Nous refusons l'idée d'être né pour rien (incertitude 4/5)
Ainsi plus l'évolution avance, plus l'horizon du flou se rapproche. Qu'est ce que je veux dire par horizon du flou ?
J'appelle « horizon du flou », cet horizon à partir duquel il est illusoire de vouloir prévoir. Au sein de cet horizon, on peut non seulement identifier quels sont les chemins futurs possibles, mais on peut prévoir l'évolution en probabilisant les trajectoires possibles. Au-delà, on ne peut plus qu'identifier les chemins possibles, on n'a plus aucune idée du futur, car il est impossible de même affecter une probabilité aux différentes trajectoires possibles.
Cet horizon est celui du passage à l'incertitude : avant je peux prévoir, après non.
Or plus nous avançons, plus il se rapproche. Finalement, on peut donc dire que l'incertitude, en ce sens, est un moteur de l'univers.
Or cette incertitude, nous ne l'aimons pas : nous la craignons, nous la fuyons. Nous restons tous persuadés que plus nous allons avancer, plus nous saurons de choses. Affirmer haut et forme que l'on ne sait pas ce qui va arriver, c'est le plus souvent être perçu comme un incompétent ou, pire, comme un menteur.
En mars 2009, j'ai publié sur mon blog et sur le site Agoravox, un article : « Ciel, je suis né par hasard et pour rien ». Dans cet article, j'y expliquais de façon succincte pourquoi l'évolution suivait un chemin incertain et impossible à prévoir : nous pouvons construire un chemin qui explique comment nous avons pu naître, mais ce n'est possible qu'a posteriori. Nous pouvons reconstituer la succession d'événements qui nous a d'abord rendus possibles, puis ce qui a fait de ce possible, ce qui est advenu, le rendant ainsi certain.
Mais comment savoir a priori que nous allons exister et pour faire quoi ? Impossible. Trop d'interactions, trop d'aiguillages : trop de matières inertes qui suivent la loi de l'entropie et qui vont vers toujours plus de désordre ; trop de végétaux qui respirent et échangent sans cesse ; trop de « gazelles qui peuvent aller à gauche ou à droite » ; trop d'humains qui n'en font qu'à leur tête.
Nous ne sommes qu'un résultat contingent.
A la question « Pourquoi sommes-nous là ? », j'ai l'habitude de répondre : « Parce que nous sommes là ». En effet, puisque nous existons, puisque, par construction, nous nous trouvons sur le chemin de ce qui existe, la question de notre existence ne se pose pas vraiment. Quant au « pourquoi », c'est une question sans fin.
Tel était donc le propos de mon article.
Compte-tenu du sujet, je m'attendais à des réactions, mais je fus surpris de leur nombre et surtout de l'intensité de celles-ci : la plupart refusaient cette idée de l'incertitude et du hasard, et pas seulement pour des raisons religieuses. Tous affirmaient que l'incertitude n'était pas le moteur du monde et de la source de la liberté, mais le témoin d'un manque de connaissance et la source de leurs inquiétudes : l'incertitude vécue plus comme une malédiction que comme une ouverture.
(à suivre).
9 déc. 2009
8 déc. 2009
CHAQUE RUPTURE DANS L’ÉVOLUTION A ACCRU L’INCERTITUDE
Les quatre périodes de l'évolution (incertitude 3/5)
Analysons les quatre périodes de l'évolution (voir mon article précédent).
La première période s'étend du big-bang à l'apparition de la vie, c'est-à-dire sur une douzaine de milliards d'années. Au début, tout la matière est concentrée en un lieu infiniment petit et elle ne suit qu'une force, et non pas quatre. Puis progressivement la force unique se scinde en deux, puis quatre.
La matière se complexifie ensuite d'abord avec des particules élémentaires, puis des noyaux, et enfin des atomes qui vont eux-mêmes se composer entre eux. Une des lois-clé est celle qui dit que l'évolution naturelle d'un corps est d'accroître son entropie, entropie qui mesure, en simplifiant, la quantité de désordre.
Plus le monde évolue, plus il est difficile de modéliser toutes ces interactions et donc de prévoir son évolution. Les trajectoires deviennent incertaines, l'incertitude s'accroît.
Ainsi, dès cette première période, en l'absence de toute perturbation apportée par la vie, nous avons un monde qui va vers plus de complexité, plus de désordre et dont il est de plus en plus difficile de prévoir à l'avance l'évolution.
La deuxième va de l'apparition de la vie et à celle de la vie animale, elle dure environ deux milliards d'années. Au cours de cette deuxième période, tous les facteurs de la première concourant à accroître l'incertitude poursuivent leur action : l'univers continue son expansion, la matière sa diversification. Et il en apparaît un nouveau : la capacité auto-organisatrice d'une cellule vivante, qui interagit avec son milieu ambiant.
Avec les végétaux, l'univers se dote donc des premiers systèmes réellement complexes. L'interaction de ces systèmes entre eux et avec la matière inerte est beaucoup plus difficile à prévoir que celle de la seule matière inerte.
Ainsi au cours de cette deuxième période, l'Univers vient de franchir une marche sur l'escalier de l'incertitude : elle continue à s'accroître, mais plus vite. Elle subit donc une première accélération.
La troisième va de l'apparition de la vie animale à celle de l'homme, soit environ un milliard d'années. A nouveau, tout ce qui propageait l'incertitude avant, est toujours là : l'univers continue de s'accroître et se complexifier, la vie végétale se diffuse – au moins sur Terre – et se sophistique.
Qu'apportent notamment les animaux ? Leur capacité à se mouvoir et donc à générer plus de l'incertitude.
Prenez l'exemple d'une gazelle et d'un lion. Nous savons que, si un lion attaque une gazelle, elle va chercher à lui échapper en partant en courant. Oui, mais à quel moment précisément va-t-elle se mettre à courir ? Va-t-elle partir à gauche ou à droite ? Va-t-elle trébucher sur une pierre ? Et le lion que va-t-il faire ? Autant de facteurs d'incertitude qui rendent incertain le résultat, du moins dans son déroulement précis.
Plus le monde animal va se développer, plus la gestion de sa survie va se sophistiquer : pure activité réflexe, puis cerveau reptilien, et ensuite limbique.
L'incertitude croît donc encore de plus en plus vite : l'entropie suit son cours, les systèmes complexes des végétaux se développent, la vie animale se propage. L'incertitude vient d'accélérer pour la deuxième fois.
La quatrième période se déroule depuis la naissance de l'homme, soit depuis moins de dix millions d'années, voire seulement cinquante mille ans si l'on prend comme référence l'homo sapiens. Nous voilà, donc, nous les humains avec notre néocortex et notre capacité à ne pas suivre mécaniquement les instructions données par nos cerveaux reptilien et limbique : même si nous sommes très largement influencés par nos processus inconscients, nous avons une capacité à construire des stratégies d'action nouvelles. Le libre-arbitre devient possible rendant encore moins prévisible l'évolution future.
Ceci repose sur un processus hypercomplexe, associant conscient et inconscient : même nous-mêmes, nous ne pouvons prévoir comment et pourquoi nous allons prendre telle ou telle décision.
Nouveau seuil de complexité, et donc d'incertitude. Nouvelle accélération de l'incertitude.
(à suivre).
Analysons les quatre périodes de l'évolution (voir mon article précédent).
La première période s'étend du big-bang à l'apparition de la vie, c'est-à-dire sur une douzaine de milliards d'années. Au début, tout la matière est concentrée en un lieu infiniment petit et elle ne suit qu'une force, et non pas quatre. Puis progressivement la force unique se scinde en deux, puis quatre.
La matière se complexifie ensuite d'abord avec des particules élémentaires, puis des noyaux, et enfin des atomes qui vont eux-mêmes se composer entre eux. Une des lois-clé est celle qui dit que l'évolution naturelle d'un corps est d'accroître son entropie, entropie qui mesure, en simplifiant, la quantité de désordre.
Plus le monde évolue, plus il est difficile de modéliser toutes ces interactions et donc de prévoir son évolution. Les trajectoires deviennent incertaines, l'incertitude s'accroît.
Ainsi, dès cette première période, en l'absence de toute perturbation apportée par la vie, nous avons un monde qui va vers plus de complexité, plus de désordre et dont il est de plus en plus difficile de prévoir à l'avance l'évolution.
La deuxième va de l'apparition de la vie et à celle de la vie animale, elle dure environ deux milliards d'années. Au cours de cette deuxième période, tous les facteurs de la première concourant à accroître l'incertitude poursuivent leur action : l'univers continue son expansion, la matière sa diversification. Et il en apparaît un nouveau : la capacité auto-organisatrice d'une cellule vivante, qui interagit avec son milieu ambiant.
Avec les végétaux, l'univers se dote donc des premiers systèmes réellement complexes. L'interaction de ces systèmes entre eux et avec la matière inerte est beaucoup plus difficile à prévoir que celle de la seule matière inerte.
Ainsi au cours de cette deuxième période, l'Univers vient de franchir une marche sur l'escalier de l'incertitude : elle continue à s'accroître, mais plus vite. Elle subit donc une première accélération.
La troisième va de l'apparition de la vie animale à celle de l'homme, soit environ un milliard d'années. A nouveau, tout ce qui propageait l'incertitude avant, est toujours là : l'univers continue de s'accroître et se complexifier, la vie végétale se diffuse – au moins sur Terre – et se sophistique.
Qu'apportent notamment les animaux ? Leur capacité à se mouvoir et donc à générer plus de l'incertitude.
Prenez l'exemple d'une gazelle et d'un lion. Nous savons que, si un lion attaque une gazelle, elle va chercher à lui échapper en partant en courant. Oui, mais à quel moment précisément va-t-elle se mettre à courir ? Va-t-elle partir à gauche ou à droite ? Va-t-elle trébucher sur une pierre ? Et le lion que va-t-il faire ? Autant de facteurs d'incertitude qui rendent incertain le résultat, du moins dans son déroulement précis.
Plus le monde animal va se développer, plus la gestion de sa survie va se sophistiquer : pure activité réflexe, puis cerveau reptilien, et ensuite limbique.
L'incertitude croît donc encore de plus en plus vite : l'entropie suit son cours, les systèmes complexes des végétaux se développent, la vie animale se propage. L'incertitude vient d'accélérer pour la deuxième fois.
La quatrième période se déroule depuis la naissance de l'homme, soit depuis moins de dix millions d'années, voire seulement cinquante mille ans si l'on prend comme référence l'homo sapiens. Nous voilà, donc, nous les humains avec notre néocortex et notre capacité à ne pas suivre mécaniquement les instructions données par nos cerveaux reptilien et limbique : même si nous sommes très largement influencés par nos processus inconscients, nous avons une capacité à construire des stratégies d'action nouvelles. Le libre-arbitre devient possible rendant encore moins prévisible l'évolution future.
Ceci repose sur un processus hypercomplexe, associant conscient et inconscient : même nous-mêmes, nous ne pouvons prévoir comment et pourquoi nous allons prendre telle ou telle décision.
Nouveau seuil de complexité, et donc d'incertitude. Nouvelle accélération de l'incertitude.
(à suivre).
7 déc. 2009
AU MATIN DU BIG-BANG, TOUT ÉTAIT « SIMPLE »
Les trois événements porteurs d'incertitude (incertitude 2/5)
Rembobinons le fil de l'évolution jusqu'à l'origine de notre univers. Nous sommes au moment du big-bang, il y a environ 13,7 Milliards d'années. A ce moment-là, toute la matière est concentrée en un point infinitésimal, est parfaitement unifiée et n'est soumise qu'à un seul type de force.
Depuis l'univers est en perpétuelle expansion. Selon les dernières théories, cette expansion a été considérable dans les tous premiers instants. Depuis elle suit son petit bonhomme de chemin, l'univers se refroidissant dans le même temps.
Au cours de cette expansion, on peut citer quelques étapes-clés :
(à suivre).
Rembobinons le fil de l'évolution jusqu'à l'origine de notre univers. Nous sommes au moment du big-bang, il y a environ 13,7 Milliards d'années. A ce moment-là, toute la matière est concentrée en un point infinitésimal, est parfaitement unifiée et n'est soumise qu'à un seul type de force.
Depuis l'univers est en perpétuelle expansion. Selon les dernières théories, cette expansion a été considérable dans les tous premiers instants. Depuis elle suit son petit bonhomme de chemin, l'univers se refroidissant dans le même temps.
Au cours de cette expansion, on peut citer quelques étapes-clés :
- En un centième de millième de seconde, apparition successive des quatre forces fondamentales, des particules élémentaires, puis des neutrons et protons,
- Au bout de trois minutes, émergence des principaux noyaux, comme l'hydrogène et l'hélium,
- Au bout de cent mille ans, formation des premiers atomes électriquement neutres par capture des électrons,
- Environ un milliard d'années plus tard, formation des galaxies, des étoiles, puis des planètes,
- Au bout d'un peu moins d'une dizaine milliards d'années, soit il y a environ 5 Milliards d'années, naissance du système solaire et de la Terre,
- Il y a plus de trois milliards d'années, apparition de la vie et de la photosynthèse,
- Il y a moins d'un milliard d'années, apparition des premiers animaux multicellulaires,
- Il y a dix millions d'années, premiers homidés ou préhommes,
- Il y a cinquante mille ans, l'homo sapiens (nous ou presque…)
(à suivre).
4 déc. 2009
SI LES PRÉVISIONS NE PORTAIENT QUE SUR LA TRAJECTOIRE D’UNE BILLE, IL N’Y AURAIT PAS DE PROBLÈME !
