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19 avr. 2011

COMMENT COMPRENDRE ET AGIR ENSEMBLE SANS CONFIANCE ?

J’ai peur de moi, de toi, de nous…
Quand on est face à une situation nouvelle, pour avoir une chance de comprendre ce qui se passe, c’est-à-dire l’appréhender, il ne faut pas l’avoir appréhendée, c’est-à-dire ne pas l’avoir envisagée avec crainte (voir mon article d’hier). Confiance en soi préalable indispensable. Comment en effet, sans confiance en soi, faire le vide, lâcher prise, et laisser venir ?
Plus l’incertitude se développe, plus ce besoin de confiance en soi est nécessaire. Or question incertitude, on est servi, non ? Il suffit malheureusement d’ouvrir un quelconque journal pour en avoir sa dose quotidienne. Je dois dire qu’en écrivant au cours de l’année 2009 mon livre, Les Mers de l’Incertitude, je n’imaginais pas que ce thème de l’incertitude serait à ce point d’actualité…
Donc mieux vaut avoir faire le plein de confiance en soi, et ce n’est pas facile.
Est-ce suffisant ? Non, car, sans confiance dans les autres, sans confiance dans les systèmes et les organisations, mon appréhension va partir du mauvais côté, c’est-à-dire de celui de la crainte et de la peur à l’avance. A nouveau, je vais être tétanisé de crainte : « Il ne sera jamais à la hauteur », « Tous des incapables ! », « On me ment », « S’ils étaient compétents, ce ne serait jamais arrivé. », …
Pas facile de lâcher prise, si on a toutes ces questions en tête ! Comment arriver à comprendre ce qui se passe si l’on est a priori persuadé de l’incompétence des autres ou des systèmes ? Et puis, à quoi bon réfléchir puisque l’on sait avant.
Passons maintenant aux entreprises. Si chacun appréhende ce qui va arriver - soit par déficit de confiance en lui, soit par déficit de confiance en les autres, son service, son usine ou son entreprise -, ce n’est pas gagné ! Peu de chance que l’entreprise parte du bon côté de l’appréhension.
Et comment construire alors une confrontation positive sans confiance ? Or comme je l’ai déjà écrit, la confrontation est un élément essentiel face à l'incertitude(1) :
-          Le monde est trop complexe et mouvant pour qu'un individu puisse à lui seul avoir une interprétation exacte d'une situation donnée.
-          L'ajustement créé par la multiplicité des confrontations permet de maintenir une cohésion au sein de l'entreprise sans la rigidifier.
Sans confiance, la confrontation tournera au conflit et au pugilat.
La confiance nécessaire doit donc être triple : confiance en soi et en ses capacités, confiance dans les autres et en leur professionnalisme, confiance dans l’organisation et dans la qualité de la mer visée.

4 oct. 2010

ATTENTION À NE PAS SE LEVER AU MOMENT DE SAISIR UN VERRE

Sans confrontation interne, une entreprise est désarticulée

Si, quand vous voulez attraper un verre, vos jambes se dressent brutalement, votre main ne trouvera que le vide. Ces coordinations inconscientes, nous les vivons au quotidien sans nous en rendre compte.
De même, nous échangeons constamment avec l'extérieur pour nous adapter aux situations rencontrées : déclenchement de la transpiration pour faire face à une élévation de la température, rétrécissement de la rétine face à une lumière forte,…
La vie n'est maintenue que grâce à ces ajustements constants internes et externes. Aucune programmation préalable ne pourrait piloter un système aussi complexe dans un univers aussi aléatoire.
Les composantes de l'entreprise ont besoin de s'ajuster ‒‒ pour aboutir à un mouvement collectif efficace : les actions menées par les individus ou les sous-ensembles qui composent l'entreprise ne vont pas spontanément s'ajuster, et, sans confrontation, l'entreprise restera désarticulée, elle n'arrêtera pas de « se lever au moment de saisir un verre ». Les ajustements nécessaires n'auront pas lieu, les projets dériveront, les actions prévues ne se feront pas :
- Parce que le chef de projet a accepté sans les discuter les demandes du Directeur marketing, le projet informatique a dérivé en coût et durée,
- Parce que l'ingénieur de fabrication de l'usine n'a pas suffisamment fait valoir le point de vue des équipes de production, le niveau de performance prévu du nouveau four n'a pas été atteint et les coûts de maintenance sont plus élevés,
- Parce que la compagnie aérienne a diminué le nombre de bagagistes au moment où elle réduisait le temps de correspondance, bon nombre de voyageurs sont arrivés sans bagages.

Extrait des Mers de l'incertitude

29 sept. 2010

SE CONFRONTER POUR RESTER ENSEMBLE CONNECTÉS AU DEHORS

Sans confrontation, l'entreprise implose ou se calcifie

« Une entreprise est faite d'une multitude d'hommes et de femmes, de fonctions, de services, de pays, de filiales… Elle est immergée dans des marchés multiformes, des réglementations multiples et des environnements changeants.
Cette capillarité de l'entreprise et cette diversité sont la richesse qui vont permettre d'appréhender le complexe et de saisir ce qui se passe et émerge. A une double condition essentielle :
- Que l'entreprise fonctionne comme un réseau interne qui vit et échange : cet échange va permettre les ajustements et la construction d'une compréhension commune. Le commun émergera alors dynamiquement de ces frottements.
- Que l'entreprise respire avec l'extérieur : nourrie par les informations sur ce qui survient, elle pourra ajuster ses interprétations et piloter son parcours en eaux troubles.

Tel est le double but : éviter d'une part l'implosion de l'entreprise, d'autre part sa calcification en un dinosaure inadapté.

