3 juin 2009

LA RÉPONSE À LA QUESTION : « QU’EST-CE QUI PENSE QUE CE PLAT A BON OU MAUVAIS GOÛT ? » N’EST PAS AUSSI SIMPLE QU’IL PARAÎT

Promenade issue de « Bonheur de la méditation », livre de Yongey Mingyour Rinpotché, grand maître tibétain

SUR L'ESPRIT ET L'IDENTITE :

« L'esprit est un événement en perpétuelle évolution, plutôt qu'une entité distincte. »

« Ce comportement « global » ou « réparti » peut être comparé à l'accord spontané d'un groupe de musiciens de jazz. Lorsque les musiciens de jazz improvisent, chacun joue peut-être une phrase musicale légèrement différente. Pourtant d'une manière ou d'une autre, ils parviennent à jouer ensemble de façon harmonieuse. »

« L'esprit est, par bien des aspects, comparable à l'océan. Sa « couleur » change de jour en jour, d'instant en instant, à mesure qu'il reflète les pensées, les émotions et tout ce qui passe dans son ciel, pour ainsi dire. Mais, à l'instar de l'océan, l'esprit en lui-même ne change jamais. Quelles que soient les pensées qui s'y reflètent, il est toujours pur et clair. »

« Si vous vous contentez d'observer ce qui se passe en vous, sans essayer d'arrêter quoi que ce soit, vous finirez par éprouver une sensation extraordinaire de détente et d'espace dans votre esprit : c'est votre esprit naturel, l'arrière-plan naturellement non troublé sur lequel vos pensées vont et viennent. »

« Ma main n'est pas mon moi, mais elle est à moi. Bien, mais elle est faite d'une paume et de doigts, elle a une face supérieure et une face inférieure, et chacun de ces éléments peut être décomposé en d'autres éléments comme les ongles, la peau, les os, etc. Lequel de ces éléments peut être appelé « ma main » ? »


ILLUSION OU REALITE ?

« La meilleure façon d'aborder cet aspect de la vacuité me semble de revenir à l'analogie de l'espace tel qu'il était conçu au temps de Bouddha, c'est-à-dire comme une ouverture immense qui n'est pas une chose en soi, mais plutôt un milieu infini, dans références, au sein duquel les galaxies, les étoiles, les planètes, les animaux, les êtres humains, les rivières, les arbres, bref tous les phénomènes surgissent et se meuvent. Sans espace, aucun des phénomènes ne se distinguerait d'un autre. Il n'y aurait pas de place pour eux. Il n'y aurait, en quelque sorte, aucun arrière-plan qui les rendrait visibles… Tout ce qui surgit de cette vacuité – les étoiles, les galaxies, les êtres, les tables, les lampes, les horloges, et même notre perception du temps et de l'espace – est l'expression relative d'un potentiel infini, une apparition momentanée au sein d'un espace et d'un temps sans limites. »

« La voiture du rêve était-elle réelle ?... Néanmoins tant que le rêve dure, vous la percevez comme tout à fait réelle… Tout ce que nous percevons n'est qu'une apparition jaillie du potentiel infini de la vacuité. »

« Tout ce qu'on perçoit est une reconstruction opérée de l'esprit. Autrement dit, il n'y a pas de différence entre ce qui est vu et l'esprit qui le voit. »


SUR LE TEMPS ET LA RESPONSABILITE

« La passé est comparable à une graine brûlée. Une fois réduite en cendres, la graine n'existe plus, ce n'est plus qu'un souvenir, une pensée qui traverse l'esprit. Autrement dit, le passé n'est rien d'autre qu'une idée… Le futur n'est donc, lui aussi, qu'une idée, une pensée… Le présent ? Mais comment le définir ?... On peut essayer de réduire l'expérience du présent à un instant de plus en plus court, mais le temps d'identifier ce dernier, il est déjà passé. »

« Quand nous nous rappelons l'époque où nous étions adolescent et où nous allions en classe, nous pensons naturellement que notre « moi » actuel est celui qui a étudié, grandi, quitté la maison familiale, trouvé du travail, et ainsi de suite. »

« L'idée que l'observation d'un événement suffise à en influencer l'issue peut donner l'impression d'une responsabilité personnelle trop lourde à assumer. Il est beaucoup plus facile de penser que l'on subit son destin, en attribuant à une cause extérieure la responsabilité de ce que l'on éprouve… Il n'est certes pas facile de renoncer à l'habitude de se considérer comme une victime. Mais en assumant l'entière responsabilité de ce qui nous advient, nous pouvons nous ouvrir des possibilités que nous n'avions sans doute jamais imaginées. »


