26 févr. 2010
ARRÊTONS DE MATHÉMATISER NOTRE PENSÉE ET DE LIRE LE FUTUR DANS LE MARC DE CAFÉ DE NOTRE PASSÉ
25 févr. 2010
L’ENFERMEMENT PAR L’EXPERTISE
Comment éviter d'être déformé par son passé ?
Affirmer « Plus une entreprise est performante et expérimentée, moins elle comprendra ses clients » est apparemment une contrevérité. En effet, plus l'entreprise est performante, mieux elle connaîtra son marché, ses clients, sa concurrence.
Certes, mais plus elle aura accumulé d'expériences, plus elle va se poser des questions selon sa logique. In fine, elle risque d'avoir un tel niveau d'expertise qu'elle est décalée par rapport à tous les autres, ses clients y compris.
Prenez l'exemple d'une banque dotée d'un système sophistiqué permettant de mesurer et de comparer le temps d'attente dans toutes ses agences, non seulement entre elles, mais vis-à-vis de la concurrence bancaire.
Cet outil semble performant et pertinent, mais il présente un vice majeur : il compare la banque dans un référentiel qui n'est pas celui des clients. En effet, la plupart des clients n'ayant qu'un seul compte bancaire, n'ont pas la possibilité de comparer la performance de leur agence versus celle des concurrents.
Par contre, puisque, quand ils vont dans leur agence, ils sont le plus souvent en train de faire leurs courses, ils comparent l'agence aux autres commerces de la rue. Difficile quand on est un banquier chevronné de comprendre que l'on doit se comparer à une poissonnerie ou une crèmerie pour savoir si le client sera content ou mécontent !
Ainsi, plus l'entreprise est experte, moins elle parle le langage commun et plus elle peut se tromper. Plus l'incertitude se développe, plus ce risque est grand.
Ceci va souvent de pair avec le développement d'une forme d'arrogance issue de succès répétés et de la sensation d'être invulnérable. Au stade extrême, l'entreprise et ses collaborateurs vont devenirs « autistes » : forts de leur expérience, ils savent ce que veulent les clients, comment va évoluer le marché, quels sont les risques technologiques…
Pour comprendre ses clients, il faut d'abord faire le vide, oublier ce que l'on sait et ne mobiliser qu'a posteriori son expertise.
24 févr. 2010
L’ « ANOREXIC MANAGEMENT »
Comment faire face à l'incertitude sans réserves ?
Quand on évalue une performance, on met en regard les dépenses allouées et les résultats obtenus. Puis on cherche à comprimer les coûts en supprimant ceux qui sont les moins productifs.
Ceci présente deux risques majeurs :
- La mort comme résultat ultime de la règle magique des 80/20 : quoi que j'observe, je vais constater que 80% du résultat est obtenu avec 20% des efforts faits. Si l'on zoome, on constate que les derniers 5% ont un impact très faible. Alors arrive la question inévitable : pourquoi l'entreprise ne supprime-t-elle pas ces efforts qui ne sont pas rentables ? Si elle le fait et qu'un an plus tard, on mène la même étude, on identifiera à nouveau 5% d'efforts « inefficaces ». Que fait-on ? Coupe-t-on aussi ces efforts là ? Si oui, il n'y a aucune raison que cela s'arrête, et, on va par étapes vers le système le plus productif, le seul qui ne consomme aucune ressource inefficacement : la mort. C'est ce que l'on appelle aussi le « syndrome du wagon de queue » : quoique je fasse, il y en aura toujours un.
- La rigidité comme résultat de la cure d'amaigrissement : quand on mesure les résultats obtenus ou attendus, on n'est incapable par construction de prendre en compte ce qui n'est pas prévu. On va ainsi considérer comme non productif tout ce qui ne peut pas être relié à un bénéfice connu. L'application brutale et sans discernement de l'amélioration de la productivité va supprimer tout ce qui est flou et non-affecté, et rendre l'entreprise cassante : elle sera dépourvue des redondances et du flou indispensable à sa résilience.
Faut-il « jeter aux orties » toute approche de productivité et toute réflexion sur l'adéquation entre moyens et résultats ? Non, bien sûr, mais elle ne doit porter que sur la part « hors flou », et intégrer que ce qui est observé n'est que la partie émergée d'un iceberg.
J'ai parfois l'impression que, comme pour les mannequins qui meublent les magazines de mode, on fait l'éloge de la maigreur excessive : il n'y a qu'un pas du lean management à l' « anorexic management » !
(à suivre)
23 févr. 2010
LA MALADIE DE LA PRÉVISION EXCEL
Première des approches managériales dangereuses et obsolètes qui perdurent : la maladie de la prévision.
Sous la pression de leur environnement et/ou de leur direction, les entreprises continuent à construire des business-plan peuplés de prévisions à trois ou cinq ans.
Or ceci est faux et dangereux.
Faux parce que :
- On est incapable de modéliser réellement la situation actuelle et de tenir compte de toutes les interdépendances.
- Ceci repose sur une modélisation mathématique du comportement des individus, modélisation le plus souvent contestable.
- La projection suppose que ce qui a sous-tendu l'évolution passée, sera vrai dans le futur. Or au mieux, il y aura de faibles déformations ; au pire, tout sera changé.
- Si, par chance, les lois passées restent encore valables, comme les évolutions complexes sont régies par des lois de type chaotique, la moindre erreur initiale générera des erreurs non quantifiables.