Ceci rejoint la vision de François Jullien : pour lui, l'universel est souvent une forme de l'impérialisme d'une pensée, l'uniforme est appauvrissement, alors que le commun est la recherche de ce qui peut tous nous unir, tout en respectant nos différences et nos richesses individuelles : « la solution n'est pas dans le compromis, mais dans la compréhension. (…) Une telle tolérance ne peut venir que de l'intelligence partagée. (…) Chacun s'ouvre également, par intelligence, à la conception de l'autre » (*)
C'est bien de cela dont il s'agit dans la confrontation : s'ouvrir par l'intelligence à la conception de l'autre, parce que le point de vue de l'autre est complémentaire et nécessaire. Tout est aléatoire, tout est chaotique, rien ne se produit selon ce qui est prévu, donc seule une compréhension fine et commune peut amener l'entreprise à comprendre ce qui se passe, à se remettre en cause et à agir efficacement. »

(*) François Jullien, De l'Universel, de l'uniforme, du commun et du dialogue entre les cultures, p.220-221

Extrait des Mers de l'incertitude p.135-136

19 mai 2010

CONFRONTATION ET CONFIANCE, LE TANDEM DE L’INCERTITUDE

La peur n'est jamais bonne conseillère

J'ai déjà eu l'occasion à de multiples reprises de parler de la confrontation et de pourquoi je pensais qu'elle était un élément essentiel face à l'incertitude(1) :
- Le monde est trop complexe et mouvant pour qu'un individu puisse à lui seul avoir une interprétation exacte d'une situation donnée : grâce à la confrontation des différentes interprétations, une entreprise va pouvoir construire localement et dynamiquement des compréhensions plus complètes de ce qui se passe.
- L'ajustement créé par la multiplicité des confrontations permet de maintenir une cohésion au sein de l'entreprise sans la rigidifier : l'entreprise évite ainsi à la fois l'éclatement – chacun suit la dynamique locale sans maintenir l'articulation avec les autres – et la calcification – l'entreprise devient rigide et ne sait pas s'adapter aux évolutions.

Je rappelle que la confrontation n'est pas le conflit, et que quelques conditions sont requises pour qu'elle puisse se mettre en œuvre positivement :
- On ne se confronte pas sur les conclusions, mais sur l'analyse,
- On se connait mutuellement et on se respecte,
- On ne perd jamais de vue l'objectif commun

Une autre façon de formuler ces conditions est de dire qu'il faut que la confiance existe au sein de l'entreprise :
- Confiance en soi et en sa capacité à contribuer efficacement à l'avancée vers la mer commune : sans cette confiance en moi, je ne serai pas prêt à mettre mes convictions en débat et à écouter les autres interprétations.
- Confiance en les autres et en leur professionnalisme : sans cela, la confrontation tournera en un happening collectif où chacun cherchera à déstabiliser l'autre plutôt qu'à prendre en compte ses arguments.
- Confiance en la mer visée : elle est bien un attracteur stable dans le chaos de l'incertitude et l'entreprise est armée pour s'en rapprocher constamment.

Finalement, je crois que ce tandem « confrontation et confiance » est vraiment un élément clé pour le succès dans l'incertitude. C'est donc une des responsabilités essentielles de la Direction Générale de le promouvoir.

(1) Cliquer pour voir tous mes articles sur la confrontation. C'est aussi un thème important dans mon nouveau livre.
(2) Je mets volontairement deux photos issues de la série Docteur House. En effet, au-delà de son côté théâtral et caricaturalement agressif, House développe au sein de son équipe à la fois confrontation et confiance : chacun prend l'habitude d'exposer ses théories et n'a pas peur de la contradiction, il y a aussi entre tous une réelle confiance basée sur le respect du professionnalisme des autres ; enfin ils visent tous la même mer : trouver la solution de l'énigme médicale.

16 avr. 2010

COMMENT SE DONNER LE TEMPS NÉCESSAIRE À LA TRANSFORMATION ET À LA CONFRONTATION ?

______ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________

Rappel du patchwork de la semaine :
- Lundi : Parallèlement au passage au développement durable, il faut promouvoir le management durable, c'est-à-dire la meilleure prise en compte des effets dans la durée. En effet, la montée de l'incertitude et la pression croissante de la recherche de la rentabilité sont en train de promouvoir un management qui « consomme » les ressources disponibles de l'entreprise.
- Mardi : Dans les marchés de Delhi comme dans les 3J des Galeries Lafayette, la foule se presse. Plus de compétition et d'égoïsme de notre côté, plus d'effervescence et d'énergie de l'autre… 
- Mercredi : Ballade guidée par le philosophe Paul Virilio sur le temps et la vitesse. Depuis un siècle, le temps des machines est passé à la nanoseconde, celui de l'homme est resté le même et il y a un décalage entre la temporalité personnelle et celle de la société. Il est urgent de prendre le temps de repenser notre relation au temps et à la vitesse.
- Jeudi : Une entreprise est trop complexe, les points de vue trop multiples, les possibles trop nombreux pour qu'une seule personne puisse détenir la vérité et qu'il soit normal d'être immédiatement d'accord. Il faut promouvoir la confrontation pour approfondir la compréhension d'une situation et ajuster les points de vue.

Diriger dans la durée, repenser la vitesse et veiller à prendre en compte l'horloge humaine, accepter la partialité d'un point de vue et pousser à la confrontation, voilà bien trois thèmes majeurs pour le management dans l'incertitude.

Ce sont aussi, je crois, trois interpellations pour tous nos systèmes collectifs :
- Comment, comme je l'abordais dans mon éditorial de vendredi dernier, mettre de la stabilité dans nos systèmes politiques, alors qu'ils sont de plus en plus rythmés par la succession des échéances électorales ?
- Comment donner le temps aux hommes et aux femmes d'intégrer les transformations de notre monde pour ne pas se sentir balayés comme par un tsunami ?
- Comment faire des différences culturelles, religieuses ou raciales des opportunités d'enrichissements mutuels, au travers de confrontations et non pas de conflits ?