Je démarre aujourd'hui une série de 5 articles portant sur l'incertitude et pourquoi elle est le moteur de notre univers. Ce texte sera en introduction de mon prochain livre…
L'évolution complique les trajectoires (incertitude 1/5)
Lâchez une bille sur un plan incliné. Il n'est pas très difficile de prévoir où elle va aller. Même si le plan est très long, vous n'allez pas vous tromper de beaucoup. Pas besoin d'avoir fait de longues études de mathématiques pour réussir. Faites quand même attention à la forme de la bille – est-elle vraiment sphérique ? –, à la qualité de la surface du plan, à l'existence ou non d'une pente latérale, à la façon dont vous la lancer…
Prenez maintenant un tas de billes de matières et de tailles différentes, et lâchez-les sur le plan toutes ensemble. Plus compliqué de savoir ce qui va se passer, non ? Surtout si, parmi elles, certaines sont aimantées, d'autres en métal. Juste pour s'amuser, faisons aussi varier le coefficient d'adhérence des billes : certaines vont glisser autant qu'elles roulent, d'autres vont avoir tendance à adhérer à la surface du plan. Même si vous appelez les théories mathématiques et physiques à la rescousse, vous allez avoir du mal à prévoir les trajectoires individuelles.
Corsons encore un peu plus l'exercice : ce ne sont plus des billes inanimées que vous lâchez, mais des animaux. Vont-ils descendre ? Probablement oui, si la pente est forte. Est-ce certain ? Non. Si parmi ces animaux, il y a un mélange antagoniste comme, par exemple, des biches avec des lions, il y a fort à parier que la direction donnée par le plan n'aura plus tellement d'influence sur les directions prises. Où vont courir tous les animaux ? Dieu seul le sait… et encore !
Enfin, si ce que vous lâchez sont des humains, ou même si, simplement, il n'y en a que quelques-uns à l'intérieur du groupe, ils risquent de remettre en cause le principe de se trouver sur un plan et d'avoir à effectuer un quelconque déplacement. Ils ne sont pas hommes pour rien, leur libre-arbitre existe et doit être respecté. Foi de quoi, savoir ce qu'ils vont faire devient toute une histoire.
Moralité : plus ce que j'observe est avancé dans l'échelle de l'évolution, moins il est facile de prévoir ce qui va se passer.
(à suivre)
L'évolution complique les trajectoires (incertitude 1/5)
Lâchez une bille sur un plan incliné. Il n'est pas très difficile de prévoir où elle va aller. Même si le plan est très long, vous n'allez pas vous tromper de beaucoup. Pas besoin d'avoir fait de longues études de mathématiques pour réussir. Faites quand même attention à la forme de la bille – est-elle vraiment sphérique ? –, à la qualité de la surface du plan, à l'existence ou non d'une pente latérale, à la façon dont vous la lancer…
Prenez maintenant un tas de billes de matières et de tailles différentes, et lâchez-les sur le plan toutes ensemble. Plus compliqué de savoir ce qui va se passer, non ? Surtout si, parmi elles, certaines sont aimantées, d'autres en métal. Juste pour s'amuser, faisons aussi varier le coefficient d'adhérence des billes : certaines vont glisser autant qu'elles roulent, d'autres vont avoir tendance à adhérer à la surface du plan. Même si vous appelez les théories mathématiques et physiques à la rescousse, vous allez avoir du mal à prévoir les trajectoires individuelles.
Corsons encore un peu plus l'exercice : ce ne sont plus des billes inanimées que vous lâchez, mais des animaux. Vont-ils descendre ? Probablement oui, si la pente est forte. Est-ce certain ? Non. Si parmi ces animaux, il y a un mélange antagoniste comme, par exemple, des biches avec des lions, il y a fort à parier que la direction donnée par le plan n'aura plus tellement d'influence sur les directions prises. Où vont courir tous les animaux ? Dieu seul le sait… et encore !
Enfin, si ce que vous lâchez sont des humains, ou même si, simplement, il n'y en a que quelques-uns à l'intérieur du groupe, ils risquent de remettre en cause le principe de se trouver sur un plan et d'avoir à effectuer un quelconque déplacement. Ils ne sont pas hommes pour rien, leur libre-arbitre existe et doit être respecté. Foi de quoi, savoir ce qu'ils vont faire devient toute une histoire.
Moralité : plus ce que j'observe est avancé dans l'échelle de l'évolution, moins il est facile de prévoir ce qui va se passer.
(à suivre)
3 déc. 2009
QUAND LE PETIT MARC ANDREESSEN RÊVAIT D’INTERNET…
1981, New Lisbon, Wisconsin, aux États-Unis.
Le petit Marc Andreessen s'ennuyait ferme à New Lisbon. Un village d'un peu plus de mille habitants, un trou perdu en plein Wisconsin, en plein milieu des États-Unis, c'est-à-dire au milieu de nulle part.
Pour cet enfant de dix ans, c'était beaucoup trop petit. Alors sans cesse, il s'évadait et voyageait dans l'espace. Il se rêvait connecté au monde, libéré de ses contraintes géographiques : il devenait citoyen du monde et pouvait accéder à distance à tous les contenus ; il n'était plus prisonnier de ses voisins – comme ce stupide Tom qui ne savait passer son temps que devant la télévision à regarder des matchs de basket ! – et pouvait repérer ceux qui avaient les mêmes passions que lui ; il fonctionnait en réseau avec eux, partageant musique, vidéo, documents.
Il avait la sensation physique de ne plus être prisonnier de son corps. Il s'était imaginé toute une collection de personnages imaginaires, des avatars, avec lesquels il pouvait multiplier les expériences.
« Tu es encore parti dans tes rêves, lui cria son père ! Allez, viens plutôt faire du vélo avec moi. »
Non, faire du vélo ne lui disait vraiment rien. Il sentait que ses rêves étaient plus importants que tout.
« Papa, je suis vraiment trop fatigué. Et puis, je n'ai pas encore fait mes devoirs.
- Une fois de plus, tu as une bonne raison pour ne pas aller faire de sport. Tu sais, tu n'iras nulle part à passer ton temps à imaginer des histoires à dormir debout. »
Il put repartir un peu plus loin dans ce monde qui se dessinait en lui. Plus il y réfléchissait, plus cela lui semblait réel, plus il savait que cela allait se produire.
Il voyait d'abord un réseau de connexions qui allait tous nous relier, quels que soient le pays et l'endroit où l'on se trouve. Chacun y aurait une adresse, comme dans la vie réelle. Plus besoin de savoir où habitera quelqu'un, il suffira de connaître son adresse et le réseau saura vous mettre en contact avec lui. Facile !
Sur ce réseau, chacun pourra mettre en commun ses questions et ses réponses. Le monde deviendra comme une gigantesque agora où l'on pourra partager les savoirs et mettre en débat les convictions ou analyses.
On aura besoin de systèmes sophistiqués pour se retrouver dans ce foisonnement : il nous faudra des cartes pour nous y retrouver et y naviguer ; nous aurons aussi besoin de « DHL » pour amener jusqu'à nous les bonnes informations.
Il sentait comme tout cela pouvait changer le monde. Il voulait croire que tout ceci allait exister vraiment. Il se fit la promesse de tout faire pour que cela existe un jour.
Un peu plus de dix ans plus tard, il tînt parole…
Le petit Marc Andreessen s'ennuyait ferme à New Lisbon. Un village d'un peu plus de mille habitants, un trou perdu en plein Wisconsin, en plein milieu des États-Unis, c'est-à-dire au milieu de nulle part.
Pour cet enfant de dix ans, c'était beaucoup trop petit. Alors sans cesse, il s'évadait et voyageait dans l'espace. Il se rêvait connecté au monde, libéré de ses contraintes géographiques : il devenait citoyen du monde et pouvait accéder à distance à tous les contenus ; il n'était plus prisonnier de ses voisins – comme ce stupide Tom qui ne savait passer son temps que devant la télévision à regarder des matchs de basket ! – et pouvait repérer ceux qui avaient les mêmes passions que lui ; il fonctionnait en réseau avec eux, partageant musique, vidéo, documents.
Il avait la sensation physique de ne plus être prisonnier de son corps. Il s'était imaginé toute une collection de personnages imaginaires, des avatars, avec lesquels il pouvait multiplier les expériences.
« Tu es encore parti dans tes rêves, lui cria son père ! Allez, viens plutôt faire du vélo avec moi. »
Non, faire du vélo ne lui disait vraiment rien. Il sentait que ses rêves étaient plus importants que tout.
« Papa, je suis vraiment trop fatigué. Et puis, je n'ai pas encore fait mes devoirs.
- Une fois de plus, tu as une bonne raison pour ne pas aller faire de sport. Tu sais, tu n'iras nulle part à passer ton temps à imaginer des histoires à dormir debout. »
Il put repartir un peu plus loin dans ce monde qui se dessinait en lui. Plus il y réfléchissait, plus cela lui semblait réel, plus il savait que cela allait se produire.
Il voyait d'abord un réseau de connexions qui allait tous nous relier, quels que soient le pays et l'endroit où l'on se trouve. Chacun y aurait une adresse, comme dans la vie réelle. Plus besoin de savoir où habitera quelqu'un, il suffira de connaître son adresse et le réseau saura vous mettre en contact avec lui. Facile !
Sur ce réseau, chacun pourra mettre en commun ses questions et ses réponses. Le monde deviendra comme une gigantesque agora où l'on pourra partager les savoirs et mettre en débat les convictions ou analyses.
On aura besoin de systèmes sophistiqués pour se retrouver dans ce foisonnement : il nous faudra des cartes pour nous y retrouver et y naviguer ; nous aurons aussi besoin de « DHL » pour amener jusqu'à nous les bonnes informations.
Il sentait comme tout cela pouvait changer le monde. Il voulait croire que tout ceci allait exister vraiment. Il se fit la promesse de tout faire pour que cela existe un jour.
Un peu plus de dix ans plus tard, il tînt parole…
2 déc. 2009
PETIT CONTE DE NOËL SUR LE FEU ET "L’ÉNERGIE DE LA FUMÉE"
Il y a toujours longtemps, très longtemps, dans une caverne
Appuyé contre le mur de la caverne, la tête calée par un morceau de fourrure, Ernesto écoutait la voix de son père scander l'histoire de sa dernière chasse. Son regard oscillait entre le visage de son père, celui des membres de la famille, et le feu.
En fait, il se sentait encore plus fasciné par le mouvement des flammes et la douce chaleur qui en émanait que par les prouesses paternelles. Depuis onze ans, Ernesto avait droit presque tous les soirs à ces récits, qui, peu ou prou, étaient toujours les mêmes. Il s'en était lassé. Par contre, la magie du feu était intacte.
C'est ce soir-là qu'Ernesto décida de tout savoir sur le feu.
Ernesto était un méthodique. Il tenait cela de son père : celui-ci était le grand spécialiste de la chasse dans la tribu, et même dans toute la région. Il avait su perfectionner les techniques d'approche du gibier, savait mieux que quiconque lire une trace dans la forêt, la pierre de sa lance était toujours la mieux aiguisée, son lancer irréprochable…
Ernesto commença par tester toutes sortes de bois : depuis celui qui venait du petit taillis poussant à proximité de la caverne, jusqu'à celui des grands arbres au cœur de la forêt. En parallèle, il s'intéressa à l'architecture du feu : comment le composer pour qu'il se développe rapidement ; quelle structure était la plus à même de produire une chaleur élevée ; comment obtenir le meilleur rendement, c'est-à-dire le moins de cendres possibles pour une quantité de bois donnée.
Ensuite, il travailla sur les techniques d'obtention du feu : il trouvait vraiment trop aléatoire la solution actuelle qui reposait sur le feu qui tombait du ciel. On ne savait jamais quand cela allait se produire, ni où exactement. Du coup, il ne fallait à aucun prix laisser éteindre le feu, si l'on ne voulait risquer de se retrouver sans. La solution vint presque d'elle-même : un soir où il s'ennuyait, il commença à lancer des pierres contre les rochers voisins. Les étincelles qui apparaissaient à chaque choc venaient comme éclairer la paroi.
« C'est drôle, c'est un peu comme la lumière d'un petit feu, se dit-il. »
Il eut alors la curiosité d'approcher un peu de paille à proximité de l'endroit où se produisait le choc. Cela ne marcha pas du premier coup, mais comme il sentait qu'il était sur la bonne voie, il s'obstina. Il prit de la paille plus sèche, testa différentes pierres et, au bout d'une semaine d'efforts, il fut récompensé : la paille prit feu.
Comme c'était un rapide, tout ceci ne lui avait pris qu'une année, et, à l'âge de douze ans, il était devenu l'expert reconnu dans l'art du feu.
Il ne s'arrêta pas là. Il se pencha ensuite sur la fumée et le fait qu'elle montait. Il était persuadé qu'il y avait une force derrière cette montée, une force qui pourrait être utile dans le travail de tous les jours. Il eut beau essayer de domestiquer cette fumée de mille façons, ce fut en vain. A l'âge de trente ans, il eut comme une illumination : il fallait emprisonner la fumée pour accumuler la force qui la faisait monter. Le monde des cavernes s'est longtemps souvenu de son expérience où il enferma le feu au milieu d'un tronc creux : la fumée avait tellement eu envie de sortir du tronc que celui-ci avait fini par éclater avant de brûler, blessant ainsi des enfants un peu trop curieux.
Le chef des cavernes décida alors qu'il était temps de mettre fin aux élucubrations d'Ernesto qui fut prié d'en rester là.
Jusqu'à la fin de sa vie, il continua à marmonner dans sa barbe devenue de plus en plus longue : « Je sais que j'ai raison. Un jour, vous verrez, on enfermera le feu dans une boîte et la fumée pour sortir devra travailler pour nous ! ».
Les enfants l'écoutaient en riant, les autres passaient leur chemin…
Appuyé contre le mur de la caverne, la tête calée par un morceau de fourrure, Ernesto écoutait la voix de son père scander l'histoire de sa dernière chasse. Son regard oscillait entre le visage de son père, celui des membres de la famille, et le feu.