Dangereux parce que :
- Elle fait croire le problème résolu et baisser la vigilance : comme on imagine avoir maîtrisé le risque en l'ayant encadré dans des scénarios, on ne prête plus assez attention à ce qui se passe et émerge.
- Souvent les prévisions se retrouvent dans les budgets des années à venir : alors qu'elles ne sont que des construits imaginés, on va évaluer la performance d'une unité ou d'un manager sur sa capacité à les respecter, et non pas sur celle de tirer le meilleur parti de ce qui advient réellement.
(à suivre)
22 févr. 2010
NOUS NE POUVONS PLUS PRÉVOIR
Tout le monde se sent débordé par l'incertitude : omniprésente autour de nous, elle en est venue à tout envahir. Quel que soit le journal que je saisisse, quelle que soit la radio que j'écoute, quelle que soit la télévision que je regarde, je suis certain d'y trouver des prévisions démenties, des reprises qui n'arrivent pas, des catastrophes et des succès inattendus.
La crise économique déclenchée en septembre 2008 a rendu encore plus évidente cette propagation de l'incertitude.
Dans le même temps, nous continuons à rêver d'un monde sécurisant où, à l'image des livres de cuisine, on connaitrait la liste des ingrédients à réunir et le mode opératoire à suivre pour obtenir à coup sûr un résultat connu à l'avance et conforme à la photographie affichée.
Le monde des entreprises, loin d'être épargné, est au cœur et souvent à l'origine de cette tourmente. Qu'en est-il de sa capacité à prévoir ce qui va advenir ? Pour répondre brutalement, il n'en reste plus grand-chose :
- Il n'y a quasiment plus de certitudes, c'est-à-dire de situations dont on peut définir à l'avance l'évolution : la présence des boucles de rétroaction et la densité des interactions empêchent de prévoir de façon certaine ce qui va se passer.
- Il est même impossible, sauf à court terme, de probabiliser l'évolution. Au mieux, nous pouvons définir le monde des possibles : avoir une idée de ce qui est susceptible de se produire, élaguer en définissant des zones impossibles, préciser des chemins, mais sans savoir lequel sera suivi.
- L'horizon du court terme varie selon les pays et les secteurs, mais dans tous les cas, il se rapproche constamment. Il est de l'ordre de l'année, parfois beaucoup moins, rarement beaucoup plus. Au-delà, règne le flou.
Et pourtant des approches managériales dangereuses et obsolètes perdurent…
(à suivre)
19 févr. 2010
APPRENONS À FAIRE FACE COLLECTIVEMENT AUX CYGNES NOIRS
Rappel du patchwork de la semaine :
- Lundi et mardi : Où l'on voit que bien peu avaient vu venir la crise qui a éclaté en septembre 2008. Pourtant de nombreux signaux d'alarme avaient tiré, mais, tant que la tour n'est pas tombée, on a du mal à croire que cela puisse arriver.
- Mercredi : Toyota a fait, bien involontairement, la démonstration que les cygnes noirs existent et que l'un d'eux vient de mettre à mal cette entreprise. Tellement tendue vers la performance, elle en était devenue potentiellement cassante.
- Jeudi : Et si la facilité était ce qu'il fallait rechercher ? Et si dans ce monde hautement imprévisible, c'était la seule façon de pouvoir faire face au marathon qui nous attend ?
Collectivement, nous n'arrivons pas intégrer l'existence fatale des cygnes noirs et à en tirer les conséquences :
- Alors que tout nous montre notre incapacité à prévoir ce qui va se passer et à lire les événements en cours, nous continuons à optimiser les entreprises et les systèmes sur la base de ce que nous avons prévu : quand comprendrons-nous que c'est en mettant du flou et en redonnant des marges de manœuvre que nous serons plus résistants aux aléas, et par là résilients ?
- Alors que toutes les transformations prennent des années et des années à se mettre en œuvre, nous continuons à faire comme si l'on allait résoudre un problème en deux ou trois ans, comme si le bout du tunnel était déjà en vue : quand aurons-nous le courage collectif de faire face à cette nécessaire durée ?
- Alors que les ruptures en cours font que le monde qui émerge – celui que j'appelle le Neuromonde – aura bien peu de points communs avec celui dans lequel nous avons grandi, nous raisonnons toujours à partir du passé en recherchant des solutions de continuité : quand essaierons-nous de penser à partir du futur et de ces mers qui se dessinent et nous attirent ?
18 févr. 2010
ON NE PEUT PAS GAGNER UN MARATHON EN PARTANT SUR LE RYTHME D’UN CENT MÈTRES
Il faut choisir la voie la plus facile
Le discours actuel dominant – fortement relié à la pensée judéo-chrétienne – met en avant la noblesse et l'importance de l'effort et de la souffrance : une victoire facile n'est pas une vraie victoire ; les vraies victoires doivent être obtenues au prix d'un combat long et difficile. Métaphoriquement, nous ne croyons pas que le paradis puisse être atteint si l'on n'a pas souffert préalablement sur terre.
Ceci colore aussi le management et la façon d'aborder la réflexion stratégique : on n'a pas peur de la difficulté, du combat ; on craint la facilité et le confort.
Or, comme nous vivons dans le monde de l'incertitude, comme le pire peut survenir à tout moment, comment y faire face si l'on est déjà parti à bloc dès le départ ? Si nous choisissons la voie la plus difficile, la plus risquée, celle qui donc nous paraîtra la plus noble, comment réussir alors que, très probablement, rien ne va se passer comme prévu ?
A l'opposé, les stratèges chinois ont développé une apologie de la facilité.