15 avr. 2010

PERSONNE NE PEUT SEUL PRÉTENDRE DÉTENIR LA VÉRITÉ

Il est normal de ne pas être immédiatement d'accord


"Notre monde est devenu trop complexe, trop incertain pour qu'une personne ou un groupe de personnes (un département technique, une force de vente, une usine, une expertise fonctionnelle,…) puissent penser avoir faire le tour d'un problème. Chacun ne détient qu'une part de vérité, qu'un point de vue.
La confrontation, c'est la mise en commun de ces différents points de vue pour construire une interprétation commune. Cette confrontation n'est pas spontanée, car chacun est pris dans ses certitudes, ses convictions et ses habitudes. Il n'est pas facile d'admettre que l'on ne détient qu'un des points de vue : 
- Un industriel comprendra difficilement pourquoi il est nécessaire de multiplier les références d'un produit et pensera toujours que le temps de la Ford T noire était le bon temps ; 
- Un homme de marketing sous-estimera souvent la difficulté de réaliser une performance technique dans la durée ; 
- Un vendeur pensera qu'il est toujours possible de fabriquer ce qu'il a vendu… 
Pour mieux appréhender le réel, mieux cerner une situation, il faut que chacun prenne conscience de la partialité de son point de vue et de l'incomplétude de ses interprétations. Si une autre personne, un autre service, une autre filiale a un point de vue différent, c'est normal : les analyses d'un même problème, faites depuis des endroits différents et à partir d'histoires distinctes, n'ont pas de raison d'aboutir spontanément aux mêmes conclusions.
Pour imager mon propos, il s'agit d'installer une culture « anti-termite » : il est très dangereux pour une entreprise de n'avoir qu'une collectivité de soldats obéissants. Chacun est porteur de connaissances techniques, d'informations venant de la concurrence, de retour clients, qui sont autant d'informations-clés que la solution retenue doit intégrer."


(Ce texte est un extrait de mon nouveau livre "Les mers de l'incertitude"  - p.136-137- à paraître fin mai)

15 mars 2010

COMMENT VIVRE LA COMPLEXITÉ SANS CONFIANCE ?

En France, nous nous méfions les uns des autres

Dans cette conférence tenue en décembre 2009 à l'École Normale Supérieure, Yann Algan, professeur à Sciences Po, montre que : 
- En France, nous avons un déficit de confiance tant vis-à-vis de nos institutions que de nos concitoyens : par exemple, nous sommes parmi les pays qui ont la plus forte défiance vis-à-vis de leur justice. Ou encore, une français sur cinq fait confiance spontanément à quelqu'un qui ne connait pas versus trois sur quatre dans les pays d'Europe du Nord
- Il y a un lien direct entre le niveau de confiance dans un pays et la performance économique : par exemple, plus le degré de confiance est élevé, plus le pourcentage d'investissement l'est aussi, ce qui « est d'autant plus fondamental dans nos économies d'innovation ». Ou encore, moins il y a de confiance, moins il est facile de créer une entreprise, car plus les contrôles sont tatillons et multiples…

Un peu plus de quinze minutes à écouter… et à méditer

13 janv. 2010

« LE MANAGER DOIT ÊTRE CONSCIENT QUE LES CLÔTURES IMPOSÉES ONT UN CARACTÈRE ARTIFICIEL »

Extraits d'un document du programme européen « Modélisation de la complexité »

L'Association pour la Pensée Complexe a mis en ligne toute une série de documents issus du Programme européen MCX "Modélisation de la Complexité" (http://www.mcxapc.org/)
On peut notamment trouver là un document intitulé « Stratégie des organisations et complexité : quels principes et quelles modalités d’action pour le management stratégique dans la complexité ?  » (http://www.mcxapc.org/docs/dossiermcx/dossier14.pdf). C'est un dossier construit par M.J. Avenier, F. Lacroux, L. Nourry, à partir d'échanges entre treize spécialistes européens du management stratégique des organisations, pour la plupart enseignants-chercheurs, au cours d'une Journée d'étude et d'échanges organisée sur le thème " Stratégie et Complexité " à l'initiative de l'Atelier n°1 du programme MCX, avec le concours de l'Institut du Management d'EDF et de GDF, le 11 avril 1996.
En voici quelques extraits :

Tout est contingent
« La contingence généralisée de la gestion est une implication directe du postulat d'inachèvement. L'impossibilité que l'on a de maîtriser le fonctionnement des systèmes complexes conduit de facto à une remise en cause du statut de la gestion et, par suite, des gestionnaires. »
« Ce qui pourrait caractériser cette action, c'est justement cette idée de contingence. Une contingence qui ne serait pas restreinte, réduite à quelques facteurs prédéterminés ou préformatés, mais plutôt généralisée. Contingence de l'action, certes indispensable, mais dont on ne pourra jamais être certain de l'efficacité ; contingence de la solution choisie, dont on sait qu'on ne pourra attester de sa robustesse dans le long terme, entre autres à cause des phénomènes d'apprentissage ; contingence du contexte, dont on sait qu'il sera toujours susceptible d'affecter les résultats futurs ; contingence des perceptions des acteurs, et donc des représentations qu'ils construisent etc, etc... »
« Cela signifie que pour agir, le manager, en permanence, simplifie, clôture, établit des limites, définit des règles précises, ou réduit ses modélisations. Dans une problématique couplage/découplage, il s'efforce de " découpler ", c'est à dire de concevoir des " îlots de certitude ", temporairement prévisibles et certains. »
« D'un autre côté, pour mieux appréhender une situation complexe, le manager s'efforce d'aller vers des modèles plus complexes, plus riches, prenant en compte des dimensions jusque là négligées. Cette complexification passe aussi par la création de conditions facilitant l'émergence de nouveaux modes de gestion. »
« L'enjeu est plutôt dans l'équilibration, ou l'incessant arbitrage des actions relevant de l'un ou l'autre de ces pôles. Il est aussi dans la conscience de ce pari, ou du choix d'un mode au détriment de l'autre. Le manager doit être conscient que les clôtures imposées au phénomène, bien qu'indispensables pour décider, ne doivent avoir qu'une existence transitoire, partielle, partiale... et surtout peut être qu'elles ont un caractère artificiel, voire arbitraire ; qu'il les a " délibérément et cognitivement construites " » 
« In fine, on peut aboutir à un principe d'action : pour construire ou choisir le modèle qui simplifie " moins mal que les autres et qui lui permet de décider ", ou qui permet l'action la plus rapide, le praticien est conduit à se construire et à se reconstruire en permanence une réflexion sur les présupposés et les conséquences de ses actions. »

Pourquoi faut-il développer la confrontation dans l'entreprise
« Dans la complexité, aucun des acteurs de l'organisation ne peut se targuer de posséder une représentation complète de l'entreprise et de son environnement. Aussi, rechercher et favoriser des " processus de délibération collectifs " permet d'enrichir mutuellement les compréhensions individuelles, de favoriser la création, sinon d'une représentation commune, au moins d'un " cadre référentiel " partagé, et in fine, met les acteurs concernés en situation de décider et d'agir de façon plus éclairée et mieux coordonnée. »

22 mai 2009

Lâcher prise pour manager

Effet miroir sur mes écrits récents…

Mardi dernier, j'ai fait une conférence autour de « Lâcher prise pour manager ».

