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2 mars 2009

SAVOIR SE VOIR À DISTANCE

Sensation de me voir de l'extérieur, comme un dédoublement.

A chaque fois, c'est pareil, un autre rythme m'habite, une transformation se fait en moi : on est vraiment dépendant du lieu où l'on se trouve. Le regard qui peut aller à l'infini – la ville est encombrée de premiers plans qui arrêtent sans arrêt le regard –, l'absence de tout bruit – le moindre bourdonnement d'insecte est perceptible –, le construit humain qui se fond dans la nature – mes interventions se cantonnent à des murs en pierres sèches et à ajouter ou enlever des arbres –. Tout cela me met à distance de l'urbain que je suis à Paris.

Ma maison en Drôme provençale est un des côtés de ma balance personnelle, sans elle pas d'équilibre, sans elle pas de mise en perspective.

Quand je pose des pierres pour construire un mur en pierres sèches, quand je retourne la terre pour aider un jeune chêne à émerger du chiendent, quand je tronçonne des arbres pour dessiner un chemin dans le bois, mon esprit flotte sans but, sans aspérités, sans raison. Je peux retrouver un chemin dans ma vie, tranquillement, sans le chercher. Ma façon à moi de lâcher prise. Bien sûr à Paris, je peux courir le long de la Seine, mais je reste immergé dans un flux constant et perturbateur. Ici rien de tel. Juste le vide. Personne à moins d'un kilomètre…

S'asseoir dans le bois. Regarder ces arbres qui sont là. Ressentir la vitesse de la vie, c'est-à-dire ce flux lent et régulier qui les habite. « Voir » au travers de l'écorce la sève qui circule.

Ma pensée passe de ces arbres à cette entreprise que j'accompagne. Comme cet arbre, la vie de l'entreprise est nourrie par une sève et sa propre vitesse interne. Changer, c'est sentir les courants et les inflexions possibles. Changer, c'est respecter le rythme biologique et voir comment en tirer le meilleur. Changer, c'est savoir d'abord lâcher prise pour ressentir et comprendre…

28 janv. 2009

ON SAUTE RAREMENT D’UN AVION SANS PARACHUTE

« Imaginons-nous un instant dans un avion. Mon objectif est de vous faire sauter en parachute. Si vous n’avez jamais sauté, si vous ne vous êtes même jamais exercé au sol, je vais avoir du mal à vous persuader de sortir de l’avion… et vous aurez raison. Inutile de dire que, sans parachute, aucune chance de vous faire sauter : j’aurais beau vous parler du plaisir de se trouver en l’air ou de l’intérêt de ce qui nous attend une fois arrivé, rien n’y fera.
À l’inverse, si vous êtes expérimenté, une simple explication va vous amener à sauter. Ainsi ce qui va déclencher la décision de sauter, ce n’est pas tant la perspective du gain attendu que l’appréciation du risque à prendre pour atteindre ce gain. Cette appréciation n’est pas absolue, mais relative à l’expérience de la personne : c’est l’interprétation du risque qui compte.

Autre situation : vous êtes maintenant au bord d’une rivière et mon objectif est de vous la faire traverser. Je vous ai expliqué que vous alliez trouver de l’autre côté quelque chose qui correspond à ce que vous aimez et recherchez, ce qui signifie que j’ai déjà fait l’effort de projeter sur vous non pas pourquoi moi je veux que vous traversiez, mais bien pourquoi vous, vous y trouveriez un intérêt personnel.
Vous avez envie d’y aller, mais vous regardez l’eau qui tourbillonne devant vous. Vous savez nager, vous pouvez traverser, mais finalement vous avez peur de cette eau et restez immobile. À ce moment, arrive sur votre rive une menace importante, par exemple un animal sauvage ou un feu.
Entre ce risque certain et immédiat et le risque potentiel de la traversée, vous vous décidez à plonger, ce d’autant plus que vous savez que de l’autre côté vous allez trouver ce que vous cherchez.
Ainsi donc finalement, le déclencheur aura été plus la peur que l’attraction : votre interprétation du risque a été différentielle. Elle est ainsi fonction de l’expérience passée – Quelle est mon évaluation du risque lié à la traversée ? – et de la criticité de la situation présente – Quel est le risque à ne pas bouger ? –.