En fait, il se sentait encore plus fasciné par le mouvement des flammes et la douce chaleur qui en émanait que par les prouesses paternelles. Depuis onze ans, Ernesto avait droit presque tous les soirs à ces récits, qui, peu ou prou, étaient toujours les mêmes. Il s'en était lassé. Par contre, la magie du feu était intacte.
C'est ce soir-là qu'Ernesto décida de tout savoir sur le feu.
Ernesto était un méthodique. Il tenait cela de son père : celui-ci était le grand spécialiste de la chasse dans la tribu, et même dans toute la région. Il avait su perfectionner les techniques d'approche du gibier, savait mieux que quiconque lire une trace dans la forêt, la pierre de sa lance était toujours la mieux aiguisée, son lancer irréprochable…
Ernesto commença par tester toutes sortes de bois : depuis celui qui venait du petit taillis poussant à proximité de la caverne, jusqu'à celui des grands arbres au cœur de la forêt. En parallèle, il s'intéressa à l'architecture du feu : comment le composer pour qu'il se développe rapidement ; quelle structure était la plus à même de produire une chaleur élevée ; comment obtenir le meilleur rendement, c'est-à-dire le moins de cendres possibles pour une quantité de bois donnée.
Ensuite, il travailla sur les techniques d'obtention du feu : il trouvait vraiment trop aléatoire la solution actuelle qui reposait sur le feu qui tombait du ciel. On ne savait jamais quand cela allait se produire, ni où exactement. Du coup, il ne fallait à aucun prix laisser éteindre le feu, si l'on ne voulait risquer de se retrouver sans. La solution vint presque d'elle-même : un soir où il s'ennuyait, il commença à lancer des pierres contre les rochers voisins. Les étincelles qui apparaissaient à chaque choc venaient comme éclairer la paroi.
« C'est drôle, c'est un peu comme la lumière d'un petit feu, se dit-il. »
Il eut alors la curiosité d'approcher un peu de paille à proximité de l'endroit où se produisait le choc. Cela ne marcha pas du premier coup, mais comme il sentait qu'il était sur la bonne voie, il s'obstina. Il prit de la paille plus sèche, testa différentes pierres et, au bout d'une semaine d'efforts, il fut récompensé : la paille prit feu.
Comme c'était un rapide, tout ceci ne lui avait pris qu'une année, et, à l'âge de douze ans, il était devenu l'expert reconnu dans l'art du feu.
Il ne s'arrêta pas là. Il se pencha ensuite sur la fumée et le fait qu'elle montait. Il était persuadé qu'il y avait une force derrière cette montée, une force qui pourrait être utile dans le travail de tous les jours. Il eut beau essayer de domestiquer cette fumée de mille façons, ce fut en vain. A l'âge de trente ans, il eut comme une illumination : il fallait emprisonner la fumée pour accumuler la force qui la faisait monter. Le monde des cavernes s'est longtemps souvenu de son expérience où il enferma le feu au milieu d'un tronc creux : la fumée avait tellement eu envie de sortir du tronc que celui-ci avait fini par éclater avant de brûler, blessant ainsi des enfants un peu trop curieux.
Le chef des cavernes décida alors qu'il était temps de mettre fin aux élucubrations d'Ernesto qui fut prié d'en rester là.
Jusqu'à la fin de sa vie, il continua à marmonner dans sa barbe devenue de plus en plus longue : « Je sais que j'ai raison. Un jour, vous verrez, on enfermera le feu dans une boîte et la fumée pour sortir devra travailler pour nous ! ».
Les enfants l'écoutaient en riant, les autres passaient leur chemin…
1 déc. 2009
« LADITE MONDIALISATION ME PARAÎT AUJOURD’HUI AU MOINS AUTANT LE RÉSULTAT DE L’ACTIVITÉ DU MONDE QUE DES NÔTRES »
Quand Michel Serres apporte son regard sur la crise (patchwork tiré du « Temps des crises »)
ET SI UN PLAN DE RELANCE NE RAMENAIT QU'À LA SITUATION INITIALE, C'EST-À-DIRE À LA VEILLE DE LA CRISE SUIVANTE ?
« Ou il s'agit vraiment d'une crise et il en peut y avoir de reprise car, équivalente à une répétition, celle-ci nous précipiterait, de nouveau, en cycle, je viens de le dire, vers une situation critique au moins analogue, ou, pis encore, vers un état instable et chaotique, plus ou moins long. »
POURQUOI LA CRISE EST GLOBALE :
Les six « événements » :
- Agriculture : « Bien qu'elle continue à se nourrir d'elle, l'humanité occidentale quitta donc, ici au moins, la terre. Or elle y travaillait depuis les années qui suivirent le néolithique. (…) Elle finit une ère qui débuta voici dix mille ans. (…) Tout devient politique, du grec polis, la ville. »
- Transports : « La mobilité des personnes a crû mille fois entre 1800 et aujourd'hui. »
- Santé : « Le pathologique était normal, au moins par sa fréquence ; par la suite, la santé devint la norme. »
- Démographie : « Le nombre des humains passa de deux milliards à six et bientôt sept, le plus souvent serrés en gigantesques mégapoles. »
- Connexions (Internet et technologies de l'information) : « Le connectif remplace le collectif… Nous n'habitons plus le même espace. »
- Conflits : « (concernant la deuxième guerre mondiale), Il s'agit, en effet, du premier conflit où, selon les experts, les humains réussirent à tuer plus de leurs semblables que ne le firent les microbes et les bactéries. »
« En quelques décennies se transformèrent radicalement : le rapport au monde et à la nature, les corps, leur souffrance, l'environnement, la mobilité des humains et des choses, l'espérance de vie, la décision de faire naître et, parfois, de mourir, la démographie mondiale, l'habitat dans l'espace, la nature du lien dans les collectivités, le savoir et la puissance… (…) Ici, les changements arrêtent ou finissent des périodes aussi longues que celle qui nous sépare du néolithique, voire de notre propre émergence, soit des dizaines de milliers ou même des millions d'années. »
« L'écart entre ce réel nouvellement advenu et des organisations instituées à une époque où l'humanité vivait autrement, cet écart n'a cessé de croître pendant les cinquante dernières années. »
NOUS DÉPENDONS DU MONDE AUTANT QU'IL DÉPEND DE NOUS
« Voici l'infinitude des humains face à la finitude du monde. (…) Nous pensions, courageux, que toute notre histoire consistait à lutter sans cesse contre une force toujours plus haute et profonde que la nôtre. (…) Qu'il s'agisse de l'agriculture et du nouveau rapport à la nature, des transports et de la mobilité des choses et des hommes, de la santé publique, de l'espérance de vie et de la croissance démographique, de l'espace, de cette nouvelle maison des voisinages construites par les nouvelles technologies, des armes de destruction massive et du terrorisme, reste que le monde forme, en effet, aujourd'hui, l'asymptote commune, la référence globale de tous les processus. Asymptote commune, certes, mais connue aussi, puisque nous commençons à savoir évaluer ses sommes et capacités globales. Tout allait vers lui, vers ce que l'on croyait son infinité, mais viendra désormais de lui, barrière finie. »
« Lors de l'antiquité, les sagesses distinguaient les choses qui dépendaient de nous de celles qui n'ne dépendaient pas. (…) Lors de l'âge moderne, de plus en plus de choses dépendirent de nous. (…) Au temps contemporain : nous dépendons enfin des choses qui dépendent de nous. »
« Ladite mondialisation me paraît aujourd'hui au moins autant le résultat de l'activité du Monde que des nôtres. »
DES SORTIES DE CRISE ?
« La hiérarchie, c'est le vol. (…) La liberté, c'est l'accès. »
« Quant à Homo, il détient l'intelligence. Il n'a cessé d'en utiliser la puissance, mais le plus souvent pour dominer, passer en premier, devenir le plus fort, écraser toutes choses et tous humains sur son passage, gagner. (…) (L'intelligence) doit muter, au plus vite et sous risque gravissime, de la volonté de puissance au partage, de la guerre à la paix, de la Haine à l'Amour. »
ET SI UN PLAN DE RELANCE NE RAMENAIT QU'À LA SITUATION INITIALE, C'EST-À-DIRE À LA VEILLE DE LA CRISE SUIVANTE ?
« Ou il s'agit vraiment d'une crise et il en peut y avoir de reprise car, équivalente à une répétition, celle-ci nous précipiterait, de nouveau, en cycle, je viens de le dire, vers une situation critique au moins analogue, ou, pis encore, vers un état instable et chaotique, plus ou moins long. »
POURQUOI LA CRISE EST GLOBALE :
Les six « événements » :
- Agriculture : « Bien qu'elle continue à se nourrir d'elle, l'humanité occidentale quitta donc, ici au moins, la terre. Or elle y travaillait depuis les années qui suivirent le néolithique. (…) Elle finit une ère qui débuta voici dix mille ans. (…) Tout devient politique, du grec polis, la ville. »
- Transports : « La mobilité des personnes a crû mille fois entre 1800 et aujourd'hui. »
- Santé : « Le pathologique était normal, au moins par sa fréquence ; par la suite, la santé devint la norme. »
- Démographie : « Le nombre des humains passa de deux milliards à six et bientôt sept, le plus souvent serrés en gigantesques mégapoles. »
- Connexions (Internet et technologies de l'information) : « Le connectif remplace le collectif… Nous n'habitons plus le même espace. »
- Conflits : « (concernant la deuxième guerre mondiale), Il s'agit, en effet, du premier conflit où, selon les experts, les humains réussirent à tuer plus de leurs semblables que ne le firent les microbes et les bactéries. »
« En quelques décennies se transformèrent radicalement : le rapport au monde et à la nature, les corps, leur souffrance, l'environnement, la mobilité des humains et des choses, l'espérance de vie, la décision de faire naître et, parfois, de mourir, la démographie mondiale, l'habitat dans l'espace, la nature du lien dans les collectivités, le savoir et la puissance… (…) Ici, les changements arrêtent ou finissent des périodes aussi longues que celle qui nous sépare du néolithique, voire de notre propre émergence, soit des dizaines de milliers ou même des millions d'années. »
« L'écart entre ce réel nouvellement advenu et des organisations instituées à une époque où l'humanité vivait autrement, cet écart n'a cessé de croître pendant les cinquante dernières années. »
NOUS DÉPENDONS DU MONDE AUTANT QU'IL DÉPEND DE NOUS
« Voici l'infinitude des humains face à la finitude du monde. (…) Nous pensions, courageux, que toute notre histoire consistait à lutter sans cesse contre une force toujours plus haute et profonde que la nôtre. (…) Qu'il s'agisse de l'agriculture et du nouveau rapport à la nature, des transports et de la mobilité des choses et des hommes, de la santé publique, de l'espérance de vie et de la croissance démographique, de l'espace, de cette nouvelle maison des voisinages construites par les nouvelles technologies, des armes de destruction massive et du terrorisme, reste que le monde forme, en effet, aujourd'hui, l'asymptote commune, la référence globale de tous les processus. Asymptote commune, certes, mais connue aussi, puisque nous commençons à savoir évaluer ses sommes et capacités globales. Tout allait vers lui, vers ce que l'on croyait son infinité, mais viendra désormais de lui, barrière finie. »
« Lors de l'antiquité, les sagesses distinguaient les choses qui dépendaient de nous de celles qui n'ne dépendaient pas. (…) Lors de l'âge moderne, de plus en plus de choses dépendirent de nous. (…) Au temps contemporain : nous dépendons enfin des choses qui dépendent de nous. »
« Ladite mondialisation me paraît aujourd'hui au moins autant le résultat de l'activité du Monde que des nôtres. »
DES SORTIES DE CRISE ?
« La hiérarchie, c'est le vol. (…) La liberté, c'est l'accès. »
« Quant à Homo, il détient l'intelligence. Il n'a cessé d'en utiliser la puissance, mais le plus souvent pour dominer, passer en premier, devenir le plus fort, écraser toutes choses et tous humains sur son passage, gagner. (…) (L'intelligence) doit muter, au plus vite et sous risque gravissime, de la volonté de puissance au partage, de la guerre à la paix, de la Haine à l'Amour. »
30 nov. 2009
« L'IMMATURITÉ DE L'HUMANITÉ À S'ACCOMPLIR ELLE-MÊME »
Comment sortir de la crise ?
Pierre Gounod, dans « L'hypothèse générale de la prospective anthropolitique » reprend un extrait d'un texte d'Edgar Morin sur la Société-monde (Éthique) :
« Où en sommes-nous dans l'ère planétaire ? Ma thèse est que la globalisation de la fin du XXe siècle a créé les infrastructures communicationnelles, techniques et économiques d'une société-monde ; Internet peut être considéré comme l'ébauche d'un réseau neurocérébral semi-artificiel d'une sociétémonde2. Mais l'économie libérale, qui en a engendré les infrastructures, rend impossible la formation d'une telle société, puisqu'elle inhibe la constitution d'un système juridique, d'une gouvernance et d'une conscience commune. Or la société-monde, pour émerger, a besoin d'un droit et d'instances planétaires qui seraient en mesure d'affronter les problèmes vitaux de l'humanité ; elle a besoin au minimum d'une réforme de l'ONU, avec pour horizon une confédération des nations et la démocratisation de la planète. Elle a besoin, répétons-le, d'une politique de la civilisation et d'une politique de l'humanité qui se substitueraient à la politique de développement. Elle a besoin, à la fois comme préalable et comme effet, que s'inscrive et s'approfondisse dans la psyché de chacun une conscience, à la fois éthique et politique, d'appartenance à une même Terre-Patrie.
On ne saurait se masquer les obstacles énormes qui s'opposent à l'apparition d'une société-monde. La progression unificatrice de la globalisation suscite des résistances nationales, ethniques, religieuses qui produisent une balkanisation accrue de la planète, et l'élimination de ces résistances supposerait, dans les conditions actuelles, une domination implacable.