L'une des participants en a extrait les 6 points qui lui ont paru essentiel. J'ai pensé utile de partager avec vous ce retour qui peut servir de guide au sein des différents articles parus sur mon blog.

Voilà donc cette liste avec les liens vers les articles correspondants :

1. Faire le vide pour se donner une chance de comprendre

- Savoir se voir à distance

- Ne nous laissons pas berner par la « magie des battements de l'aile d'un papillon »

- Pourquoi l'entreprise doit apprendre à faire le vide

- Je n'ai jamais vu un fleuve qui ne finissait pas aller à la mer

- En Chine, notre culture nous trompe

- Difficile d'accepter que mes doigts « savent mieux » que moi où sont les touches

2. Plus je connais mon métier, moins je comprends mon client

- Comment lire derrière les apparences ?

- Sans effets miroirs, les entreprises ne peuvent pas restées connectées au réel

- Quand on se pose une question qui n'existe pas

- Quand l'entreprise est trompée par sa trop grande expertise

3. Ajuster le niveau de précision aux situations

- On n'a pas besoin du même niveau pour partir en voiture que pour prendre le train

- Situation adresse ou téléphone ?

4. Nous aimons trop les jardins à la française

- Quand désordre rime avec harmonie et efficacité

- L'uniforme produit plus d'appauvrissement que d'efficacité

- Nous aimons trop les jardins à la française

5. Apprendre à se confronter

- Se croire invulnérable tue

- La confrontation, c'est la vie

- Se confronter en interne pour fiabiliser les décisions

- La confrontation n'est pas naturelle

- Savoir comprendre et respecter le point de vue d l'autre

- C'est quand tout se passe bien qu'il faut s'inquiéter

- C'est quand tout le monde est d'accord qu'il faut s'inquiéter

6. Ni tout puissant, ni divin mystique, ni mathématico-maniaque… Soyez juste vous-mêmes

- Piloter, c'est lâcher prise

- Rambo, c'est moi ?

6 mai 2009

NON, LA GUERRE N’EST PAS UN MODÈLE POUR LE MANAGEMENT

Vive les stages commandos pour apprendre à diriger !

Au hasard d'un zapping télévisuel, je suis tombé lundi soir sur une émission sur France 2 qui parlait de l'entreprise et des patrons. Saine et audacieuse démarche…

Sans rentrer sur le fonds de cette émission qui comportait quelques bons passages, je voudrais juste zoomer sur un passage qui a mis en scène un MBA lié à HEC, et une sorte de pseudo-stage commando. Il s'agissait dans ce reportage de montrer comment le temps d'un week-end la promotion de ce MBA se trouvait prise en main par un capitaine de l'armée de terre (si je me souviens bien).

Nous avons eu alors droit à quelques scènes « amusantes » : une équipe qui devait construire un pont et se trouvait désorganisée par l'arrivée impromptue d'un blessé non prévu, une stagiaire prise de vertige, … Passionnant quoi… Et là-dessus une conclusion : l'armée réfléchirait à développer des stages de formation à l'intention des cadres dirigeants…

Nous voilà bien partis pour sortir de la guerre économique et sociale. Stage commando pour la stratégie. Stage GIGN pour les relations sociales. Tout va bien…

Pour ceux qui – comme moi – pensent que la vision moderne du management n'est plus dans l'affrontement mais dans la coopération, que gagner ce n'est pas battre son voisin mais construire avec lui de nouvelles solutions, que diriger c'est lâcher-prise, tout ceci n'est pas vraiment rassurant.

Ce reportage m'a fait repenser à un texte de Boris Vian que j'ai lu il y a longtemps. Paru dans le recueil « Textes et chansons », il s'agit d'un court texte dans lequel Boris Vian explique que « Le jour où personne ne reviendra d'une guerre, c'est qu'elle aura enfin été bien faite »...

Un peu plus tard, le même soir, cette fois sur France 3, j'ai vu un reportage sur l'entreprise Favi : cette fonderie s'est développée grâce à un management fondé sur la responsabilité, l'intelligence et la croyance en la bonté de l'homme… Rafraichissant. Ouf ! Tout n'est pas perdu. Je reviendrai sur cette entreprise dans un autre article.

4 mai 2009

TU POUSSES LE BOUCHON, UN PEU TROP LOIN, LA CRISE !

Faire face à ses propres responsabilités...

   

Résumons la situation : un enfant  n'a pas su résister à l'appel irrésistible des mousses au chocolat et fait "porter le chapeau" à son poisson rouge. 

Avec pour chute finale, une phrase devenue "culte" : « Tu pousses le bouchon, un peu trop loin, Maurice ! ». 

Le poisson – Maurice – ne risque pas de répondre, et pour cause !

Bien sûr on peut se contenter de rire du cocasse de la situation et profiter d'un vrai sketch comique – un peu de détente dans l'ambiance morose actuelle est toujours bienvenu !

Mais, ce film tourné en 1995 résonne aussi en écho d'une mode actuelle qui a tendance à se répandre : « Comment faire porter le chapeau à celui qui ne peut rien dire ».

Face à l'accumulation d'incertitudes, il est bien commode de passer le mistigri et refuser d'assumer les conséquences d'erreurs passées.

Vous en doutez ?

Prenez un journal au hasard et vous allez trouver de multiples exemples...

6 avr. 2009

SACHONS ÉVITER LE « CE N’EST PAS MOI, C’EST L’AUTRE » !