Dernière histoire : celle du Petit Poucet. Simplifions-la : les parents n’ont plus de quoi nourrir leurs enfants et décident de les abandonner dans une forêt. Le Petit Poucet avec ses frères doit revenir à la maison sans y être du tout préparé. Il va avoir de lui-même à résoudre tous les problèmes : comment retrouver son chemin, comment arriver à prendre le leadership sur ses frères, comment faire face aux menaces rencontrées…
Pour déclencher cette action, les parents ont employé une solution extrême : l’abandon – comme si je vous avais poussé tout à l’heure de l’avion –. L’ensemble joue avec les peurs des enfants et reste dans nos mémoires comme une expérience effrayante.

Nous sommes tous d’accord pour considérer que les parents du Petit Poucet, même s’ils avaient à faire face à une situation dramatique, ont recouru à une solution évidemment condamnable.

Repassons maintenant à l’entreprise. Quand un manager fixe à l’un de ses collaborateurs un objectif sans s’être assuré qu’il a les ressources techniques et humaines pour les atteindre, il est dans l’attitude des parents du Petit Poucet : « Je vous largue dans la forêt, à vous de vous débrouiller ! ». Le collaborateur n’exprimera probablement pas ses craintes, intériorisera son stress… et fera tout pour ne pas aller dans cette forêt. Idem quand une Direction Générale fixe une cible sans avoir réfléchi au chemin.
À l’inverse, si les parents du Petit Poucet lui avaient fait suivre au préalable un stage de formation sur la traversée d’une forêt et la conduite à suivre, s’ils lui avaient fourni dans un sac à dos un matériel de survie, et si, alors seulement, ils l’avaient laissé seul avec ses frères dans la forêt, toute la fable serait changée et cesserait d’être effrayante : elle deviendrait une sorte d’aventure scoute avec pour seul risque d’avoir à faire un bivouac…

Dans tous ces exemples, un point commun : l’analyse du risque. Le risque n’a pas une valeur intrinsèque, il est relatif : je vais comparer ma perception du risque de la situation actuelle au risque du changement. Revenons un moment sur l’exemple de l’avion : si celui-ci est en feu, dans tous les cas, je saute, sauf évidemment sans parachute ! Ainsi plus le changement sera perçu comme risqué, plus il sera difficile à déclencher. À la limite, si le risque est perçu comme infini, rien ne pourra déclencher… »

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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

Vidéo : "Les entreprises sont-elles meilleures en situation de danger ?"


23 janv. 2009

CLAVIER AZERTY, INCONSCIENT ET INEFFICACITÉ COLLECTIVE

Tout un chacun nous sommes devenus « conditionnés » par le clavier AZERTY, et, même si nous ne sommes pas des experts de la frappe, nous avons progressivement mémorisé la place des touches et une bonne partie de notre frappe se fait de façon inconsciente : nos doigts « savent » où sont les touches. Si vous en doutez, prenez un clavier QWERTY (la version anglaise du clavier) et vous allez être surpris du nombre de nouvelles fautes que vous allez commettre.

Or d’où viennent ces claviers AZERTY et QWERTY.

Voici la réponse donnée sur le site « Dis pourquoi Papa » : « Il s’avérait que les utilisatrices des machines à écrire tapaient trop vite. Certaines tiges se levaient en même temps et bloquaient. Sholes, en 1868, eut alors l’idée de séparer, de part et d’autre du clavier, les lettres fréquemment utilisées en langue anglaise comme le Q, le R, E, le W, etc.

Ainsi, les tiges correspondantes s’emmêlaient moins lorsque la frappe était rapide. Cela donna le clavier QWERTY. Une simple adaptation à la langue française, et le clavier AZERTY que l’on connaît était né. En fait, la disposition que nous connaissons n’est purement due qu’à un problème mécanique au détriment de l’ergonomie. »

Je ne sais pas pour vous, mais, quand je tape sur le clavier de mon ordinateur, je n’ai pas vraiment l’impression que cela risque encore de provoquer le blocage de tiges métalliques… Et pourtant les claviers sont toujours AZERTY en français, QWERTY en anglais.


Des tentatives de les remplacer par des claviers pensés selon une logique ergonomique ont bien eu lieu. Redonnons la parole à « Dis pourquoi Papa » : « C’est pour cela que dans les années 30, aux États-Unis, August Dvorak (professeur à l'université de Washington) inventa une disposition des touches du clavier de façon optimisée non pas pour les problèmes mécaniques, mais pour le confort de l’utilisateur. Les consonnes et les voyelles les plus utilisées étaient disposées sur la ligne centrale. Un peu plus tard, une autre disposition fut mise au point sous le nom DIATHENSOR, correspondant aux 10 lettres les plus utilisées en langue anglaise. »

Sans succès. Inertie des habitudes.

