il aurait l'impression de ne pas avoir tout prévu. Il n'avait que dix ans, donc le temps encore de réfléchir.

1 sept. 2009

SCOOP : LES SPAGHETTIS À LA CARBONARA SONT MEILLEURS EN ITALIE QU’EN THAILANDE

Chercher à retrouver ce que l'on vient de quitter

Assis à la terrasse du restaurant, je fais face au Mékong. Le restaurant en lui-même n'est pas exceptionnel, mais le lieu a un côté magique, je suis juste au fameux Triangle d'Or : devant moi à gauche, la Birmanie, et à droite le Laos. La lumière baisse lentement et se reflète dans les eaux boueuses.

Soudain, je suis tiré de ma rêverie par la conversation qui se tient à la table à côté :
« Vraiment ces spaghettis à la carbonara ne sont pas terribles, dit l'un en italien !
- Et les frites, non plus, complète son voisin.
- Oui, et question quantité : juste une petite assiette. »

Je les regarde du coin de l'œil. Dans les minutes qui suivent, ils vont continuer à se plaindre.
« Vraiment les pâtes, c'est autre chose chez nous, assène finalement celui qui avait commencé. »

Trois jours plus tard, je suis de retour à Chiang Mai. Chiang Mai est la seconde ville de Thaïlande, mais n'a pas grand-chose à voir avec Bangkok : avec ses 500 000 habitants, c'est une ville moyenne, calme et reposante. Située dans le Nord, elle est la base idéale pour rayonner tout autour.
Au détour d'une ruelle, je tombe sur un restaurant style taverne de Munich. Le comble, c'est la thaïlandaise en tenue munichoise (voir la photo ci-jointe). Vraiment exotique en plein Chiang Mai à proximité des étals du marché nocturne. Je jette un coup d'œil à l'intérieur du restaurant : uniquement des touristes attablés.

Des Italiens qui se plaignent de ne pas manger les pâtes comme chez eux, des touristes qui se réfugient le temps d'un dîner dans une Allemagne reconstruite. En voilà qui ne lâchent pas prise et restent prisonniers de leurs habitudes.

Comment avoir la moindre chance de comprendre un pays si l'on ne fait qu'y rechercher ce que l'on vient de quitter ? Comment sentir ce qui se passe sans d'abord faire le vide ? Comment découvrir quoique ce soit ?

Décidément, nous avons besoin de repères, de certitudes. Le plongeon dans l'inconnu et la découverte ne sont pas naturels…

31 août 2009

APPRENDRE À NE PAS LUTTER CONTRE L’INCERTITUDE MAIS À CONSTRUIRE AVEC ELLE

Du « Neuromanagement » au « Lâcher-Prise »

Voilà le temps de la rentrée. Tous les média - télévision, radios, journaux, … - rivalisent de nouvelles formules, nouvelles maquettes ou nouvelles émissions.

J'ai pensé que, moi aussi, il était temps de changer quelque chose à mon blog né il y a maintenant un an. Alors j'ai changé… le titre. Ce n'est apparemment pas un grand changement et sa mise en œuvre a été rapide : facile de faire passer le titre de « Neuromanagement » à « Lâcher-prise pour diriger », et le sous-titre de « Pour tirer parti des inconscients de l'entreprise » à « Savoir tirer parti de l'incertitude ».

Mais ce changement n'est pas simplement affaire de circonstance, il exprime une évolution de mes réflexions et de mon blog.

Né fin septembre 2008, à l'occasion de la sortie alors imminente de mon premier livre « Neuromanagement », il s'est trouvé logiquement centré sur la thématique de mon livre : en quoi, comme pour un individu, une entreprise est largement mue par des processus inconscients, et pourquoi on ne peut pas être efficace sans eux. Une phrase résumait assez bien mon point de vue d'alors : « être irrationnel, c'est nier l'importance des processus inconscients ; être rationnel, c'est apprendre à en tirer parti. »

Progressivement, au fil des mois, et singulièrement depuis le printemps, j'ai élargi le champ de mes réflexions et me suis progressivement intéressé à la problématique de l'incertitude. J'ai voulu creuser deux pans de cette problématique :

  • L'incertitude est-elle la marque de l'incomplétude de nos savoirs ou est-elle une partie irréductible du fonctionnement de notre univers ?
  • Si elle est irréductible, si elle est un des constituants de notre monde, comment alors manager sans lutter contre elle, mais en en tirant parti.
Ces réflexions ont commencé à se traduire dans bon nombre de mes articles sur ce blog. L'été a été propice à une cristallisation : l'énergie vitale de la jungle thaïlandaise et la force tranquille du Mékong m'ont apporté une aide précieuse (ces trois photos vous en donneront une idée...). Me voici de retour avec un nouveau livre déjà fort avancé et un plan structuré. Les semaines qui viennent vont être consacrées à la finalisation de l'écriture. L'objectif est une parution au cours du premier trimestre 2010.