SUR LA COMPASSION :

« La compassion est le sentiment spontané d'être relié à tous les autres êtres. Ce que vous ressentez, je le ressens. Ce que je ressens, vous le ressentez. Il n'y a pas de différence entre nous. »

« Il se rendit alors compte que s'il utilisait juste assez de cuir pour se fabriquer une paire de chaussures, il pourrait marcher sans souffrir sur des centaines de kilomètres. Recouvrir la surface de ses pieds équivalait à couvrir la surface de la Terre, tout entière…. Si vous rendez votre esprit paisible et bienveillant, une même solution vous permettra de résoudre tous les problèmes de votre vie. »



2 juin 2009

APPRENONS QUE LE CHANGEMENT EST LA NORME ET ENSEIGNONS QUE L’INDIVIDU EST UNE RÉALITÉ À RESPECTER


I had a dream…

En caricaturant – mais est-ce vraiment une caricature ? –, dans les pays occidentaux, nous avons tendance à :

- Considérer que le changement n'est qu'un moment transitoire et douloureux. Nous sommes convaincus que la norme, c'est la continuité, la stabilité. Nous allons donc tout faire pour maintenir le plus longtemps possible ce qui existe, même si pour cela, il nous faut ériger des lignes Maginot pour endiguer ce changement que nous sentons vouloir naître. Nous sommes persuadés que l'individu est une réalité et que le monde tourne autour de nous.

- Chercher à prévoir le futur, puis ensuite construire un plan pour nous en rapprocher. Du coup, au cours de l'action, nous allons être moins attentifs à ce qui survient et qui n'est pas prévu. Centré sur notre propre plan d'action, nous ignorons ce qui n'entre pas dedans ; ce qui ne nous rapproche pas de notre objectif pensé a priori vient nous distraire. Le réel doit se conformer à ce que nous avions prévu.

En Asie, à l'inverse, – toujours en caricaturant – on a tendance à :

- Considérer que le changement est l'état normal, que la continuité est une illusion, que la vie est faite d'une succession sans fin de morts et de renaissances. On va chercher à dépasser les apparences et à voir le mouvement sous-jacent. La stabilité sera vécue comme un état fragile et comme le fruit de changements cachés. A l'extrême, l'individu n'a pas tant d'importance que cela, puisqu'il n'est lui-même que de passage, une des éléments du changement permanent.

- Se centrer sur les opportunités immédiates procurées par la situation actuelle. Finalement, il n'est pas très utile de passer du temps à prévoir là où l'on va aller ; le but du chemin sera simplement le résultat des actions entreprises. Centré sur l'observation fine des courants immédiats, on n'attache que peu d'importance sur l'endroit où l'on sera dans le futur.

Rêvons un instant : et si on arrivait à hybrider les deux approches ?

Apprenons en Occident que le changement est l'état normal (notre corps lui-même est constamment en train de se renouveler et notre sentiment d'exister repose sur cette transformation continue) et qu'il est illusoire de prévoir précisément là où l'on va aller (nous ne connaîtrons jamais suffisamment précisément la situation actuelle et toutes les interactions à venir pour prévoir au-delà du court terme).

Mais symétriquement soyons les promoteurs du respect de l'individu (un individu n'est pas qu'une composante « interchangeable » et fluctuante de la société globale, il est une richesse intrinsèque et irremplaçable) et de la définition d'un projet comme cible permettant de choisir parmi les opportunités immédiates (toutes les opportunités ne se valent pas et, s'il est illusoire de prévoir précisément, il est possible de « se penser au futur »).

Ce « rêve éveillé » s'applique aussi bien au management des entreprises qu'à celui de la société en général…

29 mai 2009

UN DIRIGEANT DOIT-IL S'INTERROGER SUR SES AUTOMATISMES ?

Jean-Marc Daniel, professeur d'économie à ESCP Europe et chargé de cours à l'Ecole des mines de Paris, parle de mon livre Neuromanagement




POUR ALLER SUR LE BLOG DE JEAN-MARC DANIEL

28 mai 2009

ÊTRE IRRATIONNEL, C’EST NIER L’IMPORTANCE DES PROCESSUS CACHÉS ET INCONSCIENTS

La décision peut-elle être mise en équation ?