Résultat : notre inconscient est structuré par une architecture désuète et ne présentant plus aucune justification.

Bel exemple d’inconscient contreproductif qui montre, comme la reprogrammation des habitudes collectives, est difficile…


23 déc. 2008

LE MOTEUR PREMIER DE TOUT SYSTÈME VIVANT EST LA RECHERCHE DE SA SURVIE.

Par survie, il faut entendre trois horizons :
- immédiat : ce sont les situations où la survie instantanée de l’organisme individuel est en jeu. Il a à faire face à une menace qui peut entraîner sa destruction à très court - terme : accident majeur, attaque d’un autre organisme vivant, manque d’oxygène…
- moyen terme : la survie de l’organisme individuel est encore en jeu, mais non plus de façon immédiate. Par exemple, il y a un dérèglement de son fonctionnement qui, s’il se poursuit, va amener sa mort à un horizon plus ou moins rapproché : manque de nourriture, écarts de température trop importants…
- long terme : la survie individuelle n’est pas en jeu, mais celle de l’espèce oui. Il s’agit pour l’essentiel de la reproduction, et donc de tout ce qui est lié à la sexualité.

À côté de cette perception individuelle, l’évolution a aussi permis de développer une perception liée à la communauté à laquelle l’individu appartient : il peut être aussi mobilisé pour la survie immédiate, à moyen ou long terme de sa communauté.

Cette dimension sociale de l’individu est supportée par les neurones dits « miroirs » : grâce à eux, un individu peut « lire » les actes et les émotions des autres, de façon immédiate et inconsciente, et se synchroniser spontanément. Ils interviennent ainsi dans tous les processus d’apprentissage en facilitant la reproduction des actes des autres, ce avant même d’en avoir compris consciemment la signification. Ce sont eux aussi qui supportent les phénomènes d’empathie et sont à l’origine des réactions de foule : par exemple, lors d’une représentation sportive, l’ensemble des personnes présentes dans le stade vont éprouver des émotions collectives et synchrones.

Cette recherche de la survie ne conditionne pas seulement les actions individuelles, mais est aussi le moteur même de l’évolution même du vivant...

Voir aussi la vidéo "Les Entreprises ont-elles aussi des émotions"

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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

13 déc. 2008

POURQUOI LE POULET A-T-IL TRAVERSÉ LA ROUTE?

Aristote : C'est dans la nature du poulet de traverser les routes.
Platon : Pour son bien. De l'autre côté est le Vrai.
Descartes
: Pour aller de l'autre côté.
Moise
: Et Dieu descendit du Paradis et Il dit au poulet "Tu dois traverser la route". Et le poulet traversa la route et il jubila.
Bouddha
: Poser cette question renie votre propre nature de poulet.
Hippocrate : A cause d'un excès de sécrétion de son pancréas.
Machiavel
: L'élément important c'est que le poulet ait traversé la route. Qui se fiche de savoir pourquoi ? La fin en soi de traverser la route justifie tout motif quel qu'il soit.
Darwin
: Les poulets, au travers de longues périodes, ont été naturellement sélectionnés de telle sorte qu'ils soient génétiquement enclins à traverser les routes.
Martin Luther King
: J'ai la vision d'un monde où tous les poulets seraient libres de traverser la route sans avoir à justifier leur acte.
Freud
: Le fait que vous vous préoccupiez tous du fait que le poulet ait traversé la route révèle votre fort sentiment d'insécurité sexuelle latente.
Karl Marx
: C'était historiquement inévitable.
Ernest Hemingway
: Pour mourir. Sous la pluie.
Albert Einstein : Le fait que le poulet traverse la route ou que la route se déplace sous le poulet dépend de votre référentiel.
Consulting & Co : Deregulation of the chicken's side of the road was threatening its dominant market position. The chicken was faced with significant challenges to create and develop the competencies required for the newly competitive market. Consulting&Co, in a partnering relationship with the client, helped the chicken by rethinking its physical distribution strategy and implementation processes. Using the new Poultry Integration Model (PIM), AA helped the chicken use its skills, methodologies, knowledge, capital and experiences to align the chicken's people, processes and technology in support of its overall strategy within a Program Management framework. Consulting&Co drove a diverse cross-spectrum of road analysts and best chickens along with AA consultants with deep skills in the transportation industry to engage in a two-day itinerary of meetings in order to leverage their personal knowledge capital, both tacit and explicit, and to enable them to synergize with each other in order to achieve the implicit goals of delivering and successfully architecting and implementing an enterprise-wide value framework across the continuum of poultry cross-median processes. The meeting was held in a park-like setting, enabling and creating an impactful environment which was strategically based, industry-focused, and built upon a consistent, clear, and unified market message and aligned with the chicken's mission, vision, and core values. This was conducive towards the creation of a total business integration solution. Consulting&Co helped the chicken change to become more successful. Thanks for your attention.