D'ici-là, je vais maintenir ce blog aussi actif qu'avant l'été, c'est-à-dire un article par jour en semaine. Ces articles vont vous donner un avant-goût de mon livre et me serviront aussi à chercher à susciter des réactions pour m'aider dans ma rédaction finale. Je ferai aussi quelques billets d'humeur ou d'humour au hasard de mes rencontres.

Voilà donc pourquoi ce changement de titre. Il correspond au titre de mon prochain livre et exprime l'idée que, face à l'incertitude et aux aléas, il faut apprendre à lâcher-prise pour ne pas se laisser emporter par les courants et pour arriver à se diriger.

Je ne recommande pas face à l'incertitude de renoncer à toute action, à tout projet. Bien au contraire.

Je ne pense pas non plus que la solution puisse être dans le recours à des cartomanciennes ou à des lectures dans des marcs de café.

Non, des voies sérieuses sont possibles. Voilà, ce dont je vais vous parler à partir de maintenant : pourquoi lutter contre l'incertitude c'est inefficace, car c'est lutter contre la logique de notre monde ; comment s'appuyer sur elle pour construire des stratégies efficaces et résilientes.

24 juil. 2009

HISTOIRE DE BLOG

Du Neuromanagement au Lâcher-prise, 10 mois et près de 250 articles

Fin septembre dernier, j'ai commencé ce blog. Son objectif initial était de contribuer à faire connaître mon livre Neuromanagement.
Progressivement, il a évolué. Depuis ces dernières semaines, il m'a servi à commencer à mettre en forme mes nouvelles idées et à les tester. Cette "mise en débat" de ce qui va servir pour un prochain livre a été amplifiée par la reprise de bon nombre de mes articles sur d'autres sites, et singulièrement sur Agoravox.
Je me suis aussi "servi" de ce blog comme un moyen de faire passer mes amusements face à l'actualité et des situations.
J'ai volontairement évité les propos directement politiques, car ce n'est pas son objet.

Voilà arrivé le temps des vacances, et donc celui de faire une pause.
Je n'ai toutefois pas voulu que mon blog reste "muet" cet été.
Vous allez donc y trouver, au rythme de 2 épisodes par semaine - le lundi et le vendredi - la saison 2 de mon "histoire de caverne". J'espère que vous vous amuserez autant à la lire que moi à l'écrire.

Fin août, je reprendrai le fil de mes articles quotidiens. Mon nouveau livre sera alors en cours d'écriture, et il y aura naturellement un rebond entre les deux. Je ferai d'ailleurs évoluer alors le nom de mon blog.

D'ici là, je vais plonger à nouveau dans la jungle thaïlandaise et "perdre du temps" à regarder le Mékong se déployer paresseusement. J'espère que cette errance sans programme écrit à l'avance contribuera à aider à la maturation de mon livre, dont le thème central sera justement l'importance du lâcher-prise.
Bonnes vacances à tous !

15 juil. 2009

ON NE PEUT PAS GAGNER AU GO EN FAISANT DES PRÉVISIONS

Savoir se centrer sur ce que l'on fait

Regardons comment procède un bon joueur de go.

Puisque le damier est composé de 19 lignes et 19 colonnes, soit donc 361 intersections, et que chaque joueur a 180 pions, le nombre de combinaisons théoriquement possibles est considérable. 

L'incertitude est donc forte et cela fait bien sûr partie du plaisir du jeu.

Que fait un joueur ? Focalise-t-il son énergie sur le calcul de probabilités ? Essaie-t-il de limiter cette incertitude ? Cherche-t-il à modéliser les futurs possibles ?

Non, il se focalise sur ce qu'il peut faire, sur les pions qu'il pose. 

Il a en tête un dessin qu'il va chercher à mettre en œuvre : ce dessin est une perspective qui oriente ses choix, mais ne constitue pas une forme précise. Viser ce dessin est son dessein. 

Pion après pion, il est préoccupé par ses degrés de liberté : il cherche à construire un ensemble le plus solide possible et le plus résilient face à toute attaque.

Il ne se préoccupe pas vraiment de ce que fait son adversaire, ou, du moins, pas tant que cela ne vient pas entraver les fondements de son propre dessein.

In fine il gagnera par l'effet et la puissance de la forme qu'il a dessinée.

Pourquoi ne pas faire de même dans votre entreprise ?

Pourquoi vous épuiser à vouloir prévoir l'évolution de son marché ? 

Pourquoi construire des tableaux excel avec de multiples « macro » (ces fameuses règles de calcul « automatiques » qui vont tout actualiser et tout relier), et, à partir de la situation actuelle, itérer pour produire un futur théorique et représentatif uniquement des hypothèses mises ?

Et si, à l'instar du joueur de go, vous vous centriez sur ce que vous voulez et pouvez faire.

Et si vous cherchiez "simplement" à vous rapprocher de votre objectif tout en renforçant la solidité de votre entreprise face aux aléas, sa résilience ?

S'il faut fournir une prévision pour son marché – le monde financier vit encore dans l'illusion des prévisions –, un conseil : n'y passez pas trop de temps !