20 août 2009

LA GUERRE ENTRE FINANCE ET INDUSTRIE FAIT RAGE

Histoire de caverne (Saison 2 – Épisode 8)

Grâce à mon offre d'assurance et au lancement du premier journal « Ici, la Caverne », j'étais redevenu l'homme le puissant. Enfin !


« On ne va quand même se laisser faire comme cela, commença Johnny. J'en ai plus qu'assez de cette domination de Bob et ses billes.
- Oui, moi aussi. Mais avec son assurance et son « Ici, la Caverne », je ne vois pas bien ce que l'on peut faire. Maintenant, si je dis un mot de travers ou émets une idée qui ne lui plaît pas, j'ai droit à un article disant que l'air des cavernes du Nord est malsain.
- Écoute, tu fais comme tu veux. Mais moi, je suis décidé à me battre.
- Comment ?
- En utilisant ma seule arme réelle : mon imagination et ma créativité. Moi, je ne suis pas un financier comme Bob qui vit du travail des autres ; moi, je crée vraiment de la valeur ! »
Jacques le regarda sans bien comprendre ce qu'il voulait dire par « création de la valeur ». Encore une de ses expressions que personne ne comprend. Mais, bon ! Il aimait bien Johnny et il fallait reconnaître que, question idées, il se posait là.
« Alors, c'est quoi ton idée du jour ?
- En fait, c'est déjà lancé et tu verras le début de réalisation la semaine prochaine. D'ici là, désolé, je préfère rester discret… même avec toi !
- Comme tu voudras… »
Quelques jours plus tard, tout le monde ne parlait effectivement que des nouvelles roues de Johnny. Il venait de lancer une gamme complète qui révolutionnait le monde de la roue – il y avait déjà eu quelques copies sur le marché : Johnny avait repensé l'arbre. Il avait trouvé une nouvelle essence qui alliait robustesse, souplesse et légèreté. Un vrai miracle. Résultat : il garantissait une division par un facteur 10 du risque de rupture d'arbre.
Pour asseoir ce lancement, Johnny avait à son tour acheté toute une série de murs en pierre réparti parmis toutes les cavernes. Pour choisir, il avait fait simple : chacun se trouvait à proximité des murs de « Ici, la caverne ». Et sur ses murs, Johnny avait fait graver en gros : « Avec un arbre qui ne casse plus, pourquoi s'assurer ? »

Comme en plus pour le lancement, il n'avait pas augmenté ses prix, ce fut la ruée sur ces nouveaux arbres. Bien sûr, ces acquisitions ne pouvaient se faire qu'en payant avec des disques.
La riposte ne se fit pas attendre : la semaine suivante, Ici la Caverne titrait : « La vérité sur les nouvelles roues : elles cassent autant que les anciennes. Notre dossier réalisé conjointement par le Magicien et le Devin ».
Les ventes chutèrent. Alors Johnny baissa ses prix de 20% et améliora encore la technique des arbres.
L'édition suivante titra : « La baisse des prix récente montre que ces roues ne sont pas fiables. Lisez notre essai : une semaine avec les nouvelles roues ».
Johnny se lança alors dans une succession d'innovations toutes plus révolutionnaires les unes que les autres et répondant chacune à une attente spécifique. Tout le monde se rappelle des plus significatives. Citons :
- Les roues recouvertes de peintures rupestres pour les familles privilégiant l'esthétique : d'abord équipées d'une décoration standard, elles ont ensuite évolué et on a pu alors demander une personnalisation des peintures.
- Les doubles arbres en tête : ils permettaient de continuer en cas de rupture du premier arbre, le second venant alors se loger automatiquement dans le logement du précédent. Ils étaient destinés à ceux qui privilégiaient la sécurité ou qui avaient à utiliser des chemins en très mauvais état.
- Les roues carrées pour monter sur le chemin de la montagne : cette innovation ne dura pas car elle correspondait à un marché trop étroit.
- L'invention du pédalier et de la chaîne : cette innovation était de loin la plus technique. Il s'agissait de la mise en place d'un système de roues multiples et de tailles différentes, reliées par un collier composé d'os extraits de la colonne vertébrale d'un jeune mammouth. Grâce à un mécanisme astucieux, on pouvait ainsi mettre en mouvement tout l'ensemble en appuyant soi-même sur des pierres plates – appelées pédales – et situées au milieu du plancher.
Chacune de ces innovations relançait les ventes de Johnny. A chaque fois, Bob contrattaquait grâce à son journal et en abaissant le prix de ses assurances – assurances qui étaient maintenant elles aussi segmentées.
Résultat le profit de chacun baissait. Pour finir, les deux perdaient de l'argent. Cette guerre était suicidaire, cela ne pouvait plus durer…