Et oui ce n’est pas si facile de comprendre pourquoi ce poulet a traversé cette route !
Qu'est-ce qui a bien pu le motiver à se mettre en mouvement ? L'explication ne semble pas vraiment exister en soi, mais être fonction de celui qui analyse la situation. Encore et toujours les interprétations plus fortes que le réel...
Alors si je veux non seulement comprendre pourquoi il a traversé, mais le faire traverser alors qu'il picore tranquillement quelques cailloux ...
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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

11 déc. 2008

COURIR EN ROND SUR UN STADE NE FAIT PAS VRAIMENT AVANCER UN SUJET !

Séance de lancement d'un plan qualité dans un groupe de transport aérien. Le début est tendu, l’auditoire entre distrait et hostile.
J’ai la sensation qu'ils ne sont là qu'en « service commandé ». Les transparents défilent : explication des enjeux, importance de la qualité dans une entreprise de services, coûts cachés de la non-qualité...
Progressivement, l'attention monte. Explication des risques : montée de la concurrence, dérégulation du transport aérien en cours, accroissement des coûts...
Mouvements dans la salle, les questions commencent à fuser. La vraie réunion peut commencer.
Que s'était-il passé ? Rien d’extraordinaire.
C'était simplement le troisième plan qualité lancé en moins de cinq ans, les deux précédents n'ayant été que des feux de paille.
Alors chacun n'était venu à la réunion que pour « faire plaisir » à la Direction Générale, écouter la nouvelle messe, sans se sentir concerné, sans avoir envie de changer quoi que ce soit, puisque bientôt tout allait à nouveau être arrêté à l'occasion de la prochaine mode managériale.

Une Direction qui déclenche des changements successifs, parfois contradictoires, repasse régulièrement au même point : elle est comme un coureur qui tourne en rond sur la piste.
Si elle accélère, elle repassera simplement plus vite devant les tribunes. Le reste de l'entreprise vaque à ses occupations et la regarde courir sans fin.
C’est cette même Direction qui ne comprend pas pourquoi le personnel ne la suit pas. La réponse est facile : pas besoin de suivre la Direction, puisqu'elle tourne en rond et qu'elle va bientôt repasser par le même point.
« Rationnellement » elle veut changer, mais elle est irrationnelle dans ses actes : de fait c’est l’attitude du personnel qui est rationnelle, pas la sienne…
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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

16 nov. 2008

TAILLER LES ARBRES N’EST PAS QU’UNE AFFAIRE DE LOGIQUE ET DE TECHNIQUE…

Je suis dans le TGV, de retour de ma maison en Provence. Avec novembre, revient le moment de la taille des arbres. Jeu d’entretien et de sculpture.
Au fil des années, j’ai appris à sentir les branches qu’il fallait couper, celles qu’il fallait conserver. Tailler un arbre n’est pas un acte logique et « rationnel » : bien sûr, il y a quelques règles techniques de base à respecter, mais ce n’est pas vraiment l’essentiel.
C’est d’abord une affaire d’esthétique et d’équilibre, comme les volumes d’une statue ou le jeu de couleurs d’un tableau. Pour réussir une taille, il faut savoir prendre du recul et s’observer agissant pour deviner les conséquences des gestes que l’on est en train d’entreprendre.
C’est aussi une affaire d’imagination. En effet, il faut se projeter dans le futur et imaginer ce que va pouvoir devenir cet arbre et ceux qui l’environnent. Chaque entaille faite aujourd’hui est porteur de ce futur implicite qui est inscrit de façon indélébile dans les choix faits.
C’est enfin savoir respecter les rythmes de la nature. Inutile de vouloir brusquer les choses ou de chercher à faire naître une branche là où c’est impossible. Tailler ce n’est pas créer, c’est accompagner la vie et choisir entre des possibles préexistants.
Ces tailles répétées années après années sont à chaque fois comme une leçon qui me ramène à l’essentiel, à ce que, lorsque l’on veut manager une entreprise, on oublie trop souvent, à ces trois principes « naturels » :
- prendre du recul pour veiller à l’équilibre de ce que l’on entreprend ;
- savoir lire les conséquences à long terme des choix immédiats ;
- comprendre que décider c’est choisir parmi des possibles