Savoir comprendre et respecter l'apport de l'autre

« Dans cette entreprise industrielle, il y avait une rivalité latente et classique entre la Direction Industrielle et les usines. Le rôle des membres de la Direction Industrielle était mal compris : ils étaient perçus comme imposant une politique technique sans tenir compte des contraintes opérationnelles. En simplifiant, l'usine avait tendance à penser que les demandes émanant des membres de la Direction Industrielle venaient perturber inutilement le bon fonctionnement local, dégradant ainsi sa performance. Symétriquement les membres de la Direction Industrielle pensaient que, lorsqu'une usine soulevait une objection, celle-ci n'était qu'une perte de temps et témoignait de sa mauvaise volonté : ils entraient alors en relation avec l'usine non pas pour comprendre l'origine de l'objection, mais pour, sans l'écouter, chercher à la convaincre de son erreur. Personne ne comprenait, ni ne respectait le rôle de l'autre. Ceci ne tournait pas au conflit car tout le monde était conscient de l'importance de la survie de l'entreprise et les usines savaient détenir le pouvoir in fine. Périodiquement, si le siège était jugé comme allant trop loin, les directeurs d'usine faisaient bloc et obtenaient un départ. Il était dans ce contexte impossible de lancer une confrontation efficace : une explicitation des rôles de chacun devait être faite au préalable.

Souvenir d'un plan qualité lancé dans une entreprise de transport. J'avais mené des réunions dans tous les services, et, chaque fois, j'entendais les mêmes messages : « Ah, si untel faisait mieux son travail, nous n'aurions pas tous ces problèmes. ». C'était le sport national : ne jamais parler de ce que l'on faisait soi, mais de ce que l'on aurait fait si on avait été à la place des autres. Dans un tel contexte, impossible aussi de développer une confrontation positive !

Aussi un préalable, complémentaire à celui d'avoir un objectif commun, est que chacun ait une vision claire de son rôle et de sa contribution propres, ainsi que le respect et la compréhension de ceux des autres : si l'un a un doute sur la compétence de son interlocuteur, alors la confrontation soit ne s'amorcera pas, soit tournera au conflit avec mise en cause de l'autre personne.

L'arrogance aussi est interdite. Elle peut signifier le mépris non seulement de l'autre, mais plus généralement de toute information venant contredire sa propre conviction : on ne discute plus pour comprendre mais pour convaincre. Or c'est bien pour comprendre et non pas pour convaincre que l'on doit se confronter, car c'est de la compréhension commune que naîtra la conviction commune. À nouveau, il est normal que les positions initiales divergent : le vrai consensus est le résultat du processus, non pas le point de départ.

L'attitude positive pour entrer en confrontation est d'être convaincu de ses arguments, sinon cela montrerait que l'on a mal mené son propre travail, mais tout en étant conscient des hypothèses que l'on a faites et en étant prêt à accepter leur remise en cause ou simplement leur enrichissement. »

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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

20 mars 2009

EN CHINE, NOTRE CULTURE NOUS TROMPE

Se confronter pour rester connecté au réel

« Un mardi 17 heures à Pékin, j'étais dans un taxi avec mon ami chinois Hai. Pour une fois, la circulation était plutôt fluide et le taxi se déplaçait rapidement sur l'avenue. Brutalement il tourna à droite, et le vélo qui se trouvait à côté manqua de nous percuter.

– Il est fou, ce chauffeur de taxi, m'exclamais-je ! Il pourrait regarder avant de tourner : il a failli renverser le vélo.

– Mais non, il n'est pas fou, me répondit Hai. Pourquoi dis-tu cela ? »

Je le regardais interloqué, ne comprenant pas pourquoi il n'était pas scandalisé comme moi par la brutalité de la conduite du taxi.

– Le vélo n'a qu'à faire attention, prolongea-t-il. Il sait bien que c'est lui le plus faible, et qu'en cas d'accident, c'est le taxi qui gagnera. »

Choc culturel : pour nous, occidentaux, c'est au fort de faire attention ; dans la culture chinoise, c'est au faible, et, s'il lui arrive quelque chose, c'est d'abord un « mauvais faible », c'est-à-dire quelqu'un qui n'est suffisamment conscient de sa situation réelle. Cela n'empêchera pas de l'aider ensuite s'il en a besoin…

Qui a raison, qui a tort ? Personne. Ce n'est pas une question de raison ou de tort, c'est simplement une différence culturelle : la Chine est un continent qui s'est construit et a vécu des millénaires quasiment sans interactions avec le dehors. Elle a donc une histoire propre, une culture propre, des références propres. Le fait qu'elles soient différentes ne les rend pas moins respectables… comme les nôtres : ni plus, ni moins. Il n'y a pas de raisons morales à privilégier a priori un point de vue ou l'autre : en Chine, le faible ne se sent pas plus opprimé ou moins respecté que chez nous.

Si l'on ne connaît pas cette différence culturelle, on ne pourra pas comprendre correctement ce qui se passe en Chine : toutes nos interprétations seront fausses. Symétriquement, si les Chinois n'intègrent pas de leur côté cette différence, ils ne peuvent pas nous comprendre.

Un peu plus tard, toujours à Pékin, je suis assis devant la télévision et essaie de suivre au travers des images ce qui est raconté. La quasi-totalité des émissions sont sous-titrées en idéogrammes chinois et je ne vois pas pourquoi : quel est l'intérêt de sous-titrer, ce d'autant qu'il y a beaucoup plus qu'une centaine de langues en Chine ? Je pose donc la question à Hai.

« Oui, nous avons bien plus d'une centaine de langues. Mais si à l'oral elles sont toutes différentes, elles s'écrivent presque toutes de la même façon, me dit-il. »

Quelle information ! Imaginez un instant l'Europe si nous parlions toujours des langues différentes mais si elles étaient identiques à l'écrit. D'un coup, je comprends mieux comment la Chine a pu mettre en place un système centralisé et hiérarchique couvrant l'ensemble du pays. Je perçois aussi immédiatement pourquoi l'écriture y occupe à ce point un rôle majeur : la calligraphie s'est développée comme un art, parce que c'était d'abord une nécessité. Chez nous, l'écrit est d'abord le moyen d'archiver et de sécuriser une information ; chez eux, c'est d'abord le moyen de communiquer tous ensemble.

La méconnaissance de cette donnée avait faussé mes raisonnements jusqu'à présent : je ne pouvais pas bâtir des interprétations exactes, car je n'étais pas suffisamment connecté au réel, une donnée essentielle me manquant. D'une certaine façon, j'étais un « malade mental » : mon cerveau me trompait…

L'entreprise, elle aussi, agit à partir des interprétations qu'elle construit, interprétations qui doivent être constamment reliées au réel, c'est-à-dire à ce qui se passe à l'intérieur et autour d'elle. Dans le cas contraire, elles vont dériver et une « maladie mentale » va s'installer : comme le patient héminégligent, l'entreprise va nier que cette main soit la sienne et construire un homme à trois bras et trois mains.

