31 déc. 2011
BONNE ANNÉE 2012 !
Nous ne vivons pas une crise, mais une transformation du monde
Une année pleine de heurts, de
doutes et d’inquiétudes.
Une année où l’incertitude est
venue sauter à la face de chacun de nous, se propageant sans cesse d’un bout du
globe à l’autre, rebondissant dans les filets de la toile numérique, rendant
toute prédiction non seulement incertaine, mais franchement illusoire.
Une année où le mot de crise est
venu en leitmotiv dans tous les discours, où les agences de notation sont
devenues les stars des media et des cours de bourse, où le fossé entre riches
et pauvres s’est accru, du moins au sein de chaque pays.
Une année où la prise en compte
des contraintes écologiques est restée au niveau des discours, où nous avons
continué à consommer chaque jour davantage un peu plus de notre planète.
Mais aussi une année qui a vu le fossé entre pays
riches et pauvres, à l’exception notable de l’Afrique, se combler… un peu.
Une année où l’espoir a surgi
dans des pays condamnés depuis longtemps à la dictature, où l’énergie a été
croissante en Inde, en Chine ou au Brésil.
Une année où, ici et là,
localement et sans bruit, des gens ont agi et se sont mobilisés, où le monde
s’est recomposé… un peu.
Cette année sera ce que nous en ferons.
Peut-être allons-nous enfin
comprendre que nous ne vivons pas une crise, mais une transformation du monde.
Peut-être saisirons-nous chacun
là où nous nous trouvons, la chance d’agir différemment et ne plus penser à
partir du passé.
Peut-être en France, élirons-nous
un Président, et ensuite des députés, qui ne chercheront plus à diriger en
s’appuyant sur le passé et les peurs, mais auront l’audace de le faire à partir
du futur qui est en train de se construire.
De mon côté, je poursuivrai ce chemin au travers de nouveaux
livres, de ce blog et de tout ce que je pourrai entreprendre.
Bonne année à tous !
28 déc. 2011
ÉMERGENCE : DE LA FOURMI À LA FOURMILIÈRE, DE L’ABEILLE À LA RUCHE
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...ou du moins détient-elle des propriétés étonnantes.
Peut-on échanger avec une fourmi ?
A proprement parler, nous regardons de haut les fourmis. Il faut dire (ou écrire en l’occurrence) qu’elles sont si petites par rapport à nous. Même pas la taille d’un de nos doigts, le plus souvent plus petites qu’un de nos ongles. Donc de leur cerveau, inutile d’en attendre grand-chose, il est si petit que nous l’imaginons insignifiant. A peine la place pour un tout petit réseau neuronal.
Avec un chien ou un chat, on peut avoir un semblant de communication. Avec un cheval, un singe ou un dauphin, aussi. Mais avec une fourmi ? Impossible de la regarder les yeux dans les yeux ; inutile de lui lancer une balle, elle ne la ramènera pas ; même à votre retour de vacances après une longue absence, n’espérez pas être accueilli par des sauts de fourmis ou des cris de joie.
Par contre, laissez tomber un peu de nourriture par terre et vous allez les voir accourir. Ou plutôt, vous allez d’abord en voir une, puis dix, puis cent, puis vous ne pourrez plus les compter.
Car en fait, pourquoi parler d’une fourmi ? Comment être sûr que c’est bien elle que l’on va retrouver plus tard ? Essayez donc de la marquer d’une façon ou d’une autre… Des chercheurs y sont arrivés, mais cela n’est pas à la portée d’un premier venu.
Avez-vous déjà vu une fourmi solitaire ? Pourrions-nous imaginer une fourmi Rousseauiste, rêveuse et adepte de promenades ? Certes dans Fourmiz, l’ouvrière Z-4195 tombe bien amoureuse de la belle princesse Bala et a des angoisses métaphysiques, mais elle a la voix de Woody Allen…

Non, les fourmis ne se pensent pas une par une, mais comme un groupe, un ensemble, une colonie. Et certaines fourmilières peuvent atteindre des tailles considérables : le record semble être détenu par la Formica yessensis, une espèce de fourmi des bois, qui a construit une colonie de 45 000 nids sur 1 250 hectares à Hokkaidō (Japon), abritant plus d’un million de reines et 306 millions d’ouvrières.
Oui, mais, en additionnant des êtres aussi petits et apparemment primaires que des fourmis, peut-on aboutir à un système global doué d’intelligence ?
La réponse est oui…
La fourmi est petite, mais la fourmilière est grande...ou du moins détient-elle des propriétés étonnantes.
Jean-Claude Ameisen, dans « Sur les épaules de Darwin », a consacré en mai et juin dernier plusieurs émissions aux fourmis. Voici quelques exemples de ces étonnantes propriétés collectives :
- Elles sont industrielles : des fourmis d’Amérique du Sud sont capables de construire des ponts vivants pour franchir un obstacle. D’autres, les fourmis de feu, toujours d’Amérique du Sud, peuvent, en cas d’inondation, fabriquer un radeau vivant étanche qui flottera ensuite pendant des mois : chaque fourmi isolée peut piéger une petite poche d’air, mais la collectivité peut en piéger une grande quantité qui permet aux couches du bas – celles qui se trouvent en dessous de la ligne de flottaison –, de respirer ; pour éviter l’épuisement, les ouvrières se relaient et se remplacent dans la position du bas. En voici une vidéo étonnante :
- Elles ont, bien avant l’homme, il y a soixante à cinquante millions d’années, inventé l’agriculture : ce sont encore des fourmis d’Amérique du Sud qui en sont en à l’origine avec l’invention des jardins de champignons, ce quarante millions d’années avant les termites (ne concluez pas que les termites sont arriérées, sinon que penser de nous alors ?). Il y a douze millions d’années, sont apparues les fourmis coupeuses de feuilles fraiches, capables d’approvisionner plus efficacement des champignons comestibles. Voir le film sur les Atta, les Fourmis champignonnistes
- Elles savent aussi faire de l’élevage : elles ne se nourrissent pas d’œufs – elles ne sont pas prédatrices –, mais de la rosée de miel que les nymphes produisent. En échange, elles les protègent contre les prédateurs, et aussi de cette rosée qui les englue, gène leur mobilité, et peut même les noyer. Cette rosée génère également la présence de champignons microscopiques qui peut les détruire, elles ou les feuilles sur lesquelles elles se trouvent.