Ne nous trompons pas : cela ne veut pas dire qu'aucun effort, aucun travail ne seront nécessaires. Non, cela signifie que toute action pour être efficace doit prendre appui sur le potentiel de situation et la configuration du terrain, qu'elle doit être amplifiée et relayée par les forces naturelles. A l'inverse, il est inutile et illusoire de penser que l'on peut lutter contre le cours des choses.
Comme un fleuve, la mise en œuvre doit « couler de source », c'est-à-dire prendre appui sur la géographie de l'entreprise : les tendances de fonds de la situation actuelle ; les savoir-faire de l'entreprise, sa position, son histoire, ses hommes ; ceux de la concurrence actuelle et potentielle…
C'est ce qui va permettre de résister au mieux aux aléas du trajet et aux « cygnes noirs » qui peuvent survenir.
On ne peut pas gagner un marathon en partant sur le rythme d'un cent mètres.
17 févr. 2010
TOYOTA OU QUAND LA MAIGREUR REND L’ENTREPRISE CASSANTE
Toute entreprise sait que, quelles que soient les mesures prises, la qualité garantie à 100% n'existe pas : réussir une prestation ou délivrer le bon produit sont des opérations tellement complexes que, inévitablement, à un moment ou à un autre, une erreur va se glisser. Meilleure sera la gestion de la qualité et moins ceci se produira souvent, et surtout n'arrivera que très rarement jusqu'au client final. Dernier objectif d'une politique qualité : faire tout cela à moindre coût, avec l'adage du geste juste, plutôt que du contrôle a posteriori.
Dans le même temps, toutes les entreprises font la course pour la productivité : comment jour après jour, mois après mois, année après année, produira mieux et moins cher. Produire moins cher pour rester compétitif, pour répondre à l'attente des consommateurs, pour améliorer sa rentabilité. Les approches se sont sophistiquées au fil des années, le lean management – ou production au plus juste – en étant la version la plus évoluée.
Ces deux objectifs – amélioration de la qualité et meilleure productivité – apparaissent antagonistes, mais ils sont indissociables et doivent être menés de front. D'où dans toutes les industries, la diminution du nombre de sous-traitants et la normalisation des pièces détachées : moins il y a de composants différents, plus il est facile de certifier leur qualité et plus on peut négocier les prix à la baisse.
Un des cas les plus frappants est l'industrie automobile : derrière la multiplicité des modèles, tous les constructeurs cherchent à avoir une « bibliothèque de pièces » la plus restreinte possible. Le champion de tout ceci est incontestablement Toyota : roi de la qualité, de l'amélioration continue et du lean management.
Certes… mais toutes ces démarches associant lean management, suppression progressive de tout ce qui est jugé inutile, et diminution du nombre de pièces et de fournisseurs rendent aussi l'entreprise plus « cassante » : tout retard d'une pièce peut arrêter une usine, toute erreur dans les prévisions peut déclencher des problèmes en cascade… et tout problème de qualité sur une seule pièce peut contaminer toute une production. Toyota vient d'en faire la démonstration : un problème sur une pédale d'accélérateur a mis en cause tous les modèles ou presque.
Comme l'indique Philippe Escande dans son denier article dans les Échos (« Pourquoi Toyota perd les pédales », Les Échos du 10/2/2010), toute entreprise – Toyota y compris – est soumise à la loi des cygnes noirs, ces évènements hautement improbables(1).
Or, plus l'entreprise est efficace au sens classique du terme, plus elle est passée au crible du lean management, et plus elle est devenue « cassante » : tendue vers son objectif, ayant éliminé tout ce qui n'y contribue pas, elle est d'autant plus vulnérable quand survient l'imprévu. Sans parler de celles qui, à force d'avoir suivi des cures d'amaigrissement sont devenues anorexiques.
(1) Concept développé par Nassim Nicholas Taleb dans le Cygne Noir
16 févr. 2010
« IL N'Y AURA PAS DE KRACH EN 2008 »
(suite de mon article d'hier)
13 août 2007 : « Les banques risquent un mauvais troisième trimestre » (Les Échos)
« La crise des crédits immobiliers à risque est une vraie crise. Mais ce n'est pas une crise du crédit. (…) Par un effet de contagion lié au saupoudrage des crédits « subprime » dans les produits structurés (titrisation ou dérivés), les investisseurs ont arrêté, depuis deux semaines environ, d'acheter ces produits, adossés ou non à du « subprime ». (…) Nous sommes persuadés que la valeur fondamentale des actifs est supérieure à leur valeur de marché actuelle. » (Christian de Boissieu, Président du conseil d'analyse économique, et Patrick Artus, Directeur de la recherche et des études de NATIXIS)
17 août 2007 : Crise des "subprimes" : le point de vue de deux économistes
Augustin Landier : « Dans les semaines à venir, on va enfin savoir quelles sont les banques et les institutions financières qui sont touchées et à quel point elles le sont. (…) C'est un moment "darwinien" : les banques qui ont eu des politiques de gestion du risque trop laxistes vont le payer très cher, des institutions prestigieuses vont perdre leur crédibilité (comme par exemple la société de courtage Bear Stearns), et seront peut-être absorbées par d'autres. C'est de la "création destructrice". »
29 août 2007 : Dans le sillage de Wall Street, les Bourses mondiales plongent à nouveau
« L'ampleur exacte de la crise des crédits immobiliers à risques, dits "subprime", reste encore à évaluer et toute nouvelle négative a un impact fort sur les places boursières. »
10 septembre 2007 : Crise financière : la BRI souligne le risque de contagion à l'économie réelle aux États-Unis