Plus l'entreprise est grande, puissante et bureaucratique, plus ce risque de déconnexion du réel est important. Or le réel est bien là, dans et autour de l'entreprise. À un moment ou un autre, il se rappellera aux bons soins de ceux qui l'ont oublié.

Si une telle déconnexion se produit, c'est souvent parce que, par peur du conflit ou par arrogance, l'évitement domine : peur de dire à son supérieur hiérarchique que les objectifs fixés ne seront pas atteints, incapacité à voir les signaux montrant le retournement d'un marché, difficulté à accepter un point de vue divergent, déficit de communication entre les activités opérationnelles et le siège…

Rester connecté au réel, c'est savoir se confronter à l'intérieur de l'entreprise et avec le dehors. »

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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

2 mars 2009

SAVOIR SE VOIR À DISTANCE

Sensation de me voir de l'extérieur, comme un dédoublement.

A chaque fois, c'est pareil, un autre rythme m'habite, une transformation se fait en moi : on est vraiment dépendant du lieu où l'on se trouve. Le regard qui peut aller à l'infini – la ville est encombrée de premiers plans qui arrêtent sans arrêt le regard –, l'absence de tout bruit – le moindre bourdonnement d'insecte est perceptible –, le construit humain qui se fond dans la nature – mes interventions se cantonnent à des murs en pierres sèches et à ajouter ou enlever des arbres –. Tout cela me met à distance de l'urbain que je suis à Paris.

Ma maison en Drôme provençale est un des côtés de ma balance personnelle, sans elle pas d'équilibre, sans elle pas de mise en perspective.

Quand je pose des pierres pour construire un mur en pierres sèches, quand je retourne la terre pour aider un jeune chêne à émerger du chiendent, quand je tronçonne des arbres pour dessiner un chemin dans le bois, mon esprit flotte sans but, sans aspérités, sans raison. Je peux retrouver un chemin dans ma vie, tranquillement, sans le chercher. Ma façon à moi de lâcher prise. Bien sûr à Paris, je peux courir le long de la Seine, mais je reste immergé dans un flux constant et perturbateur. Ici rien de tel. Juste le vide. Personne à moins d'un kilomètre…

S'asseoir dans le bois. Regarder ces arbres qui sont là. Ressentir la vitesse de la vie, c'est-à-dire ce flux lent et régulier qui les habite. « Voir » au travers de l'écorce la sève qui circule.

Ma pensée passe de ces arbres à cette entreprise que j'accompagne. Comme cet arbre, la vie de l'entreprise est nourrie par une sève et sa propre vitesse interne. Changer, c'est sentir les courants et les inflexions possibles. Changer, c'est respecter le rythme biologique et voir comment en tirer le meilleur. Changer, c'est savoir d'abord lâcher prise pour ressentir et comprendre…

23 févr. 2009

SAVOIR COMPRENDRE ET RESPECTER L’APPORT DE L’AUTRE

Sans confrontation en interne et avec l'extérieur, une entreprise va se déconnecter par rapport au réel (voir articles sur la confrontation). Mais, la réussite d'une culture de la confrontation suppose un préalable.

« Dans cette entreprise industrielle, il y avait une rivalité latente et classique entre la Direction Industrielle et les usines. Le rôle des membres de la Direction Industrielle était mal compris : ils étaient perçus comme imposant une politique technique sans tenir compte des contraintes opérationnelles. En simplifiant, l'usine avait tendance à penser que les demandes émanant des membres de la Direction Industrielle venaient perturber inutilement le bon fonctionnement local, dégradant ainsi sa performance.

Symétriquement les membres de la Direction Industrielle pensaient que, lorsqu'une usine soulevait une objection, celle-ci n'était qu'une perte de temps et témoignait de sa mauvaise volonté : ils entraient alors en relation avec l'usine non pas pour comprendre l'origine de l'objection, mais pour, sans l'écouter, chercher à la convaincre de son erreur. Personne ne comprenait, ni ne respectait le rôle de l'autre. Ceci ne tournait pas au conflit car tout le monde était conscient de l'importance de la survie de l'entreprise et les usines savaient détenir le pouvoir in fine. Périodiquement, si le siège était jugé comme allant trop loin, les directeurs d'usine faisaient bloc et obtenaient un départ. Il était dans ce contexte impossible de lancer une confrontation efficace : une explicitation des rôles de chacun devait être faite au préalable.

Souvenir d'un plan qualité lancé dans une entreprise de transport. J'avais mené des réunions dans tous les services, et, chaque fois, j'entendais les mêmes messages : « Ah, si untel faisait mieux son travail, nous n'aurions pas tous ces problèmes. ». C'était le sport national : ne jamais parler de ce que l'on faisait soi, mais de ce que l'on aurait fait si on avait été à la place des autres. Dans un tel contexte, impossible aussi de développer une confrontation positive !

Aussi un préalable, complémentaire à celui d'avoir un objectif commun, est que chacun ait une vision claire de son rôle et de sa contribution propres, ainsi que le respect et la compréhension de ceux des autres : si l'un a un doute sur la compétence de son interlocuteur, alors la confrontation soit ne s'amorcera pas, soit tournera au conflit avec mise en cause de l'autre personne.

L'arrogance aussi est interdite. Elle peut signifier le mépris non seulement de l'autre, mais plus généralement de toute information venant contredire sa propre conviction : on ne discute plus pour comprendre mais pour convaincre. Or c'est bien pour comprendre et non pas pour convaincre que l'on doit se confronter, car c'est de la compréhension commune que naîtra la conviction commune. À nouveau, il est normal que les positions initiales divergent : le vrai consensus est le résultat du processus, non pas le point de départ.

L'attitude positive pour entrer en confrontation est d'être convaincu de ses arguments, sinon cela montrerait que l'on a mal mené son propre travail, mais tout en étant conscient des hypothèses que l'on a faites et en étant prêt à accepter leur remise en cause ou simplement leur enrichissement. »

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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

9 févr. 2009

LA CONFRONTATION, C'EST LA VIE !