Poursuite de cette promenade parmi les propriétés étonnantes des fourmilières, toujours largement inspiré par les émissions de Jean-Claude Ameisen. Après avoir été capable de construire un radeau insubmersible, avoir inventé l’agriculture et l’élevage, les voilà qui sont capables de :
- Elles peuvent vivre en symbiose avec des arbres : comme pour les nymphes, elles échangent nourriture contre protection. Les arbres produisent un nectar, et les fourmis chassent les prédateurs. Elles répondent à une substance volatile, une odeur émise par la feuille, les plus jeunes l’émettant en permanence, les plus vieilles uniquement quand elles sont agressées.
- Elles ont inventé la division du travail et la spécialisation : au sein des fourmis coupeuses de feuilles, on compte une vingtaine de tâches différentes en fonction de la taille de la fourmi (selon la taille, une fourmi est plus ou moins puissante, mais aussi peut plus ou moins accéder à de petites alvéoles) et de son âge (les plus âgées vont à l’extérieur, les autres sont centrées sur les tâches domestiques
- Trouver le plus court chemin entre deux points : elles peuvent faire émerger de solutions optimales à partir de connaissances uniquement locales. Pour cela, elles explorent le territoire au hasard et laissent des phéromones qui recrutent des autres fourmis : plus le chemin est court, moins il y a d’évaporation et donc davantage de recrutements, et au bout d’un moment, tout le monde passe par le voie la plus rapide. Elles savent même gérer des réseaux dynamiques, complexes et changeants, car elles savent aussi mémoriser une direction. Voici une vidéo où Joel de Rosnay explique ce phénomène :
- Optimiser la circulation : avec elles, jamais d’embouteillages. Et souvent des soldats immobiles sont sur les côtés pour protéger le flux.
- S’adapter en fonction de leur environnement : l’expérience individuelle vient compléter, voire infléchir le conditionnement originel. Ainsi chez certaines familles de fourmis, si une exploratrice ne trouve jamais de nourriture, elle finit par se spécialiser dans des tâches internes à la fourmilière. A l’inverse, celles qui ont du succès, sortent de plus en plus. Bel exemple de plasticité cérébrale collective
- Faire part à leurs congénères de leurs découvertes : de retour à la ruche, en exécutant comme une danse, elles communiquent le résultat de leurs recherches. La qualité de la découverte est donnée par la vitesse du retour final et le nombre de circuits, la direction par l’angle de la montée par rapport à la verticale, la distance par la durée de la montée. Ensuite, à cette distance et dans cette direction, les abeilles n’ont plus qu’à chercher l’odeur dont l’abeille d’origine était imprégnée. Et comme elles sont sensibles à la polarisation de la lumière, aux rayons ultra-violets, elles trouvent leur chemin même si le soleil est caché. Pratique, non ? Et une vidéo pour vous montrer la danse de l'abeille :
- Procéder par démocratie majoritaire : la colonie ne décidera la localisation de la nouvelle ruche qu’après un vote démocratique et collectif. Comment ? Facile… D’abord plusieurs centaines d’abeilles partent séparément à la recherche d’un nouveau site adéquat. Chacune procède à une évaluation attentive (volume de la cavité, isolement thermique, isolement par rapport à l’humidité et la pluie, taille de l’ouverture – ni trop grande, ni trop petite -), puis revient pour faire un compte-rendu dansé. Les éclaireuses qui n’ont rien trouvé, si elles sont séduites par la danse, vont à leur tour évaluer le site potentiel. Ainsi petit à petit, les destinations les plus intéressantes recrutent de plus en plus d’éclaireuses. Une option se dégage, et à un moment, il y a un consensus qui se fait et toute la colonie s’envole.
26 déc. 2011
EN EMPILANT DES BLOCS SIMPLES, ON CONSTRUIT UN SYSTÈME COMPLEXE ROBUSTE
Best of
Et si on s'intéressait aussi à la simplicité ?
Dans sa conférence (voir ci-dessous), Georges Whitesides (voir sa bio) s'intéresse à la simplicité, et comment elle permet de construire la complexité. Il y explique que ce sont avec des blocs simples – comme des pierres, des 0 et des 1, … –, que l'on peut élaborer des systèmes sophistiqués comme Internet ou des cathédrales.
Ce qui est simple, c'est tout ce qui peut s'empiler facilement et solidement. Guidé par son imagination et son projet, on va poser les blocs les uns sur les autres : l'un fera une cathédrale, quand un autre en tirera un château ou simplement un mur en pierres sèches…
Pour construire avec ces blocs, vous n'avez pas besoin de connaitre la logique qui a permis à ces blocs d'exister, vous n'avez qu'à savoir vous en servir et les empiler. Ceci rejoint le propos de Ian Stewart qui a écrit dans « Dieu joue-t-il aux dés ? » :« Ce dont nous avons besoin, c'est de la théorie de la simplicité, pas de la théorie de la complexité. Il y a une rhétorique de la science réductionniste qui prétend que, même si la chèvre ne le sait pas, des choses immensément compliquées doivent se produire en elle pour qu'elle se comporte cette façon. (…) Il vous semble, à vous et à la chèvre, que ce qui se passe est simple : mais, en fait, cela ne l'est pas. (…) Une théorie des particules subatomiques est fongible quand on la regarde à partir du niveau de la chèvre. Il faut bien qu'il en soit ainsi, ou bien nous n'aurions jamais été capables de garder une chèvre sans passer auparavant un doctorat de physique subatomique. »
Lego ou Meccano ont apporté à tous les enfants de nouveaux blocs simples pour donner libre cours à leur imagination. McDonald a dominé le monde des hamburgers en le décomposant en briques élémentaires – le pain, la viande, les frites…–, en industrialisant chaque composant et en en facilitant l'assemblage. Le jeu de go repose sur des règles que l'on peut énoncer et comprendre en une minute…
Quand la complexité repose sur des composants eux-mêmes complexes, elle est fragile et vulnérable. Quand elle repose sur des blocs simples, elle est efficace et souple.