(à suivre)




17 août 2009

LE LANCEMENT DE « ICI, LA CAVERNE »

Histoire de caverne (Saison 2 – Épisode 7)

Avec l'aide de Paulo, le nouveau magicien, j'ai pu « calculer » le nombre de roues qui allaient casser : je me suis lancé dans l'assurance

« Vraiment pas facile de lancer un nouveau concept, dis-je à mon fils Thomas. Personne n'a l'air de s'intéresser à mon offre d'assurance. A part bien sûr ceux qui conduisent comme des fous. Du coup, je ne récupère que les mauvais risques et le montant payé pour la prime est insuffisant. Si cela continue comme cela, nous courrons à la catastrophe. Il faudrait toucher plus largement tous les clients potentiels. Comment faire ?
- Il faudrait pouvoir leur expliquer ton idée et sans avoir besoin de tous les rencontrer.
- Oui, mais je ne vois pas comment. En plus le Devin est vexé comme un pou que j'ai pu faire appel à Paulo. Il se répand maintenant en disant que cette idée d'assurance est un leurre, que les billes, ce n'est plus aussi sûr, et que finalement, les disques avec les roues, c'est une affaire qui roule. Dans sa note de conjoncture de la semaine dernière, il a même été jusqu'à prévoir une baisse de la valeur des billes face aux disques. Tout va bien quoi.
- Heureusement que sa note de conjoncture est uniquement gravée sur la falaise en pierre en face de sa caverne. Finalement, il n'y a pas tant de monde qu'il la lit.
- Oui, imagine qu'elle soit gravée à un endroit où tout le monde passe se serait une catastrophe. »
L'œil de Thomas s'alluma alors brutalement. Il se leva et dit presque en criant :


« Mais voilà la solution ! Tout d'abord nous achetons un peu partout des murs en pierre – de préférence des pierres tendres faciles à graver –et couvrant toutes les zones de cavernes. Ensuite nous embauchons une équipe de graveurs. Ce sera facile : il y a plein de jeunes qui sont tellement fous de cette mode de l'écriture qu'ils ne savent plus chasser. Enfin chaque semaine, nous gravons partout les dernières informations sur ce qui vient de se passer.
- Oui, mais cela suppose que nous sachions ce qui vient de se passer.
- Certes, mais nous pourrons demander à notre équipe de graveurs de se renseigner aussi sur ce qui se passe. Et puis, personne ne sait réellement ce qui se passe. Donc on doit pouvoir inventer un peu sans grand risque. Et dans tout cela, on pourra faire passer nos idées. Écrire que Paulo se trompe moins souvent que le Devin. Que les arbres de roue cassent plus souvent qu'on ne le dit. Raconter comment la famille X a tout perdu suite à une rupture d'arbre de roue. Parler de notre assurance…
- Pas bête du tout. Et tu crois que cela va intéresser les gens ? Tu crois vraiment qu'ils vont venir lire tout cela ?
- Je n'en suis pas sûr, mais, oui, je crois. De toute façon, nous n'allons pas rester les bras croisés à regarder notre perte arriver, non, Papa ?
- Tu as raison, nous n'avons pas grand-chose à perdre. Ce serait bien de trouver un nom à ces murs gravés. Cela aide toujours au succès d'une idée, un bon nom.
- Pas d'idée.
- Pas grave, démarrons comme cela. »