Les linéaires des librairies sont encombrés de livres sur le management et la prise de décision – j'y ai contribué moi-même ! -, les écoles de commerce et autres MBA fleurissent un peu partout à travers le monde, les Directions Générales sont peuplées d'experts ayant parcouru le monde et aguerris à l'analyse multicritère… Bref, tout est en place pour que l'élaboration et la prise de décision soient le résultat d'un processus « scientifique » et « rationnel »… Oui, si on veut, mais….

Pendant des années, l'entreprise Treca, une des leaders dans le domaine du matelas, s'est refusée à entrer dans le marché des matelas en latex. Pour elle, sorti du ressort, pas de salut. Certes, elle était en position de force sur ce segment, mais celui du latex se développait, et sa Direction refusait même d'en discuter. Bizarre, non ? Oui si l'on s'en tient à l'approche « rationnelle » habituelle, mais, si l'on prend le temps de connaître l'histoire de l'entreprise et le sens de son nom, on se donne une chance de comprendre ce qui se passe. Que veut dire Treca ? C'est un raccourci pour Tréfilerie Câblerie : l'entreprise était née autour de son activité de tréfilerie. Le ressort n'était pas seulement un « objet anonyme » qui était là pour assurer le confort des matelas, c'était la raison d'être de l'entreprise, la justification de son nom. S'autoriser à étudier le marché du latex s'était risquer d'abandonner un jour le ressort, prendre le risque de « tuer son père »… Pas facile. Tout ceci était en arrière-plan, dissimulé dans l'inconscient collectif…

Au milieu des années 80, j'ai été chargé de mission à la DATAR (Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale). Je faisais partie de la petite équipe dite « industrielle », celle dont la mission était de contribuer à une meilleure répartition géographique des emplois en France. Nous avions comme leviers d'action les primes à l'aménagement du territoire et l'existence d'une autorisation pour toute extension ou création en région parisienne. Au-delà des critères logiques et connus, nous avions identifié un caché et pourtant finalement « rationnel ». Quel était-il ? La localisation de la résidence secondaire du ou des décideurs… Que se passait-il ? En fait l'analyse « rationnelle » des localisations possibles conduisait la plupart du temps à plusieurs options possibles. Le choix entre elles allait dépendre de la grille de choix et de la pondération entre les différents éléments d'analyse. Or cette grille et cette pondération étaient très largement subjectives et ne pouvaient être déduites d'aucun manuel de management. A ce moment-là, le ou les dirigeants concernés repensaient qu'eux-mêmes, auraient à aller dans cette usine, et que, si elle n'était pas trop loin de leur maison de campagne, ce serait quand même pratique… Évidemment, vous ne trouverez ce critère dans aucun document officiel, mais c'est une réalité…

A son arrivée à la tête de cette grande entreprise, ce dirigeant expérimenté avait eu pour la première fois de sa carrière à faire face à un nouveau secteur d'activités. Pas facile de comprendre la logique de ce secteur : les enjeux technologiques étaient complexes, le jeu concurrentiel mouvant, le rythme des innovations très particulier… En fait, il avait été un peu perdu. Bien sûr, il avait cherché à apprendre le plus vite possible toutes ces nouvelles règles du jeu, mais il gardait une nostalgie du secteur qu'il venait de quitter. Un peu comme s'il regrettait une terre natale… Mais heureusement, son entreprise était prospère et avait à choisir un nouveau domaine d'activités. Rapidement, une évidence s'imposa à lui : le secteur qu'il avait quitté, celui qu'il connaissait si bien, était le bon. Une étude stratégique après, la décision était prise : son entreprise allait s'y développer. Cette décision étonna bon nombre d'analystes, car le lien entre ce nouveau domaine et les activités historiques de l'entreprise n'était pas évident. Mais la signature apposée au bas de l'étude stratégique était tellement convaincante…

L'histoire de l'entreprise, les attentes cachées des décideurs, l'histoire personnelle du dirigeant sont autant de facteurs essentiels dans un processus de décision.

Certains pourraient y voir un problème, une tendance contre laquelle il faut lutter.

Personnellement, je ne crois pas, car cela montre que nous ne sommes pas face à des mécaniques anonymes et inhumaines. Penser que l'on peut tout mettre en équation, ce n'est pas être réellement rationnel : nier la réalité de ces processus, c'est être irrationnel.

Être rationnel, c'est faire face à la réalité des processus cachés et inconscients… et apprendre à en tirer parti.