A garder en mémoire…
Et si on s'intéressait aussi à la simplicité ?

Pour construire avec ces blocs, vous n'avez pas besoin de connaitre la logique qui a permis à ces blocs d'exister, vous n'avez qu'à savoir vous en servir et les empiler. Ceci rejoint le propos de Ian Stewart qui a écrit dans « Dieu joue-t-il aux dés ? » :« Ce dont nous avons besoin, c'est de la théorie de la simplicité, pas de la théorie de la complexité. Il y a une rhétorique de la science réductionniste qui prétend que, même si la chèvre ne le sait pas, des choses immensément compliquées doivent se produire en elle pour qu'elle se comporte cette façon. (…) Il vous semble, à vous et à la chèvre, que ce qui se passe est simple : mais, en fait, cela ne l'est pas. (…) Une théorie des particules subatomiques est fongible quand on la regarde à partir du niveau de la chèvre. Il faut bien qu'il en soit ainsi, ou bien nous n'aurions jamais été capables de garder une chèvre sans passer auparavant un doctorat de physique subatomique. »
Lego ou Meccano ont apporté à tous les enfants de nouveaux blocs simples pour donner libre cours à leur imagination. McDonald a dominé le monde des hamburgers en le décomposant en briques élémentaires – le pain, la viande, les frites…–, en industrialisant chaque composant et en en facilitant l'assemblage. Le jeu de go repose sur des règles que l'on peut énoncer et comprendre en une minute…
Quand la complexité repose sur des composants eux-mêmes complexes, elle est fragile et vulnérable. Quand elle repose sur des blocs simples, elle est efficace et souple.
A garder en mémoire…
23 déc. 2011
LE TEMPS DES FÊTES
Noël et jour de l’an
Voilà revenu le temps des fêtes
de Noël et de fin d’années. Occasion de vous proposer un petit florilège de
chansons de Noël, en essayant de sortir des sentiers battus.
Pour les deux semaines à venir,
mon blog va prendre quelques vacances, et moi avec lui, occasion d’avancer sur
un livre dont j’aurai l’occasion de vous parler le moment venu…
Afin de le maintenir « en
vie », vous y trouverez les lundi, mercredi et vendredi un article tiré parmi
ceux déjà parus.
Simplement un nouveau billet pour
le 31 décembre, une forme de message de bonne année, une année qui verra se
poursuivre le processus de transformation en cours, processus appelé « crise »
par la plupart des commentateurs…
Et retour en live le 9 janvier
pour la poursuite de cette réflexion sur l’incertitude, les emboîtements et les
émergences.
22 déc. 2011
NOUS CONFONDONS CRISE ET TRANSFORMATION
Non, le futur n’est pas le reproduction du passé en pire
Le mot « crise » est
sur toutes les lèvres, présent au détour des toutes les analyses, leitmotiv de
cette fin d’année 2011. Cette crise omniprésente, qui fut d’abord vue comme
courte et provisoire, est aujourd’hui perçue comme devant durer au moins en
2012, et pour la plupart beaucoup plus longtemps.
Mais,
parler de « crise », c’est :
- Penser que nous ne vivons qu’un moment transitoire et désagréable,
- Imaginer qu’une maladie est venue troubler notre organisme et qu’il faut la soigner,
- Et finalement croire que le futur sera identique au passé. Serrons les rangs, donnons un bon coup de collier, et tout repartira comme avant, en quelque sorte !
Je
crois qu’une telle vue est profondément fausse, et est largement source du
désenchantement actuel. En effet, nous ne vivons pas une crise, mais nous nous
vivons un processus de transformation : demain ne sera pas du tout comme hier,
et, comme une chenille au moment de sa mue en papillon, nous subissons une
réorganisation en profondeur de notre monde.
Quels
sont les moteurs de cette transformation et en quoi le monde de demain
sera-t-il si différent ?
J’en
vois trois essentiels qui se renforcent mutuellement et s’articulent entre
eux :
- Les niveaux et le mode de vie convergent entre tous les pays : le niveau de vie moyen d’un habitant de nos pays développés était en 1990, soixante fois celui d’un Chinois ou d’un Indien, et huit fois celui d’un Brésilien ; en 2010, il n’était « plus » que neuf fois celui d’un Chinois, trente fois celui d’un Indien, et quatre fois celui d’un Brésilien (voir mes articles Faire face à la convergence des économies mondiales et Nous n’éviterons pas la baisse de notre niveau de vie),
- Le système économique et industriel passe de la juxtaposition d’entreprises et d’usines, à un réseau global et de plus en plus complexe : les entreprises ont tissé des réseaux denses entre elles, et entre leurs différents lieux de production. Chaque produit, chaque service, chaque transaction fait intervenir un nombre croissant de sous-produits, sous-services, sous-transactions. Impossible de démêler les fils de ce qui est devenue une toile planétaire.
- L’humanité passe d’une juxtaposition d’individus et d’appartenances, à, elle-aussi, un réseau global et de plus en plus complexe : sous l’effet cumulé de la croissance de la population, de la multiplication des transports et du développement d’internet, les relations entre les hommes se tissent finement. Les pensées et les actions rebondissent d’un bout de la planète à l’autre, des intelligences collectives apparaissent. (voir l’article que j’ai consacré au dernier livre de Michel Serres Le temps des crises
Vers quoi allons-nous, je n’en sais rien. Comment une chenille pourrait
se penser papillon à l’avance ? Mais je ne vois pas de raison d’imaginer
que ce futur sera noir, et j’y vois plutôt des raisons d’espérer :
- Un meilleur partage des richesses entre tous les pays est plus souhaitable, et moins dangereux que les écarts passés, et encore actuels.