Après examen, le projet était plus compliqué à mettre en œuvre que prévu : les cavernes couvraient maintenant une zone de plus en plus étendue, et il fallait bien compter cinq jours de marche du Nord au Sud et sept en largeur pour toutes les atteindre. Résultat, si l'on voulait une couverture suffisante, il nous fallait environ une cinquantaine de murs. Allait ensuite se poser le problème de l'équipe de graveurs et du temps pour graver chaque mise à jour. Si on établissait bien le centre des opérations au milieu des cavernes, il allait falloir environ trois à quatre jours pour atteindre les zones les plus éloignées. Soit une semaine pour aller et revenir.
Si l'on tenait compte du temps pour graver le nouveau journal, plus celle de recueillir des informations pour construire l'édition suivante et enfin le temps de concevoir la nouvelle édition, il était impossible de prévoir plus de deux éditions par mois. Afin de garder de la sécurité et de pouvoir améliorer dans un deuxième temps, nous avons décidé de ne lancer qu'une édition par mois.

Six mois après avoir trouvé l'idée, tout était en place : nous avions acheté les 50 emplacements, nous avions une équipe de 15 graveurs, nous avions rédigé la première édition. Elle avait un titre simple : « Encore un accident d'arbre de roue ! Le petit Arthur échappe de peu à la mort. Cela ne peut plus durer ! »
Une semaine plus tard, notre nouveau concept d'assurance décollait.
La deuxième édition titrait : « Sauvé par une assurance, la famille Magnon évite la faillite. »
Le concept explosa. Ce fut la ruée. Tout le monde en voulait.
La troisième édition titra : « Une nouvelle façon de penser au futur : Paulo nous explique comment calculer. »

Le Devin vint alors me trouver.
« Tu sais, je ne t'en veux pas pour avoir fait appel à Paulo. Je comprends, à ta place, j'aurais fait pareil. Je te propose que nous fassions la paix. Au fait, est-ce que, dans la prochaine édition de ton journal, tu ne pourrais pas dire deux mots au sujet de ma nouvelle approche de la prédiction : j'ai inventé une nouvelle approche de l'éviscération des poulets et la lecture dans la fumée par grand vent.
- Mais bien sûr, le Devin.
- Allons, appelle-moi Jojo. Au fait, ton journal, pourquoi tu ne l’appellerais pas « Ici, la Caverne » ? »
J'exultais. Je gagnais à nouveau. Johnny allait devoir aussi passer par mes conditions…

(à suivre)


14 août 2009

ET SI J’ « ASSURAIS » LES ROUES ?

Histoire de caverne (Saison 2 – Épisode 6)

Johnny développe avec succès son offre roue-disque. Mais de nombreuses roues cassent, ou plutôt l'arbre qui les réunit. Comment tirer parti de ce problème ?