Il y a surtout l'immaturité des États-nations, des esprits, des consciences, c'est-à-dire fondamentalement l'immaturité de l'humanité à s'accomplir elle-même.
C'est dire, du même coup, que si elle réussissait à se forger, c'est une société-monde barbare qui se forgerait. Elle n'abolirait pas d'elle-même les exploitations, les dominations, les dénis, les inégalités. Toutefois, elle surmonterait la souveraineté absolue des États nationaux et permettrait le contrôle du quadrimoteur science/ technique / économie / profit dont la course incontrôlée nous conduit à l'abîme.
Nous sommes en face d'une contradiction : la société-monde est un préalable pour sortir de la crise de l'humanité, mais la réforme de l'humanité est un préalable pour arriver à une société-monde qui puisse sortir de l'âge de fer planétaire. »
No comment…
Pierre Gounod, dans « L'hypothèse générale de la prospective anthropolitique » reprend un extrait d'un texte d'Edgar Morin sur la Société-monde (Éthique) :
« Où en sommes-nous dans l'ère planétaire ? Ma thèse est que la globalisation de la fin du XXe siècle a créé les infrastructures communicationnelles, techniques et économiques d'une société-monde ; Internet peut être considéré comme l'ébauche d'un réseau neurocérébral semi-artificiel d'une sociétémonde2. Mais l'économie libérale, qui en a engendré les infrastructures, rend impossible la formation d'une telle société, puisqu'elle inhibe la constitution d'un système juridique, d'une gouvernance et d'une conscience commune. Or la société-monde, pour émerger, a besoin d'un droit et d'instances planétaires qui seraient en mesure d'affronter les problèmes vitaux de l'humanité ; elle a besoin au minimum d'une réforme de l'ONU, avec pour horizon une confédération des nations et la démocratisation de la planète. Elle a besoin, répétons-le, d'une politique de la civilisation et d'une politique de l'humanité qui se substitueraient à la politique de développement. Elle a besoin, à la fois comme préalable et comme effet, que s'inscrive et s'approfondisse dans la psyché de chacun une conscience, à la fois éthique et politique, d'appartenance à une même Terre-Patrie.
On ne saurait se masquer les obstacles énormes qui s'opposent à l'apparition d'une société-monde. La progression unificatrice de la globalisation suscite des résistances nationales, ethniques, religieuses qui produisent une balkanisation accrue de la planète, et l'élimination de ces résistances supposerait, dans les conditions actuelles, une domination implacable.
Il y a surtout l'immaturité des États-nations, des esprits, des consciences, c'est-à-dire fondamentalement l'immaturité de l'humanité à s'accomplir elle-même.
C'est dire, du même coup, que si elle réussissait à se forger, c'est une société-monde barbare qui se forgerait. Elle n'abolirait pas d'elle-même les exploitations, les dominations, les dénis, les inégalités. Toutefois, elle surmonterait la souveraineté absolue des États nationaux et permettrait le contrôle du quadrimoteur science/ technique / économie / profit dont la course incontrôlée nous conduit à l'abîme.
Nous sommes en face d'une contradiction : la société-monde est un préalable pour sortir de la crise de l'humanité, mais la réforme de l'humanité est un préalable pour arriver à une société-monde qui puisse sortir de l'âge de fer planétaire. »
No comment…
27 nov. 2009
RAPT OU LE POUVOIR CONTESTÉ
Le roi est nu
Le fonctionnement des économies développées supposent tout un enchevêtrement de prestations successives pour arriver à les faire fonctionner. Nous ne voyons que la partie immergée de l'iceberg : qui pense à tout ce qui a dû être mobilisé pour qu'un fruit ou un légume arrivent jusqu'à l'étal du marchand où nous allons les acheter ? Qui est vraiment conscient du nombre d'acteurs multiples qui interviennent pour qu'une voiture puisse effectivement rouler ? A quoi servirait cette voiture si les routes n'existaient pas ? Comment pourrait-on construire des routes ou des immeubles, s'il n'y avait pas des carrières extrayant les bons agrégats ? Qui sait que, sans ces agrégats, nos villes s'effondreraient ?
Oui les rouages essentiels sont le plus souvent cachés et ignorés. Oui, nos sociétés reposent sur ces « inconscients » qui sous-entendent nos performances quotidiennes. Si jamais, nous les ignorons, si, pour une raison ou une autre, ils viennent à se gripper, plus rien ne fonctionne.
Ces icebergs ne concernent pas que les fonctionnements matériels, mais aussi toutes les organisations et processus immatériels. Le pouvoir ne peut s'exercer que s'il est reconnu et accepté.
Les dirigeants, qu'ils soient à la tête d'organisations politiques ou d'entreprises privées, vivent parfois dans l'illusion de maîtriser les choses et peuvent avoir une vision exagérée de leur pouvoir réel.
Le film Rapt de Lucas Belvaux, inspiré de l'affaire du baron Empain, apporte un éclairage sur la fragilité du pouvoir : même la détention d'une part significative du capital n'est rien si l'on n'est plus perçu comme légitime et compétent. Avant le rapt, Stanislas Graff se croyait tout puissant, invulnérable et « au-dessus des lois ».
Durant le rapt, son absence et la révélation des parties cachées de sa vie amènent à une décomposition de la confiance qui l'entourait et à une recomposition des réseaux de pouvoir. Après le rapt, il se retrouvera dépouillé de cette puissance qu'il croyait posséder.
Sévère, mais salutaire rappel à la réalité…
Le fonctionnement des économies développées supposent tout un enchevêtrement de prestations successives pour arriver à les faire fonctionner. Nous ne voyons que la partie immergée de l'iceberg : qui pense à tout ce qui a dû être mobilisé pour qu'un fruit ou un légume arrivent jusqu'à l'étal du marchand où nous allons les acheter ? Qui est vraiment conscient du nombre d'acteurs multiples qui interviennent pour qu'une voiture puisse effectivement rouler ? A quoi servirait cette voiture si les routes n'existaient pas ? Comment pourrait-on construire des routes ou des immeubles, s'il n'y avait pas des carrières extrayant les bons agrégats ? Qui sait que, sans ces agrégats, nos villes s'effondreraient ?
Oui les rouages essentiels sont le plus souvent cachés et ignorés. Oui, nos sociétés reposent sur ces « inconscients » qui sous-entendent nos performances quotidiennes. Si jamais, nous les ignorons, si, pour une raison ou une autre, ils viennent à se gripper, plus rien ne fonctionne.
Ces icebergs ne concernent pas que les fonctionnements matériels, mais aussi toutes les organisations et processus immatériels. Le pouvoir ne peut s'exercer que s'il est reconnu et accepté.
Les dirigeants, qu'ils soient à la tête d'organisations politiques ou d'entreprises privées, vivent parfois dans l'illusion de maîtriser les choses et peuvent avoir une vision exagérée de leur pouvoir réel.
Le film Rapt de Lucas Belvaux, inspiré de l'affaire du baron Empain, apporte un éclairage sur la fragilité du pouvoir : même la détention d'une part significative du capital n'est rien si l'on n'est plus perçu comme légitime et compétent. Avant le rapt, Stanislas Graff se croyait tout puissant, invulnérable et « au-dessus des lois ».
Durant le rapt, son absence et la révélation des parties cachées de sa vie amènent à une décomposition de la confiance qui l'entourait et à une recomposition des réseaux de pouvoir. Après le rapt, il se retrouvera dépouillé de cette puissance qu'il croyait posséder.
Sévère, mais salutaire rappel à la réalité…
26 nov. 2009
ATTENTION À NE PAS TOMBER DANS UN TROU NOIR
Les trous noirs mangent de l'information
Depuis que je suis en âge de m'intéresser à la physique, les trous noirs m'ont toujours fasciné. Probablement d'abord à cause du nom : il évoque justement cet espace obscur au fonds du placard, celui qui avait hanté mes nuits d'enfants. Ensuite parce que cet idée d'une sorte d'aspirateur géant qui avale tout ce qui passe à proximité, matière comme lumière, est saisissante. Tout autre monstre n'est qu'un gentil doudou à côté d'un trou noir !
Mais ce n'est pas la seule conséquence de ces trous noirs : ils ne se contentent pas d'absorber de la matière, ils « mangeraient de l'information » et contribueraient à rendre le monde encore moins prévisible ! En effet, quand ils absorbent des particules, ils font aussi disparaître les fonctions d'onde associées. Or, « pour prédire entièrement le futur, il faut connaître entièrement toutes les fonctions d'onde d'aujourd'hui… Cette question conduit donc directement à se demander si les trous noirs n'imprègnent pas l'évolution de notre Univers d'une suite fortuite d'événements, encore plus fondamentale. »
Si même les trous noirs jouent à fausser nos prévisions…
Mais il n'y a pas que les trous noirs auxquels il faudra faire attention lors de votre prochain voyage dans l'espace : l'espace est déformé par tous les objets qui s'y trouvent, et ces masses ne se contentent pas de courber l'espace, mais elles déforment aussi le temps.
Une question au passage : la structure du temps peut-elle se déchirer, puis se réparer ? Selon la théorie des cordes, oui. Mais cette théorie est largement contestée…
Enfin, si l'on fait un saut dans l'ultra-petit, le temps peut aussi jouer des tours : ainsi deux particules peuvent être tellement « sœurs jumelles » que, même séparées, elles continuent à se transmettre instantanément toute information. Comment font-elles ? Où est le truc ?
Depuis que je suis en âge de m'intéresser à la physique, les trous noirs m'ont toujours fasciné. Probablement d'abord à cause du nom : il évoque justement cet espace obscur au fonds du placard, celui qui avait hanté mes nuits d'enfants. Ensuite parce que cet idée d'une sorte d'aspirateur géant qui avale tout ce qui passe à proximité, matière comme lumière, est saisissante. Tout autre monstre n'est qu'un gentil doudou à côté d'un trou noir !
Mais ce n'est pas la seule conséquence de ces trous noirs : ils ne se contentent pas d'absorber de la matière, ils « mangeraient de l'information » et contribueraient à rendre le monde encore moins prévisible ! En effet, quand ils absorbent des particules, ils font aussi disparaître les fonctions d'onde associées. Or, « pour prédire entièrement le futur, il faut connaître entièrement toutes les fonctions d'onde d'aujourd'hui… Cette question conduit donc directement à se demander si les trous noirs n'imprègnent pas l'évolution de notre Univers d'une suite fortuite d'événements, encore plus fondamentale. »
Si même les trous noirs jouent à fausser nos prévisions…
Mais il n'y a pas que les trous noirs auxquels il faudra faire attention lors de votre prochain voyage dans l'espace : l'espace est déformé par tous les objets qui s'y trouvent, et ces masses ne se contentent pas de courber l'espace, mais elles déforment aussi le temps.
Une question au passage : la structure du temps peut-elle se déchirer, puis se réparer ? Selon la théorie des cordes, oui. Mais cette théorie est largement contestée…
Enfin, si l'on fait un saut dans l'ultra-petit, le temps peut aussi jouer des tours : ainsi deux particules peuvent être tellement « sœurs jumelles » que, même séparées, elles continuent à se transmettre instantanément toute information. Comment font-elles ? Où est le truc ?
25 nov. 2009
LE PRINCIPE D’INCERTITUDE VA JUSQUE DANS NOTRE CERVEAU
Ciel mes neurones font de la mécanique quantique !
Rappelons d'abord le fameux principe d'incertitude d'Heisenberg : je ne peux pas connaître à la fois précisément la vitesse et la position d'une particule élémentaire. Mieux je connaitrai sa position, moins je connaitrai sa vitesse. Et réciproquement. Donc si je sais où elle est, je ne sais pas où elle va. Si je sais dans quelle direction elle se dirige, je ne sais pas où elle se trouve.
Pour faire comprendre ce principe, il y a un exemple simple : si vous voulez savoir très précisément où se trouve la particule, vous allez devoir l'éclairer fortement pour la localiser. La quantité de lumière sera telle qu'elle viendra modifier le niveau d'énergie de la particule, et donc vous ne pourrez pas connaître quelle était sa vitesse.
Une des conséquences amusantes de ce principe est que, si vous cherchez à confiner les particules dans des boites très petites, elles vont se déchainer : elles ne supportent pas que l'on sache où elles sont !
Autre conséquence plus troublante de la mécanique quantique : il y aurait comme une sorte de communication instantanée à distance entre les particules. Ce paradoxe, dit paradoxe EPR, viendrait contredire la sacrosainte loi de la vitesse de la lumière comme vitesse limite. Il est mis en évidence suite à la séparation de deux particules initialement en interaction : toute modification constatée sur l'une se transmet instantanément à l'autre, comme si l'information voyageait instantanément. Rappelez-vous les deux images de poisson : tout changement observé sur un poisson était immédiatement et simultanément constaté sur l'autre, et pour cause, puisque c'était le même poisson. Sommes-nous devant le même type de réalité arrière cachée ?
Tout ceci me rappelle ces tours de magie, au cours desquels on est émerveillé par ce qui se passe et qui contredit les lois de la nature : un chapeau ne peut pas contenir à la fois une dizaine de lapins, trois couples de colombes, la moitié du rayon de foulards d'un magasin de quartier. Il y a un truc, forcément. Où est le truc, cette fois ?
Mais comme cela ne concerne que des particules extrêmement petites, nous n'avons pas de raison de nous faire des nœuds au cerveau. Dans la vie quotidienne, rien de tout cela ne s'applique : je n'ai à me préoccuper que des faisceaux de particules, pas d'une particule en particulier. Mes neurones peuvent se reposer tranquillement.
Mais au fait, mes neurones justement, comment communiquent-ils entre eux ?
