Comment passe-t-on de l'observation à la compréhension et à la décision ?
Je poursuis la présentation de la première partie de mon livre avec des extraits sur les langages qui sont d'abord le moyen par lequel nous structurons notre pensée, avant d'être celui par lequel nous tentons de communiquer, puis sur la décision.
« Le premier langage est celui de notre langue et de ses mots. Mais ce n'est pas le seul qui peuple notre cerveau : les mathématiques ou le jeu d'échecs sont aussi des langages. Là où le profane ne voit que des assemblages de lettres, de chiffres et de symboles, le mathématicien lit le problème et architecture des solutions ; là où le débutant ne voit que des pièces juxtaposées sur un échiquier, le joueur averti voit des configurations avec lesquels il va construire des stratégies.
Ainsi, avec nos langages, nous lisons la situation présente et l'enrichissons de notre expérience tirée de notre passé. De tout ceci, naissent nos interprétations, mélanges du passé recomposé, du présent perçu et du futur imaginé, toutes intimement liées à chaque individu car elles reposent d'abord sur l'histoire personnelle (tant dans sa partie réellement vécue que dans tout l'imaginaire associé), sur les déformations de la mémoire et sur l'analyse de la situation présente, sans parler de la perception que chacun peut avoir du futur. On n'est donc pas près de pouvoir modéliser et prévoir des interprétations individuelles !
Qu'en est-il de la communication entre individus ? Pour faire court, communiquer est un objectif impossible ! Vous êtes surpris par ma formulation, vous pensez que j'exagère… Je ne crois vraiment pas. Quand vous voulez exprimer quelque chose, quoi que ce soit, vous employez des mots qui correspondent, pour vous, au sens que vous voulez donner. Pour cela, vous vous référez à votre mémoire et à la compréhension que vous avez de ce que vous voulez dire. Celui qui reçoit votre message, l'interprète, lui, à partir de son histoire, son expérience et l'ensemble de ses ressorts émotionnels propres. Les deux sont, sauf en cas d'histoire commune longue et dense, structurellement différents. Comment arrivons-nous alors à communiquer ? Par l'existence d'usages et de règles collectives qui ont construit progressivement des sens communs. Par des ajustements progressifs et aussi beaucoup grâce à la communication non verbale : celle-ci ne passe plus par les mots, mais sollicite essentiellement les neurones miroirs qui nous permettent de « lire l'autre »
(…) Supposons d'abord que nous sommes face au cas le plus simple : je suis seul à décider. Dans ce cas limite et un peu théorique, nous savons donc répondre à la question « qui décide ? ». La réponse est moi. Certes, mais comme nous l'avons vu précédemment, ma décision va reposer sur une interprétation, interprétation fonction de ma mémoire, de mon histoire et de ma perception de la situation. Comme je ne peux pas penser en dehors de mes propres langages, je ne peux pas être conscient des présupposés qu'ils induisent. En ce sens, je ne peux donc pas vraiment comprendre comment je décide.
De plus, comme ma mémoire et mon histoire se recomposent sans cesse, mon identité change continûment et de façon imprévisible : je ne peux pas savoir qui je serai vraiment demain, du moins pas assez précisément pour en déduire ce que je déciderai. Ainsi ce « moi » qui décide est-il constamment en évolution : je ne sais plus vraiment qui j'étais car ma mémoire fluctue, je ne sais pas vraiment qui je serai car cela dépendra ce qui va m'arriver. »1
31 mai 2010
28 mai 2010
NI MENTEUR NI INCOMPÉTENT !
_____ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________
27 mai 2010
COMMENT POURRIONS-NOUS VIVRE DANS UN MONDE CERTAIN ?
Première vidéo de présentation du livre "Les mers de l'incertitude"
L'incertitude est le moteur de la vie et non pas la preuve d'un manque de connaissance
26 mai 2010
L’INCERTITUDE EST LE MOTEUR DU VIVANT, ET NON PAS LA PREUVE D’UN DÉFICIT DE LA CONNAISSANCE
Présentation de la 1ère partie de mon nouveau livre « les mers de l'incertitude » (suite)
Après « quelques histoires improbables en guise d'introduction »(1), la première partie de mon livre vous propose une promenade dans trois domaines et cherche à apporter la réponse aux questions suivantes (voir ci-joint la table des matières de la cette première partie – cliquer dessus pour agrandir la photo) :
- Les neurosciences : grâce à l'imagerie cérébrale et à tous les développements effectués surtout depuis les années 80, les neurosciences, appelées aussi neurobiologie, nous aident à analyser la complexité des phénomènes de la mémoire, de la compréhension et de la décision. Avec elles, allons-nous être capables de comprendre de mieux en mieux le fonctionnement de nos processus de décisions, et par là de prévoir l'évolution du monde ?
- Les sciences physiques et mathématiques : avec la relativité et la mécanique quantique, le temps n'est plus une constante, l'espace peut se courber, et une particule peut être à plusieurs endroits à la fois. Les derniers développements scientifiques, notamment ceux liés aux mathématiques du chaos, vont-ils nous permettre de trouver de nouvelles lois, ou à l'inverse, l'incertitude va-t-elle quitter les limites de l'infiniment grand et de l'infiniment petit, pour se retrouver au cœur de notre univers ?
- La biologie et la théorie de l'évolution : les frontières entre les organismes vivants sont devenues comme perméables, on parle d'auto-organisation et de théorie de la complexité, l'émergence règne. Plus nous avançons dans la compréhension des mécanismes de la vie et moins nous les voyons comme des processus certains, suivant des logiques linéaires. Aussi cette vie, faite de processus ouverts et indécidables quant à leur évolution future, peut-elle globalement déboucher sur des évolutions prévisibles ?
Pourquoi un tel développement ? Pour montrer que l'existence de l'incertitude n'est pas la preuve d'un manque de connaissance, mais est bel et bien un des éléments essentiels et constitutifs de notre monde.
Ce qui illustre le mieux mon propos est la mise en regard des propos tenus par Pierre Simon de Laplace et Henri Poincaré à près de cent ans de distance l'un de l'autre :
- En 1816, Pierre Simon de Laplace écrivait : « Une intelligence qui pour un instant donné connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d'ailleurs, elle était assez vaste pour soumettre ces données à l'analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l'Univers et ceux du plus petit des atomes : rien ne serait incertain pour elle, et l'avenir comme le passé serait présent à ses yeux. » (2)
- En 1908, Henri Poincaré changeait totalement de point de vue : « Lors même que les lois naturelles n'auraient plus de secret pour nous, nous ne pourrons connaître la situation initiale qu'approximativement. (…) La prédiction devient impossible et nous avons le phénomène fortuit. » (3)
(à suivre)
(1) Où vous pourrez « découvrir » la naissance de la roue, de l'écriture, de l'énergie…
(2) Essai philosophique sur les probabilités
(3) Science et méthode
Après « quelques histoires improbables en guise d'introduction »(1), la première partie de mon livre vous propose une promenade dans trois domaines et cherche à apporter la réponse aux questions suivantes (voir ci-joint la table des matières de la cette première partie – cliquer dessus pour agrandir la photo) :
- Les neurosciences : grâce à l'imagerie cérébrale et à tous les développements effectués surtout depuis les années 80, les neurosciences, appelées aussi neurobiologie, nous aident à analyser la complexité des phénomènes de la mémoire, de la compréhension et de la décision. Avec elles, allons-nous être capables de comprendre de mieux en mieux le fonctionnement de nos processus de décisions, et par là de prévoir l'évolution du monde ?
- Les sciences physiques et mathématiques : avec la relativité et la mécanique quantique, le temps n'est plus une constante, l'espace peut se courber, et une particule peut être à plusieurs endroits à la fois. Les derniers développements scientifiques, notamment ceux liés aux mathématiques du chaos, vont-ils nous permettre de trouver de nouvelles lois, ou à l'inverse, l'incertitude va-t-elle quitter les limites de l'infiniment grand et de l'infiniment petit, pour se retrouver au cœur de notre univers ?
- La biologie et la théorie de l'évolution : les frontières entre les organismes vivants sont devenues comme perméables, on parle d'auto-organisation et de théorie de la complexité, l'émergence règne. Plus nous avançons dans la compréhension des mécanismes de la vie et moins nous les voyons comme des processus certains, suivant des logiques linéaires. Aussi cette vie, faite de processus ouverts et indécidables quant à leur évolution future, peut-elle globalement déboucher sur des évolutions prévisibles ?
Pourquoi un tel développement ? Pour montrer que l'existence de l'incertitude n'est pas la preuve d'un manque de connaissance, mais est bel et bien un des éléments essentiels et constitutifs de notre monde.
Ce qui illustre le mieux mon propos est la mise en regard des propos tenus par Pierre Simon de Laplace et Henri Poincaré à près de cent ans de distance l'un de l'autre :
- En 1816, Pierre Simon de Laplace écrivait : « Une intelligence qui pour un instant donné connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d'ailleurs, elle était assez vaste pour soumettre ces données à l'analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l'Univers et ceux du plus petit des atomes : rien ne serait incertain pour elle, et l'avenir comme le passé serait présent à ses yeux. » (2)
- En 1908, Henri Poincaré changeait totalement de point de vue : « Lors même que les lois naturelles n'auraient plus de secret pour nous, nous ne pourrons connaître la situation initiale qu'approximativement. (…) La prédiction devient impossible et nous avons le phénomène fortuit. » (3)
(à suivre)
(1) Où vous pourrez « découvrir » la naissance de la roue, de l'écriture, de l'énergie…
(2) Essai philosophique sur les probabilités
(3) Science et méthode
25 mai 2010
INTRODUCTION AU MANAGEMENT DANS L’INCERTITUDE
Présentation de mon nouveau livre « Les mers de l'incertitude »
Depuis longtemps, l'incertitude régnait, et la crise de 2008 est venue balayer les dernières illusions : chacun mesure aujourd'hui les limites de la prévision économique. Mais comment diriger une entreprise si l'incertitude est reine ?
Faut-il renoncer aux projets durables et se contenter de gérer au jour le jour ? Mais comment donner alors un sens à l'action collective, attirer les talents et motiver les investisseurs ? Doit-on, au contraire, renforcer la discipline autour d'un objectif fort et fédérateur, derrière un leader charismatique ? Mais comment dans ce cas résister au gros temps et adapter son cap aux changements conjoncturels ?
Voilà ainsi les entreprises écartelées entre poursuite d'un objectif collectif et adaptabilité aux aléas.
Comment sortir de cette tenaille ? Peut-on marier force instantanée et création durable de valeur?