19 oct. 2008

SANS EFFETS MIROIRS, LES ENTREPRISES NE PEUVENT PAS RESTER CONNECTÉES AU RÉEL

Assis confortablement dans mon salon, je regarde distraitement la télévision. Sur l’écran, défilent les images d’un documentaire sur l’environnement. Un de plus.
Pour une fois le ton n’est ni dogmatique, ni catastrophique : le réalisateur a eu l’intelligence de laisser les images parler d’elles-mêmes.
Progressivement, je me sens entrer involontairement en résonance avec les propos : c’est bien ma planète que je suis en train de détruire. Un sentiment de culpabilité se diffuse en moi. Impossible de continuer à agir comme avant, impossible de ne plus réfléchir, impossible de ne pas mobiliser ma conscience pour aider à traiter ce problème : faire le bilan des mètres cubes d’eau gâchée, des kilowatts d’électricité brûlée pour rien…
Violences des images du tsunami qui a tout emporté sur son passage en Thaïlande, des tours de Wall Street qui s’effondrent, d’un enfant brûlé par le napalm pendant la guerre du Vietnam… Toutes ces violences exigent de nous une réponse : nous nous sentons mobilisés. Puissance et force de ces neurones miroirs qui nous font entrer en résonance avec les émotions perçues : génétiquement câblés pour la survie de notre espèce, nous décodons l’urgence des situations.
Vouloir faire changer les choses, c’est donc d’abord mettre les individus en face des conséquences de leurs actes : émotionnellement déstabilisés, nous sommes alors prêts à agir. Mais cela ne va pas suffire. Il faut que notre système conscient ne vienne pas contredire notre moteur émotionnel : quelles sont les interprétations que nous faisons de la situation actuelle et quelle en est notre compréhension ? En quoi nos actions individuelles peuvent-elles se relier à ce que nous voyons et ressentons ?
Quelles sont nos marges de manœuvre et sur quoi pouvons-nous vraiment agir ?
Effet miroir pour déclencher le besoin d’agir, analyse consciente pour déterminer les modalités d’action : le but est d’arriver à transformer les interprétations qui sont le support de la conscience. Car, comme le dit Lionel Naccache dans Le Nouvel Inconscient : « J’interprète, donc je suis. ». (
voir « l’inconscient se cache souvent derrière des télescopages » )
Dès 1670, Spinoza, dans Éthique, écrivait : « L’Esprit humain ne perçoit aucun corps extérieur comme existant en actes, si ce n’est par les idées des affections de son propre Corps. », ou dit plus simplement : tant nous ne ressentons pas directement une situation, elle n’existe pas vraiment pour nous. Il en est de même pour l’entreprise : ce qui conditionne ses actions, c’est l’analyse qu’elle fait de sa situation et de l’effet des actions qu’elle entreprend.
S’il y a un décalage entre cette analyse et la réalité, l’entreprise va dériver (
voir « Sans Inconscient pas d’entreprise efficace » ). Ce sont donc ces décalages potentiels qu’il faut mettre en lumière et obliger l’entreprise à admettre pour pouvoir ensuite les traiter.
Ceci doit se faire par un ensemble d’outils et d’approches qui vont matérialiser les conséquences de ce que l’entreprise entreprend. Ces « autoconnexions au réel » vont la brancher automatiquement et continûment sur ce qui se passe vraiment.
Prenons par exemple, le cas de la relation client.
Commençons par une anecdote issue de mon expérience personnelle – je suis consultant - : Une banque veut étalonner la performance des files d’attente dans ses agences. Elle dispose déjà d’un baromètre interne les comparant entre elles. Elle vient de sauter un pas important en procédant à des enquêtes externes permettant de comparer ce temps d’attente à celui de ses concurrents. La banque en est très satisfaite.
C’est un progrès évident, mais ceci ne correspond toujours pas à la logique client. En effet, la plupart n’ont pas de compte dans d’autres banques et ne sont donc pas à même de comparer le temps d’attente de leur agence versus celui chez un concurrent.
Quel était le vrai parcours client ? La plupart sont en train de faire leurs courses. Ainsi le client va comparer le temps d’attente dans l’agence aux autres temps d’attente qu’il vient de vivre : étalonner la performance de l’agence implique donc de connaître quel est le meilleur commerce de la rue – qui peut être une boucherie ! - et de se comparer à lui. Compliqué pour une banque de comprendre la vraie logique client…
On voit au travers de cet exemple comme il est difficile de ne pas être décalé par rapport à la réalité client : l’entreprise est souvent « trompée » par sa propre expertise et n’analyse pas naturellement une situation comme le font ses clients.
En effet, prenons un cas « idéal » où, comme dans cette banque, une Direction Générale a réussi à mobiliser tout le monde autour des priorités clients et où chacun à son niveau l’a compris et cherche à faire de son mieux. Est-ce que l’entreprise va alors se centrer effectivement sur les priorités clients ?
Non pas nécessairement, car chacun va se centrer non pas sur la réalité de ces priorités, mais sur l’interprétation qu’il en fait : il ne risque de ne pas voir que pour le client la bonne comparaison c’est la boucherie…
Ainsi, ce qui va déterminer les actions de chacun, ce ne sont pas les priorités clients réelles, mais les priorités clients telles que vues et interprétées par l’organisation et son personnel : s’il y a un décalage entre ce qu’attend le client et ce que croit l’entreprise qu’il attend, le centrage des actions sera inefficace.
Il y a donc un intérêt à mettre en regard, comme par un effet miroir, ce que l’entreprise croit que le client pense et ce qu’il pense vraiment.
L’entreprise a besoin d’un « Miroir Client », qui va matérialiser les décalages éventuels –– entre ce qu’elle pense faire et ce que voient et expérimentent ses clients.
En fait, c’est d’un ensemble de « miroirs » dont l’entreprise a besoin :
- le « Miroir Management » : les décalages à l’intérieur de leur entreprise,
- le « Miroir Rentabilité » : les décalages de rentabilité entre activités et produits,
- le « Miroir de l’inacceptable » : la matérialisation de là où l’entreprise va si rien n’est changé,
- les « Scores Miroirs » : la matérialisation de buts marqués
Et pourtant bien peu d’entreprises se sont dotées de tels outils… Alors c’est la porte ouverte à toutes les dérives
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14 sept. 2008