Le point de contact est appelé synapse et la transmission est de nature chimique : un neurone émet au niveau de la synapse des molécules, des neurotransmetteurs. Ceux-ci sont réceptionnés par l'autre neurone et ils provoquent telle ou telle réaction en fonction du neurotransmetteur émis. C'est grâce à ce mécanisme que circule l'information entre neurones. Tout le fonctionnement de notre cerveau repose là-dessus : activité consciente et inconsciente, mémoire, interprétation, émotion, sentiment, décision. Sans neurotransmetteurs, rien. Cette émission de neurotransmetteurs s'appelle une exocytose. Joli nom, non ? Cette exocytose suppose l'ouverture de petites vésicules qui contiennent les molécules à émettre. Jusque là, rien de bien troublant. Oui, mais ces vésicules sont tellement petites, les quantités émises tellement faibles, que l'on se trouve dans les ordres de grandeur où il faut appliquer la mécanique quantique : dès que l'on analyse la transmission synaptique, on doit passer à une approche probabiliste.
Ainsi derrière chacune de nos émotions, chacun de nos réflexes, chacune de nos pensées, il y a un peu du principe d'incertitude.
A partir de cette information, on peut jouer au jeu du « cerveau quantique » :
- Nos pensées sont partout et nulle part à la fois : il est impossible de les localiser et de savoir où elles vont. Si je sais à quoi je pense, je ne sais pas où cela va me conduire. Si je sais où cela va me conduire, je ne sais pas pourquoi.
- Chacune de nos pensées est intraçable : on ne peut connaître que le flux global des pensées et non pas les suivre, une par une.
- Tout confinement conduit à l'agitation : toute tentative d'enfermer un raisonnement dans un cadre étroit provoquera un bouillonnement de la pensée qui permettra au sujet de s'échapper,
- …
Quelle pagaille en perspective…
Rappelons d'abord le fameux principe d'incertitude d'Heisenberg : je ne peux pas connaître à la fois précisément la vitesse et la position d'une particule élémentaire. Mieux je connaitrai sa position, moins je connaitrai sa vitesse. Et réciproquement. Donc si je sais où elle est, je ne sais pas où elle va. Si je sais dans quelle direction elle se dirige, je ne sais pas où elle se trouve.
Pour faire comprendre ce principe, il y a un exemple simple : si vous voulez savoir très précisément où se trouve la particule, vous allez devoir l'éclairer fortement pour la localiser. La quantité de lumière sera telle qu'elle viendra modifier le niveau d'énergie de la particule, et donc vous ne pourrez pas connaître quelle était sa vitesse.
Une des conséquences amusantes de ce principe est que, si vous cherchez à confiner les particules dans des boites très petites, elles vont se déchainer : elles ne supportent pas que l'on sache où elles sont !
Autre conséquence plus troublante de la mécanique quantique : il y aurait comme une sorte de communication instantanée à distance entre les particules. Ce paradoxe, dit paradoxe EPR, viendrait contredire la sacrosainte loi de la vitesse de la lumière comme vitesse limite. Il est mis en évidence suite à la séparation de deux particules initialement en interaction : toute modification constatée sur l'une se transmet instantanément à l'autre, comme si l'information voyageait instantanément. Rappelez-vous les deux images de poisson : tout changement observé sur un poisson était immédiatement et simultanément constaté sur l'autre, et pour cause, puisque c'était le même poisson. Sommes-nous devant le même type de réalité arrière cachée ?
Tout ceci me rappelle ces tours de magie, au cours desquels on est émerveillé par ce qui se passe et qui contredit les lois de la nature : un chapeau ne peut pas contenir à la fois une dizaine de lapins, trois couples de colombes, la moitié du rayon de foulards d'un magasin de quartier. Il y a un truc, forcément. Où est le truc, cette fois ?
Mais comme cela ne concerne que des particules extrêmement petites, nous n'avons pas de raison de nous faire des nœuds au cerveau. Dans la vie quotidienne, rien de tout cela ne s'applique : je n'ai à me préoccuper que des faisceaux de particules, pas d'une particule en particulier. Mes neurones peuvent se reposer tranquillement.
Mais au fait, mes neurones justement, comment communiquent-ils entre eux ?
Le point de contact est appelé synapse et la transmission est de nature chimique : un neurone émet au niveau de la synapse des molécules, des neurotransmetteurs. Ceux-ci sont réceptionnés par l'autre neurone et ils provoquent telle ou telle réaction en fonction du neurotransmetteur émis. C'est grâce à ce mécanisme que circule l'information entre neurones. Tout le fonctionnement de notre cerveau repose là-dessus : activité consciente et inconsciente, mémoire, interprétation, émotion, sentiment, décision. Sans neurotransmetteurs, rien. Cette émission de neurotransmetteurs s'appelle une exocytose. Joli nom, non ? Cette exocytose suppose l'ouverture de petites vésicules qui contiennent les molécules à émettre. Jusque là, rien de bien troublant. Oui, mais ces vésicules sont tellement petites, les quantités émises tellement faibles, que l'on se trouve dans les ordres de grandeur où il faut appliquer la mécanique quantique : dès que l'on analyse la transmission synaptique, on doit passer à une approche probabiliste.
Ainsi derrière chacune de nos émotions, chacun de nos réflexes, chacune de nos pensées, il y a un peu du principe d'incertitude.
A partir de cette information, on peut jouer au jeu du « cerveau quantique » :
- Nos pensées sont partout et nulle part à la fois : il est impossible de les localiser et de savoir où elles vont. Si je sais à quoi je pense, je ne sais pas où cela va me conduire. Si je sais où cela va me conduire, je ne sais pas pourquoi.
- Chacune de nos pensées est intraçable : on ne peut connaître que le flux global des pensées et non pas les suivre, une par une.
- Tout confinement conduit à l'agitation : toute tentative d'enfermer un raisonnement dans un cadre étroit provoquera un bouillonnement de la pensée qui permettra au sujet de s'échapper,
- …
Quelle pagaille en perspective…
24 nov. 2009
COMMENT SAVOIR LE SENS DE CE QUE L’ON REGARDE ?
Nous n'avons pas la possibilité de passer derrière l'écran
Vous avez devant vous deux listes de résultats provenant de deux caméras distinctes. Vous savez que l'une des caméras mesure la position et que l'autre analyse la couleur. Le premier listing se compose de la suite suivante : « gauche », « gauche », « droite », « gauche », « gauche », « droite »,… Le second est : « rouge », « blanc », « rouge », « rouge », « blanc », « rouge »,…
Avec ces informations, vous savez donc que l'objet vu par la camera 1 est soit à gauche, soit à droite, et que celui vu par la caméra 2 est soit rouge, soit blanc. Vous ne pouvez rien déduire de plus.
Or c'était le même objet qui était vu par les deux caméras : il s'agissait d'une boule soit blanche, soit rouge qui passait aléatoirement à gauche ou à droite.
Cette expérience décrite par Michel Bitbol (« Mécanique quantique, une introduction philosophique ») pose très simplement la question suivante : comment pouvons-nous savoir quand on peut ou non unifier des contextes, c'est-à-dire affirmer que telle et telle observations proviennent en fait du même objet ?
Autre exemple : mettez un poisson dans un aquarium, filmez-le par deux objectifs et projetez les deux images sur deux écrans dans une salle voisine. Tous les spectateurs vont voir deux poissons exactement synchrones. Tout ce qui se passe pour l'un se répercute immédiatement sur l'autre. Tout le monde risque d'être tenté de penser que c'est le même poisson filmé sous deux angles différents. Mais comment en être sûr si l'on reste dans la salle sans avoir accès à l'aquarium.
Prenez maintenant un cylindre. Comment le définir ? Un moyen simple est le suivant : si, en coupant un objet selon un plan, vous obtenez un rectangle, et qu'en le coupant selon le plan perpendiculaire, vous obtenez un cercle, c'est un cylindre. Maintenant si vous avez devant vous un rectangle et un cercle, et que vous savez seulement que chacun est le résultat d'une coupe faite sur un objet, vous ne pouvez rien conclure sur l'objet lui-même : rien ne vous dit que les deux coupes viennent du même objet et que ces deux coupes sont orthogonales.
Dans la vie quotidienne, nous sommes constamment devant ce dilemme : est-ce que les différentes informations qui m'arrivent simultanément proviennent oui ou non du même objet ? Comment puis-je être certain que ce que je vois et ce que j'entends proviennent de la même source ?
Parfois, nous avons la possibilité de « passer derrière l'écran » et de nous assurer que, oui, c'est bien le même objet et que, donc, nous avons le droit de réunir les informations. Mais souvent, ce n'est pas possible : nous qui ne lisons le monde qu'à partir de ce que nous voyons, comme savoir ce qui se passe vraiment ? Peut-on réunir des données et considérer qu'elles décrivent des aspects différents de la même réalité ? Ou à l'inverse, ce sont des données qui correspondent à des réalités disjointes ? Comment savoir ?
La réponse est malheureusement assez claire : on ne sait pas. Nous n'avons accès qu'aux apparences et nous n'avons pas accès à la « chose en soi ». Déstabilisant, non ?
Vous avez devant vous deux listes de résultats provenant de deux caméras distinctes. Vous savez que l'une des caméras mesure la position et que l'autre analyse la couleur. Le premier listing se compose de la suite suivante : « gauche », « gauche », « droite », « gauche », « gauche », « droite »,… Le second est : « rouge », « blanc », « rouge », « rouge », « blanc », « rouge »,…
Avec ces informations, vous savez donc que l'objet vu par la camera 1 est soit à gauche, soit à droite, et que celui vu par la caméra 2 est soit rouge, soit blanc. Vous ne pouvez rien déduire de plus.
Or c'était le même objet qui était vu par les deux caméras : il s'agissait d'une boule soit blanche, soit rouge qui passait aléatoirement à gauche ou à droite.
Cette expérience décrite par Michel Bitbol (« Mécanique quantique, une introduction philosophique ») pose très simplement la question suivante : comment pouvons-nous savoir quand on peut ou non unifier des contextes, c'est-à-dire affirmer que telle et telle observations proviennent en fait du même objet ?
Autre exemple : mettez un poisson dans un aquarium, filmez-le par deux objectifs et projetez les deux images sur deux écrans dans une salle voisine. Tous les spectateurs vont voir deux poissons exactement synchrones. Tout ce qui se passe pour l'un se répercute immédiatement sur l'autre. Tout le monde risque d'être tenté de penser que c'est le même poisson filmé sous deux angles différents. Mais comment en être sûr si l'on reste dans la salle sans avoir accès à l'aquarium.
Prenez maintenant un cylindre. Comment le définir ? Un moyen simple est le suivant : si, en coupant un objet selon un plan, vous obtenez un rectangle, et qu'en le coupant selon le plan perpendiculaire, vous obtenez un cercle, c'est un cylindre. Maintenant si vous avez devant vous un rectangle et un cercle, et que vous savez seulement que chacun est le résultat d'une coupe faite sur un objet, vous ne pouvez rien conclure sur l'objet lui-même : rien ne vous dit que les deux coupes viennent du même objet et que ces deux coupes sont orthogonales.
Dans la vie quotidienne, nous sommes constamment devant ce dilemme : est-ce que les différentes informations qui m'arrivent simultanément proviennent oui ou non du même objet ? Comment puis-je être certain que ce que je vois et ce que j'entends proviennent de la même source ?
Parfois, nous avons la possibilité de « passer derrière l'écran » et de nous assurer que, oui, c'est bien le même objet et que, donc, nous avons le droit de réunir les informations. Mais souvent, ce n'est pas possible : nous qui ne lisons le monde qu'à partir de ce que nous voyons, comme savoir ce qui se passe vraiment ? Peut-on réunir des données et considérer qu'elles décrivent des aspects différents de la même réalité ? Ou à l'inverse, ce sont des données qui correspondent à des réalités disjointes ? Comment savoir ?
La réponse est malheureusement assez claire : on ne sait pas. Nous n'avons accès qu'aux apparences et nous n'avons pas accès à la « chose en soi ». Déstabilisant, non ?
23 nov. 2009
LA CRISE DE LA VITICULTURE EST TERMINÉE
Ne laissons plus les viticulteurs brûler de l'argent en plein airCe jeudi, je suis passé dans l'Ile de la Cité et ai fait un arrêt aux Marchés aux fleurs. Mon regard sautait sans beaucoup d'attention d'une plante à l'autre, quand il s'arrêta sur un cep de vigne et son prix : 375 €.
Le cep n'avait rien d'exceptionnel (voir la photo ci-jointe prise ce même jour), juste un cep comme on peut en voir en abondance dans toutes les régions viticoles.
J'eus alors un éclair : voilà la solution à la crise viticole. Tous les viticulteurs sont riches comme Crésus sans le savoir. Il faut simplement qu'ils arrêtent cette attitude stupide et rétrograde qui consiste à brûler les ceps de vigne après les avoir arrachés. Non, il faut soigneusement les retirer du sol, les loger précautionneusement dans des pots – pas de souci, un pot en plastique fera l'affaire –, puis les mettre dans un camion et venir les vendre aux Parisiens qui en seront ébahis de plaisir.
Vu le nombre de ceps de vigne qu'il y a par hectare, leurs fortunes sont faites. Il est même probablement plus rentable de venir revendre les ceps de vigne que de produire des grands crus.
Quand je pense à tous ces ceps qui brûlent au bord des champs, c'est un peu comme Serge Gainsbourg qui avait brûlé un billet de 500 F au cours d'une émission TV.
Que les viticulteurs se rassurent donc, la crise est derrière eux !
Le cep n'avait rien d'exceptionnel (voir la photo ci-jointe prise ce même jour), juste un cep comme on peut en voir en abondance dans toutes les régions viticoles.
J'eus alors un éclair : voilà la solution à la crise viticole. Tous les viticulteurs sont riches comme Crésus sans le savoir. Il faut simplement qu'ils arrêtent cette attitude stupide et rétrograde qui consiste à brûler les ceps de vigne après les avoir arrachés. Non, il faut soigneusement les retirer du sol, les loger précautionneusement dans des pots – pas de souci, un pot en plastique fera l'affaire –, puis les mettre dans un camion et venir les vendre aux Parisiens qui en seront ébahis de plaisir.