Oublions un moment ce problème, pour regarder la Seine couler. Elle aussi est plongée dans l'incertitude, et pourtant, quoi qu'il arrive, l'eau fera son chemin jusqu'à cette destination finale. La Seine sait dépasser notre problème. Pourquoi ? Parce que sa destination est un attracteur : quoi qu'il se passe, la mer fait venir à elle l'eau.
Voilà l'idée centrale de mon nouveau livre, « Les mers de l'incertitude »(1) : comme un fleuve, une entreprise doit se fixer pour objectif, une mer qui sera un attracteur stable dans les aléas qui l'entourent. J'y propose trois pistes pour réussir dans l'incertitude :
- Penser à partir du futur : on ne peut pas, en effet, comprendre vers quoi coule un fleuve en regardant les méandres de son cours.
- Choisir sa mer une fois pour toutes : L'Oréal n'en a jamais fini de viser la beauté, ni Google l'information ou Nestlé l'alimentation.
- Rechercher la facilité : sans l'appui de la pente naturelle du terrain, il est impossible de progresser dans la bonne direction au milieu des tempêtes, déluges ou sécheresses.
J'y mets aussi en exergue cinq points nécessaires pour sortir de la « schizophrénie » ambiante, schizophrénie qui nous fait accepter l'incertitude intellectuellement, mais qui nous pousse à agir comme si le futur restait prévisible et modélisable :
1. Ne plus chercher la réponse à l'incertitude dans les mathématiques
Alors que tous les spécialistes nous alertent sur les limites et les risques de vouloir mettre les comportements humains en équation, nous continuons à ramener le comportement humain à de équations simples et à manipuler les hommes à coup de règles de trois. Les tableaux de chiffres n'évaluent pas la viabilité réelle d'un projet ou d'une entreprise.
2. Ne plus confondre vitesse et efficacité
Comme le dit un proverbe chinois, on ne fait pas pousser plus vite un arbre en le tirant vers le haut, on risque seulement de le faire mourir. Pourtant, on oublie sans cesse cet adage de base. La crise récente n'arrange rien, car, au lieu de se rendre compte que c'est parce que l'on a trop couru que l'on n'a pas vu les signes annonçant la crise, on court encore davantage.
3. Comprendre qu'une entreprise anorexique ne pourra pas faire face aux aléas
Adaptabilité, souplesse face à l'imprévu impliquent redondance, ressources disponibles, capacité à improviser. Je sais combien ceci va aux antipodes de la tendance actuelle qui cherche par tous les moyens à accroître la rentabilité des entreprises. Mais si l'on améliore les résultats immédiats, on se prépare pour un mort future probable, car ceci peut conduire à l'anorexie, au temps des dinosaures, ces méga-entreprises vulnérables au moindre changement climatique.
4. Être un paranoïaque optimiste
Souvent nous manquons d'imagination : conditionnés par nos habitudes, nos savoirs et nos expériences, nous pensons trop le futur comme le prolongement du présent. Dans le même temps, nous pêchons souvent par optimisme en nous organisant sur le scénario médian, voire maximum. Ceux qui vont réussir seront des paranoïaques optimistes : ils ont le culot de penser à partir du futur, mais, sachant que le pire est possible, ils s'organisent non pas sur le scénario médian, mais sur le pire.
5. Promouvoir un management durable
Comme nous sommes en train de passer au développement durable, nous devons promouvoir le management durable. En effet, plus les dirigeants changeront souvent d'entreprises, et les actionnaires seront volatils, plus les uns comme les autres voudront se protéger par des prévisions et des chiffres. Dirigeants comme actionnaires croiront se protéger dans des tableaux et des certitudes, alors qu'ils ne sont que source d'erreurs et d'incompréhension, des lignes Maginot mentales.
Alors, l'incertitude ne sera plus tant une contrainte qu'une formidable opportunité. Car, est-ce une si mauvaise nouvelle que de voir l'incertitude se propager de plus en plus ? Imaginons à l'inverse que nous allions vers un monde de plus en plus certain. Quelle y serait la place laissée à l'intelligence, au professionnalisme et à la créativité ?
Aussi, en contre-point de Jean-Paul Sartre qui écrivait : « Je préfère le désespoir à l'incertitude », je dirais plutôt qu'il n'y a pas d'espoir sans incertitude.
(1) Les mers de l'incertitude, Éditions Palio 2010
Depuis longtemps, l'incertitude régnait, et la crise de 2008 est venue balayer les dernières illusions : chacun mesure aujourd'hui les limites de la prévision économique. Mais comment diriger une entreprise si l'incertitude est reine ?
Faut-il renoncer aux projets durables et se contenter de gérer au jour le jour ? Mais comment donner alors un sens à l'action collective, attirer les talents et motiver les investisseurs ? Doit-on, au contraire, renforcer la discipline autour d'un objectif fort et fédérateur, derrière un leader charismatique ? Mais comment dans ce cas résister au gros temps et adapter son cap aux changements conjoncturels ?
Voilà ainsi les entreprises écartelées entre poursuite d'un objectif collectif et adaptabilité aux aléas.
Comment sortir de cette tenaille ? Peut-on marier force instantanée et création durable de valeur?
Oublions un moment ce problème, pour regarder la Seine couler. Elle aussi est plongée dans l'incertitude, et pourtant, quoi qu'il arrive, l'eau fera son chemin jusqu'à cette destination finale. La Seine sait dépasser notre problème. Pourquoi ? Parce que sa destination est un attracteur : quoi qu'il se passe, la mer fait venir à elle l'eau.
Voilà l'idée centrale de mon nouveau livre, « Les mers de l'incertitude »(1) : comme un fleuve, une entreprise doit se fixer pour objectif, une mer qui sera un attracteur stable dans les aléas qui l'entourent. J'y propose trois pistes pour réussir dans l'incertitude :
- Penser à partir du futur : on ne peut pas, en effet, comprendre vers quoi coule un fleuve en regardant les méandres de son cours.
- Choisir sa mer une fois pour toutes : L'Oréal n'en a jamais fini de viser la beauté, ni Google l'information ou Nestlé l'alimentation.
- Rechercher la facilité : sans l'appui de la pente naturelle du terrain, il est impossible de progresser dans la bonne direction au milieu des tempêtes, déluges ou sécheresses.
J'y mets aussi en exergue cinq points nécessaires pour sortir de la « schizophrénie » ambiante, schizophrénie qui nous fait accepter l'incertitude intellectuellement, mais qui nous pousse à agir comme si le futur restait prévisible et modélisable :
1. Ne plus chercher la réponse à l'incertitude dans les mathématiques
Alors que tous les spécialistes nous alertent sur les limites et les risques de vouloir mettre les comportements humains en équation, nous continuons à ramener le comportement humain à de équations simples et à manipuler les hommes à coup de règles de trois. Les tableaux de chiffres n'évaluent pas la viabilité réelle d'un projet ou d'une entreprise.
2. Ne plus confondre vitesse et efficacité
Comme le dit un proverbe chinois, on ne fait pas pousser plus vite un arbre en le tirant vers le haut, on risque seulement de le faire mourir. Pourtant, on oublie sans cesse cet adage de base. La crise récente n'arrange rien, car, au lieu de se rendre compte que c'est parce que l'on a trop couru que l'on n'a pas vu les signes annonçant la crise, on court encore davantage.
3. Comprendre qu'une entreprise anorexique ne pourra pas faire face aux aléas
Adaptabilité, souplesse face à l'imprévu impliquent redondance, ressources disponibles, capacité à improviser. Je sais combien ceci va aux antipodes de la tendance actuelle qui cherche par tous les moyens à accroître la rentabilité des entreprises. Mais si l'on améliore les résultats immédiats, on se prépare pour un mort future probable, car ceci peut conduire à l'anorexie, au temps des dinosaures, ces méga-entreprises vulnérables au moindre changement climatique.
4. Être un paranoïaque optimiste
Souvent nous manquons d'imagination : conditionnés par nos habitudes, nos savoirs et nos expériences, nous pensons trop le futur comme le prolongement du présent. Dans le même temps, nous pêchons souvent par optimisme en nous organisant sur le scénario médian, voire maximum. Ceux qui vont réussir seront des paranoïaques optimistes : ils ont le culot de penser à partir du futur, mais, sachant que le pire est possible, ils s'organisent non pas sur le scénario médian, mais sur le pire.
5. Promouvoir un management durable
Comme nous sommes en train de passer au développement durable, nous devons promouvoir le management durable. En effet, plus les dirigeants changeront souvent d'entreprises, et les actionnaires seront volatils, plus les uns comme les autres voudront se protéger par des prévisions et des chiffres. Dirigeants comme actionnaires croiront se protéger dans des tableaux et des certitudes, alors qu'ils ne sont que source d'erreurs et d'incompréhension, des lignes Maginot mentales.
Alors, l'incertitude ne sera plus tant une contrainte qu'une formidable opportunité. Car, est-ce une si mauvaise nouvelle que de voir l'incertitude se propager de plus en plus ? Imaginons à l'inverse que nous allions vers un monde de plus en plus certain. Quelle y serait la place laissée à l'intelligence, au professionnalisme et à la créativité ?
Aussi, en contre-point de Jean-Paul Sartre qui écrivait : « Je préfère le désespoir à l'incertitude », je dirais plutôt qu'il n'y a pas d'espoir sans incertitude.
(1) Les mers de l'incertitude, Éditions Palio 2010
21 mai 2010
LES MERS DE L’INCERTITUDE, LIVRE DU JOUR DANS LES ÉCHOS
Un ouvrage éminemment moderne
Un message exceptionnellement court, mais c'est juste pour annoncer que mon livre vient d'être chroniqué aujourd'hui comme le « Livre du jour » par Philippe Escande dans les Échos (voir la photo ci-jointe – si vous cliquez, dessus, elle s'agrandira et deviendra lisible)
Il y associe même le célèbre Sun Zi en disant qu'il ne renierait pas mon livre. J'apprécie d'autant plus le compliment qu'il fait référence à un des penseurs asiatiques majeurs…
Un message exceptionnellement court, mais c'est juste pour annoncer que mon livre vient d'être chroniqué aujourd'hui comme le « Livre du jour » par Philippe Escande dans les Échos (voir la photo ci-jointe – si vous cliquez, dessus, elle s'agrandira et deviendra lisible)
Il y associe même le célèbre Sun Zi en disant qu'il ne renierait pas mon livre. J'apprécie d'autant plus le compliment qu'il fait référence à un des penseurs asiatiques majeurs…
CONFIANCE, CONFIANCE, VOUS AVEZ DIT CONFIANCE ?
______ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________
A partir ce cette semaine, les synthèses du vendredi seront faites sous la forme d'une vidéo courte. Une occasion de rendre ce blog plus vivant… du moins je l'espère !
N'hésitez pas à réagir et à me dire ce que vous en pensez
20 mai 2010
« N’ESSAIE PAS. FAIS. OU NE FAIS PAS. »
Au pays des Jedis
Dès le début, il l'avait vu arriver. Comment manquer la chute brutale de son X-Wing au beau milieu de la jungle ? Il l'avait ensuite entendu jurer contre ce marécage dans lequel il voyait son engin s'enfoncer doucement. Puis il avait suivi son cheminement maladroit au milieu de la végétation jusqu'à ce qu'il ne se retrouve plus qu'à deux pas de lui. Là, Yoda s'était manifesté :
« T'aider, je peux, lui dit-il.
- Je ne pense pas, lui répondit Luke, à la fois interloqué et irrité. Je cherche un grand guerrier.
- Ahhh ! Un grand guerrier. »
Yoda eut un rire, secoua la tête et continua : « Les guerres ne font pas grandir. »
Difficile pour Luke d'imaginer que cet être chétif et à l'allure improbable était ce grand maître qui allait de faire de lui un Jedi.
L'entrainement de Luke put alors commencer. Succession de courses, d'épreuves diverses, toutes apparemment plus impossibles les unes que les autres. La progression était trop lente pour Luke qui supportait mal ses échecs. Il arrivait bien à faire bouger des pierres, mais pas moyen de faire sortir son X-Wing du marécage. Yoda, imperturbable, lui demandait de recommencer.
« Maitre, faire bouger des pierres, c'est une chose. Là, c'est totalement différent.
- Non ! Pas différent ! Seulement dans ton esprit différent. Tu dois oublier ce que appris tu as.
- Bon, je vais essayer.
- Non ! N'essaie pas. Fais. Ou ne fais pas. D'essai il n'y a pas. »
Luke se concentra, le X-Wing commença à s'élever, avant de retomber brutalement.
« Je ne peux pas. C'est trop gros.
- La taille ne compte pas. Regarde-moi. Me juger pas la taille, tu fais ? Mmmmm. »
Luke secoua la tête et Yoda lui expliqua alors l'importance de la force qui les entourait et sur laquelle Luke devait prendre appui.
« Je n'arrive pas à y croire.
- C'est pourquoi tu échoues. »
J'ai toujours trouvé ces dialogues entre Yoda et Luke moins superficiels qu'ils n'y paraissent. Pas vous ?
Dès le début, il l'avait vu arriver. Comment manquer la chute brutale de son X-Wing au beau milieu de la jungle ? Il l'avait ensuite entendu jurer contre ce marécage dans lequel il voyait son engin s'enfoncer doucement. Puis il avait suivi son cheminement maladroit au milieu de la végétation jusqu'à ce qu'il ne se retrouve plus qu'à deux pas de lui. Là, Yoda s'était manifesté :
« T'aider, je peux, lui dit-il.
- Je ne pense pas, lui répondit Luke, à la fois interloqué et irrité. Je cherche un grand guerrier.
- Ahhh ! Un grand guerrier. »
Yoda eut un rire, secoua la tête et continua : « Les guerres ne font pas grandir. »
Difficile pour Luke d'imaginer que cet être chétif et à l'allure improbable était ce grand maître qui allait de faire de lui un Jedi.
L'entrainement de Luke put alors commencer. Succession de courses, d'épreuves diverses, toutes apparemment plus impossibles les unes que les autres. La progression était trop lente pour Luke qui supportait mal ses échecs. Il arrivait bien à faire bouger des pierres, mais pas moyen de faire sortir son X-Wing du marécage. Yoda, imperturbable, lui demandait de recommencer.
« Maitre, faire bouger des pierres, c'est une chose. Là, c'est totalement différent.
- Non ! Pas différent ! Seulement dans ton esprit différent. Tu dois oublier ce que appris tu as.
- Bon, je vais essayer.
- Non ! N'essaie pas. Fais. Ou ne fais pas. D'essai il n'y a pas. »
Luke se concentra, le X-Wing commença à s'élever, avant de retomber brutalement.
« Je ne peux pas. C'est trop gros.
- La taille ne compte pas. Regarde-moi. Me juger pas la taille, tu fais ? Mmmmm. »
Luke secoua la tête et Yoda lui expliqua alors l'importance de la force qui les entourait et sur laquelle Luke devait prendre appui.
« Je n'arrive pas à y croire.
- C'est pourquoi tu échoues. »
J'ai toujours trouvé ces dialogues entre Yoda et Luke moins superficiels qu'ils n'y paraissent. Pas vous ?
19 mai 2010
CONFRONTATION ET CONFIANCE, LE TANDEM DE L’INCERTITUDE
La peur n'est jamais bonne conseillère
J'ai déjà eu l'occasion à de multiples reprises de parler de la confrontation et de pourquoi je pensais qu'elle était un élément essentiel face à l'incertitude(1) :
- Le monde est trop complexe et mouvant pour qu'un individu puisse à lui seul avoir une interprétation exacte d'une situation donnée : grâce à la confrontation des différentes interprétations, une entreprise va pouvoir construire localement et dynamiquement des compréhensions plus complètes de ce qui se passe.
- L'ajustement créé par la multiplicité des confrontations permet de maintenir une cohésion au sein de l'entreprise sans la rigidifier : l'entreprise évite ainsi à la fois l'éclatement – chacun suit la dynamique locale sans maintenir l'articulation avec les autres – et la calcification – l'entreprise devient rigide et ne sait pas s'adapter aux évolutions.
Je rappelle que la confrontation n'est pas le conflit, et que quelques conditions sont requises pour qu'elle puisse se mettre en œuvre positivement :
- On ne se confronte pas sur les conclusions, mais sur l'analyse,
- On se connait mutuellement et on se respecte,
- On ne perd jamais de vue l'objectif commun
Une autre façon de formuler ces conditions est de dire qu'il faut que la confiance existe au sein de l'entreprise :
- Confiance en soi et en sa capacité à contribuer efficacement à l'avancée vers la mer commune : sans cette confiance en moi, je ne serai pas prêt à mettre mes convictions en débat et à écouter les autres interprétations.
- Confiance en les autres et en leur professionnalisme : sans cela, la confrontation tournera en un happening collectif où chacun cherchera à déstabiliser l'autre plutôt qu'à prendre en compte ses arguments.
- Confiance en la mer visée : elle est bien un attracteur stable dans le chaos de l'incertitude et l'entreprise est armée pour s'en rapprocher constamment.
Finalement, je crois que ce tandem « confrontation et confiance » est vraiment un élément clé pour le succès dans l'incertitude. C'est donc une des responsabilités essentielles de la Direction Générale de le promouvoir.
(1) Cliquer pour voir tous mes articles sur la confrontation. C'est aussi un thème important dans mon nouveau livre.
(2) Je mets volontairement deux photos issues de la série Docteur House. En effet, au-delà de son côté théâtral et caricaturalement agressif, House développe au sein de son équipe à la fois confrontation et confiance : chacun prend l'habitude d'exposer ses théories et n'a pas peur de la contradiction, il y a aussi entre tous une réelle confiance basée sur le respect du professionnalisme des autres ; enfin ils visent tous la même mer : trouver la solution de l'énigme médicale.
J'ai déjà eu l'occasion à de multiples reprises de parler de la confrontation et de pourquoi je pensais qu'elle était un élément essentiel face à l'incertitude(1) :
- Le monde est trop complexe et mouvant pour qu'un individu puisse à lui seul avoir une interprétation exacte d'une situation donnée : grâce à la confrontation des différentes interprétations, une entreprise va pouvoir construire localement et dynamiquement des compréhensions plus complètes de ce qui se passe.
- L'ajustement créé par la multiplicité des confrontations permet de maintenir une cohésion au sein de l'entreprise sans la rigidifier : l'entreprise évite ainsi à la fois l'éclatement – chacun suit la dynamique locale sans maintenir l'articulation avec les autres – et la calcification – l'entreprise devient rigide et ne sait pas s'adapter aux évolutions.
Je rappelle que la confrontation n'est pas le conflit, et que quelques conditions sont requises pour qu'elle puisse se mettre en œuvre positivement :
- On ne se confronte pas sur les conclusions, mais sur l'analyse,
- On se connait mutuellement et on se respecte,
- On ne perd jamais de vue l'objectif commun
Une autre façon de formuler ces conditions est de dire qu'il faut que la confiance existe au sein de l'entreprise :
- Confiance en soi et en sa capacité à contribuer efficacement à l'avancée vers la mer commune : sans cette confiance en moi, je ne serai pas prêt à mettre mes convictions en débat et à écouter les autres interprétations.
- Confiance en les autres et en leur professionnalisme : sans cela, la confrontation tournera en un happening collectif où chacun cherchera à déstabiliser l'autre plutôt qu'à prendre en compte ses arguments.
- Confiance en la mer visée : elle est bien un attracteur stable dans le chaos de l'incertitude et l'entreprise est armée pour s'en rapprocher constamment.
Finalement, je crois que ce tandem « confrontation et confiance » est vraiment un élément clé pour le succès dans l'incertitude. C'est donc une des responsabilités essentielles de la Direction Générale de le promouvoir.
(1) Cliquer pour voir tous mes articles sur la confrontation. C'est aussi un thème important dans mon nouveau livre.
(2) Je mets volontairement deux photos issues de la série Docteur House. En effet, au-delà de son côté théâtral et caricaturalement agressif, House développe au sein de son équipe à la fois confrontation et confiance : chacun prend l'habitude d'exposer ses théories et n'a pas peur de la contradiction, il y a aussi entre tous une réelle confiance basée sur le respect du professionnalisme des autres ; enfin ils visent tous la même mer : trouver la solution de l'énigme médicale.
18 mai 2010
COMMENT LA CROISSANCE EUROPÉENNE AURAIT PU ÉGALER LA CROISSANCE CHINOISE
Heurs et malheurs de l'euro
Voilà l'euro reparti à la baisse : ce lundi 17 mai, il vaut 1,2234 dollar. Les commentaires vont bon train pour expliquer d'où vient cette baisse, qu'elles pourraient en être les conséquences, et bien sûr ce qu'il faudrait faire.
Tout cela m'a amené à me plonger dans ce qui avait été écrit dans le journal Le Monde sur ce sujet entre 2001 et aujourd'hui. Je n'ai pas tout lu – le nombre d'articles est beaucoup trop considérable pour cela ! –, mais j'ai fait une lecture aléatoire, comme j'aime à promener au hasard dans les rues d'une ville.