27 mai 2009

LA HAUTEUR DU MONT BLANC DÉPEND-ELLE DE LA MANIÈRE DONT ON LE GRAVIT ?

Florilège issu de « Recherches philosophiques » de Ludwig Wittgenstein

C'est ainsi, par exemple, que les enfants donnent un nom à leurs poupées et qu'ensuite ils parlent d'elles et s'adressent à elles. À cet égard, pense à quel point il est étrange d'employer un nom de personne pour interpeller la personne qui porte ce nom.

Lorsque M. Un Tel meurt, on dit que le porteur du nom meurt, mais non que la signification du nom meurt. Et parler ainsi serait absurde, car si le nom cessait d'avoir une signification, il n'y aurait aucun sens à dire : «M. Un Tel est mort. »

« Le rouge existe » car, s'il n'y avait pas de rouge, on ne pourrait pas du tout parler de lui.

Suppose qu'au lieu de dire à quelqu'un : « Apporte-moi le balai ! », tu lui dises : « Apporte-moi le manche du balai avec la brosse qui y est fixée ! ». La réponse n'est-elle pas : « C'est le balai que tu veux ? Pourquoi donc t'exprimes-tu si bizarrement ? » Comprendra-t-il mieux la phrase sous la forme plus analysée ?

Le jeu n'est pas délimité sous tous rapports, par des règles ; mais il n'existe pas non plus de règles déterminant à quelle hauteur, par exemple, on est autorisé à lancer la balle de tennis ou avec quelle force ; pourtant le tennis est lui aussi un jeu, et il a lui aussi des règles.

L'idée est en quelque sorte posée sur notre nez comme des lunettes à travers lesquelles nous verrions ce que nous regardons. Il ne nous vient même pas l'esprit de les enlever.

Celui qui promet, de jour en jour : « Demain je viendrai te voir » dit-il tous les jours la même chose ? Ou chaque jour quelque chose d'autre ?

« Je me rappelle parfaitement que, quelques temps avant ma naissance, je croyais que... »… Est pourvue de sens la phrase que l'on peut non seulement dire, mais aussi penser.

Le rêve se produit-il vraiment pendant le sommeil, ou est-il un phénomène imputable à la mémoire de l'homme réveillé ?

On peut se méfier de ses propres sens, non de sa propre croyance... La conviction, on la ressent en soi, on ne la tire pas de ses propres paroles, ou du ton sur lequel elles sont prononcées.

Le triangle peut être vu comme un trou de forme triangulaire, un objet, un dessin géométrique, comme reposant sur sa base ou suspendu par son sommeil, comme une montagne, un coin, une flèche ou un signe indicateur, comme un objet renversé qui aurait dû (par exemple) reposer sur son côté le plus court, comme la moitié d'un parallélogramme, et comme d'autres choses encore.

La cécité à l'aspect est apparentée au manque d' « oreille musicale ».

La vache mâche du fourrage, et sa bouse sert ensuite d'engrais à la rose, donc la rose a des dents dans la gueule de l'animal. Il ne serait pas absurde de le dire, car on ne sait pas de prime abord où chercher les dents de la rose.

Il serait étrange de dire : « La hauteur du mont Blanc dépend de la manière dont on le gravit. »

26 mai 2009

NON, VOUS NE PERDEZ JAMAIS DU TEMPS !

Partez à la recherche de ce que vous avez fait de votre temps

« Perdre du temps », quelle drôle d'expression ! Comme je l'ai déjà écrit dans un article paru en septembre 2008 : « Le temps est la seule chose que l'on ne peut pas perdre ». On peut perdre un stylo, un portefeuille, un ami… mais le temps, non. Il est toujours là avec moi, pas de risque de le perdre…

Certes Proust est bien parti à sa recherche, mais il visait là le temps passé, le temps révolu, celui dans lequel nous nous noyons comme dans un brouillard. Il est allé fouiller les arcanes de ses souvenirs jusqu'à retrouver ce temps perdu.

Aujourd'hui, quand on parle de temps perdu, on parle de temps présent.

Notre société est malade de « présentisme » : elle ne pense plus que dans l'instantané, dans l'immédiat, dans l'urgence. Mais est-ce encore de la pensée ?

Est-ce au moins de l'action ? Si l'on entend par action, capacité à entreprendre quelque chose, je crois que le plus souvent, ce n'est pas non plus de l'action, mais juste de l'agitation, de l'effervescence, de la dispersion.

On confond mouvement et avancée, déplacement et progression.