- L’émergence de réseaux collectifs – tant entre les structures collectives comme les entreprises, qu’entre les individus – est l’occasion de nouvelles découvertes, et d’enrichissements vrais, tant collectifs qu’individuels.
- Notre passé tapissé de guerres et de gaspillages ne rend pas si sympathique la « chenille » que nous sommes en train de quitter.
Bien sûr, un tel futur est peuplé de défis qu’il faudra relever. En voici
quelques-uns :
- Comment protéger et développer le libre arbitre individuel dans un monde de réseaux ? Comment éviter l’homme de devenir une fourmi au service de sa collectivité ?
- Comment faire en sorte qu’aux inégalités entre pays, ne succède pas une inégalité plus forte au sein de chaque région ou pays ?
- Comment, propulsé par la puissance de ces réseaux, ne pas consommer encore plus vite note planète ?
- Quelles structures politiques dans un tel monde ?
La naissance de ce nouveau monde prendra de longues années. Cette transformation
qui est en cours, va se prolonger et s’accélérer. Quand sera-t-elle
terminée ? Comment savoir ? Mais comment imaginer qu’elle ne va pas
prendre plus de dix ans, probablement plus de vingt, et peut-être une
cinquantaine d’années…
C’est de cela dont nous devrions parler, et non pas d’une crise. C’est à
cela que nous devrions nous préparer. Une telle transformation est douloureuse,
surtout dans sa phase initiale.
Mais si nous arrivions à faire comprendre que les difficultés actuelles
sont des étapes nécessaires à la naissance d’un nouveau monde meilleur, alors
chacun pourrait se mobiliser en positif.
Alors qu’aujourd’hui chacun est persuadé que le pire est devant nous, que
le passé est un éden perdu, et qu’une descente aux enfers nous attend.
Nos pays, et singulièrement la France, sont riches de leur passé, et de le
capital accumulé – il suffit de voyager un peu pour s’en rendre compte –, nous
avons les ressources pour faire face à cette transformation.
A deux conditions :
- Que nous ayons confiance en un futur meilleur et mobilisateur,
- Que nous développions une politique de solidarité, faisant porter les efforts là où les richesses ont été accumulées effectivement.
Beaux sujets pour la campagne présidentielle à venir, non ?
21 déc. 2011
NOUS TROUVONS TOUJOURS DE BONNES RAISONS… MÊME À CE QUE NOUS NE COMPRENONS PAS
Emboîtements et émergences (5)
Nous, les humains, avons la
capacité d’analyser ce à quoi nous participons, talent clé de notre existence
et de notre survie.
Notre connaissance n’est pas
infinie, mais elle progresse. Ainsi nous repoussons sans cesse les limites de
notre science, nous avons percé la logique de l’ADN, nous plongeons chaque jour
plus profondément dans l’infiniment petit comme dans l’infiniment grand, nous
approchons du moment du big-bang où tout semble avoir commencé, nous dressons
des cartographies de plus en plus fines de notre cerveau et des interactions
entre nos neurones…
Certes, certes…
Mais ceci n’est vrai, par
construction, que pour ce qui est accessible à notre compréhension. Si jamais
il existe quelque chose qui est d’une dimension qui nous échappe littéralement,
c’est-à-dire qui, pour une raison ou une autre, ne peut être concevable par
nous, alors nous ne pourrons jamais le comprendre. Nous serions dans la
situation des bactéries et des neurones dont je parlais hier…
Que se passe-t-il donc quand nous
sommes face à de telles situations ? Il semble bien qu’alors, nous sommes les
champions de la rationalisation a posteriori. Dans mon livre Neuromanagement,
je rapportais une expérience troublante :
« Prenons l’expérience rapportée par Lionel Naccache dans Le Nouvel
Inconscient (p. 385) et menée par un chercheur, Michaël Gazzaniga, sur un
patient atteint de déconnexion interhémisphérique : dans cette maladie,
l’hémisphère droit est incapable de communiquer avec l’hémisphère gauche.
L’expérience a été la suivante : à la gauche de l’écran situé devant le
patient, est apparu pendant quelques dixièmes de seconde l’ordre verbal «
Marchez ». Il s’est alors levé et déplacé : l’ordre lu par l’hémisphère droit
venait d’être exécuté, mais, à cause de la maladie, l’hémisphère gauche, qui
assure notamment la maîtrise du langage, n’était pas informé de l’existence de
cet ordre et donc ne pouvait pas savoir pourquoi il s’était levé.
Gazzaniga lui demanda alors : « Où allez-vous ? ». Au lieu de lui dire
qu’il ne savait pas pourquoi, le patient lui répondit du tac au tac : « Je vais
à la maison chercher un jus de fruits. » : il venait d’élaborer une
interprétation consciente qui lui permettait d’attribuer une signification à
son comportement. Plutôt que de répondre : « Je suis en train de sortir de
cette pièce mais je ne sais pas du tout pourquoi, comme c’est curieux tout de
même ! », le patient avait construit immédiatement une interprétation de son
comportement, mais sans se rendre compte que cette interprétation en était
une. »
Ainsi quand nos actes sont suscités par quelque chose qui nous
dépasse, notre tendance naturelle serait
d’imaginer une motivation que nous comprenons.
Comment
alors savoir quand nous comprenons vraiment, et quand nous l’imaginons ?
(à suivre)
20 déc. 2011
PERSONNE NE COMPREND CE À QUOI IL CONTRIBUE… À PART NOUS ?
Emboîtements et émergences (4)
Dans
Fourmiz, Woody Allen prête sa voix à l’ouvrière Z-4195, une fourmi pleine
d ‘états d’âme et amoureuse de la princesse Bala.
Personnellement,
à la différence de l’auteur de ce film, c’est une autre question qui
m’interpelle : une fourmi est-elle capable de comprendre, ou simplement de
percevoir les propriétés de la fourmilière, propriétés qui la dépassent, mais
auxquelles elle participe, et qui n’existeraient pas sans elle.