Qu'est-ce que je retire de ce voyage ?
Tout d'abord il est bon d'avoir en tête la variation historique de l'euro versus le dollar (voir courbe ci-jointe) : créé en 1999 au cours de 1,17 dollar, il a eu un plus bas à 0,82 en octobre 2000, puis est monté régulièrement pour atteindre un plus haut à 1,5990 à mi juillet 2008. Si l'on regarde les deux extrêmes, il a donc quasiment varié de 1 à 2 en moins de 10 ans ! Quel effet de choc relatif entre les économies européennes et tous les marchés libellés en dollar ! On comprend mieux la nécessité pour toutes les grandes entreprises de se prémunir face à de telles variations…
Ensuite, j'ai particulièrement apprécié tous les commentaires définitifs sur le lien entre taux de change et croissance, surtout quand on arrive à quantifier la relation. Voici quelques exemples :
- « Si elle est de nature à flatter l'amour-propre des dirigeants européens, la remontée de l'euro est la pire chose qui pouvait arriver aux économies du Vieux Continent. (…) Les grandes puissances ont un intérêt vital à posséder une monnaie faible pour stimuler leur croissance. » (Pierre-Antoine Delhommais, 12 février 2003,)
- « A plus long terme, les choses se gâtent, les produits de la zone euro perdent en compétitivité ; les exportations baissent, et cela pèse sur la croissance. Dès le sixième mois, et pendant deux à trois ans, une hausse de la monnaie est dommageable pour l'économie. Une hausse de 10 % de la monnaie unique dans l'année a un impact sur la croissance de la zone euro, dès cette première année, amputant de 0,9 % le produit intérieur brut (PIB), puis l'année suivante, en le réduisant encore de 1,8 %. » » (Valérie Chauvin, de l'Observatoire français des conjonctures économiques(OFCE), 5 février 2003)
- « S'appuyant sur les conclusions des experts, selon lesquelles une hausse de 10 % de l'euro ampute la croissance de la zone euro de près d'un point, le monde politique, d'ordinaire partisan de la politique de l'autruche dès lors qu'il s'agit d'évoquer le pilotage de la monnaie unique, donne de la voix devant cette évolution monétaire qu'il juge à présent néfaste. » (Pierre-Antoine Delhommais et Serge Marti, 16 décembre 2003)
Sachant que finalement, l'euro s'est apprécié de 50% depuis début 2003, comment dois-je calculer de combien la croissance européenne a été amputée ? Dois-je appliquer « l'équation de Madame Chauvin » ? Est-ce qu'en prenant la croissance moyenne sur la période qui a été de 10% par an, je dois cumuler des handicaps de 0,9 et 1,8% successifs ? Est-ce que la croissance aurait donc été amputée de près de 8% en 2008 ? Est-ce ce qui explique l'écart entre la croissance européenne et chinoise ? Ou formulé autrement est-ce que, si l'euro était resté au cours de 1 dollar, la croissance européenne aurait été du niveau de la croissance chinoise ?
Décidément, j'aime quand les économistes font des calculs mathématiques !
Ce que je retiens aussi, c'est que la division européenne et notre angélisme face aux américains feraient de nous comme des jouets dans la main des grands méchants américains, et récemment asiatiques. Ainsi :
- « Si le dollar baisse, c'est peut-être tout simplement parce que la Maison Blanche souhaite qu'il baisse et fait en sorte qu'il baisse. » (18 mai 2003, Pierre-Antoine Delhommais)
- « Donc aujourd'hui, l'Europe est en train progressivement d'étouffer sous le poids d'un euro fort. Les Américains ne l'auraient pas toléré, et le secrétaire d'État au Trésor aux États-Unis, qui a la responsabilité de la politique de change, aurait fait des déclarations multiples et successives qui auraient inquiété les marchés » (Jean-Paul Fitoussi, 1er décembre 2004)
- « L'hyperpuissance monétaire américaine contraste avec l'incapacité de l'Europe à faire entendre sa voix. » (Pierre-Antoine Delhommais, 19 décembre 2004)
Comme l'euro baisse maintenant, dois-je en conclure que les Américains ont décidé de concert avec les Asiatiques de faire baisser l'euro ? Est-ce pour relancer notre croissance en application du lien avec le taux de change ? Doit-on alors organiser des galas en leur honneur ?
Au passage, j'ai aussi relevé quelques affirmations dont je vous laisse juge de la pertinence ou non :
- « Je ne crois pas trop à une chute massive et rapide du dollar, de l'ordre de 25 % face à l'euro » (Jean-Pierre Petit, à la société de Bourse Exane, 17 février 2002)
- « Mais d'un autre côté, il faut savoir que l'Allemagne est le pays malade de l'Europe. Que malgré ses exportations, l'économie allemande stagne depuis trois ans, ce qui plombe la zone euro. » (1er décembre 2004, Jean-Paul Fitoussi)
Enfin, je décerne la palme de la franchise à :
- « Ayons donc la sagesse de reconnaître que la parité entre l'euro et le dollar relève de l'offre et de la demande mondiales, et d'elles seules. Imaginer que la BCE va changer cette parité en baissant son taux d'intérêt d'un demi-point est simplement absurde. (…) Allons-nous rendre les États-Unis responsables de notre incapacité à avoir une politique économique commune en Europe? » (7 juin 2003)
- « Je ne fais aucune prévision sur les taux de change depuis que je suis économiste. Il me semble que toutes les prévisions qui avaient été faites se sont révélées erronées, sauf sur de très courtes périodes. Et aujourd'hui, on n'a jamais été aussi incertain de l'avenir depuis au moins la fin de la seconde guerre mondiale. » (Jean-Paul Fitoussi, 13 novembre 2009)
Si cela continue, on pourrait voir les économistes reconnaître que, eux non plus, ne comprennent pas vraiment ce qui se passe et, encore moins ce qui va se passer. Nous serions alors condamnés à réfléchir. Heureusement, ceci n'est pas près de se produire…
Voilà l'euro reparti à la baisse : ce lundi 17 mai, il vaut 1,2234 dollar. Les commentaires vont bon train pour expliquer d'où vient cette baisse, qu'elles pourraient en être les conséquences, et bien sûr ce qu'il faudrait faire.
Tout cela m'a amené à me plonger dans ce qui avait été écrit dans le journal Le Monde sur ce sujet entre 2001 et aujourd'hui. Je n'ai pas tout lu – le nombre d'articles est beaucoup trop considérable pour cela ! –, mais j'ai fait une lecture aléatoire, comme j'aime à promener au hasard dans les rues d'une ville.
Qu'est-ce que je retire de ce voyage ?
Tout d'abord il est bon d'avoir en tête la variation historique de l'euro versus le dollar (voir courbe ci-jointe) : créé en 1999 au cours de 1,17 dollar, il a eu un plus bas à 0,82 en octobre 2000, puis est monté régulièrement pour atteindre un plus haut à 1,5990 à mi juillet 2008. Si l'on regarde les deux extrêmes, il a donc quasiment varié de 1 à 2 en moins de 10 ans ! Quel effet de choc relatif entre les économies européennes et tous les marchés libellés en dollar ! On comprend mieux la nécessité pour toutes les grandes entreprises de se prémunir face à de telles variations…
Ensuite, j'ai particulièrement apprécié tous les commentaires définitifs sur le lien entre taux de change et croissance, surtout quand on arrive à quantifier la relation. Voici quelques exemples :
- « Si elle est de nature à flatter l'amour-propre des dirigeants européens, la remontée de l'euro est la pire chose qui pouvait arriver aux économies du Vieux Continent. (…) Les grandes puissances ont un intérêt vital à posséder une monnaie faible pour stimuler leur croissance. » (Pierre-Antoine Delhommais, 12 février 2003,)
- « A plus long terme, les choses se gâtent, les produits de la zone euro perdent en compétitivité ; les exportations baissent, et cela pèse sur la croissance. Dès le sixième mois, et pendant deux à trois ans, une hausse de la monnaie est dommageable pour l'économie. Une hausse de 10 % de la monnaie unique dans l'année a un impact sur la croissance de la zone euro, dès cette première année, amputant de 0,9 % le produit intérieur brut (PIB), puis l'année suivante, en le réduisant encore de 1,8 %. » » (Valérie Chauvin, de l'Observatoire français des conjonctures économiques(OFCE), 5 février 2003)
- « S'appuyant sur les conclusions des experts, selon lesquelles une hausse de 10 % de l'euro ampute la croissance de la zone euro de près d'un point, le monde politique, d'ordinaire partisan de la politique de l'autruche dès lors qu'il s'agit d'évoquer le pilotage de la monnaie unique, donne de la voix devant cette évolution monétaire qu'il juge à présent néfaste. » (Pierre-Antoine Delhommais et Serge Marti, 16 décembre 2003)
Sachant que finalement, l'euro s'est apprécié de 50% depuis début 2003, comment dois-je calculer de combien la croissance européenne a été amputée ? Dois-je appliquer « l'équation de Madame Chauvin » ? Est-ce qu'en prenant la croissance moyenne sur la période qui a été de 10% par an, je dois cumuler des handicaps de 0,9 et 1,8% successifs ? Est-ce que la croissance aurait donc été amputée de près de 8% en 2008 ? Est-ce ce qui explique l'écart entre la croissance européenne et chinoise ? Ou formulé autrement est-ce que, si l'euro était resté au cours de 1 dollar, la croissance européenne aurait été du niveau de la croissance chinoise ?
Décidément, j'aime quand les économistes font des calculs mathématiques !
Ce que je retiens aussi, c'est que la division européenne et notre angélisme face aux américains feraient de nous comme des jouets dans la main des grands méchants américains, et récemment asiatiques. Ainsi :
- « Si le dollar baisse, c'est peut-être tout simplement parce que la Maison Blanche souhaite qu'il baisse et fait en sorte qu'il baisse. » (18 mai 2003, Pierre-Antoine Delhommais)
- « Donc aujourd'hui, l'Europe est en train progressivement d'étouffer sous le poids d'un euro fort. Les Américains ne l'auraient pas toléré, et le secrétaire d'État au Trésor aux États-Unis, qui a la responsabilité de la politique de change, aurait fait des déclarations multiples et successives qui auraient inquiété les marchés » (Jean-Paul Fitoussi, 1er décembre 2004)
- « L'hyperpuissance monétaire américaine contraste avec l'incapacité de l'Europe à faire entendre sa voix. » (Pierre-Antoine Delhommais, 19 décembre 2004)
Comme l'euro baisse maintenant, dois-je en conclure que les Américains ont décidé de concert avec les Asiatiques de faire baisser l'euro ? Est-ce pour relancer notre croissance en application du lien avec le taux de change ? Doit-on alors organiser des galas en leur honneur ?