Les gens qui courent pensent qu'ils gagnent du temps. Mais pendant qu'ils courent, que font-ils d'autres que courir ? Et ce temps « gagné » que vont-ils en faire ? Car on ne gagne pas de temps, on ne perd pas de temps, on fait une chose ou une autre.

Quand je choisis de me déplacer plus lentement, comme je n'ai pas besoin de consacrer mon attention à mon déplacement, je peux profiter de ce temps pour lire, discuter ou simplement réfléchir. Qui gagne du temps ? Celui qui court ?

Je crois que cette phobie collective liée à la perte du temps, à quelque chose à voir avec cette maladie du « présentisme » : nous ne vivons plus qu'au présent, présent qui nous échappe et que nous avons le sentiment de perdre constamment. Alors plutôt que de nous remettre en cause, nous accusons ce temps qui nous échappe, sans voir que ce n'est pas le temps qui nous échappe, mais ce que nous en faisons.

Ce que nous perdons, ce n'est pas du temps, mais notre vie.

Et si chacun prenait le temps de se poser, et partait à la recherche non pas du temps perdu, mais de ce qu'il a fait du temps qu'il avait…

25 mai 2009

MÉKONG ET PROUST, HISTOIRE D’UNE RENCONTRE IMPROBABLE

Savoir se laisser perdre pour se donner la chance de la découverte

Le Mékong coule à la vitesse des mots de Proust. Résonance magique entre ce lieu immobile et le temps suspendu. Voilà deux heures que je suis assis sur cette terrasse, seul à déguster cet instant privilégié. Les pages se tournent aussi lentement que l'eau se déplace. Parfois une barque vient glisser lentement. Parfois la duchesse de Guermantes se laisse aller à une confidence. Parfois un paysan vient retourner un lambeau de terre. Parfois un événement inattendu survient au détour d'une réception mondaine.

Synchronicité étrange entre le parisianisme de « A la recherche du temps perdu » et la beauté brute de ce paysage asiatique.

A une heure de là, c'est le « triangle d'or » avec sa noria de cars et de touristes. C'est ce triangle que j'ai quitté – ou plutôt fui – dans la matinée : j'ai laissé la voiture choisir pour moi. Ne pas réfléchir, sentir les lieux, tourner à gauche pour être au plus près du Mékong, regarder distraitement les paysans couper le blé à la main, maudire un peu l'état de la route.

Apercevoir enfin ce lieu étonnant : quelques huttes de bois suspendues au bord du fleuve, une terrasse…

Heureusement que je me suis laissé perdre dans la campagne nord-thaïlandaise. Heureusement que je me suis écarté des rendez-vous programmés. Heureusement que je n'ai lu aucun guide, demandé aucun conseil.

Ce lieu n'existe encore pour personne. Il n'est référencé nulle part. Comme un espace entre parenthèses. Un espace perdu. Un espace dessiné pour recevoir la prose proustienne.

C'était en août 2007. Les photos ci-jointes vous en donnent une idée …

Savoir lâcher prise pour découvrir. Savoir faire le vide pour se donner la chance de faire des rencontres. Savoir n'écouter personne pour écouter la vie.

Savoir « partir à la recherche du temps perdu » pour se trouver et faire le plein d'idées et d'émotions…

22 mai 2009

Lâcher prise pour manager

Effet miroir sur mes écrits récents…

Mardi dernier, j'ai fait une conférence autour de « Lâcher prise pour manager ».

L'une des participants en a extrait les 6 points qui lui ont paru essentiel. J'ai pensé utile de partager avec vous ce retour qui peut servir de guide au sein des différents articles parus sur mon blog.

Voilà donc cette liste avec les liens vers les articles correspondants :

1. Faire le vide pour se donner une chance de comprendre

- Savoir se voir à distance

- Ne nous laissons pas berner par la « magie des battements de l'aile d'un papillon »

- Pourquoi l'entreprise doit apprendre à faire le vide

- Je n'ai jamais vu un fleuve qui ne finissait pas aller à la mer

- En Chine, notre culture nous trompe

- Difficile d'accepter que mes doigts « savent mieux » que moi où sont les touches

2. Plus je connais mon métier, moins je comprends mon client

- Comment lire derrière les apparences ?

- Sans effets miroirs, les entreprises ne peuvent pas restées connectées au réel

- Quand on se pose une question qui n'existe pas

- Quand l'entreprise est trompée par sa trop grande expertise

3. Ajuster le niveau de précision aux situations

- On n'a pas besoin du même niveau pour partir en voiture que pour prendre le train

- Situation adresse ou téléphone ?