« Il y a un risque de contagion à l'économie réelle aux États-Unis de la crise du "subprime", a estimé, lundi 10 septembre en début d'après-midi, Jean-Claude Trichet, le porte-parole du groupe du G10 et gouverneur de la Banque centrale européenne (BCE), à l'issue de la réunion bimestrielle de la Banque des règlements internationaux (BRI). »
11 septembre 2007 : La crise financière ne devrait pas avoir de conséquences importantes en Europe
Jean-Paul Fitoussi : « Je ne crois pas que l'Europe soit touchée en tant que telle. (…) Donc en dehors de quelques évolutions trimestrielles heurtées, la crise ne devrait pas avoir de conséquences importantes en Europe. (…) Il n'y a pas de raison que la crise ait un impact sur le consommateur médian. »
2 novembre 2007 : Les bons chiffres de l'emploi aux États-Unis apaisent les craintes de récession
« La récession tant annoncée aux États-Unis ne semble pas pour tout de suite, même si la crise immobilière reste une inconnue déterminante pour l'avenir de la première économie mondiale. »
6 novembre 2007 : Christian de Boissieu :"Malgré la crise financière, la croissance mondiale peut tenir le coup"
« Mais il me semble que la croissance mondiale peut tenir le coup. (…) Je pense que la croissance mondiale peut résister entre 4 % et 5 % pour l'an prochain, grâce à la croissance des pays émergents et au rôle des banques centrales. L'autre scénario, qui n'est pas le mien, est celui d'une récession américaine. (…) L'effet de cette crise me paraît modéré en Europe. (…) La crise aura une conséquence sur l'Europe à travers son impact sur le change. »
7 décembre 2007 : « Le ralentissement n'est pas tragique », selon l'OCDE
« La croissance des pays de l'Organisation ne devrait pas être trop touchée par la hausse des matières premières et la crise des « subprimes ». Le ralentissement de l'économie mondiale sera à son maximum au premier trimestre 2008. Selon les perspectives semestrielles publiées jeudi 6 décembre par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la croissance du produit intérieur brut (PIB) de ses pays membres passera de 2 % au dernier trimestre 2007 à 1,9 % au premier trimestre 2008, avant d'amorcer une remontée pour atteindre 2,5 % au premier trimestre 2009. »
2 janvier 2008 : David Naud, économiste à la Deutsche Bank « Il n'y aura pas de krach en 2008 »
« Avec les interventions des banques centrales, mi-2008, la crise et les désordres du marché monétaires devraient finalement s'estomper. (…) Aux États-Unis, l'embellie arrivera certainement mi-2008. En Europe la reprise prendra sans doute quelques mois de plus. En tout cas, il n'aura pas de krach cette année ! »
9 avril 2008 : L'économie américaine va connaître une "légère récession" en 2008, selon le FMI
« "L'économie américaine connaîtra une légère récession en 2008, en raison des effets de synergie entre les cycles de l'immobilier et des marchés financiers, avant de ne se redresser que progressivement en 2009", affirme le Fonds dans ses perspectives économiques mondiales. Le produit intérieur brut (PIB) américain devrait ainsi croître de seulement 0,5 % en 2008 et de 0,6 % en 2009, ce qui représente une révision à la baisse de 1 point et 1,2 point respectivement par rapport aux prévisions de janvier. »
25 juin 2008 : Crise bancaire : pour Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, "il n'y a pas de deuxième vague"
« Il n'y a pas de deuxième vague : les pertes supplémentaires qu'annoncent les banques sont la conséquence mécanique de l'évolution des marchés. On est dans un cycle normal de provisionnement des risques, sans danger cette fois de contagion à d'autres secteurs du crédit bancaire. (…) L'exercice de transparence sera achevé d'ici au 30 juin, en France et dans tous les pays du G7. »
7 septembre 2008 : Freddie Mac et Fannie Mae mis sous tutelle gouvernementale
Le président de la Réserve fédérale américaine, Ben Bernanke, a affiché un soutien sans détour au plan de reprise. "Ces étapes nécessaires vont aider à renforcer le marché américain de l'immobilier et à promouvoir de la stabilité sur nos marchés financiers".
16 septembre 2008 : La faillite de Lehman Brothers ébranle le système financier mondial
« Il s'agit d'un événement qui se produit une fois tous les cinquante ans, probablement une fois par siècle. Il n'y a aucun doute, je n'ai jamais rien vu de pareil (...) », a commenté Alan Greenspan, l'ancien président de la Réserve fédérale américaine (Fed), face à l'aggravation de la crise financière née aux États-Unis à l'été 2007.
15 févr. 2010
« TOUT EST DONC EN PLACE POUR QU'IL AIT UNE CROISSANCE PLUS SOUTENUE »
Il est bon de parcourir les archives des journaux. C'est ce que je viens de faire en regardant ce qui a été écrit dans le Monde depuis début 2004 sur la croissance mondiale et la crise des subprimes. Je vous livre ce feuilleton brut en 2 épisodes : aujourd’hui de début 2004 à l’été 2007, demain de l’été 2007 à septembre 2008. Chacun pourra en faire son commentaire personnel…
5 octobre 2004 : La spéculation a gagné l'ensemble des États-Unis
« Pour autant, les risques de voir soudain la bulle éclater sont très faibles. Le logement, contrairement aux actions, est un bien indispensable. »
11 janvier 2005 : Les trois points noirs de l'économie mondiale
« Avec un taux de près de 3 % attendu pour la zone de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de près de 4 %pour l'ensemble de la planète, les perspectives de croissance pour l'année 2005 n'ont, a priori, pas de quoi inquiéter. (…) Une envolée des taux risquerait notamment de provoquer un effondrement du marché de l'immobilier, dont beaucoup d'experts affirment qu'il est, dans de nombreux pays occidentaux, en proie à un phénomène de bulle spéculative.