Au passage, j'ai aussi relevé quelques affirmations dont je vous laisse juge de la pertinence ou non :
- « Je ne crois pas trop à une chute massive et rapide du dollar, de l'ordre de 25 % face à l'euro » (Jean-Pierre Petit, à la société de Bourse Exane, 17 février 2002)
- « Mais d'un autre côté, il faut savoir que l'Allemagne est le pays malade de l'Europe. Que malgré ses exportations, l'économie allemande stagne depuis trois ans, ce qui plombe la zone euro. » (1er décembre 2004, Jean-Paul Fitoussi)
Enfin, je décerne la palme de la franchise à :
- « Ayons donc la sagesse de reconnaître que la parité entre l'euro et le dollar relève de l'offre et de la demande mondiales, et d'elles seules. Imaginer que la BCE va changer cette parité en baissant son taux d'intérêt d'un demi-point est simplement absurde. (…) Allons-nous rendre les États-Unis responsables de notre incapacité à avoir une politique économique commune en Europe? » (7 juin 2003)
- « Je ne fais aucune prévision sur les taux de change depuis que je suis économiste. Il me semble que toutes les prévisions qui avaient été faites se sont révélées erronées, sauf sur de très courtes périodes. Et aujourd'hui, on n'a jamais été aussi incertain de l'avenir depuis au moins la fin de la seconde guerre mondiale. » (Jean-Paul Fitoussi, 13 novembre 2009)
Si cela continue, on pourrait voir les économistes reconnaître que, eux non plus, ne comprennent pas vraiment ce qui se passe et, encore moins ce qui va se passer. Nous serions alors condamnés à réfléchir. Heureusement, ceci n'est pas près de se produire…
17 mai 2010
IL N’EST JAMAIS TROP TARD POUR ÊTRE HEUREUX
Les prisons sont faites pour mettre en sécurité les souvenirs que l'on ne veut pas oublier
Assis à son bureau, il griffonne sans relâche une feuille, la regarde, l'arrache et recommence. A chaque fois, comme une amorce imparfaite, nous voyons une séquence de ce qu'il essaie d'écrire. Finalement, il se décide de partir à la recherche de ces mots qu'il n'arrive pas à trouver. Il pousse une porte et se retrouve face à elle.
Tourné vers le futur, le pays essaie de se construire, démocratie dans un continent en réémergence. A chaque fois, il reste hanté par son passé, ses années maudites. Finalement, il va devoir de partir à la recherche de ces souvenirs qu'il n'arrive pas à oublier.
Benjamin Esposito se retrouve face à Irène Menéndez Hastings, celle qu'il a aimée dès la première rencontre. Impossible alors de mettre des mots sur cet amour, impossible de lui exprimer quoi que ce soit. Tout n'était passé que par le regard, par ses yeux, dans ses yeux. Face à elle, il était tétanisé, maladroit. Elle, non plus, n'a pas pu lui dire ce qu'elle ressentait. L'un comme l'autre ont été emportés dans la violence de l'enquête qui les réunissait. Mis en danger, au lieu de l'emmener avec lui, il est parti, poussé par elle qui ne demandait qu'un mot pour partir aussi.
Isidoro Gomez n'avait été qu'objet de mépris, ou pire d'indifférence. Impossible d'attirer ne serait-ce que le regard de celle qu'il désirait en secret. Tout n'était passé que par son regard, par ses yeux, dans ses yeux. Alors un jour, il avait tué celle qu'il désirait. Ce geste violent et désespéré avait transformé sa faiblesse en domination. Démasqué par Benjamin et Irène, condamné à perpétuité, il avait été sauvé par cette junte qui ne prospérait que de la perversité de ses défenseurs. Il avait pu alors se retourner sur ceux qui l'avait pourchassé.
Plus on avance dans le film, plus Benjamin dénoue les fils restés en suspens, et plus sa vie personnelle devient le miroir de celle de l'Argentine. A force de courage, d'intelligence et de ténacité, il va enfin arriver à exprimer à Irène l'amour qu'il ressent pour elle. Cela ne sera possible que quand il aura trouvé les dernières pièces de puzzle manquantes, celles qui étaient restées enfermées dans les méandres de son inconscient ou physiquement dans une geôle perdue.
Le premier passeur est une machine à écrire qui n'a jamais su taper les « A ». Elle lui apporte la clé de ce message que son inconscient lui avait dicté : il avait écrit « Temo », c'est-à-dire « Je crains » ; avec le « A », cela devient « Te amo », c'est-à-dire « Je t'aime ». Sa censure l'enfermait dans ses peurs.
Le deuxième est Isidoro, retrouvé caché et enfermé dans la campagne argentine. Celui qui le retient là est Ricardo, l'amoureux de sa victime, de la femme qu'il avait sauvagement assassinée. Comme la junte avait libéré Isidoro, il s'était substitué à la justice et l'avait remis dans la prison à perpétuité que Benjamin lui avait promise. On n'échappe ni à son passé, ni aux promesses faites.
Alors, Benjamin va pouvoir pousser à nouveau la porte d'Irène et la laisser se refermer sur leur amour enfin affirmé. Et la démocratie argentine va avancer un peu plus loin en ayant regardé ses propres errances.
On ne progresse, on ne trouve son chemin qu'en affrontant les démons de son passé, non pas pour les détruire, mais pour les mettre dans une prison à laquelle on pourra constamment se référer. C'est la survie d'Isidoro qui permet à Benjamin et l'Argentine d'avancer…
Ces quelques lignes sont ma lecture personnelle du film « Dans ses yeux » de Juan José Campanella. Faut-il que j'écrive que je vous conseille vivement d'aller le voir ?
Assis à son bureau, il griffonne sans relâche une feuille, la regarde, l'arrache et recommence. A chaque fois, comme une amorce imparfaite, nous voyons une séquence de ce qu'il essaie d'écrire. Finalement, il se décide de partir à la recherche de ces mots qu'il n'arrive pas à trouver. Il pousse une porte et se retrouve face à elle.
Tourné vers le futur, le pays essaie de se construire, démocratie dans un continent en réémergence. A chaque fois, il reste hanté par son passé, ses années maudites. Finalement, il va devoir de partir à la recherche de ces souvenirs qu'il n'arrive pas à oublier.
Benjamin Esposito se retrouve face à Irène Menéndez Hastings, celle qu'il a aimée dès la première rencontre. Impossible alors de mettre des mots sur cet amour, impossible de lui exprimer quoi que ce soit. Tout n'était passé que par le regard, par ses yeux, dans ses yeux. Face à elle, il était tétanisé, maladroit. Elle, non plus, n'a pas pu lui dire ce qu'elle ressentait. L'un comme l'autre ont été emportés dans la violence de l'enquête qui les réunissait. Mis en danger, au lieu de l'emmener avec lui, il est parti, poussé par elle qui ne demandait qu'un mot pour partir aussi.
Isidoro Gomez n'avait été qu'objet de mépris, ou pire d'indifférence. Impossible d'attirer ne serait-ce que le regard de celle qu'il désirait en secret. Tout n'était passé que par son regard, par ses yeux, dans ses yeux. Alors un jour, il avait tué celle qu'il désirait. Ce geste violent et désespéré avait transformé sa faiblesse en domination. Démasqué par Benjamin et Irène, condamné à perpétuité, il avait été sauvé par cette junte qui ne prospérait que de la perversité de ses défenseurs. Il avait pu alors se retourner sur ceux qui l'avait pourchassé.
Plus on avance dans le film, plus Benjamin dénoue les fils restés en suspens, et plus sa vie personnelle devient le miroir de celle de l'Argentine. A force de courage, d'intelligence et de ténacité, il va enfin arriver à exprimer à Irène l'amour qu'il ressent pour elle. Cela ne sera possible que quand il aura trouvé les dernières pièces de puzzle manquantes, celles qui étaient restées enfermées dans les méandres de son inconscient ou physiquement dans une geôle perdue.
Le premier passeur est une machine à écrire qui n'a jamais su taper les « A ». Elle lui apporte la clé de ce message que son inconscient lui avait dicté : il avait écrit « Temo », c'est-à-dire « Je crains » ; avec le « A », cela devient « Te amo », c'est-à-dire « Je t'aime ». Sa censure l'enfermait dans ses peurs.
Le deuxième est Isidoro, retrouvé caché et enfermé dans la campagne argentine. Celui qui le retient là est Ricardo, l'amoureux de sa victime, de la femme qu'il avait sauvagement assassinée. Comme la junte avait libéré Isidoro, il s'était substitué à la justice et l'avait remis dans la prison à perpétuité que Benjamin lui avait promise. On n'échappe ni à son passé, ni aux promesses faites.
Alors, Benjamin va pouvoir pousser à nouveau la porte d'Irène et la laisser se refermer sur leur amour enfin affirmé. Et la démocratie argentine va avancer un peu plus loin en ayant regardé ses propres errances.
On ne progresse, on ne trouve son chemin qu'en affrontant les démons de son passé, non pas pour les détruire, mais pour les mettre dans une prison à laquelle on pourra constamment se référer. C'est la survie d'Isidoro qui permet à Benjamin et l'Argentine d'avancer…
Ces quelques lignes sont ma lecture personnelle du film « Dans ses yeux » de Juan José Campanella. Faut-il que j'écrive que je vous conseille vivement d'aller le voir ?
14 mai 2010
SAVOIR NE PAS PERDRE DE VUE LA MER VISÉE
______ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________
Rappel du patchwork de la semaine :
- Lundi : Après une grossesse de 18 mois et un accouchement de 2 semaines, voilà mon livre qui émerge au milieu de dizaines de milliers de jeunes et moins jeunes anciens. A partir de maintenant, il va m'échapper pour devenir la propriété de ceux qui l'auront en main.
- Mardi : A sa création, moins de 25% des élèves de l'École des Pont et Chaussées étaient français. Est-ce que la force de la France n'est pas née de cette ouverture au monde ? Dans notre crainte de la mondialisation actuelle, ne sommes-nous pas en train de perdre de vue comment s'est forgée notre identité nationale ?
- Mercredi : Quand des enfants regardent plus de 3 heures par jour la télévision, leurs dessins deviennent squelettiques et bâclés. Quand les directions font de la stratégie entre deux urgences, leurs réflexions sont sommaires et superficielles…
- Jeudi : Repos pour cause d'ascension !