Vu le nombre de ceps de vigne qu'il y a par hectare, leurs fortunes sont faites. Il est même probablement plus rentable de venir revendre les ceps de vigne que de produire des grands crus.
Quand je pense à tous ces ceps qui brûlent au bord des champs, c'est un peu comme Serge Gainsbourg qui avait brûlé un billet de 500 F au cours d'une émission TV.
Que les viticulteurs se rassurent donc, la crise est derrière eux !
20 nov. 2009
« LA VÉRITÉ, C'EST QUE J'AVAIS UNE IDÉE, UNE IDÉE PAS FAMEUSE… »
Comment est né Air Liquide
« La vérité, c'est que j'avais une idée, une idée pas fameuse, mais qui a eu quand même d'utiles conséquences, comme il arrive parfois aux plus mauvaises idées. Je voyais mon invention de l'acétylène dissous, à peine éclose, péricliter pour différentes raisons, dont l'une était le prix alors élevé du carbure de calcium. J'eus alors la pensée qu'on pourrait peut-être réduire ce prix en substituant à l'électricité, pour la production des hautes températures nécessaires à la fabrication de ce produit, la simple combustion du charbon par l'oxygène si l'oxygène lui-même pouvait être produit à bas prix.
Bien que cette conception soit restée stérile jusqu'ici et qu'on fabrique toujours le carbure par l'électricité, c'est donc cette conception tout de même - et on aura raison d'appeler cela de la chance - qui m'a amené à l'oxygène pour sauver l'acétylène dissous, avec cette chance supplémentaire et inouïe que c'est quand même cet oxygène qui l'a sauvé en lui donnant le débouché, que je ne pouvais prévoir, du soudage et du coupage, Et ainsi l'acétylène dissous est devenu le gros client de L'Air Liquide, dont il a, à son tour, assuré le succès.
Ce n'est pas tout: s'il est certain que c'est par l'acétylène que j'ai été amené à l'air liquide, il est non moins certain que l'air liquide à son tour m'a conduit à l'extraction des gaz rares, puis à j'extraction de l'hydrogène des gaz de fours à coke et à la synthèse de l'ammoniac par les hyperpressions.»
Ainsi s'exprimait Georges Claude dont les inventions sont à l'origine, au début du 20ème siècle, de la création d'Air Liquide. Pour qu'Air Liquide se crée, il avait fallu en plus que ces idées rencontrent des hommes comme Paul Delorme, puis Frédéric Gallier prêts à prendre des risques.
Bel exemple de modestie à méditer par tous ceux qui se croient capables de prévoir…
« La vérité, c'est que j'avais une idée, une idée pas fameuse, mais qui a eu quand même d'utiles conséquences, comme il arrive parfois aux plus mauvaises idées. Je voyais mon invention de l'acétylène dissous, à peine éclose, péricliter pour différentes raisons, dont l'une était le prix alors élevé du carbure de calcium. J'eus alors la pensée qu'on pourrait peut-être réduire ce prix en substituant à l'électricité, pour la production des hautes températures nécessaires à la fabrication de ce produit, la simple combustion du charbon par l'oxygène si l'oxygène lui-même pouvait être produit à bas prix.
Bien que cette conception soit restée stérile jusqu'ici et qu'on fabrique toujours le carbure par l'électricité, c'est donc cette conception tout de même - et on aura raison d'appeler cela de la chance - qui m'a amené à l'oxygène pour sauver l'acétylène dissous, avec cette chance supplémentaire et inouïe que c'est quand même cet oxygène qui l'a sauvé en lui donnant le débouché, que je ne pouvais prévoir, du soudage et du coupage, Et ainsi l'acétylène dissous est devenu le gros client de L'Air Liquide, dont il a, à son tour, assuré le succès.
Ce n'est pas tout: s'il est certain que c'est par l'acétylène que j'ai été amené à l'air liquide, il est non moins certain que l'air liquide à son tour m'a conduit à l'extraction des gaz rares, puis à j'extraction de l'hydrogène des gaz de fours à coke et à la synthèse de l'ammoniac par les hyperpressions.»
Ainsi s'exprimait Georges Claude dont les inventions sont à l'origine, au début du 20ème siècle, de la création d'Air Liquide. Pour qu'Air Liquide se crée, il avait fallu en plus que ces idées rencontrent des hommes comme Paul Delorme, puis Frédéric Gallier prêts à prendre des risques.
Bel exemple de modestie à méditer par tous ceux qui se croient capables de prévoir…
19 nov. 2009
IMAGINER LE FUTUR ET ACCOMPAGNER LA MISE EN ŒUVRE DE SA VISION
Un long chemin fait d'ajustements successifs, d'obstination et de rythme
En 1983, j'ai acheté ma maison en Provence. Le gros-œuvre de la maison était en très bon état, mais l'intérieur était complètement à refaire. Pour le jardin – je devrais dire le terrain –, tout était à faire : à part la truffière, ce n'était que ronces et pruniers, une sorte de jungle, version maquis provençal. Au cours des six premiers mois, j'ai tout nettoyé et me suis retrouvé devant une feuille blanche, ou plutôt verte.
J'ai alors imaginé comment tout ceci pourrait devenir un jardin, me suis construit une vision de comment ce serait à terme. Je me suis assuré que c'était réaliste, compte-tenu du climat et du temps que j'étais prêt à consacrer. Compromis entre ce que je voulais, ce qui naturellement pouvait pousser là, et les moyens disponibles.
Depuis, cette vision s'est mise en œuvre et j'ai sculpté, au cours des années, plantes, arbres et terrain. Le début fut le plus facile : il suffisait de planter des arbres. Simplement il fallait faire attention à les imaginer grands et donc à ne pas les planter trop proches les uns des autres.
Le plus difficile a été d'accompagner leur croissance. J'écris « accompagner », car c'est l'arbre qui grandit, moi, je ne suis qu'un facilitateur. Au fil des années, j'ai appris à sentir les branches qu'il fallait couper, celles qu'il fallait conserver. Tailler un arbre n'est pas un acte logique et rationnel, c'est une affaire d'attention et d'intuition. Bien sûr, il y a quelques règles techniques de base à respecter, mais ce n'est pas vraiment l'essentiel.
C'est d'abord une affaire d'esthétique et d'équilibre, comme les volumes d'une statue ou le jeu de couleurs d'un tableau. Pour réussir une taille, il faut savoir prendre du recul et s'observer agissant pour deviner les conséquences des gestes que l'on est en train d'entreprendre.
C'est aussi une affaire d'imagination : il faut se projeter dans le futur et imaginer ce que va pouvoir devenir cet arbre et ceux qui l'environnent. Chaque entaille faite aujourd'hui est porteuse de ce futur implicite qui est inscrit de façon indélébile dans ce choix.
C'est enfin savoir respecter les rythmes de la nature. Inutile de vouloir brusquer les choses ou de chercher à faire naître une branche là où c'est impossible. Tailler ce n'est pas créer, c'est accompagner la vie et choisir entre des possibles préexistants.
Ce sont ces tailles répétées années après années qui ont permis à ce jardin d'être aujourd'hui en ligne avec ce que je voulais.
Mettre en œuvre une stratégie, c'est aussi un long chemin, fait d'ajustements successifs, d'obstination et de rythme.
Au moment du lancement de cette stratégie, on sait quelle mer on vise, on connait les chemins qui peuvent permettre de l'atteindre, on a identifié les ruptures potentielles les plus dangereuses, on sait précisément comment on va commencer, après on verra ! Aussi, la première chose à ne pas manquer, c'est de coller au plus près du réel.
En 1983, j'ai acheté ma maison en Provence. Le gros-œuvre de la maison était en très bon état, mais l'intérieur était complètement à refaire. Pour le jardin – je devrais dire le terrain –, tout était à faire : à part la truffière, ce n'était que ronces et pruniers, une sorte de jungle, version maquis provençal. Au cours des six premiers mois, j'ai tout nettoyé et me suis retrouvé devant une feuille blanche, ou plutôt verte.
J'ai alors imaginé comment tout ceci pourrait devenir un jardin, me suis construit une vision de comment ce serait à terme. Je me suis assuré que c'était réaliste, compte-tenu du climat et du temps que j'étais prêt à consacrer. Compromis entre ce que je voulais, ce qui naturellement pouvait pousser là, et les moyens disponibles.
Depuis, cette vision s'est mise en œuvre et j'ai sculpté, au cours des années, plantes, arbres et terrain. Le début fut le plus facile : il suffisait de planter des arbres. Simplement il fallait faire attention à les imaginer grands et donc à ne pas les planter trop proches les uns des autres.
Le plus difficile a été d'accompagner leur croissance. J'écris « accompagner », car c'est l'arbre qui grandit, moi, je ne suis qu'un facilitateur. Au fil des années, j'ai appris à sentir les branches qu'il fallait couper, celles qu'il fallait conserver. Tailler un arbre n'est pas un acte logique et rationnel, c'est une affaire d'attention et d'intuition. Bien sûr, il y a quelques règles techniques de base à respecter, mais ce n'est pas vraiment l'essentiel.
C'est d'abord une affaire d'esthétique et d'équilibre, comme les volumes d'une statue ou le jeu de couleurs d'un tableau. Pour réussir une taille, il faut savoir prendre du recul et s'observer agissant pour deviner les conséquences des gestes que l'on est en train d'entreprendre.
C'est aussi une affaire d'imagination : il faut se projeter dans le futur et imaginer ce que va pouvoir devenir cet arbre et ceux qui l'environnent. Chaque entaille faite aujourd'hui est porteuse de ce futur implicite qui est inscrit de façon indélébile dans ce choix.
C'est enfin savoir respecter les rythmes de la nature. Inutile de vouloir brusquer les choses ou de chercher à faire naître une branche là où c'est impossible. Tailler ce n'est pas créer, c'est accompagner la vie et choisir entre des possibles préexistants.
Ce sont ces tailles répétées années après années qui ont permis à ce jardin d'être aujourd'hui en ligne avec ce que je voulais.
Mettre en œuvre une stratégie, c'est aussi un long chemin, fait d'ajustements successifs, d'obstination et de rythme.
Au moment du lancement de cette stratégie, on sait quelle mer on vise, on connait les chemins qui peuvent permettre de l'atteindre, on a identifié les ruptures potentielles les plus dangereuses, on sait précisément comment on va commencer, après on verra ! Aussi, la première chose à ne pas manquer, c'est de coller au plus près du réel.
18 nov. 2009
LA SUPPRESSION DE LA TAXE PROFESSIONNELLE N’EST PAS NÉCESSAIREMENT UNE BONNE NOUVELLE POUR LES ENTREPRISES
« Oui, mais pas chez nous ! »
Le débat actuel sur la suppression de la taxe professionnelle fait actuellement rage. Il porte pour l'essentiel sur la question du financement des collectivités locales – communes et groupement de communes – : comment vont-elle être financées à l'avenir ? Quels seront leurs marges de manœuvre sur l'évolution de ces ressources ?
Double débat évidemment essentiel dont va dépendre leur capacité à faire face ou non à leurs dépenses et le maintien d'une réelle décentralisation. On voit clairement derrière tout ceci flotter ce jacobinisme qui reste de règle dans la plupart des « élites » parisiennes.
Le monde des entreprises reste absent de ce débat, trop content d'engranger enfin cette suppression de la taxe professionnelle tant attendue.
Or je ne pense pas qu'il soit de bonne politique de rester ainsi absent de ce débat et se désintéresser de la suppression du lien entre les entreprises et le territoire sur lequel elles se trouvent.
En effet, si la taxe professionnelle présente des inconvénients importants à cause de son mode de calcul, elle a le mérite de créer une forme de solidarité de fait entre l'entreprise et la ou les communes où elle est implantée : quand la direction d'une usine a un projet de création d'une nouvelle activité et d'extension d'une activité existante, elle sait rencontrer auprès des élus locaux concernés des oreilles a priori bienveillantes. Ceci est d'autant plus important que ce sont bien souvent les seules : la montée en puissance de l'environnement et de l'écologie fait que quasiment tous les autres acteurs – administration, associations locales – vont chercher à s'opposer au projet.
Qu'en sera-t-il demain si l'on supprime la taxe professionnelle et qu'il n'y a plus aucun lien ou un lien très lâche entre une usine et les ressources de sa commune ? Ne va-t-on pas voir le maire devenir le premier opposant à tout projet d'extension ? Ne va-t-on pas comme pour la plupart des projets d'infrastructures voir les populations locales et leurs élus dire « Oui, mais pas chez nous » ? Est-ce que cela ne risque pas d'accélérer la "tertiarisation" de notre pays ?
Non, vraiment, je pense que c'est une vision bien à courte vue de se désintéresser de ce débat du financement des collectivités locales. Le MEDEF et les entreprises qu'il représente pourraient avoir un réveil douloureux…
Le débat actuel sur la suppression de la taxe professionnelle fait actuellement rage. Il porte pour l'essentiel sur la question du financement des collectivités locales – communes et groupement de communes – : comment vont-elle être financées à l'avenir ? Quels seront leurs marges de manœuvre sur l'évolution de ces ressources ?
Double débat évidemment essentiel dont va dépendre leur capacité à faire face ou non à leurs dépenses et le maintien d'une réelle décentralisation. On voit clairement derrière tout ceci flotter ce jacobinisme qui reste de règle dans la plupart des « élites » parisiennes.
Le monde des entreprises reste absent de ce débat, trop content d'engranger enfin cette suppression de la taxe professionnelle tant attendue.
Or je ne pense pas qu'il soit de bonne politique de rester ainsi absent de ce débat et se désintéresser de la suppression du lien entre les entreprises et le territoire sur lequel elles se trouvent.