In fine, le vrai changement n'est plus apparent

J’aime construire des murs en pierres sèches, sorte de puzzle physique où on a le droit de retailler les pièces, dessin dans l’espace.
Quoi de plus simple en apparence : juste des pierres posées les unes sur les autres.
Et pourtant aucun mur ne ressemble à un autre (voir la photo ci-jointe où le mur au centre vient du Rajasthan en Inde et les 2 autres de ma maison en Provence)
Et pourtant comment faire en sorte pour qu’il puisse monter à plus de 2 mètres et durer ? Comment aligner son sommet alors qu’aucune pierre n’est de même taille ?...
Mais là n’est pas l’essentiel pour moi.
L’essentiel est que c’est une activité paradoxale : sa finalité est de se dissoudre dans le paysage, de sembler avoir toujours existé. L’effort doit être caché, la nouveauté interdite…
Seul son créateur sait qu’il n’était pas là avant.
Voilà le vrai changement : celui qui paraît ne pas avoir été fait, celui dont le résultat est naturel pour tous, celui dont les efforts entrepris restent inconnus…

5 sept. 2008

Action ou Transformation...

Quelques extraits tirés de Traité de l'efficacité de François Jullien (pages 74 à 80 de l'édition livre de poche) à méditer... notamment par les dirigeants d'entreprise ou politique qui croient trop souvent aux "miracles" de l'action....

« Comme elle vient d'ailleurs, l’action est arbitraire et inopportune… Elle est locale et momentanée... Son aspect spectaculaire n'est que la contrepartie de son peu d'emprise sur la réalité... Par la tension qu'elle apporte, elle peut bien satisfaire à notre besoin de drame (« drame » en grec signifie action »), mais elle n'est pas efficace... Le sage « transforme »... Si infime que soit le point de départ, pas accentuations progressives, on aboutit aux résultats les plus décisifs ; à se déployer, à s’épaissir, à se densifier... Le changement découle alors de lui-même, à titre de conséquence, par simple prolongement du processus, sans qu'on ait à faire pression sur la situation et non plus à se dépenser… La transformation n'est pas localisable. Son effet par conséquent est diffus, ambiant, jamais cantonné. Parce qu'elle est continue et progressive, qu'elle opère partout à la fois, la transformation passe normalement inaperçue.... Son effet se dissout dans la situation... Plus qu'à la transcendance de l'action, les Chinois croient à l'immanence de la transformation : on ne se voit pas vieillir, on ne voit pas la rivière creuser son lit. »