Décidément tout est affaire de rythme et de tempo : il est dangereux de passer des heures à réfléchir quand un immeuble est en train de brûler ; il est dangereux d'agir dans la précipitation quand il s'agit de le construire ou de le reconstruire.
Ajuster le temps que l'on alloue au sujet que l'on veut traiter et veiller, à l'instar de ces enfants drogués de télévision, de ne pas se laisser emporté par le zapping actuel.
Les bourses jouent au yoyo, les commentateurs enchaînent sans y prêter garde des analyses contradictoires, les politiques semblent avoir renoncé à maintenir un quelconque cap… Attention à ce que les dirigeants ne tombent pas eux-mêmes dans ce mouvement vibrionnaire : face à l'incertitude qui les entourent, un de leurs rôles essentiels est de ne pas perdre de vue la mer visée et de rappeler constamment, à tout un chacun, dans quelle direction elle se trouve…
12 mai 2010
À FORCE DE ZAPPER, ON NE SAIT PLUS PRENDRE LE TEMPS DE LA RÉFLEXION
Prendre son temps, est-ce perdre du temps ? (1)
Au cours d'une intervention récente(2), Thierry Gaudin s'est fait l'écho des résultats d'une étude entreprise dans le Bade-Wurtemberg. Cette étude compare les dessins faits par deux échantillons d'enfants, les uns regardant la télévision moins d'une heure par jour, les autres plus de trois heures par jour.
Jetez un coup d'œil à la photo ci-jointe, elle parle d'elle-même. C'est comme si le temps passé devant la télévision les avait convertis au zapping et que les enfants du 2ème groupe ne pouvaient plus consacrer du temps au dessin. Quelques traits suffisent bien, pourquoi s'embêter à rajouter des fioritures et à s'appliquer sur un contour ?
Quand je regarde ces dessins, ceci me rappelle ce que je constate aujourd'hui dans les entreprises : à l'instar des enfants drogués d'images, bon nombre de directions d'entreprises courent tellement d'un sujet à un autre, sautent d'une réunion dans un avion, que, quand il s'agit de dessiner une stratégie ou de dessiner une nouvelle organisation, elles ne savent plus faire que des esquisses sans corps et sans précision.
Or de la même façon qu'il faut s'asseoir pour dessiner, on ne peut pas réfléchir à long terme instantanément et dans l'immédiateté. Comme l'a écrit Jean-Louis Servan-Schreiber(3), « nous travaillons sans recul. Pour un canon, c'est un progrès. Pas pour un cerveau. » ! Attention à l'anorexie mentale...
(1) Cliquer pour voir tous mes articles relatifs au Temps
(2) Cliquer pour voir la vidéo de la présentation
(3) Le Nouvel art du temps
Au cours d'une intervention récente(2), Thierry Gaudin s'est fait l'écho des résultats d'une étude entreprise dans le Bade-Wurtemberg. Cette étude compare les dessins faits par deux échantillons d'enfants, les uns regardant la télévision moins d'une heure par jour, les autres plus de trois heures par jour.
Jetez un coup d'œil à la photo ci-jointe, elle parle d'elle-même. C'est comme si le temps passé devant la télévision les avait convertis au zapping et que les enfants du 2ème groupe ne pouvaient plus consacrer du temps au dessin. Quelques traits suffisent bien, pourquoi s'embêter à rajouter des fioritures et à s'appliquer sur un contour ?
Quand je regarde ces dessins, ceci me rappelle ce que je constate aujourd'hui dans les entreprises : à l'instar des enfants drogués d'images, bon nombre de directions d'entreprises courent tellement d'un sujet à un autre, sautent d'une réunion dans un avion, que, quand il s'agit de dessiner une stratégie ou de dessiner une nouvelle organisation, elles ne savent plus faire que des esquisses sans corps et sans précision.
Or de la même façon qu'il faut s'asseoir pour dessiner, on ne peut pas réfléchir à long terme instantanément et dans l'immédiateté. Comme l'a écrit Jean-Louis Servan-Schreiber(3), « nous travaillons sans recul. Pour un canon, c'est un progrès. Pas pour un cerveau. » ! Attention à l'anorexie mentale...
(1) Cliquer pour voir tous mes articles relatifs au Temps
(2) Cliquer pour voir la vidéo de la présentation
(3) Le Nouvel art du temps
11 mai 2010
L’ÉCOLE DES PONTS DE 1862 ÉTAIT PLUS INTERNATIONALE QU’AUJOURD’HUI !
Moins d'un quart des élèves étaient français
Imaginez une école d'ingénieurs dont la promotion de 35 élèves serait composée comme suit : 8 Français, 8 Italiens, 5 Portugais, 2 Américains, 2 Autrichiens, 2 Polonais, 2 Roumains, 2 Russes, 1 Brésilien, 1 Lithuanien, 1 Martiniquais, 1 Serbe.
Quelle ouverture internationale, n'est-ce-pas ? Une forme de modèle idéal qui correspond bien à la mondialisation actuelle et au besoin de croiser les origines.
De quelle école s'agit-il ? Cette école est située en France, c'est l'École Nationale des Ponts et Chaussées. Impossible, pensez-vous ? Il s'agit forcément une erreur !
Non, un document officiel l'atteste : regardez la copie ci-jointe de l'annuaire de la promotion 1862 ! Effectivement, à sa création, l'École des Ponts était ouverte sur le monde (à noter l'absence de l'Asie de ce panel international).
Comme quoi, nous avons à revisiter notre passé : la force de la France est-elle venue d'une vision centrée sur elle-même et d'une approche de propriétaire de son sol, ou de l'accueil des autres ?
Pour ma part, je regrette que les promotions actuelles dans nos écoles et universités n'aient plus cette ouverture au monde. Nous n'en serions que plus riches et notre identité n'en serait que plus forte !
Imaginez une école d'ingénieurs dont la promotion de 35 élèves serait composée comme suit : 8 Français, 8 Italiens, 5 Portugais, 2 Américains, 2 Autrichiens, 2 Polonais, 2 Roumains, 2 Russes, 1 Brésilien, 1 Lithuanien, 1 Martiniquais, 1 Serbe.
Quelle ouverture internationale, n'est-ce-pas ? Une forme de modèle idéal qui correspond bien à la mondialisation actuelle et au besoin de croiser les origines.
De quelle école s'agit-il ? Cette école est située en France, c'est l'École Nationale des Ponts et Chaussées. Impossible, pensez-vous ? Il s'agit forcément une erreur !
Non, un document officiel l'atteste : regardez la copie ci-jointe de l'annuaire de la promotion 1862 ! Effectivement, à sa création, l'École des Ponts était ouverte sur le monde (à noter l'absence de l'Asie de ce panel international).
Comme quoi, nous avons à revisiter notre passé : la force de la France est-elle venue d'une vision centrée sur elle-même et d'une approche de propriétaire de son sol, ou de l'accueil des autres ?
Pour ma part, je regrette que les promotions actuelles dans nos écoles et universités n'aient plus cette ouverture au monde. Nous n'en serions que plus riches et notre identité n'en serait que plus forte !
10 mai 2010
NAISSANCE EFFECTIVE DES « MERS DE L’INCERTITUDE »
Quand mon livre émerge…
Ce vendredi matin, j'ai fait une rencontre étonnante : celle de mon livre ! Il était enfin physiquement né et sorti de chez l'imprimeur.
Sensation étrange d'avoir entre les mains cet enfant qui fut si long à mettre au monde : environ 18 mois entre le début de mes lectures en vue du livre et le moment où j'ai terminé la version finale. Puis un moment suspendu de près de deux semaines entre mon accord sur la mise en page et l'apparition du livre : un peu comme si une mère devait après avoir accouché, attendre deux semaines pour avoir son enfant dans les bras ! C'est long…
Enfin, le voilà. L'endroit où je suis allé le chercher est aussi un endroit improbable : une librairie située à proximité de la Nation(1), où seul un étroit couloir permet de passer au milieu de piles de livres, allant du sol au plafond (voir la photo ci-jointe). Comme si mon livre en venait à émerger au milieu de tous ces anciens… Beau symbole. Tout autour de lui, se trouve amoncelés de milliers de grands frères dans des piles improbables et fragiles. Métaphore physique de la vulnérabilité du savoir, de la nécessaire hybridation des idées, de l'importance du cheminement.
Le temps de la réflexion solitaire et de la construction des idées va donc céder la place à celui de leur diffusion et de leur confrontation au dehors. Trois conférences à venir pour son lancement pour commencer. J'espère aussi des retours de ceux qui le liront (n'hésitez pas à vous servir de ce blog ou du groupe Facebook que j'ai crée pour me faire part de vos réactions).
A partir de la semaine prochaine, je commencerai à expliquer plus en détail la logique de mon livre et en mettre en ligne des extraits.
7 mai 2010
PASSER AU LEGO SUPPOSE LÂCHER PRISE, CONFIANCE ET DURABILITÉ
______ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________
Difficile quand on est à la tête d'une grande organisation – que ce soit une entreprise ou une organisation politique – de comprendre qu'il n'est pas efficace de chercher à apporter des solutions toutes faites, mais qu'il faut fournir à tout un chacun un système fait de briques simples. Agir ainsi, c'est tout à la fois :
- Pouvoir construire localement dynamiquement des solutions nouvelles et originales : à partir du même tas de pièces de Lego, aucune construction ne ressemblera à sa voisine,
- Responsabiliser ainsi chacun et lui permettre de mobiliser son intelligence sur la compréhension de la situation locale et sur les décisions à prendre,
- Pouvoir industrialiser la fabrication des briques de base en abaissant les coûts, tout en maintenant de la flexibilité,
- Donner une cohérence globale à l'entreprise par le type de système de construction choisi (on ne peut pas dévisser avec un marteau ou élaborer un repas avec des briques de Lego)
Pour que ceci soit possible, cela suppose que la Direction accepte de lâcher prise dans l'exécution et développe une relation de confiance(1) au sein de l'organisation. Difficile dans une entreprise, et manifestement encore plus au plan politique, dans un pays comme la France.
Cela suppose aussi que la Direction connaisse ce qu'elle dirige, et donc qu'elle et ceux qu'elle dirige prennent le temps de « s'apprivoiser » mutuellement : il n'y a pas d'efficacité dans la durée sans durabilité du management. (2)
(1) Sur l'importance de la confiance voir « Il faut retisser la confiance en France » et « Comment vivre la complexité sans confiance ? »
(2) Voir « Pour la mise en place d'un management durable »
Rappel du patchwork de la semaine :
- Lundi : Dans sa présentation, Georges Whitesides explique que, derrière des objets aussi complexes qu'une cathédrale ou internet, on trouve un système simple fait de blocs – des pierres, des zéros et des uns – que l'on peut facilement empiler les uns sur les autres. Les systèmes vivants sont eux-mêmes des « cellules empilées ».