En effet, si la taxe professionnelle présente des inconvénients importants à cause de son mode de calcul, elle a le mérite de créer une forme de solidarité de fait entre l'entreprise et la ou les communes où elle est implantée : quand la direction d'une usine a un projet de création d'une nouvelle activité et d'extension d'une activité existante, elle sait rencontrer auprès des élus locaux concernés des oreilles a priori bienveillantes. Ceci est d'autant plus important que ce sont bien souvent les seules : la montée en puissance de l'environnement et de l'écologie fait que quasiment tous les autres acteurs – administration, associations locales – vont chercher à s'opposer au projet.
Qu'en sera-t-il demain si l'on supprime la taxe professionnelle et qu'il n'y a plus aucun lien ou un lien très lâche entre une usine et les ressources de sa commune ? Ne va-t-on pas voir le maire devenir le premier opposant à tout projet d'extension ? Ne va-t-on pas comme pour la plupart des projets d'infrastructures voir les populations locales et leurs élus dire « Oui, mais pas chez nous » ? Est-ce que cela ne risque pas d'accélérer la "tertiarisation" de notre pays ?
Non, vraiment, je pense que c'est une vision bien à courte vue de se désintéresser de ce débat du financement des collectivités locales. Le MEDEF et les entreprises qu'il représente pourraient avoir un réveil douloureux…
17 nov. 2009
« LE MOI SUBLIMINAL N'EST NULLEMENT INFÉRIEUR AU MOI CONSCIENT »
Henri Poincaré, dès 1908, parlait du rôle du travail inconscient dans l'invention
Henri Poincaré a écrit en 1908 un traité « Sciences et Méthodes » dans lequel il mène une réflexion sur la méthode scientifique et l'applique ensuite aux mathématiques, à la mécanique, à l'astronomie et à la géodésie.
Dans la partie initiale, il centre notamment sa réflexion sur le processus de l'invention et de la création. Il est frappant de voir comme il était précurseur et en phase avec la vision actuelle telle qu'issue par les derniers développements des Neurosciences (voir notamment « le Nouvel Inconscient » de Lionel Naccache, mon livre Neuromanagement et mon article : « CONSCIENCE ET INCONSCIENCE, LE « YIN ET YANG » DE NOS PROCESSUS VITAUX »)
Sur le processus de l’invention et de l’inspiration :
« Ce qui frappera tout d'abord, ce sont ces apparences d'illumination subite, signes manifestes d'un long travail inconscient antérieur; le rôle de ce travail inconscient dans l'invention mathématique me paraît incontestable, et on en trouverait des traces dans d'autres cas où il est moins évident. »
« Il y a une autre remarque à faire au sujet des conditions de ce travail inconscient : c'est qu'il n'est possible et en tout cas qu'il n'est fécond que s'il est d'une part précédé, et d'autre part suivi d'une période de travail conscient. Jamais (et les exemples que j'ai cités le prouvent déjà suffisamment) ces inspirations subites ne se produisent qu'après quelques jours d'efforts volontaires, qui ont paru absolument infructueux et où l'on a cru ne rien faire de bon, où il semble qu'on a fait totalement fausse route. Ces efforts n'ont donc pas été aussi stériles qu'on le pense, ils ont mis en branle la machine inconsciente, et, sans eux, elle n'aurait pas marché et n'aurait rien produit. »
« Il faut mettre en œuvre les résultats de cette inspiration, en déduire les conséquences immédiates, les ordonner, rédiger les démonstrations, mais surtout il faut les vérifier. J'ai parlé du sentiment de certitude absolue qui accompagne l'inspiration; dans les cas cités, ce sentiment n'était pas trompeur, et le plus souvent, il en est ainsi; mais il faut se garder de croire que ce soit une règle sans exception ; souvent ce sentiment nous trompe sans pour cela être moins vif, et on ne s'en aperçoit que quand on cherche à mettre la démonstration sur pied. J'ai observé surtout le fait pour les idées qui me sont venues le matin ou le soir dans mon lit, à l'état semi-hypnagogique. »
Sur les processus de décision et de choix
« Ici les échantillons seraient tellement nombreux qu'une vie entière ne suffirait pas pour les examiner. Ce n'est pas ainsi que les choses se passent. Les combinaisons stériles ne se présenteront même pas à l'esprit de l'inventeur. Dans le champ de sa conscience n'apparaîtront jamais que les combinaisons réellement utiles, et quelques-unes qu'il rejettera, mais qui participent un peu des caractères des combinaisons utiles. Tout se passe comme si l'inventeur était un examinateur du deuxième degré qui n'aurait plus à interroger que les candidats déclarés admissibles après une première épreuve. »
« Et alors une première hypothèse se présente à nous : le moi subliminal n'est nullement inférieur au moi conscient; il n'est pas purement automatique, il est capable de discernement, il a du tact, de la délicatesse; il sait choisir, il sait deviner. »
Henri Poincaré a écrit en 1908 un traité « Sciences et Méthodes » dans lequel il mène une réflexion sur la méthode scientifique et l'applique ensuite aux mathématiques, à la mécanique, à l'astronomie et à la géodésie.
Dans la partie initiale, il centre notamment sa réflexion sur le processus de l'invention et de la création. Il est frappant de voir comme il était précurseur et en phase avec la vision actuelle telle qu'issue par les derniers développements des Neurosciences (voir notamment « le Nouvel Inconscient » de Lionel Naccache, mon livre Neuromanagement et mon article : « CONSCIENCE ET INCONSCIENCE, LE « YIN ET YANG » DE NOS PROCESSUS VITAUX »)
Sur le processus de l’invention et de l’inspiration :
« Ce qui frappera tout d'abord, ce sont ces apparences d'illumination subite, signes manifestes d'un long travail inconscient antérieur; le rôle de ce travail inconscient dans l'invention mathématique me paraît incontestable, et on en trouverait des traces dans d'autres cas où il est moins évident. »
« Il y a une autre remarque à faire au sujet des conditions de ce travail inconscient : c'est qu'il n'est possible et en tout cas qu'il n'est fécond que s'il est d'une part précédé, et d'autre part suivi d'une période de travail conscient. Jamais (et les exemples que j'ai cités le prouvent déjà suffisamment) ces inspirations subites ne se produisent qu'après quelques jours d'efforts volontaires, qui ont paru absolument infructueux et où l'on a cru ne rien faire de bon, où il semble qu'on a fait totalement fausse route. Ces efforts n'ont donc pas été aussi stériles qu'on le pense, ils ont mis en branle la machine inconsciente, et, sans eux, elle n'aurait pas marché et n'aurait rien produit. »
« Il faut mettre en œuvre les résultats de cette inspiration, en déduire les conséquences immédiates, les ordonner, rédiger les démonstrations, mais surtout il faut les vérifier. J'ai parlé du sentiment de certitude absolue qui accompagne l'inspiration; dans les cas cités, ce sentiment n'était pas trompeur, et le plus souvent, il en est ainsi; mais il faut se garder de croire que ce soit une règle sans exception ; souvent ce sentiment nous trompe sans pour cela être moins vif, et on ne s'en aperçoit que quand on cherche à mettre la démonstration sur pied. J'ai observé surtout le fait pour les idées qui me sont venues le matin ou le soir dans mon lit, à l'état semi-hypnagogique. »
Sur les processus de décision et de choix
« Ici les échantillons seraient tellement nombreux qu'une vie entière ne suffirait pas pour les examiner. Ce n'est pas ainsi que les choses se passent. Les combinaisons stériles ne se présenteront même pas à l'esprit de l'inventeur. Dans le champ de sa conscience n'apparaîtront jamais que les combinaisons réellement utiles, et quelques-unes qu'il rejettera, mais qui participent un peu des caractères des combinaisons utiles. Tout se passe comme si l'inventeur était un examinateur du deuxième degré qui n'aurait plus à interroger que les candidats déclarés admissibles après une première épreuve. »
« Et alors une première hypothèse se présente à nous : le moi subliminal n'est nullement inférieur au moi conscient; il n'est pas purement automatique, il est capable de discernement, il a du tact, de la délicatesse; il sait choisir, il sait deviner. »
16 nov. 2009
LES MÉDIÉVAUX IGNORAIENT QU’ILS VIVAIENT AU MOYEN ÂGE. ILS SE CROYAIENT COMME NOUS « MODERNES »
Patchwork subjectif tiré de « Les Grecs, les Arabes et nous, enquête sur l'islamophobie savante » (*)
« La philosophie est un discours sur le monde et l'âme qui véhicule un certain nombre de thèses heurtant de front le dogme chrétien (les trois plus « célèbres » étant le polythéisme en théologie, l'éternité du monde en cosmologie et l'absence de survie personnelle en psychologie). (…) Les Arabes héritent de l'Antiquité tardive l'idée d'une certaine affinité entre philosophie et paganisme. Une grande partie de leurs efforts va consister à tirer l'Islam du côté du paganisme philosophique et le paganisme philosophique du côté de l'Islam. (…) C'est l'Islam qui ai vu se constituer « le Dieu des philosophes et des savants » en objet philosophique. »
Quand on y parle d’identité européenne
« Nous nous trouvions donc, il y a quelques décennies, confrontés à une situation assez simple. Les sciences européennes trouvaient seules place dans une histoire véritable, c'est-à-dire au fond dans l'histoire ; les sciences non européennes étaient étudiées de manière ethnographique ; les cultures non européennes représentaient, aux yeux de leurs spécialistes (européens) autant d'îlots clos sur eux-mêmes, qui auraient finalement aussi bien se trouver sur Mars ou Jupiter. »
« Nous ne considérons pas que le philosophe ou le scientifique contemporain soit spécialement « grec » ou « arabe » lorsqu'il pratique sa discipline sous prétexte que celle-ci a de très lointains antécédents dans ces langues
Nous ne considérons pas a fortiori que notre société fasse, par l'intermédiaire de ses savoirs, de la prose « grecque » ou « arabe » sans le savoir.
Nous considérons, en revanche, que les savoirs composés de latin et/puis dans les langues vernaculaires européennes sont incompréhensibles sans leur passé gréco-arabe.
Nous considérons donc l'idée d'une européanéité ou d'une christianité de la science et de la philosophie comme une imposture historiographique, démentie par les faits.
Nous considérons en outre que ces faits démentent par eux-mêmes l'idée d'une christianité essentielle de l'Europe.
Et donc, par ricochet, nous considérons que les arguments visant à exclure le monde islamique de la modernité, au motif d'une incapacité foncière à s'assimiler les valeurs traditionnelles qui sont les « nôtres », sont fallacieux et réfutés par provision. »
la Philosophie rime-t-elle avec paganisme ?« Nous nous trouvions donc, il y a quelques décennies, confrontés à une situation assez simple. Les sciences européennes trouvaient seules place dans une histoire véritable, c'est-à-dire au fond dans l'histoire ; les sciences non européennes étaient étudiées de manière ethnographique ; les cultures non européennes représentaient, aux yeux de leurs spécialistes (européens) autant d'îlots clos sur eux-mêmes, qui auraient finalement aussi bien se trouver sur Mars ou Jupiter. »
« Nous ne considérons pas que le philosophe ou le scientifique contemporain soit spécialement « grec » ou « arabe » lorsqu'il pratique sa discipline sous prétexte que celle-ci a de très lointains antécédents dans ces langues
Nous ne considérons pas a fortiori que notre société fasse, par l'intermédiaire de ses savoirs, de la prose « grecque » ou « arabe » sans le savoir.
Nous considérons, en revanche, que les savoirs composés de latin et/puis dans les langues vernaculaires européennes sont incompréhensibles sans leur passé gréco-arabe.
Nous considérons donc l'idée d'une européanéité ou d'une christianité de la science et de la philosophie comme une imposture historiographique, démentie par les faits.
Nous considérons en outre que ces faits démentent par eux-mêmes l'idée d'une christianité essentielle de l'Europe.
Et donc, par ricochet, nous considérons que les arguments visant à exclure le monde islamique de la modernité, au motif d'une incapacité foncière à s'assimiler les valeurs traditionnelles qui sont les « nôtres », sont fallacieux et réfutés par provision. »
« La philosophie est un discours sur le monde et l'âme qui véhicule un certain nombre de thèses heurtant de front le dogme chrétien (les trois plus « célèbres » étant le polythéisme en théologie, l'éternité du monde en cosmologie et l'absence de survie personnelle en psychologie). (…) Les Arabes héritent de l'Antiquité tardive l'idée d'une certaine affinité entre philosophie et paganisme. Une grande partie de leurs efforts va consister à tirer l'Islam du côté du paganisme philosophique et le paganisme philosophique du côté de l'Islam. (…) C'est l'Islam qui ai vu se constituer « le Dieu des philosophes et des savants » en objet philosophique. »
Dieu se préoccupe du bonheur des pauvres mortels
« Comme on supposait à la fois que Dieu voulait le meilleur, on était confronté à la contradiction. (…) Dieu dédommagera dans l'au-delà les souffrances de l'innocent, mais cette solution ne résiste pas à l'argument des trois frères (Le mort-né dans les limbes reprochant à Dieu de ne pas lui avoir permis de vivre pour mériter le paradis comme l'un de ses frères, et le criminel reprochant à Dieu de ne pas l'avoir fait mourir à la naissance pour lui permettre d'éviter les tourments de l'enfer). »
« Dieu met en œuvre sa puissance (quadra) et sa science pour réaliser le meilleur des mondes. (…) La destinée, pour un individu, c'est la détermination, donc la mensuration, donc la limitation, de son bien, permettant de concourir au bien maximal du Tout. »
Quand Dieu crée le monde, peut-il prendre son temps ?