Lors d’une conférence que je tenais la semaine dernière, j’ai été amené à repréciser l’importance de la confrontation. J’en ai déjà parlé à plusieurs reprises sur ce blog, mais il m’a paru dès lors souhaitable de refaire un peu une « synthèse » sur ce sujet.

Commençons d’abord par un passage tiré de mon livre Neuromanagement :
« Notre rationalité n’est pas absolue : elle est le résultat de notre interprétation, de notre analyse, de notre compréhension à partir de ce que nous savons du réel. Aussi la confrontation, il ne faut pas l’éviter, mais la rechercher : c’est la meilleure façon de se rapprocher encore un peu plus du réel. Le consensus doit être le résultat d’une confrontation, il ne doit pas être recherché a priori.
En effet tout désaccord n’est pas d’abord source de problèmes, mais surtout source d’enrichissements potentiels par confrontation des interprétations : avoir deux interprétations distinctes, c’est accroître les chances de mieux approcher le réel et de moins se tromper. Cette culture de la confrontation est moins confortable que celle de l’évitement, mais c’est le prix à payer pour rester connecté au réel et renforcer la probabilité de survie à long terme.
Je rappelle que, pour moi, conflit et confrontation sont deux notions différentes, même si, bien sûr, l’une peut conduire à l’autre : le conflit est un affrontement entre deux personnes ou systèmes qui, poursuivant des objectifs différents, rivalisent pour la conquête de la même chose, une idée ou un bien ; la confrontation oppose deux parties qui ont un objectif commun, comme, par exemple, la survie ou le développement de l’entreprise à laquelle ils appartiennent. Dans un conflit, on est face à face ; dans une confrontation, on est assis du même côté de la table et on fait face au problème qui est commun.
Le conflit, c’est un combat. La confrontation, c’est la recherche du réel.
Il faut pousser à la confrontation en interne : si deux personnes ne sont pas d’accord entre elles, il ne faut en aucun cas, par abandon d’un des points de vue ou en remontant directement pour arbitrage au niveau hiérarchique supérieur, éviter la discussion. Elles doivent analyser la divergence.
Noter que, souvent, lorsque quelqu’un a peur d’une confrontation, c’est qu’il n’est pas sûr de son propre raisonnement : la confrontation risque de montrer qu’il a tort ou l’obliger à communiquer les vraies raisons de son choix.
Attention, si l’une ou l’autre des parties perd de vue l’objectif commun, alors la confrontation va tourner au conflit.
Ceci implique qu’une Direction Générale doit toujours relier ce qu’elle demande à un des objectifs de survie et montrer que cela s’impose aussi à elle : elle est comme le reste de l’entreprise dans l’obligation de l’atteindre. Si elle veut que la mise en œuvre ne tourne pas au conflit, il est essentiel que le personnel ne pense pas qu’il faut faire ceci simplement pour lui faire plaisir. Je rappelle que l’expression « survie » s’entend au sens large en y incluant des objectifs positifs comme la croissance et le développement.
Si la Direction est capable de montrer effectivement que ce qu’elle demande est « indépendant » d’elle-même, et est lié à la situation de l’entreprise et du marché, elle peut alors susciter la confrontation pour enrichir sa décision. »

Vraiment toute cette thématique autour de la confrontation comme levier d’ajustement des interprétations est essentielle. Sans elle, les systèmes vont dériver : les ajustements internes ne vont plus se faire (voir « Se confronter en interne pour fiabiliser les décisions »), les informations venant du dehors ne sont plus intégrées et l’entreprise se déconnecte de son marché (voir « Se croire invulnérable tue ».)

En fait la confrontation fait partie de la vie, il en est le moteur de l’ajustement, et tout ceci peut se résumer en une phrase : sans confrontation, pas de vie !
Promouvoir une culture de confrontation est un des responsabilités premières d’un dirigeant (voir « La confrontation n’est pas naturelle »).
Comment faire ?
Ceci est, pour moi, tout sauf quelque chose de théorique. Au contraire, c’est très engageant, et singulièrement pour la Direction Générale qui doit être la première à appliquer ces principes. Quels sont-ils ?

J’en vois 5 majeures :
1. Avoir une organisation claire où chacun peut comprendre son rôle et celui des autres : Pour pouvoir me confronter positivement – c’est-à-dire sans partir vers le conflit ou l’évitement -, il faut que chacun ait une vue claire de ce que l’on attend de lui et la compréhension de celui des autres. Le mot compréhension est à prendre au sens fort, en incluant le respect de la compétence et du savoir-faire des autres.
2. Avoir un objectif commun partagé auquel chacun est capable de relier son objectif propre : Sans objectif commun, toute confrontation va tourner au conflit ; sans liaison entre l’objectif commun et l’objectif individuel, chacun risque de refuser la confrontation par peur de non atteinte de son objectif personnel.
3. Se confronter sur l’analyse et jamais sur les conclusions : Il faut remonter à ce qui a amené chacun à construire une interprétation différente, et ce en distinguant bien les faits des opinions (voir « Savoir distinguer les faits des opinions »).
4. Se refuser à arbitrer entre deux points de vue divergents si une confrontation préalable n’a pas été entrepris préalablement avant à leur niveau : Dans la plupart des cas, la confrontation permettra de faire émerger la solution (voir « La bonne solution n’est pas de demander à la Direction Générale de tirer à pile ou face ») et sinon, le problème remontera mais documenté et argumenté. La bonne solution n’est en effet jamais de passer le mistigri à l’échelon supérieur !
5. Ne pas considérer que l’accord a priori est normal et chercher la confrontation : S’interdire de prendre toute décision significative si il n’y a eu aucun débat interne réel. La plupart du temps, cela masque la non prise en compte d’une des dimensions du problème : il n’est pas normal que, sur un problème complexe, toutes parties soient immédiatement en phase (voir « C’est quand tout le monde est spontanément d’accord qu’il faut s’inquiéter », « C’est quand tout se passe bien qu’il faut s’inquiéter »).