Ainsi
quand une de ses étonnantes fourmis d’Amérique du Sud, s’associe à ses voisines
pour créer un radeau qui va permettre à la fourmilière de devenir
insubmersible, sait-elle ce qu’elle fait et pourquoi elle le fait ? Ou
quand une autre de ses congénères se livre à la culture de champignons,
est-elle consciente de participer à créer une nourriture indispensable à la
survie future ? Et quand d’autres viennent au secours de nymphes pour
faire partir des prédateurs, ont-elles en tête le nectar que cette même nymphe
pourra donner en retour ? (voir La fourmi est petite, mais la fourmilière est grande)
Pas sûr
non ? Pas sûr du tout, même…
Prenons
maintenant un quelconque des microorganismes qui peuplent notre organisme. Nous
avons l’embarras du choix, car ils sont des millions de milliards à se promener
sur notre peau et en nous. Certains ne sont que de passage, rencontres
fortuites dues aux chocs aléatoires de la vie, mais d’autres participent à
notre bon fonctionnement.
Imaginez-vous
un instant de la « peau » d’un de ceux-là. Si pour la fourmi, vous
pouviez tout à l’heure avec moi avoir un doute, cette fois, aucune chance de
comprendre ce à quoi vous participez. La propriété à laquelle vous contribuez –
par exemple vous êtes en train de lutter contre un microbe mortel pour un homme
–, vous dépasse littéralement.
Prenons
maintenant une de nos cellules, et choisissons une des plus
« nobles », à savoir un neurone. Il s’agit bien d’un être vivant,
mais à nouveau, comment pourrait-il « savoir » ce à quoi il
participe ? Ou alors il y aurait des neurones géniaux, capables de se
dire : « Tiens, je viens d’intervenir dans le processus de
mémorisation d’une émotion ». Non, évidemment !
Telle
est bien la logique dominante des emboîtements et des émergences : on ne
comprend pas ce à quoi on participe, on agit et c’est tout... Et on n’a pas le
choix, car on n’a jamais vu une fourmi se rebeller contre ses congénères, un
antibiotique ne pas attaquer l’infection pour laquelle il était adapté, ou un
neurone bloquer volontairement sa synapse.
Ainsi
va la monde… sans une réelle compréhension de ce qui se passe.
Heureusement
que nous sommes arrivés, nous les humains avec notre intelligence et notre
capacité à tout analyser et comprendre. Certes, certes…
(à suivre)
19 déc. 2011
LES “RÉVOLURGENCES” DE NOTRE MONDE
Emboîtements et émergences (3)
Depuis
quinze milliards d’années, le monde joue aux poupées russes, aux emboîtements
qui tissent la matière et la vie.
Qu’est-ce
qui fait qu’un emboîtement en est un bien un, et pas seulement une collection
d’éléments ? Quelle est la « glu » qui le cimente ?
Dans
les Mers de l’incertitude, j’écrivais à ce sujet : « Qu’est-ce qui fait qu’une collection
d’éléments n’est pas seulement une juxtaposition, mais crée un niveau ? C’est
l’existence d’au moins une règle commune et nouvelle qui fait que c’est bien un
niveau et non pas une collection d’éléments : une collection de stylos ne
devient pas un niveau et reste un ensemble d’objets ; une collection de
personnes devient un groupe et donc un niveau, si elles suivent des règles
communes (des lois, des us et coutumes,…). C’est l’existence de ces règles qui
lui apporte ses propriétés spécifiques. »
À ces
règles communes, correspondent des propriétés nouvelles qui émergent. Ces
propriétés n'existaient pas au niveau précédent, ni partiellement, ni même
comme esquisse. Comment en effet dire que les propriétés d'un atome sont
inscrites dans celles d'une particule, celle de l'oxygène dans un électron ou
d'une chaîne carbonée dans le carbone ? Comment relier notre identité et notre
conscience individuelle à partir de ce que nous comprenons des cellules qui
nous composent ?
Ou
comme l’écrivait Yongey Mingyour Rinpotché dans le Bonheur de la méditation, « Ma main n’est pas mon moi, mais elle est à moi. Bien, mais elle est
faite d’une paume et de doigts, elle a une face supérieure et une face
inférieure, et chacun de ces éléments peut être décomposé en d’autres éléments
comme les ongles, la peau, les os, etc. Lequel de ces éléments peut être appelé
« ma main » ? »
Ainsi
ces propriétés émergentes, si elles sont rendues possibles par ce qui les
composent, et lui sont indissolublement liées, sont à chaque fois une
innovation profonde et révolutionnaire.
Oui,
ces deux mots d'émergence et de révolution sont bien au cœur de l'élaboration
de notre monde : émergence, car ce qui nait se produit sans être inscrit dans
ce qui le précède; révolution, car chaque étape vient comme faire table rase de
ce qui existait avant.
Ainsi
est né notre monde, et ainsi il a continué. Le meccano a construit la matière
inerte qui a, au moins sur notre planète, "inventé" la vie.
Émergences
et révolutions perpétuelles, révolurgences si vous me permettez ce néologisme
pour décrire ce couple inséparable.
(à suivre)
16 déc. 2011
MISE EN BOÎTE... MUSICALE
Emboîtements et émergences (en musique)
Illustration musicale sur les enchaînements, les emboîtements et les émergences :
- Aux suivants chanté par M,
- Jeux de boites avec Graeme Allwright,
- Jeux de mots avec Bobby Lapointe.
15 déc. 2011
TOUT S’EMBOÎTE… MAIS POURQUOI ?
Emboîtements et émergences (2)
Les quarks s’emboîtent dans des
atomes qui composent les minéraux qui sont nécessaires aux cellules qui constituent
chaque organisme vivant… Et ainsi va le jeu de la vie, du bricolage et de
l’auto-organisation.
Chaque être vivant
« respire » avec son environnement, échange, absorbe, rejette, se
modifie… et s’articule avec ce qui l’entoure. Seul, il est limité, fragile et
vulnérable. Associé à d’autres, il acquiert de nouvelles forces, de nouvelles
propriétés. Il y perd de sa liberté, mais il gagne en résilience, en capacité à
survivre dans les aléas qui l’entourent.