5 mai 2005 : Consacrée à la consommation et à l'immobilier, la dette des ménages américains atteint 1,2 fois leur revenu annuel
« M. d'Arvisenet se montre plutôt rassurant : « L'essentiel de l'endettement est de nature hypothécaire et principalement consenti sur la base de taux fixes, ce qui protège les ménages dès à présent endettés. Le comportement récent des défauts n'est dès lors pas pour étonner.»
30 août 2005 : Les banques centrales jugent que la flambée du crédit et des prix de l'immobilier n'est pas soutenable
« La flambée actuelle des prix de l'immobilier n'est-elle pas plus inquiétante et dangereuse, sur le plan économique, que l'envolée des cours pétroliers ? C'est ce que pense le président de la Réserve fédérale américaine (Fed), Alan Greenspan. (…)Cette baisse de la valeur patrimoniale des ménages pourrait « faire fléchir la consommation », a averti M. Greenspan, qui a constaté que les estimations sur l'ampleur de ce phénomène sont très variables. Les excès du marché de l'immobilier seront-ils corrigés en douceur ou au contraire de façon brutale, avec le risque, dans ce cas, d'ajustements douloureux sur les revenus, la production et l'emploi ? »
31 janvier 2006 : Une économie américaine puissante mais fragilisée
« L'autre menace est la bulle immobilière. L'économie américaine a surmonté les chocs successifs depuis 2000 car les Américains ont continué de dépenser. (…) Alan Greenspan lui-même estime que les consommateurs sont devenus trop dépendants des crédits qu'ils obtiennent en mettant leurs logements en garantie. Entre un quart et un tiers des prêts accordés engageant les logements financent les dépenses personnelles. »
13 avril 2006 : Le FMI redoute l'impact économique de la hausse des taux
« Une hausse des taux pèserait aussi sur le service de la dette des personnes ayant emprunté pour acquérir leur maison. (…) Une faible culture financière, alliée à une forte prise de risques, est politiquement un cocktail explosif. »
14 mai 2007 : La croissance est de retour
« Il y a ceux qui ont la "baraka" et les autres. Jacques Chirac avait inauguré son quinquennat, en 2002, avec un retournement conjoncturel à l'origine d'une forte poussée du chômage et d'une très nette détérioration des finances publiques. Nicolas Sarkozy bénéficie d'une conjoncture autrement plus favorable. (…) "Les contraintes pesant sur l'économie française vont se lever, analyse Eric Heyer, l'un des directeurs adjoints de l'Observatoire des conjonctures économiques (OFCE). (…) Tout est donc en place pour qu'il y ait une croissance plus soutenue". (…) Même un ralentissement plus marqué de la croissance américaine, que pourrait provoquer un éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis, ne devrait pas changer la donne en France, estime l'OFCE, compte tenu du découplage des cycles économiques européen et américain. »
19 juillet 2007 : A New York, l'indice Dow Jones a brièvement franchi les 14 000 points
« Pour certains analystes, les boursiers ne se sont pas focalisés sur la crise des crédits immobiliers, car elle ne présente a priori pas de risque systémique. « Une grande partie des prêts ont été reconditionnés par les banques sous forme d'instruments financiers qui, eux-mêmes, ont été mis dans d'autres actifs financiers. Le risque a, de ce fait, été atomisé et disséminé et nous ne pensons pas qu'il puisse présenter un caractère systémique.», explique Benoît Hubaud, responsable de la recherche sur les marchés de taux et de change à la Société générale. »
12 févr. 2010
VOYAGER VITE ET BEAUCOUP, C’EST SE DISPERSER
Rappel du patchwork de la semaine :
- Lundi : Quand on découvre que Mc Donald est peut-être en train d'abandonner ses racines américaines au profit d'une version plus mystique et empreinte d'histoire.
- Mardi : Il y a 20 ans, Michel Serres mettait en exergue notre attitude de parasite et le danger du mot « environnement » qui nous laisse à croire que nous sommes au centre du monde
- Mercredi : Où l'on voit que, à l'occasion de son dernier film, le « What else » de Georges Clooney est devenu « What's next »
- Jeudi : Une question au sujet de l'écomobilité : est-ce implicitement la promotion de l'homme-escargot, celui qui n'a plus d'histoire, voyage avec sa maison dans son dos et regarde le monde au travers d'une glace ?
Ces articles (je mets à part celui de lundi qui n'était qu'un regard amusé sans autre intérêt que cet amusement) ont pour fil conducteur notre attitude par rapport au monde.
Sommes-nous toujours en train de voyager dans ce monde en le considérant comme « notre » monde, celui qui nous appartient, qui nous environne et que nous pouvons salir à notre gré ? Voulons-nous poursuivre notre course sans fin, en limitant au maximum nos bagages pour voyager plus vite et plus efficace, en consommant le moins possible des ressources rares ?
Ou allons-nous arriver à comprendre que nous appartenons à ce monde ? Serons-nous capable de repenser aussi nos relations interpersonnelles et de remettre en cause notre agitation croissante ? Pouvons-nous arriver à comprendre que voyager vite et beaucoup, c'est se disperser ?