5 févr. 2009

SE CONFRONTER EN INTERNE POUR FIABILISER LES DÉCISIONS

"Une entreprise industrielle avait à réaliser un investissement majeur qui aboutirait à terme à un doublement de la capacité de production d’une de ses usines. La conception du nouvel équipement impliquait le siège et les cadres locaux.
Compte tenu des contraintes globales pesant sur la rentabilité l’entreprise, la Direction Générale voulait réaliser cet investissement en minimisant les coûts. Dans cette logique, une enveloppe avait été fixée pour l’investissement.
Dans la phase initiale, les réflexions étaient pilotées entre la Direction Industrielle et une cellule ad hoc créée au sein de l’usine. L’ingénieur de fabrication qui serait ensuite en charge de faire fonctionner le nouvel équipement n’était pas membre de la cellule.
Or l’équipe de fabrication, techniciens et contremaîtres, avait été vite persuadée que le projet ne tenait pas compte de toutes les conséquences pour l’usine : le périmètre étudié ne portait que sur l’investissement principal, et n’incluait pas les annexes.
Cette divergence majeure n’avait pas été remontée jusqu’à la Direction Générale. Cet évitement faisait courir un danger fort au projet, puisque les objectifs d’accroissement de la capacité de production risquaient de ne pas être atteints.
Il était donc vital d’organiser d’urgence une confrontation entre les différents points de vue, pour :
- soit convaincre la fabrication que ses inquiétudes étaient sans fondement,
- soit revoir les objectifs de croissance de la capacité de production,
- soit accroître le budget et modifier les annexes en conséquence.

Pourquoi un tel évitement ? Parce qu’à nouveau la confrontation n’est pas naturelle : souvent, on a « peur » en interne de se confronter, que ce soit avec son équipe, son collègue ou son supérieur hiérarchique. On privilégie le consensus, on pense que le problème finira bien par se régler de lui-même…
Or, en l’absence de la confrontation interne, l’ajustement n’interviendra qu’a posteriori, c’est-à-dire au moment de la confrontation avec l’extérieur de l’entreprise. Au mieux, ceci déclenchera retards et surcoûts pour l’entreprise ; au pire, l’erreur ne pourra pas être rattrapée.

Ce risque d’évitement est d’autant plus fort que la culture interne est « confortable » et ne pousse pas à la remise en cause. Pour dépasser l’évitement, il faut apprendre à se confronter efficacement."
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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)


4 févr. 2009

IL EST IMPOSSIBLE DE SE FAIRE COMPRENDRE

Communiquer est un objectif impossible.
Vous êtes surpris par ma formulation, vous pensez que j’exagère… Je ne crois vraiment pas. Je vais essayer de m’expliquer, même si vouloir expliquer que « communiquer est impossible » est une activité paradoxale !
Quand vous voulez exprimer quelque chose – quoique ce soit –, vous allez employer des mots qui vont, pour vous, correspondre au sens que vous voulez donner, à votre interprétation. Vous allez accompagner cette communication verbale d’une communication physique qui va émaner de vous à ce moment-là.
Celui qui va « recevoir » votre message – ce mélange de verbal et de physique – va lui l’interpréter à partir de son histoire, son expérience et l’ensemble de ses ressorts émotionnels propres.

Prenons, par exemple, un cas extrêmement simple : vous voulez parler, pour une raison ou une autre, d’une table. Vous employez le mot sans précaution particulière, sans y mettre aucun affect, sans accompagnement corporel. Vous parlez « techniquement » d’une table. Vous êtes neutre et calme. La table est un objet simple que tout le monde connaît. Pas de problème donc, pas de raison de « se prendre la tête », n’est ce pas ?

Oui, mais il se trouve que celui à qui vous parlez a un père menuisier qui avait pour marotte de faire des tables.
Toute son enfance, votre interlocuteur l’a passée auprès de ce père, sa mère étant morte alors qu’il était très jeune. Un père castrateur, donneur de leçons et qui lui répétait tout le temps : « Tu vois, des tables comme celles-là, tu ne sauras jamais en faire. ». Et effectivement, plus tard, il avait tout à fait autre chose.
Et c’est à lui que vous parlez de table. Pas de chance, vous êtes debout, lui assis. Et vous êtes son supérieur hiérarchique… Imaginez alors si, en plus, il venait d’apprendre la mort de ce père… Peu de chances qu’il vous écoute vraiment : Avec ce petit mot de « table », vous venez de réveiller tout un passé enfoui. Il ne peut plus vraiment vous écouter. Il voit son père…

Évidemment cet exemple est caricatural. Vous n’avez à peu près aucune chance de vous retrouver dans une situation aussi extrême. Aussi ne prenez pas trop de précautions pour parler de table !

Bien sûr, en général, ce que l’on a à évoquer est beaucoup plus compliqué qu’une simple table ! Alors faites attention à ne pas croire qu’il va suffire de parler clairement pour être compris.

Quelques « conseils » pour essayer d’atteindre l’objectif impossible de la communication :

- Ne pas hésiter à utiliser plusieurs façons pour parler du même sujet. Plus vous multiplierez les chemins explicatifs, plus vous augmenterez la probabilité d’être compris correctement. Malheureusement, ceci n’est souvent pas possible, car cela demande du temps et de la disponibilité chez l’autre.
- Communiquer au travers d’histoires, se rapprochant le plus possible de situations simples de la vie courante. C’est ce que je viens de faire avec mon « histoire de table ». La Bible en est truffée, il doit y avoir une raison (on appelle ces histoires-là des paraboles, c'est plus chic, mais c'est la même idée !).
- Faire attention à son langage corporel qui va porter implicitement une grande partie du message. Par exemple, si vous avez à répondre à une question et que vous voulez enclencher un échange, ne jamais le faire en restant debout : toujours être assis au même niveau pour engager un mode équilibré.
- Et bien sûr, faire un « bouclage » pour comprendre à votre tour ce que l’autre a compris.
Ce ne sont que des pistes. L’important est en fait simplement dans cette phrase : « Comprendre qu’il est impossible de communiquer réellement, et donc être vigilant dès que l’on cherche à le faire… ».

Me suis-je fait comprendre ?


Sur ce thème du langage, vous pouvez jeter un coup d’œil aux articles que j’ai écrit sur le sujet (CLIQUER) et aussi regarder la vidéo ci-dessous sur « Comment la mémoire peut nous tromper »