Souvent il s’associe avec ses
alter egos, ceux qui lui ressemblent et sont issus de la même dérive
biologique. C’est sa tribu, son groupe, sa niche. De la fourmi nait la
fourmilière, de l’abeille la ruche1, et de l’homme l’humanité.
Il lui faut aussi collaborer avec
les autres, trouver les bonnes symbioses, se changer et changer ses voisins
pour accroître ses chances d’être là un peu plus longtemps. L’abeille et la
fleur apprennent à se séduire mutuellement, les fourmis et leurs troupeaux
s’apprivoisent, tous les écosystèmes bricolent ensemble.
Voilà bien la flèche du temps
depuis le Big-Bang : la construction d’emboîtements de plus en plus
complexes et imbriqués. Cela dure depuis près de quinze milliards d’années, et,
sans cesse, de nouvelles poupées russes viennent entourer les précédentes.
Pourquoi donc ?
Comment répondre à une telle
question ? Faut-il d’ailleurs toujours chercher des pourquoi ? Ou du
moins, le sens des choses et de la vie sont-ils accessibles à nous qui ne
sommes finalement qu’un morceau de ce tout en mouvement perpétuel ?
Impossible de savoir…
Une remarque toutefois qui me
semble potentiellement éclairante : ce sont les emboîtements qui ont
permis l’émergence de nouvelles propriétés, propriétés qui n’étaient même pas
embryonnaires à l’échelon inférieur.
Et si l’on suivait ce fil du
couplage des emboîtements et des émergences…
(à suivre... la semaine prochaine...)
14 déc. 2011
LES POUPÉES RUSSES DE NOTRE MONDE
Emboîtements et émergences (1)
Prenez en main des poupées
russes, vous savez, ces poupées russes qui s’emboitent les unes dans les
autres. Ouvrez la plus grande, et vous en trouvez une autre, et ainsi de suite.
Au bout d’un moment, ces emboîtements successifs s’arrêtent, et vous avez entre
les mains, la plus petite.
Prenez un élément quelconque qui
compose notre monde, par exemple celui qui est juste en face de vous au moment
où vous lisez cet article. Regardez-le bien, et vous vous apercevrez qu’il est
lui-même comme les poupées russes, le résultat d’emboîtements successifs.
Simplement le nombre de poupées est considérable, et les emboîtements ne sont
pas parfaits, mais se chevauchent.
Au cœur de notre monde, au plus profond
de la matière, nous trouvons les composants de base qui, en se combinant,
donnent des photons, des neutrinos, des électrons ou des quarks. Quels sont-ils
ces composants de base ? Des cordes comme un théorie récente le
propose ? Peut-être… Ou alors découvrirons-nous un jour, qu’ils sont eux-mêmes
le résultat d’emboîtements subtils, aujourd’hui incompris et inconnus.
Quoiqu’il en soit, ces composants de base sont déjà réellement très petits,
puisque la taille d’un quark est inférieure à 10-18 m !
Avec les photons, les neutrinos,
les électrons et les quarks, naissent les briques dont nous avons entendu
parler depuis longtemps : hydrogène, oxygène, carbone, fer… Ces briques, à
leur tour, s’associent et jouent entre elles pour donner naissance à des
molécules plus complexes, des gaz, des liquides, des solides. Et de ces
molécules émergent le monde physique que nous voyons et touchons.
Mais comment pouvons-nous voir et
toucher ? Comment pouvons-nous vivre ?
Nous sommes nous aussi des
poupées russes. Notre élément de base est la cellule qui est au cœur du vivant,
cellule elle-même née à partir des composants dont je parlais précédemment.
Comment est-elle née ? Nous n’avons pas la réponse à cette question, mais
nous savons que les emboîtements qui la composent, jouent un rôle essentiel.
Ces cellules, selon la façon dont
elles sont composées et assemblées, peuvent donner naissance aux êtres vivants
les plus simples, l’amibe, comme les plus complexes, l’homme.
La succession des emboîtements
s’arrête-t-il là ?
(à suivre)
13 déc. 2011
POURQUOI LE MOUSTIQUE PIQUE-T-IL ?
La vie évolue au gré des heurs et malheurs, nés de rencontres aléatoires et
imprévisibles…
Extrait des Mers de l’incertitude
Je déteste les moustiques. Probablement, vous
aussi.
Souvenirs
multiples d’été, où, parce que j’avais laissé la fenêtre ouverte alors que la
lumière était allumée, les nuits ne furent qu’une longue suite de
bourdonnements, de batailles sans fin au cours desquelles ma main maladroite et
endormie essayait désespérément de mettre un terme à la vie de cet insecte. Les
lendemains, je ne pouvais que mesurer l’étendue des dégâts au nombre des
cloques rouges, et la démangeaison venait me rappeler le danger de la fenêtre
ouverte…
Or ces
moustiques, je ne les connaissais pas, ne leur avais rien fait. Alors pourquoi
venaient-ils ainsi m’agresser ? Je connais bien sûr la réponse : s’ils me
piquent, c’est pour se nourrir.
Mais
vous êtes-vous déjà posé la question suivante : comment cela a-t-il commencé ?
Pourquoi le moustique s’est-il mis à nous piquer ? Est-ce qu’un jour, il y a
longtemps, très longtemps, les ancêtres des moustiques se sont réunis pour
savoir comment assurer leur survie et améliorer leur nourriture quotidienne ?
Auraient-ils alors mené une étude approfondie pour inventorier toutes les
possibilités ? Parmi celles-ci, ont-ils identifié celle de venir piquer des
animaux, dont nous, pour prélever du sang ? Ont-ils procédé méthodiquement à
des tests, pour finalement conclure, que, oui, le sang était bien la meilleure
option ? Ont-ils enfin formé tous leurs jeunes à l’art de piquer vite et bien ?
En un
mot : le moustique pique-t-il parce que c’était la meilleure solution et que
l’évolution a donc été orientée dans cette direction ?
Non,
évidemment cela ne s’est pas passé comme cela.