11 févr. 2010
QUAND LA SNCF FAIT LA PROMOTION DES ESCARGOTS !
La SNCF a lancé récemment le concept de l'écomobilité. Volonté de surfer sur la vague écologique et d'en profiter pour mettre en avant la performance énergétique du train.
Je ne doute pas du bien-fondé de cette affirmation et de la nécessité de développer des transports collectifs (sans oublier le vélo !).
Je suis simplement amusé par cette expression « écomobilité ». Je n'ai lu aucune étude, mais je serais curieux de savoir ce que quelqu'un pris au hasard comprend à partir de cette expression et de l'affiche ci-jointe.
Je suis allé chercher sur internet une définition du mot. Voilà ce que j'ai trouvé :
"Qu'est ce que l'écomobilité ? C'est bouger écologique et équitable. C'est la suite du Grenelle et le commencement d'autre chose, c'est la nouvelle bataille de SNCF. (…) Un petit mot pour dire une grande cause : faire préférer le train à tout le monde. C'est la nouvelle bataille de SNCF. Et le triomphe de l'écomobilité profitera à tout le monde" (http://www.carte-regliss.fr/fr/votre-planete/sncf-et-leco-mobilite/ )
Beau concept donc…
Simplement, je ne peux pas m'empêcher de trouver un autre sens à ce mot : comme « éco » vient du mot maison en grec, je vois là la promotion de l'escargot, celui qui est voyage avec sa maison.
Clin d'œil involontaire vers le personnage de Georges Clooney dans « In the air » (voir mon article d'hier) qui, lui aussi, voyage avec sa maison réduite à un sac à dos.
Sur l'affiche de la SNCF, on voit en petit la mention « generation-ecomobile ». C'est peut-être bien de cela dont il s'agit : sommes-nous en train de devenir des voyageurs sans bagages, des itinérants sans histoire ? Avons-nous vraiment envie de redevenir des enfants regardant le monde réel défiler devant une glace ?
10 févr. 2010
QUAND GEORGES CLOONEY EST PRIS DE FOLIE VIBRIONNAIRE
9 févr. 2010
« OUBLIEZ DONC LE MOT ENVIRONNEMENT »
Dès 1990, Michel Serres écrivait "le Contrat naturel" dans lequel il attirait l'attention sur la nécessité de changer notre relation à la nature : le monde n'est pas notre environnement, mais nous en faisons partie ! Certains se sont ralliés récemment à l'écologie, il m'a semblé utile de réécouter ce que Michel Serres avait écrit, il y a vingt ans. Occasion d'un nouveau patchwork.
Nous salissons le monde pour montrer qu'il nous appartient
« Ne vivant plus qu'à l'intérieur, … indifférents au climat, sauf pendant leurs vacances, où ils retrouvent, de façon arcadienne et pataude, le monde, ils polluent, naïfs, ce qu'ils ne connaissent pas, qui rarement les blesse et jamais ne les concerne. Espèces sales, singes et automobilistes, vite, laissent tomber leurs ordures, parce qu'ils n'habitent pas l'espace par où ils passent et se laissent donc aller à le souiller. (…) De quoi nous occupons-nous ? De données numériques, d'équations, de dossiers. »
« Or j'ai souvent noté qu'à l'imitation de certains animaux qui composent leur niche pour qu'elle demeure à eux, beaucoup d'hommes marquent et salissent, en les conchiant, les objets qui leur appartiennent pour qu'ils le deviennent. Cette origine stercoraire ou excrémentielle du droit de propriété me paraît une source culturelle de ce qu'on appelle, pollution, qui, loin de résulter, comme un accident, d'actes involontaires, révèle des intentions profondes et une motivation première. »
« Ainsi la souillure du monde y imprime la marque de l'humanité, ou de ses dominateurs, le sceau ordurier de leur prise ou de leur appropriation. »
Nous sommes des parasites du monde que nous habitons
« La Déclaration des droits de l'homme a eu le mérite de dire : « tout homme » et la faiblesse de penser : « seuls les hommes » ou les hommes seuls. Nous n'avons encore dressé aucune balance où le monde entre en compte, au bilan final. »
« L'essentiel se passe dedans et en paroles, jamais plus dehors avec les choses… Au moment même où physiquement nous agissons pour la première fois sur la Terre globale, et qu'elle réagit sans doute à l'humanité globale, tragiquement, nous la négligeons.
« Oubliez donc le mot environnement, usité en ces matières. Il suppose que nous autres hommes siégeons au centre d'un système de choses qui gravitent autour de nous, nombrils de l'univers, maîtres et possesseurs de la nature. »
Nous ne pouvons plus être en guerre contre notre monde
« Or, à force de la maîtriser, nous sommes devenus tant et si peu maîtres de la Terre, qu'elle menace de nous maîtriser de nouveau à son tour. »
« Nous ne nous battons plus entre nous, nations dites développées, nous nous retournons, tous ensemble, contre le monde. Guerre à la lettre mondiale, puisque tout le monde, au sens des hommes, impose des pertes au monde, au sens des choses. »
« Aimer nos deux pères, naturel et humain, le sol et le prochain : aimer l'humanité, notre mère humaine, et notre naturelle mère, la Terre. »
Nous devons reconnaître par contrat la globalité du monde
« J'entends désormais par contrat naturel d'abord la reconnaissance, exactement métaphysique, par chaque collectivité, qu'elle vit et travaille dans le même monde global que toutes les autres. »
« Virtuel et non signé au même titre que deux premiers, puisqu'il semble bien que les grands contrats fondamentaux demeurent tacites, le contrat naturel reconnaît un équilibre entre notre puissance et les forces du monde. De même que le contrat social reconnaissait quelque égalité entre les signataires humains de son accord… de même que le contrat savant s'oblige à rendre en raison ce qu'il reçoit en information, de même le contrat naturel reconnaît d'bord l'égalité nouvelle entre la force de nos interventions globales et la globalité du monde. »
8 févr. 2010
MC DO S’APPRÊTE À TOUT CHANGER !