4. Nous aimons trop les jardins à la française

- Quand désordre rime avec harmonie et efficacité

- L'uniforme produit plus d'appauvrissement que d'efficacité

- Nous aimons trop les jardins à la française

5. Apprendre à se confronter

- Se croire invulnérable tue

- La confrontation, c'est la vie

- Se confronter en interne pour fiabiliser les décisions

- La confrontation n'est pas naturelle

- Savoir comprendre et respecter le point de vue d l'autre

- C'est quand tout se passe bien qu'il faut s'inquiéter

- C'est quand tout le monde est d'accord qu'il faut s'inquiéter

6. Ni tout puissant, ni divin mystique, ni mathématico-maniaque… Soyez juste vous-mêmes

- Piloter, c'est lâcher prise

- Rambo, c'est moi ?

20 mai 2009

COMMENT FAIRE BOUILLIR DE L’EAU ?

Ne pas lire une situation avec les a priori issus de sa propre expérience

« Je vous donne une casserole, de l'eau froide et une plaque électrique en fonctionnement, me dit-il. Comment procédez-vous pour faire bouillir de l'eau ?

- Facile, lui répondis-je. Je mets l'eau dans l'eau dans la casserole et je pose le tout sur la plaque électrique. Peu de temps après, l'eau bouillera.

- Bien. Maintenant, au lieu de vous donner de l'eau froide, je vous donne de l'eau à 50°C. Vous avez toujours une casserole et une plaque. Comment procédez-vous cette fois pour faire bouillir l'eau ?

- Facile aussi. Je jette l'eau chaude pour me ramener au cas précédent ! »

Voilà le bon réflexe du polytechnicien : toujours se ramener à une situation connue …

Évidemment cette histoire est inventée et caricaturale. Si l'on me proposait de l'eau à 50°C, je me rendrai compte qu'il est encore plus facile de la porter à ébullition que de l'eau froide.

Mais posez-vous la question suivante : dans vos activités quotidiennes – professionnelles comme privées –, analysez-vous une nouvelle situation telle qu'elle est, ou cherchez-vous à retrouver en elle ce que vous avez déjà rencontré et vécu ?

Attention à ne pas vous laisser berner par une trop grande expertise : à force de savoir très bien « faire bouillir de l'eau froide », on peut ne pas comprendre les possibilités ouvertes par une « eau chaude ».

Apprenons à faire le vide et à ne mobiliser notre expertise qu'a posteriori.

(Sur ce thème voir aussi :

- « Pourquoi l'entreprise doit apprendre à faire le vide »

- « Comment lire derrière les apparences ? »

- « Quand on se pose une question qui n'existe pas »

- « Quand l'entreprise est trompée par sa trop grande expertise »)

19 mai 2009

ON EST VRAIMENT BIEN NOURRI DANS CETTE FERME !

Le futur est rarement le prolongement du passé

« Notre part de marché actuelle est de 16,2%. Au pire, l'année prochaine, elle sera au moins de 15%. »

« Notre chiffre d'affaires de l'année dernière a été de 521 M€. Pour cette année, il sera au minimum de 500 M€. Cette prévision est d'autant plus prudente, que nous avons toujours progressé les 5 dernières années. »…

Je pourrais multiplier les citations de ce type : difficile de comprendre que le futur ne sera pas « dans la tendance » du passé, que le pire est possible, que la rupture est toujours là, latente. Qu'une part de marché peut s'effondrer brutalement, qu'un chiffre d'affaires n'est jamais certain.

Et pourtant…

Il a fallu la crise récente pour rouvrir les yeux de certains stratèges.

C'est le syndrome de la dinde de Noël qui, en novembre, pense : « Cette ferme est vraiment géniale. La nourriture y est bonne et abondante, je peux dormir toute la journée si je veux. Le rêve, quoi. »

Attention aux lendemains qui déchantent.

Comme l'a écrit Nassim Nicholas Taieb dans le Cygne Noir : « Au cours des cinquante ans qui viennent de s'écouler, les dix jours les plus extrêmes sur les marchés financiers représentent la moitié des bénéfices. Dix jours sur cinquante ans. Et pendant ce temps, nous nous noyons dans les bavardages. »

La crise, au travers de laquelle nous passons, n'est pas un « accident ». Elle n'est qu'un « cygne noir » de plus…