Tout a
effectivement commencé, il y a longtemps, très longtemps même : le lointain
ancêtre du moustique était un insecte qui, comme bon nombre d’autres, avait
développé un appendice effilé pour absorber un liquide, une sorte de paille si
vous voulez. Pratique pour survivre et boire rapidement. Un jour, l’un d’eux
s’est posé sur la peau d’un animal à sang chaud. Or cette peau, pour assurer la
régulation de température et les échanges avec l’extérieur, était poreuse. Comme
l’appendice était très effilé, il a pu pénétrer à l’intérieur et a trouvé un
liquide riche et nourrissant : du sang. Il a trouvé cela tellement bon qu’il en
est devenu complètement accro, et qu’il a fait partager l’aubaine à ses
congénères.
Et
voilà, comment une espèce est devenue une sorte de vampire nocturne : par le
hasard de la rencontre d’un appendice créé pour boire un liquide et d’une peau
perméable pour assurer la respiration. Cette rencontre fortuite a modifié le
cours des deux espèces : la survie du moustique a été garantie, l’espèce s’est
développée… et, dommage collatéral, la malaria s’est propagée.1
(1) J’ai
librement développé et réinterprété cet exemple donné par Ian Stewart dans son
livre Dieu joue-t-il aux dés ?
12 déc. 2011
APPLIQUER À SOI-MÊME CE QUE L’ON RECOMMANDE AUX AUTRES
De la sécurité des actions à celle des processus de décision
Il y a quelques jours à
l’occasion d’une visite dans une usine, j’ai vu, inscrites sur un tableau,
trois risques développant l’insécurité :
-
Inattention du regard,
-
Perte
d’équilibre,
-
Mauvaise
ligne de tir
Le
directeur de l’usine m’expliqua alors ces trois points : « Tout
d’abord, si l’on regarde trop vite ou mal, on va prendre les mauvaises
décisions et faire courir des risques pour soi-même et pour les autres.
Ensuite, avoir une mauvaise assise, c’est souvent provoquer une chute, et un
accident. Enfin, ne pas viser là où il faut, c’est ne pas se préoccuper des
bonnes choses ».
Amusant
comme ces trois règles de sécurité rejoignent ce que je crois être celles d’un
bon diagnostic ou d’un bon processus de prise de décision :
-
Si l’on
n’a pas un regard attentif, si l’on procède par zapping, on restera à la
surface de la situation et on n’en percevra pas la vraie dynamique.
-
Si l’on
n’a pas une bonne assise personnelle, on ne va pas suffisamment lâcher prise.
-
Si l’on
est distrait ou si l’on n’est pas focalisé dans la bonne direction, on se
trompera de sujet.
Les dirigeants devraient intégrer plus dans leurs propres processus de
décision, les règles de sécurité qu’ils promeuvent dans leurs usines…
9 déc. 2011
DES MOTS EN MUSIQUE
Christophe, Julien Doré et Alain Bashung
Comment avec les mêmes mots, fussent-ils bleus, quand le langage de la voix diffère, une chanson peut muter...
8 déc. 2011
COMMENT SAVOIR POUR QUI NOUS TRAVAILLONS ?
Conscience, identité… et acte de foi
Poursuivons le florilège publié
hier et consacré aux dernières émissions de Jean-Claude Ameisen, avec une
question « simple » : à quoi sert donc ces 80% d’énergie sombre,
toute cette énergie consommée par notre cerveau sans que nous puissions la
relier à une quelconque action consciente ?
Jean-Claude Ameisen nous propose
de la relier à ce qui sous-tend nos processus inconscients, tout ce qui fait
notre identité, tout ce qui se passe en nous et qui, sans que nous nous en
rendions compte, nous permet de vivre et survivre, tout ce dont nous mesurons
les effets sans comprendre comme cela s’est produit.
Est-ce à dire que nous sommes
massivement des êtres inconscients, et marginalement des êtres
conscients ? Ou pouvons-nous imaginer que nos efforts conscients, même
s’ils sont marginaux en énergie consommée, peuvent orienter la masse préalablement
accumulée en nous sans que nous en rendions compte ? On tire à pile ou
face pour savoir ?
Comment répondre à une telle
question à part par un acte de foi en notre capacité individuelle ? Et
comment croire encore à notre capacité à prévoir ce qui va arriver et ce que
nous allons décider, si tout repose sur un tel iceberg inconnu ?
L’incertitude a de beaux jours devant elle, décidément !
Et qui nous dit que ces 80%
d’énergie sombre ne travaillent que pour nous ? Comment être sûrs que nous
ne travaillons pas, même marginalement, voire très significativement, pour
d’autres, pour des processus qui nous dépassent ?
Troublant, non ?
7 déc. 2011
ENTRE MÉMOIRE ET ATTENTE, ENTRE SOUVENIR ET DÉSIR
Qui sommes-nous ?
Petit florilège tiré des
dernières émissions de « Sur les épaules de Darwin » de Jean-Claude Ameisen
Magie, attention et anticipation
Concernant les tours de magicien,
nous ne regardons plus sa main, mais nous suivons son regard qui nous indique
où il vient de lancer la balle hypothétique : « L’empathie, cette extraordinaire capacité que nous avons de nous mettre
à la place de l’autre, de vivre en nous ce que va vivre l’autre, d’anticiper ce
que va vivre l’autre, d’anticiper ses intentions, ses attentes, de les
devancer, de nous les approprier, de nous projeter dans son futur, nous fait
perdre de vue le présent. »
Ainsi, « notre conscience est toujours en retard par
rapport à ce que nous vivons comme l’instant présent, mais elle est aussi
paradoxalement souvent projeté dans ce qui va suivre. Ce que nous appelons
l’instant présent est en partie une souvenir du passé et une anticipation de
l’avenir, entre le déjà plus et l’encore à venir. ( …) (Nous vivons)
entre mémoire et attente, entre souvenir et désir »
Alors « ce qui est déjà dans
notre inconscient surgira plus vite qu’un évènement nouveau qui le rappelle. (…)
Ce temps incorporé colore l’idée que nous nous faisons du présent, (…) et le
moi est plus vaste que le narrateur qui dit je »
« La mémoire ne nous parle pas que d’hier, elle nous parle aussi
d’aujourd’hui et de demain. (…) Se projeter dans l’avenir, c’est toujours
interpréter le passé, car toute prédiction, même la plus rationnelle, même la
plus scientifique, est toujours fondée sur une extrapolation à partir des
enseignements que nous avons pu tirer des régularités cachées de l’histoire, de
notre histoire. »
Perception, attention et énergie
sombre
C’est la succession d’évènements
prévisibles qui rend la perception du premier évènement comme plus long que les
suivants (par exemple : une suite 1, 2, 3, 4, 5, …), et s’il y a un
chiffre inattendu, il paraîtra être resté plus longtemps. Nous décryptons donc
constamment les régularités et les irrégularités de ce que nous observons. Si
nous arrivons à prédire, nous contractons la perception du temps.