Jeudi dernier, je marchais rue Saint Lazare à proximité de la Gare du même nom quand mon regard fut arrêté par une image insolite : Une devanture nouvelle et révolutionnaire d'un Mc Donald's (voir la photo ci-jointe).
Manifestement Mc Do teste un nouveau concept révolutionnaire : il compte abandonner son rattachement au mythe nord-américain pour plonger ses racines dans les tréfonds de l'histoire européenne.
Qu'apprend-on en observant attentivement cette façade (comme toujours lors d'un test, une entreprise en dit plus qu'elle ne le voudrait sur ses intentions) :
- Ronald Mc Donald, personnage central de l'iconographie actuelle remplacé par un roi : Ce changement exprime, à lui seul, la portée de la transformation : dynamisme et exubérance de Ronald versus majesté et calme du roi, couleurs vives et maquillage outrancier versus tons pastels et réalisme affiché. Mc Do veut clairement s'inscrire dans notre nouvelle culture mondiale : réalisme, conformismes, sérieux. Tout un programme.
- L'omniprésence du bois : Là je m'interroge. Il ne peut s'agir d'un mépris affiché vis-à-vis de l'environnement et de la déforestation. Mc Do ne pourrait pas prendre un tel risque. J'y vois au contraire une prise de position en faveur de la maison ossature bois et des économies d'énergie. Ce bois vient surement d'une plantation écologique, et certainement pas d'une forêt africaine ou sud-américaine. Les cimentiers devraient faire attention à ce que Mc Do ne devienne pas le cheval de Troie venant menacer notre mode de construction.
- La présence de 4 drapeaux juxtaposés au logo M : C'est évidemment un clin d'œil à l'intention des européens et de la multiplicité de nos nations. C'est un peu un remake du « United colors of Benetton ». Je suppose que les 4 drapeaux seront choisis en fonction du continent. Malin.
- La verticalité du concept : La plupart des Mc Do actuels sont des structures horizontales, alors que celle-ceci est d'abord verticale. Cet élancement vers le ciel est-il une affirmation de l'importance de Dieu et de la religion ? Mc Do veut-il faire de ses restaurants les cathédrales du 21ème siècle ? Des minarets de la consommation au sommet desquels des haut-parleurs viendraient hurler les promotions du jour ? La réponse dans les semaines et mois à venir…
C'est donc une révolution qui s'annonce. Et pourtant personne n'en parle. Y aurait-il une conspiration du silence ? Mais alors y a-t-il un chef d'orchestre, et si oui, pourquoi ?
5 févr. 2010
COLLECTIVEMENT, NOUS NE VISONS AUCUNE MER
Rappel du patchwork de la semaine :
- Lundi : Où grâce au Docteur House, on comprend mieux pourquoi pour réussir un diagnostic complexe, on a besoin de confrontations, d'observations larges, d'approximations successives, de perte de temps et d'intuition.
- Mardi : L'Oréal a choisi au début des années 70 la beauté comme stratégie, a alors aligné ses actes en vendant Monsavon et a depuis multiplié produits et voies d'accès vers cette même mer.
- Mercredi : Comme L'Oréal, Google vise une mer et c'est sa seule stratégie. Elle revendique de n'avoir aucun plan d'action…
- Jeudi : Choisir sa mer, c'est un peu comme un mariage pour lequel le divorce serait interdit. Plus l'entreprise avance, plus elle sera forte et soudée, ce à une condition : ne pas changer de mer.
Qu'en est-il de l'action politique ? J'ai un peu l'impression de voir le négatif de ce que revendique Google : je ne vois que des plans d'action à un, deux ou cinq ans, mais je ne vois ni vision, ni stratégie. Tous les raisonnements, tous les projets sont emportés par les vagues de l'incertitude : comme ils ne visent aucune mer, ils sont le jouet des aléas et ne construisent que bien peu.
Choisir une mer qui viendrait fixer l'objectif de l'action collective, supposerait de réussir un diagnostic complexe : comprendre quels sont les mondes vers lesquels nous pouvons aller et quel est celui que l'on vise. Au lieu de cela, nous regardons couler l'eau et nous nous posons la question d'où elle vient : comment savoir où va la Seine en la regardant couler ? Et nous oscillons d'un méandre à l'autre…
4 févr. 2010
ON CHOISIT SA MER POUR LA VIE
Paradoxalement, dans le monde de l'incertitude, on choisit sa mer pour la vie… toute la vie. La mer n'est pas un objectif que l'on se fixe pour les cinq ou dix à venir, c'est un horizon, situé à l'infini, qui va guider et apporter du sens aux actions de l'entreprise aujourd'hui et demain : L'Oréal vise la beauté depuis le début 70, Air Liquide s'intéresse au gaz depuis plus de cent ans, et Google n'envisage pas de se centrer sur un autre thème que l'information.
Pourquoi une telle stabilité ?