- Mardi : Pour faire face de façon réactive et efficace à l'incertitude, l'entreprise doit elle-aussi penser plus en termes de systèmes de construction que de solutions finies : chaque direction centrale élabore des « lego » avec lesquels chacun pourra « jouer »
- Mercredi : Je ne crois pas que l'on puisse être un bon manager dans l'absolu. Être un bon manager, c'est avoir un mode de management adapté à la situation de l'entreprise que l'on dirige, selon le rythme de l'innovation, le type de clientèle, le poids des caractéristiques régionales…
- Jeudi : Le Petit Prince de Saint Exupéry est là pour nous rappeler combien le regard de l'enfant peut nous remettre en perspective ce que nous faisons quotidiennement, et que « l'on ne connait que les choses que l'on apprivoise »
Difficile quand on est à la tête d'une grande organisation – que ce soit une entreprise ou une organisation politique – de comprendre qu'il n'est pas efficace de chercher à apporter des solutions toutes faites, mais qu'il faut fournir à tout un chacun un système fait de briques simples. Agir ainsi, c'est tout à la fois :
- Pouvoir construire localement dynamiquement des solutions nouvelles et originales : à partir du même tas de pièces de Lego, aucune construction ne ressemblera à sa voisine,
- Responsabiliser ainsi chacun et lui permettre de mobiliser son intelligence sur la compréhension de la situation locale et sur les décisions à prendre,
- Pouvoir industrialiser la fabrication des briques de base en abaissant les coûts, tout en maintenant de la flexibilité,
- Donner une cohérence globale à l'entreprise par le type de système de construction choisi (on ne peut pas dévisser avec un marteau ou élaborer un repas avec des briques de Lego)
Pour que ceci soit possible, cela suppose que la Direction accepte de lâcher prise dans l'exécution et développe une relation de confiance(1) au sein de l'organisation. Difficile dans une entreprise, et manifestement encore plus au plan politique, dans un pays comme la France.
Cela suppose aussi que la Direction connaisse ce qu'elle dirige, et donc qu'elle et ceux qu'elle dirige prennent le temps de « s'apprivoiser » mutuellement : il n'y a pas d'efficacité dans la durée sans durabilité du management. (2)
(1) Sur l'importance de la confiance voir « Il faut retisser la confiance en France » et « Comment vivre la complexité sans confiance ? »
(2) Voir « Pour la mise en place d'un management durable »
6 mai 2010
« SI TU M’APPRIVOISES, NOUS AURONS BESOIN L’UN DE L’AUTRE »
Toutes les grandes personnes ont d'abord été des enfants…
Le hasard de mes lectures m'a fait me replonger dernièrement dans le Petit Prince d'Antoine de Saint Exupéry. En voici un patchwork personnel :
« Si vous leur dites, « la preuve que le petit prince a existé c'est qu'il était ravissant, qu'il riait, et qu'il voulait un mouton. Quand on veut un mouton, c'est la preuve qu'on existe. », (les grandes personnes) hausseront les épaules et vous traiteront d'enfant ! Mais si vous leur dites : « La planète d'où il venait est l'astéroïde B612 », alors elles seront convaincues, et elles vous laisseront tranquille avec leurs questions. »
« Il faut exiger de chacun ce que chacun peut donner, reprit le roi. L'autorité repose d'abord sur la raison. Si tu ordonnes à ton peuple d'aller se jeter dans la mer, il fera la révolution. J'ai le droit d'exiger l'obéissance parce que mes ordres sont raisonnables. »
« Quand tu trouves un diamant qui n'est à personne, il est à toi. Quand tu trouves une île qui n'est à personne, elle est à toi. Quand tu as une idée le premier, tu la fais breveter : elle est à toi. Et moi je possède les étoiles, puisque personne avant moi n'a songé à les posséder. »
« Que les volcans soient éteints ou soient éveillés, ça revient au même pour nous autres, dit le géographe. Ce qui compte pour nous, c'est la montagne. Elle ne change pas. »
« Tu n'es encore qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde. »
« On ne connaît que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi ! »
Le hasard de mes lectures m'a fait me replonger dernièrement dans le Petit Prince d'Antoine de Saint Exupéry. En voici un patchwork personnel :
« Si vous leur dites, « la preuve que le petit prince a existé c'est qu'il était ravissant, qu'il riait, et qu'il voulait un mouton. Quand on veut un mouton, c'est la preuve qu'on existe. », (les grandes personnes) hausseront les épaules et vous traiteront d'enfant ! Mais si vous leur dites : « La planète d'où il venait est l'astéroïde B612 », alors elles seront convaincues, et elles vous laisseront tranquille avec leurs questions. »
« Il faut exiger de chacun ce que chacun peut donner, reprit le roi. L'autorité repose d'abord sur la raison. Si tu ordonnes à ton peuple d'aller se jeter dans la mer, il fera la révolution. J'ai le droit d'exiger l'obéissance parce que mes ordres sont raisonnables. »
« Quand tu trouves un diamant qui n'est à personne, il est à toi. Quand tu trouves une île qui n'est à personne, elle est à toi. Quand tu as une idée le premier, tu la fais breveter : elle est à toi. Et moi je possède les étoiles, puisque personne avant moi n'a songé à les posséder. »
« Que les volcans soient éteints ou soient éveillés, ça revient au même pour nous autres, dit le géographe. Ce qui compte pour nous, c'est la montagne. Elle ne change pas. »
« Tu n'es encore qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde. »
« On ne connaît que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi ! »
5 mai 2010
IL N’Y A PAS DE BON MANAGEMENT DANS L’ABSOLU
Le juge de paix est la création de valeur durable
La réflexion sur le management est au cœur de nombre d'articles ou d'écrits. On y met le plus souvent en avant les aspects positifs ou négatifs de certaines attitudes managériales – ce qu'il faut ou ne pas faire – sans faire référence directe à l'entreprise qu'il s'agit de diriger.
Or mis à part un niveau zéro du management qui est effectivement un socle commun, je ne crois pas que l'on puisse réellement décrire quel est le bon mode de management indépendamment de la situation d'une entreprise donnée.
Pourquoi ?
Tout d'abord pour une raison évidente, mais qui est souvent perdue de vue : on ne manage pas pour manager, on ne dirige pas pour diriger, ce ne sont que des moyens pour permettre à l'entreprise de créer durablement plus de valeur. Le point de départ ne doit pas donc être le mode de management, mais bien les conditions d'une création de valeur durable. Je précise que, par création de valeur, je ne parle pas d'enrichissement des seuls actionnaires et des dirigeants, mais bien de la valeur totale de l'entreprise. La notion de durabilité est aussi essentielle et inclut sa résilience face à l'incertitude(1).
Or les conditions de création de la valeur sont très variables selon les entreprises et les secteurs dans lesquels elles se trouvent, ceci, comme je l'écris dans mon nouveau livre, parce que chaque entreprise « a ses propres règles, ses propres contraintes. (…) Les logiques peuvent être multiples selon :
- Le degré d'innovation et l'horizon de prévisibilité du métier : plus le métier sera soumis à des lancements fréquents d'innovations, plus l'horizon du flou sera proche, et moins il sera alors pertinent de mettre en place une organisation visant le contrôle a priori. A l'inverse, plus l'activité sera mature, la compétition organisée, plus il sera nécessaire d'optimiser finement les coûts et les marges, et donc d'avoir une anticipation budgétaire très rigoureuse.
- Le type de clientèle visée : plus les produits seront de type grand public, la concurrence multiple et composite, plus il faudra distinguer les activités commerciales et marketing. A l'inverse, si le marché visé est celui des grandes entreprises, il sera dangereux de séparer fortement le commercial et le marketing, chaque produit étant quasiment conçu pour un client donné.
- Le poids des caractéristiques géographiques : plus les attentes des clients seront homogènes entre pays, les circuits de distribution similaires, plus l'organisation devra être globale avec un poids faible donné aux géographies.
(…) Ensuite, parce qu'il faut ajuster dynamiquement le niveau de précision au type de sujet traité. Si c'est une situation « téléphone/avion »(2), il faut investir en amont, prendre son temps, mener des études approfondies avant d'agir, et les organisations, les systèmes de pilotage doivent être construits en conséquence. Par contre, si c'est une situation « adresse/ voiture », inutile de surinvestir en amont : le mieux est de procéder par ajustements progressifs ; là, il faut des feed-back rapides, de la réactivité, de l'apprentissage.
Moins j'ai besoin d'être précis, plus je pourrai aller vite : identifier dans une situation donnée, le niveau de précision nécessaire est donc un préalable à la définition du biorythme. »3
Être un bon dirigeant, bien manager c'est savoir adapter son attitude à la situation : on ne manage pas dans l'absolu, et certains qui sont de très bons managers face à certaines situations, sont les pires dans d'autres…
(1) Voir « Pour la mise en place d'un management durable »
(2) Voir « Situation adresse ou téléphone ? »
(3) Extraits des Mers de l'incertitude p.145 et 146
La réflexion sur le management est au cœur de nombre d'articles ou d'écrits. On y met le plus souvent en avant les aspects positifs ou négatifs de certaines attitudes managériales – ce qu'il faut ou ne pas faire – sans faire référence directe à l'entreprise qu'il s'agit de diriger.
Or mis à part un niveau zéro du management qui est effectivement un socle commun, je ne crois pas que l'on puisse réellement décrire quel est le bon mode de management indépendamment de la situation d'une entreprise donnée.
Pourquoi ?
Tout d'abord pour une raison évidente, mais qui est souvent perdue de vue : on ne manage pas pour manager, on ne dirige pas pour diriger, ce ne sont que des moyens pour permettre à l'entreprise de créer durablement plus de valeur. Le point de départ ne doit pas donc être le mode de management, mais bien les conditions d'une création de valeur durable. Je précise que, par création de valeur, je ne parle pas d'enrichissement des seuls actionnaires et des dirigeants, mais bien de la valeur totale de l'entreprise. La notion de durabilité est aussi essentielle et inclut sa résilience face à l'incertitude(1).