« Dieu, qu'Il soit exalté, n'a pas besoin d'une période de temps pour sa création, en raison de ce qu'il a expliqué, puisqu'Il a créé « cela » à partir de « non-cela » (…) Car l'acte humain étant impossible sans matière, l'acte de celui qui n'a pas besoin de matière pour produire ce qu'il produit n'a pas besoin de temps. »
« Si l'acte de création divine se traduit, au niveau cosmique, par une production, donc une action continue, cette création ne saurait être instantanée comme le voulait al-Kindï et comme le soutiennent les théologiens. Mais si l'on admet la création divine se déroule sur une certaine période de temps finie, des difficultés ne manquent pas surgir. Pourquoi telle période et non pas sa moitié, ou son quart, etc. La toute-puissance de Dieu rend la fixation d'un seuil arbitraire, donc insatisfaisante. »
Tout est relatif
« Comme le disait Étienne Gilson, les médiévaux ignoraient qu'ils vivaient au Moyen Âge. Ils se croyaient comme nous « modernes ». »
« Est-ce seulement grec de croire qu'agir contre la raison va à l'encontre de l'essence divine, ou cela vaut-il en soi et toujours ? (discours de Ratisbonne) »
(*) Enquête réalisée sous la direction de Philippe Büttgen, Alain de Libera, Marwan Rashed, et Irène Rosier-Catach
« Comme on supposait à la fois que Dieu voulait le meilleur, on était confronté à la contradiction. (…) Dieu dédommagera dans l'au-delà les souffrances de l'innocent, mais cette solution ne résiste pas à l'argument des trois frères (Le mort-né dans les limbes reprochant à Dieu de ne pas lui avoir permis de vivre pour mériter le paradis comme l'un de ses frères, et le criminel reprochant à Dieu de ne pas l'avoir fait mourir à la naissance pour lui permettre d'éviter les tourments de l'enfer). »
« Dieu met en œuvre sa puissance (quadra) et sa science pour réaliser le meilleur des mondes. (…) La destinée, pour un individu, c'est la détermination, donc la mensuration, donc la limitation, de son bien, permettant de concourir au bien maximal du Tout. »
Quand Dieu crée le monde, peut-il prendre son temps ?
« Dieu, qu'Il soit exalté, n'a pas besoin d'une période de temps pour sa création, en raison de ce qu'il a expliqué, puisqu'Il a créé « cela » à partir de « non-cela » (…) Car l'acte humain étant impossible sans matière, l'acte de celui qui n'a pas besoin de matière pour produire ce qu'il produit n'a pas besoin de temps. »
« Si l'acte de création divine se traduit, au niveau cosmique, par une production, donc une action continue, cette création ne saurait être instantanée comme le voulait al-Kindï et comme le soutiennent les théologiens. Mais si l'on admet la création divine se déroule sur une certaine période de temps finie, des difficultés ne manquent pas surgir. Pourquoi telle période et non pas sa moitié, ou son quart, etc. La toute-puissance de Dieu rend la fixation d'un seuil arbitraire, donc insatisfaisante. »
Tout est relatif
« Comme le disait Étienne Gilson, les médiévaux ignoraient qu'ils vivaient au Moyen Âge. Ils se croyaient comme nous « modernes ». »
« Est-ce seulement grec de croire qu'agir contre la raison va à l'encontre de l'essence divine, ou cela vaut-il en soi et toujours ? (discours de Ratisbonne) »
13 nov. 2009
LA RECONNAISSANCE DE L’INCERTITUDE EST ESSENTIELLE POUR LA PROSPECTIVE
Patchwork subjectif tiré des écrits de Pierre F. Gonod (voir son site)
"Prévision et prospective traitent toutes les deux de l'incertitude, mais la première dégage des certitudes (déterministes ou aléatoires), la seconde des anticipations sur des advenirs (dans les conditions d'incertitude qualitative ou/et quantitative »
« Typologie :
- Type 1. Prévision à contenu déterministe, et quasi-mécaniste. C'est le domaine de la certitude. Il s'agit de processus dont les lois de transformations ou de mouvements sont connues et quantifiables. (…)
- Type 2. Prévision aléatoire, stochastique. Là aussi les lois de transformation sont connues ainsi que leurs équations conditionnelles. (…)
- Type 3. Certitude qualitative et incertitude quantitative. L'orientation des processus est connue mais ne peut être assortie d'un jeu de probabilités de leur réalisation. (…)
- Type 4. Incertitude qualitative et quantitative. Il est impossible de connaître les alternatives des futurs. »
« Ainsi quand on questionne des experts sur des éventualités futures et qu'on leur demande d'estimer leurs probabilités de réalisation, d'abord les experts ne diront pas qu'ils ne savent pas, ensuite ils auront tendance à affecter d'une faible probabilité les fortes incertitudes. Par ailleurs les économètres construiront des modèles sur la base des variables qu'ils savent quantifier, excluant les autres, qu'on rejettera dans le fourre-tout du facteur résiduel. Mais cela conduira quand même à des prévisions... La reconnaissance de l'incertitude est essentielle pour la pratique prospective. »
« Dans une époque de grandes turbulences, de renouvellement des structures, il y a des événements inopinés qui émergent. L'expression de Pierre Massé sur "les faits porteurs d'avenir" a fait fortune. Mais personne n'a jusqu'alors indiqué comment on pouvait les repérer. Parce que scientifiquement c'est impossible. »
« Les incertitudes du futur sont le produit de celles du présent, du passé, et des advenirs. »
« L'avenir est imprévisible. La chance en fait partie. Elle est souvent assimilée au chaos. Une distinction théorique doit cependant être notée. Un processus est indéterminé quand des conditions littéralement identiques peuvent aboutir à des résultats différents. On parle alors de chance. En contraste un processus est chaotique si les conditions initiales sont indistinguables. Ici de très petites différences initiales peuvent s'amplifier considérablement et provoquer des différences énormes des résultats. La distinction théorique est importante, mais il est difficile de la mettre en pratique, en raison de l'impossibilité de cerner les conditions initiales. On parlera alors indifféremment de chance ou de chaos. »
"Prévision et prospective traitent toutes les deux de l'incertitude, mais la première dégage des certitudes (déterministes ou aléatoires), la seconde des anticipations sur des advenirs (dans les conditions d'incertitude qualitative ou/et quantitative »
« Typologie :
- Type 1. Prévision à contenu déterministe, et quasi-mécaniste. C'est le domaine de la certitude. Il s'agit de processus dont les lois de transformations ou de mouvements sont connues et quantifiables. (…)
- Type 2. Prévision aléatoire, stochastique. Là aussi les lois de transformation sont connues ainsi que leurs équations conditionnelles. (…)
- Type 3. Certitude qualitative et incertitude quantitative. L'orientation des processus est connue mais ne peut être assortie d'un jeu de probabilités de leur réalisation. (…)
- Type 4. Incertitude qualitative et quantitative. Il est impossible de connaître les alternatives des futurs. »
« Ainsi quand on questionne des experts sur des éventualités futures et qu'on leur demande d'estimer leurs probabilités de réalisation, d'abord les experts ne diront pas qu'ils ne savent pas, ensuite ils auront tendance à affecter d'une faible probabilité les fortes incertitudes. Par ailleurs les économètres construiront des modèles sur la base des variables qu'ils savent quantifier, excluant les autres, qu'on rejettera dans le fourre-tout du facteur résiduel. Mais cela conduira quand même à des prévisions... La reconnaissance de l'incertitude est essentielle pour la pratique prospective. »
« Dans une époque de grandes turbulences, de renouvellement des structures, il y a des événements inopinés qui émergent. L'expression de Pierre Massé sur "les faits porteurs d'avenir" a fait fortune. Mais personne n'a jusqu'alors indiqué comment on pouvait les repérer. Parce que scientifiquement c'est impossible. »
« Les incertitudes du futur sont le produit de celles du présent, du passé, et des advenirs. »
« L'avenir est imprévisible. La chance en fait partie. Elle est souvent assimilée au chaos. Une distinction théorique doit cependant être notée. Un processus est indéterminé quand des conditions littéralement identiques peuvent aboutir à des résultats différents. On parle alors de chance. En contraste un processus est chaotique si les conditions initiales sont indistinguables. Ici de très petites différences initiales peuvent s'amplifier considérablement et provoquer des différences énormes des résultats. La distinction théorique est importante, mais il est difficile de la mettre en pratique, en raison de l'impossibilité de cerner les conditions initiales. On parlera alors indifféremment de chance ou de chaos. »
12 nov. 2009
NON, RONALD MC DONALD N’EST PAS UN JEDI !
Tout fout le camp !
Depuis longtemps la Guerre des Etoiles et sa galerie de personnages font partie de ma mythologie personnelle : je n'ai jamais manqué la première d'un nouvel épisode (j'ai encore la souvenir ému de la salle entière qui applaudit à l'apparition du générique du début, assurance d'une communion nouvelle de deux heures) ; avant la sortie du dernier épisode, soit le n°3 de la série des 6, (si jamais vous ne comprenez pas comment le n°3 peut être le dernier d'une série de 6, c'est que vous ne connaissez décidemment rien à la saga de la Guerre des Etoiles…), avec un ami, nous avions imaginé quel pouvait être le scénario permettant de raccorder l'épisode 2 et l'épisode 4 (le 4 étant évidemment le premier…) ; sur ma télévision, trône un Yoda, grandeur nature (prochainement je vous raconterai l'histoire de son arrivée en France et de ses démêlés avec la douane..)…
Bref, je suis un fan. Et comme tout fan, je ne peux donc pas admettre que l'on manque de respect à mes idoles. C'est la moindre des choses, non ?
Or lundi soir, j'ai eu un choc en faisant une halte au Mc Donald de Montélimar : Ronald Mc Donald se prend pour un Jedi ! Les photos jointes sont la preuve du délit.
Commençons par le plus grave : comment oser écrire sur une affiche : « Avec ton happy meal, un Jedi tu deviens ». D'abord, on ne devient pas un Jedi, on l'est ou on ne l'est pas. Certes on peut être formé, entrainé, amélioré, mais si on n'est pas un Jedi à la naissance, on ne le deviendra pas. Ensuite, c'est un chemin long, difficile, semé d'embuches. Comment avoir écrit qu'il suffit d'absorber un hamburger pour le devenir ? Comment le gardien du temple de la Guerre des Etoiles, Georges Lucas, a pu laisser faire cette hérésie. Tout fout le camp…
Ensuite, c'est quoi cette juxtaposition de Ronald Mc Donald avec sur le côté la casque de Dark Vador. Aurait-il la prétention de nous faire croire qu'il est le père de Luke ? Et ce sabre laser à ses pieds que vient-il faire ? Veut-on nous laisser à penser que, chez Mc Do, le pain est fendu à coup de sabre laser ? Non vraiment, tout fout le camp…
Quant à ce clown sinistre arborant un tee-shirt rayé et masqué comment peut-il avoir l'audace de se tenir entre Maître Yoda et R2D2 ? Si au moins il s'était fait petit, mais non, il est trois fois plus grand qu'eux. De qui se moque-t-on ?
Je faisais parti de ceux pour qui l'élection d'Obama avait une nouvelle d'espoir. Un an après, quand on va dans un Mc Do, on doit faire face à l'évidence : les USA perdent leurs valeurs les plus importantes…
Depuis longtemps la Guerre des Etoiles et sa galerie de personnages font partie de ma mythologie personnelle : je n'ai jamais manqué la première d'un nouvel épisode (j'ai encore la souvenir ému de la salle entière qui applaudit à l'apparition du générique du début, assurance d'une communion nouvelle de deux heures) ; avant la sortie du dernier épisode, soit le n°3 de la série des 6, (si jamais vous ne comprenez pas comment le n°3 peut être le dernier d'une série de 6, c'est que vous ne connaissez décidemment rien à la saga de la Guerre des Etoiles…), avec un ami, nous avions imaginé quel pouvait être le scénario permettant de raccorder l'épisode 2 et l'épisode 4 (le 4 étant évidemment le premier…) ; sur ma télévision, trône un Yoda, grandeur nature (prochainement je vous raconterai l'histoire de son arrivée en France et de ses démêlés avec la douane..)…
Bref, je suis un fan. Et comme tout fan, je ne peux donc pas admettre que l'on manque de respect à mes idoles. C'est la moindre des choses, non ?
Or lundi soir, j'ai eu un choc en faisant une halte au Mc Donald de Montélimar : Ronald Mc Donald se prend pour un Jedi ! Les photos jointes sont la preuve du délit.
Commençons par le plus grave : comment oser écrire sur une affiche : « Avec ton happy meal, un Jedi tu deviens ». D'abord, on ne devient pas un Jedi, on l'est ou on ne l'est pas. Certes on peut être formé, entrainé, amélioré, mais si on n'est pas un Jedi à la naissance, on ne le deviendra pas. Ensuite, c'est un chemin long, difficile, semé d'embuches. Comment avoir écrit qu'il suffit d'absorber un hamburger pour le devenir ? Comment le gardien du temple de la Guerre des Etoiles, Georges Lucas, a pu laisser faire cette hérésie. Tout fout le camp…
Ensuite, c'est quoi cette juxtaposition de Ronald Mc Donald avec sur le côté la casque de Dark Vador. Aurait-il la prétention de nous faire croire qu'il est le père de Luke ? Et ce sabre laser à ses pieds que vient-il faire ? Veut-on nous laisser à penser que, chez Mc Do, le pain est fendu à coup de sabre laser ? Non vraiment, tout fout le camp…
Quant à ce clown sinistre arborant un tee-shirt rayé et masqué comment peut-il avoir l'audace de se tenir entre Maître Yoda et R2D2 ? Si au moins il s'était fait petit, mais non, il est trois fois plus grand qu'eux. De qui se moque-t-on ?
Je faisais parti de ceux pour qui l'élection d'Obama avait une nouvelle d'espoir. Un an après, quand on va dans un Mc Do, on doit faire face à l'évidence : les USA perdent leurs valeurs les plus importantes…
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