D'abord parce qu'elle est possible. Une mer est un attracteur stable dans le chaos du monde, un besoin fondamental et stable qui, quels que soient les aléas, va structurer le fonctionnement de notre société à long terme, orienter les évolutions, et attirer vers lui les courants. C'est un des éléments constitutifs de notre écosystème social. Des exemples ? La beauté, la communication, les loisirs, le déplacement, l'alimentation, la sexualité, l'énergie, un composant de la matière… Plus le rattachement sera direct, plus l'attraction sera forte et stable, plus la mer profonde et vaste. Donc les mers sont et seront toujours là. Si elles venaient à disparaître, ce ne seraient plus des mers.
Ensuite parce que, comme un fleuve se renforce au fur et à mesure qu'il progresse, une entreprise ne peut pas changer de mer sans « repartir de zéro ». Au début, une entreprise n'a qu'une intuition de la mer qui lui convient et de comment elle peut contribuer à apporter des solutions nouvelles facilitant l'accès à cette mer. C'est petit à petit qu'elle va développer une compréhension fine, créer des offres de mieux en mieux adaptées, créer des réseaux multiples, développer des savoir-faire internes…
Enfin parce que c'est cette mer qui donne le sens à l'action collective et soude les équipes internes. Changer de mer, ce n'est pas seulement changer de stratégie, c'est changer d'identité. Changer de mer, c'est risquer de ne pas être compris et suivi, de voir éventuellement même éclater l'entreprise. En fait, changer de mer, c'est changer l'entreprise : quand BSN est passée du verre à l'alimentation et la santé, elle est devenue Danone, qui n'est pas la transformation de BSN, mais une nouvelle entreprise.
Aussi ne choisit-on pas sa mer sur un coup de tête : cela doit être le résultat d'un processus long et approfondi. Souvent ce choix a été fait dès la naissance de l'entreprise et s'est trouvé progressivement confirmée par le renforcement de l'entreprise. Dans ce cas, on a choisi sa mer comme l'eau d'un fleuve : la source a imposé la mer.
3 févr. 2010
GOOGLE N’A PAS DE PLANS À 5, 2 OU 1 ANS
Dans une interview paru en juin 2009 dans Wired Magazine, Eric Schmidt, PDG de Google, disait : « Google est peut-être au cœur de ce futur, mais il n'y a pas de grand plan. (…) Nous n'avons pas de plan à cinq ans, nous n'avons pas de plan à deux ans, nous n'avons pas de plan à un an. Nous avons une mission et une stratégie, et la mission est…, vous savez, d'organiser l'information du monde. Et la stratégie est de le faire à travers l'innovation. Cela ne nous ennuie pas si quelque chose ne marche pas. Parce que nous comprenons que quelque chose d'autre marchera. »
Ainsi comme L'Oréal, sa stratégie se résume au choix d'une mer, la beauté pour L'Oréal (voir mon article d'hier), l'information du monde pour Google. Dans les deux cas, le même choix : privilégier l'innovation pour l'atteindre.
De même Nestlé avec la nutrition et la santé (mer aussi visée par Danone), Saint Gobain avec l'habitat, Total avec l'énergie ou Air Liquide avec le gaz …
2 févr. 2010
L’ORÉAL ET LA MER DE LA BEAUTÉ
Si vous demandez à L'Oréal de définir sa stratégie, il va répondre la beauté de la femme, et plus récemment celle de l'homme. La beauté est bien une mer, car elle est un besoin fondamental et stable qui, quels que soient les aléas, va structurer le fonctionnement de notre société à long terme, orienter les évolutions, et attirer vers lui les courants. En quoi L'Oréal contribue-t-il à nous rapprocher de cette mer ? En proposant des innovations dans le domaine de la peau, du cheveu et du parfum, et mobilisant ainsi trois de nos cinq sens : la vue, le toucher et l'odorat.
Ce choix date du début des années 70. Il n'était alors ni simple, ni évident. L'Oréal aurait tout aussi bien pu, vu sa position dans les shampooings et les savons, choisir l'hygiène et la propreté. Une fois le choix fait, cela s'est traduit par un acte majeur : il a vendu Monsavon à Procter & Gamble. Or, Monsavon avait été racheté par L'Oréal en 1928, et avait servi de support à toute l'extension du groupe dans le secteur grand public. La raison sociale du groupe a même été L'Oréal-Monsavon. La cession de Monsavon constituait une rupture avec le passé et la concrétisation de la stratégie. En 1964, L'Oréal a racheté Lancôme qui était une PME (créée en 1935 par Armand Petitjean, un parfumeur parisien) et a assuré son expansion.
Depuis, pour viser la beauté, L'Oréal a multiplié les produits, les marques, les circuits de distribution. Cette redondance peut sembler une sous-optimisation, un manque de productivité, elle est surtout une assurance contre les aléas : si le circuit des ventes via les pharmacies se développe plus vite que via les parfumeries, L'Oréal est là. Si c'est celui de la vente directe, L'Oréal est là encore. Si ce sont les produits naturels qui ont le vent en poupe et supplantent ceux qui revendiquent d'abord une performance technique, L'Oréal est toujours là. Plus il y aura de chemins possibles pour aller vers la mer, plus on aura de chances de l'atteindre effectivement, plus « l'histoire coulera de source ». C'est la redondance qui va apporter souplesse et résilience.
Ainsi année après année, sans remettre en cause la mer visée, jouant des opportunités qui se présentent, l'Oréal se renforce et est devenue le leader mondial dans le champ visé.
Pourquoi donc L'Oréal s'en est-il tenu à ce choix, a-t-il multiplié les voies d'accès, a-t-il aligné ses actes ? Parce que cela le valait bien !