Or les conditions de création de la valeur sont très variables selon les entreprises et les secteurs dans lesquels elles se trouvent, ceci, comme je l'écris dans mon nouveau livre, parce que chaque entreprise « a ses propres règles, ses propres contraintes. (…) Les logiques peuvent être multiples selon :
- Le degré d'innovation et l'horizon de prévisibilité du métier : plus le métier sera soumis à des lancements fréquents d'innovations, plus l'horizon du flou sera proche, et moins il sera alors pertinent de mettre en place une organisation visant le contrôle a priori. A l'inverse, plus l'activité sera mature, la compétition organisée, plus il sera nécessaire d'optimiser finement les coûts et les marges, et donc d'avoir une anticipation budgétaire très rigoureuse.
- Le type de clientèle visée : plus les produits seront de type grand public, la concurrence multiple et composite, plus il faudra distinguer les activités commerciales et marketing. A l'inverse, si le marché visé est celui des grandes entreprises, il sera dangereux de séparer fortement le commercial et le marketing, chaque produit étant quasiment conçu pour un client donné.
- Le poids des caractéristiques géographiques : plus les attentes des clients seront homogènes entre pays, les circuits de distribution similaires, plus l'organisation devra être globale avec un poids faible donné aux géographies.
(…) Ensuite, parce qu'il faut ajuster dynamiquement le niveau de précision au type de sujet traité. Si c'est une situation « téléphone/avion »(2), il faut investir en amont, prendre son temps, mener des études approfondies avant d'agir, et les organisations, les systèmes de pilotage doivent être construits en conséquence. Par contre, si c'est une situation « adresse/ voiture », inutile de surinvestir en amont : le mieux est de procéder par ajustements progressifs ; là, il faut des feed-back rapides, de la réactivité, de l'apprentissage.
Moins j'ai besoin d'être précis, plus je pourrai aller vite : identifier dans une situation donnée, le niveau de précision nécessaire est donc un préalable à la définition du biorythme. »3
Être un bon dirigeant, bien manager c'est savoir adapter son attitude à la situation : on ne manage pas dans l'absolu, et certains qui sont de très bons managers face à certaines situations, sont les pires dans d'autres…
(1) Voir « Pour la mise en place d'un management durable »
(2) Voir « Situation adresse ou téléphone ? »
(3) Extraits des Mers de l'incertitude p.145 et 146
4 mai 2010
DOTER L’ENTREPRISE D’UN SYSTÈME SIMPLE, PERMETTANT DE CONSTRUIRE LOCALEMENT LA BONNE SOLUTION
Comment faire face au développement de l'incertitude et à l'accroissement de la complexité sans construire des « usines à gaz » ?
J'ai déjà eu l'occasion dans bon nombre de mes articles(1), d'évoquer comment et pourquoi l'incertitude se développe, et comment, parallèlement et en partie à cause de cette croissance de l'incertitude, la complexité de l'environnement des entreprises explose : mondialisation des activités, multiplicité des savoir-faire techniques à mobiliser. J'y reviendrai dans les jours qui viennent à l'occasion de la sortie de mon livre « Les mers de l'incertitude »(2).
Face à cela, je vois souvent des directions d'entreprises vouloir y répondre par une complexité interne croissante, et une sophistication de tous les systèmes.
Je pense à l'inverse, dans la ligne des propos tenus par Georges Whitesides et dont je me faisais l'écho hier(3), qu'il faut construire les réponses complexes à partir de blocs simples. Il s'agit pour le management de trouver quelles sont les bonnes brises de base qui pourront être assemblées localement pour construire dynamiquement des solutions adaptées à ce qui survient.
Quelques exemples :
- Le marketing central cherche à construire non plus des produits terminés et qui seront déployés tels quels dans tous les pays, mais des systèmes qui permettront à chaque pays ou filiale de construire rapidement, à bas coût et de façon globalement cohérente leur propre réponse.
- La direction informatique ne développe plus des solutions clés en main, mais crée ou référence des sous-systèmes simples capables de s'assembler et s'interfacer rapidement.
- L'organisation n'est pas définie par la direction générale, mais ce sont les principes que doit respecter toute organisation locale qui le sont, en veillant notamment à toutes les questions d'interface.
- Le rôle de chacun est défini de façon simple et peut être exprimé en quelques mots, et donc être intégré par tous.
(1) Cliquer sur le mot pour vous les articles liés à Incertitude ou Complexité
(2) Sortie le 25 mai
(3) Voir « EN EMPILANT DES BLOCS SIMPLES, ON CONSTRUIT UN SYSTÈME COMPLEXE ROBUSTE »
J'ai déjà eu l'occasion dans bon nombre de mes articles(1), d'évoquer comment et pourquoi l'incertitude se développe, et comment, parallèlement et en partie à cause de cette croissance de l'incertitude, la complexité de l'environnement des entreprises explose : mondialisation des activités, multiplicité des savoir-faire techniques à mobiliser. J'y reviendrai dans les jours qui viennent à l'occasion de la sortie de mon livre « Les mers de l'incertitude »(2).
Face à cela, je vois souvent des directions d'entreprises vouloir y répondre par une complexité interne croissante, et une sophistication de tous les systèmes.
Je pense à l'inverse, dans la ligne des propos tenus par Georges Whitesides et dont je me faisais l'écho hier(3), qu'il faut construire les réponses complexes à partir de blocs simples. Il s'agit pour le management de trouver quelles sont les bonnes brises de base qui pourront être assemblées localement pour construire dynamiquement des solutions adaptées à ce qui survient.
Quelques exemples :
- Le marketing central cherche à construire non plus des produits terminés et qui seront déployés tels quels dans tous les pays, mais des systèmes qui permettront à chaque pays ou filiale de construire rapidement, à bas coût et de façon globalement cohérente leur propre réponse.
- La direction informatique ne développe plus des solutions clés en main, mais crée ou référence des sous-systèmes simples capables de s'assembler et s'interfacer rapidement.
- L'organisation n'est pas définie par la direction générale, mais ce sont les principes que doit respecter toute organisation locale qui le sont, en veillant notamment à toutes les questions d'interface.
- Le rôle de chacun est défini de façon simple et peut être exprimé en quelques mots, et donc être intégré par tous.
(1) Cliquer sur le mot pour vous les articles liés à Incertitude ou Complexité
(2) Sortie le 25 mai
(3) Voir « EN EMPILANT DES BLOCS SIMPLES, ON CONSTRUIT UN SYSTÈME COMPLEXE ROBUSTE »
3 mai 2010
EN EMPILANT DES BLOCS SIMPLES, ON CONSTRUIT UN SYSTÈME COMPLEXE ROBUSTE
Et si on s'intéressait aussi à la simplicité ?
Dans sa conférence (voir ci-dessous), Georges Whitesides (voir sa bio) s'intéresse à la simplicité, et comment elle permet de construire la complexité. Il y explique que ce sont avec des blocs simples – comme des pierres, des 0 et des 1, … –, que l'on peut élaborer des systèmes sophistiqués comme Internet ou des cathédrales.
Ce qui est simple, c'est tout ce qui peut s'empiler facilement et solidement. Guidé par son imagination et son projet, on va poser les blocs les uns sur les autres : l'un fera une cathédrale, quand un autre en tirera un château ou simplement un mur en pierres sèches…
Pour construire avec ces blocs, vous n'avez pas besoin de connaitre la logique qui a permis à ces blocs d'exister, vous n'avez qu'à savoir vous en servir et les empiler. Ceci rejoint le propos de Ian Stewart qui a écrit dans « Dieu joue-t-il aux dés ? » :
« Ce dont nous avons besoin, c'est de la théorie de la simplicité, pas de la théorie de la complexité. Il y a une rhétorique de la science réductionniste qui prétend que, même si la chèvre ne le sait pas, des choses immensément compliquées doivent se produire en elle pour qu'elle se comporte cette façon. (…) Il vous semble, à vous et à la chèvre, que ce qui se passe est simple : mais, en fait, cela ne l'est pas. (…) Une théorie des particules subatomiques est fongible quand on la regarde à partir du niveau de la chèvre. Il faut bien qu'il en soit ainsi, ou bien nous n'aurions jamais été capables de garder une chèvre sans passer auparavant un doctorat de physique subatomique. »
Lego ou Meccano ont apporté à tous les enfants de nouveaux blocs simples pour donner libre cours à leur imagination. McDonald a dominé le monde des hamburgers en le décomposant en briques élémentaires – le pain, la viande, les frites…–, en industrialisant chaque composant et en en facilitant l'assemblage. Le jeu de go repose sur des règles que l'on peut énoncer et comprendre en une minute…
Quand la complexité repose sur des composants eux-mêmes complexes, elle est fragile et vulnérable. Quand elle repose sur des blocs simples, elle est efficace et souple.
A garder en mémoire…
Dans sa conférence (voir ci-dessous), Georges Whitesides (voir sa bio) s'intéresse à la simplicité, et comment elle permet de construire la complexité. Il y explique que ce sont avec des blocs simples – comme des pierres, des 0 et des 1, … –, que l'on peut élaborer des systèmes sophistiqués comme Internet ou des cathédrales.
Ce qui est simple, c'est tout ce qui peut s'empiler facilement et solidement. Guidé par son imagination et son projet, on va poser les blocs les uns sur les autres : l'un fera une cathédrale, quand un autre en tirera un château ou simplement un mur en pierres sèches…
Pour construire avec ces blocs, vous n'avez pas besoin de connaitre la logique qui a permis à ces blocs d'exister, vous n'avez qu'à savoir vous en servir et les empiler. Ceci rejoint le propos de Ian Stewart qui a écrit dans « Dieu joue-t-il aux dés ? » :
« Ce dont nous avons besoin, c'est de la théorie de la simplicité, pas de la théorie de la complexité. Il y a une rhétorique de la science réductionniste qui prétend que, même si la chèvre ne le sait pas, des choses immensément compliquées doivent se produire en elle pour qu'elle se comporte cette façon. (…) Il vous semble, à vous et à la chèvre, que ce qui se passe est simple : mais, en fait, cela ne l'est pas. (…) Une théorie des particules subatomiques est fongible quand on la regarde à partir du niveau de la chèvre. Il faut bien qu'il en soit ainsi, ou bien nous n'aurions jamais été capables de garder une chèvre sans passer auparavant un doctorat de physique subatomique. »
Lego ou Meccano ont apporté à tous les enfants de nouveaux blocs simples pour donner libre cours à leur imagination. McDonald a dominé le monde des hamburgers en le décomposant en briques élémentaires – le pain, la viande, les frites…–, en industrialisant chaque composant et en en facilitant l'assemblage. Le jeu de go repose sur des règles que l'on peut énoncer et comprendre en une minute…
Quand la complexité repose sur des composants eux-mêmes complexes, elle est fragile et vulnérable. Quand elle repose sur des blocs simples, elle est efficace et souple.
A garder en mémoire…
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