Histoire de stent
22 décembre 2011, 15 heures, place de l'Hôtel de ville. Que faire ?
Rentrer à pied à la Croix Rousse ou prendre le métro ? Plus très envie de
marcher, voilà déjà plus de deux heures que je suis parti et que je sillonne
les rues de Lyon. La bouche d'entrée est là, tentante. Je m'en approche, mais
au dernier moment, change d'avis et décide de profiter encore un peu plus de la
chaleur inhabituelle.
Une décision sans importance, banale, comme nous en prenons sans arrêt, à
chaque instant, tous les jours. Est-ce que l'on va à droite ou à gauche ?
Est-ce que l'on fait cela tout de suite, ou est-ce qu'on le reporte un peu plus
? Le plus souvent, nous ne percevons pas les conséquences de nos choix. Trop
d'aiguillages à venir, trop d'aléas, trop d'incertitudes. Et pourtant, notre
vie et celles des autres se font de ces choix multiples, de ces microdécisions
prises à la vite, et des enchaînements qu'elles provoquent.
Ce 22 décembre 2011 à 15 heures, place de l'Hôtel de ville, si j'avais
pris le métro, je serais mort quelques jours après.
Fatalité, destin, grâce immanente ? Non, juste un hasard favorable et
palpable, une vie sauvée, la mienne, pour rien, à partir de rien.
22 décembre, 15 heures 15, une douleur dans la poitrine gauche pendant
l'effort associé à la montée des pentes de la Croix Rousse. Quatre heures plus
tard, sur un coup de tête, la décision de parler de cette douleur à ma nièce
qui allait venir dîner. Sept heures plus tard, cette nièce qui a réalisé que je
risquais à tout moment un accident cardiaque et a appelé immédiatement un ami
cardiologue.
23 décembre à 8h du matin, ce cardiologue qui a décidé de me faire une
coronarographie. À 10h du matin, la découverte d'une artère bouchée à
quatre-vingt quinze pour cent. À dix heures trente, la pose d'un stent et la
réparation de l'artère.
Ainsi va le monde. Nous savons si peu de ce qui est important pour nous,
de pourquoi nous faisons les choses, de qui nous sommes...
Ce 22 décembre 2011, j’ai touché du doigt la réalité de la superficialité
de notre compréhension.
Raison de plus de continuer à repousser un peu plus loin les limites, et,
même si, comme l'a écrit en 1922, Ludwig Wittgenstein, en conclusion de son
Tractatus Logico-Philosophus : « Ce dont
on ne peut parler, il faut garder le silence », d’essayer de démêler les
fils de notre monde et de tous ces emboîtements qui le constituent.
Life goes on…