La neuroimagerie mesure la
consommation d’énergie, et sa variation par rapport à une attention. On a pu
mettre en évidence que, indépendamment de toute focalisation, lorsque l’on
laisse notre esprit vagabonder, on consomme plus de 80% d’énergie. Ce plus de
80% a été appelé l’énergie sombre du cerveau, c’est notre mode de
fonctionnement par défaut, notre identité, nous…
L’énergie sombre semble
harmoniser toutes les zones du cerveau. L’attention ne fait qu’augmenter de 5%
les dépenses d’énergie.
Plus un évènement est régulier,
plus l’attention se synchronise avec les vagues de fonds, et plus notre esprit
peut vagabonder…
Sommeil
Au sommeil du monde animal,
correspond la vie suspendue des végétaux : les graines dans le sol, les
feuilles qui se ferment la nuit, les arbres pendant l’hiver, et l’hibernation
des animaux. Un état de vie suspendu où la vie diminue ses interactions avec le
dehors, quand les conditions sont défavorables. Comme le sommeil est un point
commun, il doit avoir un rôle essentiel pour l’intégration de ce qui a été
vécu.
« Il ne faut pas dire : Je m’éveille, mais : il y a éveil – car le Je est
le résultat, la fin. » (Paul Valéry. Cahiers [cité dans : Daniel
Heller-Roazen. Une archéologie du toucher])
6 déc. 2011
PRÉVISIONS ET CYGNES NOIRS
Comment s’engager à cinq ans quand c’est
indispensable ?
« Vous affirmez qu’il est illusoire, voire
dangereux, de se fixer des prévisions chiffrées au-delà de l’année qui vient.
Je comprend votre propos, mais, excusez-moi d’être direct, il ne me semble pas
très réaliste. En effet, comme notre président se doit de répondre aux demandes
des analystes financiers, on vient à l’inverse de nous demander de fournir des
prévisions non plus à trois ans, mais à cinq ans. Et bien sûr, pas question de
donner des chiffres en l’air, et d’imaginer que l’on n’en sera pas comptable
ensuite. »
Voilà ce que me
disait dernièrement un dirigeant d’un grand groupe.
« Très bien,
dont acte, lui répondis-je. Si vous devez pour des raisons externes, fournir
des prévisions à cinq ans, et que vous n’avez pas le choix, faites-le. Principe
de réalité. Simplement, il me semble essentiel qu’en parallèle, vous renforciez
votre connexion au réel.
- C’est-à-dire ?
- Je m’explique. Cette prévision à cinq ans, puisqu’elle va vous engager
tant en interne que vis à vis de vos partenaires externes, vous allez la
construire le plus sérieusement possible, ce à partir de la vision actuelle du
futur à venir. Elle va reposer sur une série d’hypothèses. Ce sont ces hypothèses
que, en même temps que vous élaborer votre prévision, il faut expliciter.
- Certes, mais comment ne pas se perdre dans le détail et les faire
émerger.
- En appliquant la logique des « cygnes noirs », c’est-à-dire
en se posant la question suivante : que pourrait-il m’arriver de
pire ? Qu’est-ce qui peut me faire complètement sortir de l’épure
prévisionnelle ? Par exemple, prenez le pays où votre situation est la
plus fragile, et dites-vous : « Que se passera-t-il, si cela se généralise ? ».
Ou, prenez votre produit phare, et dites-vous : « Que se passera-t-il
s’il s’effondre ? ». Surtout ne pensez pas : « Cela n’a
aucune chance d’arriver », car, dans le monde de l’incertitude qui est le
nôtre, on ne peut plus probabiliser le futur.
Pour chacun de ces cygnes noirs potentiels, essayez d’imaginer comment
réagir, et quelles pourraient être les conséquences. Comme pour un tsunami,
pouvez-vous à l’avance déplacer des maisons, construire des digues et
construire des chemins d’évacuation ? Pour tous les cygnes noirs que vous
ne pouvez pas contrecarrer, demandez-vous alors quels seraient les signes
avant-coureurs : comment savoir qu’il est en train d’advenir.
Une fois tout ce travail fait, vous aurez d’une part renforcé la
fiabilité de votre prévision et de vos plans d’actions, et surtout vous saurez
quels sont ses points de vulnérabilités. Ce sont ces points qu’il faudra mettre
sous surveillance. C’est ainsi que vous resterez connecté au réel, et que vous
pourrez le cas échéant, revenir sur ce que vous aviez prévu, car vous vous
serez engagé sous conditions…
- Je comprends. Plus nous voulons nous projeter dans le futur, plus nous
devons mettre de l’énergie à suivre ce qui se passe réellement, et surtout ce
qui pourrait rendre nos prévisions obsolètes.
- Très exactement. C’est un travail lourd et difficile. Et il ne s’agit
pas de le laisser uniquement entre les mains des patrons de pays. En effet,
sinon chacun aura beau jeu de vous expliquer qu’il n’est plus tenu par les
prévisions faites, car elles sont caduques. C’est à vous de mener avec eux ce
travail, et de piloter le suivi des cygnes noirs. »
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