Pour aller en avant dans mon idée, j'avais besoin de deux choses : d'abord plus d'information sur le nombre d'arbres de roues qui cassaient ; il faudrait aussi rencontrer Paulo, le nouveau magicien, celui qui savait faire parler le futur encore mieux que Jojo, le Devin.
Pour le premier, c'était facile, Thomas allait s'en charger. Pour le deuxième, cela allait être plus compliqué, car je ne connaissais pas ce Paulo, et il ne fallait pas me mettre à dos le Devin.
Quelques jours plus tard, Thomas était de retour, les poches pleines de pierres plates, toutes striées en de multiples endroits.
« Alors, lui dis-je ?
- Attends, il faut d'abord que je sorte toutes mes pierres.
- Quoi ? Tu as besoin de pierres pour parler maintenant ?
- Pour parler, non. Mais pour prendre des notes et te dire précisément combien d'arbres ont cassé, oui.
- C'est quoi ce charabia ?
- Facile, regarde. C'est une nouvelle méthode mise au point par Paulo, le nouveau magicien.
- Celui que je vais aller voir dès que tu m'auras donné tous les éléments que j'attends ?
- Oui, lui-même. Le principe est super simple. A chaque trait vertical correspond un arbre qui a cassé ; à chaque trait horizontal, un arbre qui n'a pas cassé. Chaque pierre représente une zone de cavernes. Par contre, je ne sais plus quelle pierre correspond à quelle zone. Je n'ai pas fait de signe distinctif et maintenant, elles sont toutes mélangées.
- Pas grave. Je ne m'intéresse pas à la répartition des accidents, mais juste au nombre. C'est astucieux ce système de traits. Donne-moi toutes les pierres et je vais aller voir Paulo. »

J'ai toujours été du genre pressé. Une heure plus tard, j'étais devant la caverne de Paulo. A ma grande surprise, tous les murs étaient couverts de traits dans tous les sens. Au moment de mon arrivée, un grand homme barbu, certainement Paulo lui-même, était en train d'en rajouter quelques-uns de plus.
Mais que faisait-il ?
« Je calcule, si vous voulez savoir, dit-il en se tournant vers moi comme s'il avait deviné mon interrogation.
- Calculer ? Qu'est ce que cela veut dire ?
- Pas facile à expliquer. Disons que je sais jouer avec des traits qui représentent des nombres pour prévoir le futur. J'ai inventé un mot pour cela : je fais des prévisions mathématiques. Ce mot « mathématiques » ne veut rien dire, mais je trouve que cela sonne bien. Qu'est-ce qui amène le puissant roi des billes à venir s'intéresser au sort d'un modeste magicien ? Le Devin et ses notes de conjoncture ne vous suffisent-elles plus ?
- Si bien sûr, répondis-je, gêné par le caractère direct de son propos. Mais je fais face à une situation compliquée pour laquelle votre nouvelle approche m'a semblé plus appropriée.
- Ah oui ?
- Voilà. Vous avez certainement été au courant du développement des roues de Johnny. J'en vois d'ailleurs une le long de votre caverne. J'ai appris que régulièrement des arbres qui les soutiennent cassaient. Mon fils Thomas a, en suivant votre méthode, noté sur ces pierres combien de fois cela arrivait. J'aimerais à partir de ces informations vous me fassiez une prévision du nombre d'arbres qui devraient casser dans l'année qui vient, ainsi que du nombre de roues qui devraient être mises en circulation. Je paierai ce qu'il faut.
- Facile ! »
Il se mit alors à regarder toutes les pierres, puis se lança dans ce qu'il appelait un calcul, c'est–à-dire qu'il se mit à tracer de nouveaux traits dans tous les sens sur les murs de sa caverne. Au bout de dix minutes, il s'arrêta :
« Voilà le résultat. Le nombre de roues va progresser dans les 12 mois qui viennent au rythme de + 10% par mois, avec une incertitude de +/- 2,5 %. Le pourcentage d'accident est actuellement de 9,7%. Il va diminuer chaque mois de 5%, ce pendant 6 mois, puis se stabilisera. Content ?
Je le regardais, estomaqué par tant de prévision.
« Vous êtes sûr de ce que vous avancez, lui demandai-je ?
- Vous me prenez pour un charlatan, me répondit-il avec un regard courroucé.
- Non, bien sûr. Mais moi, je vais risquer mes billes à partir de ces nombres.
- Comment cela ?
- Je vais m'engager à garantir tout achat de roue sous réserve qu'il me soit réglé en billes et moyennant une prime qui couvrira mon risque. Je vais me servir de votre prévision pour calculer cette prime. C'est Thomas qui le fera. Comme la prime sera répartie sur plusieurs personnes, cela revient à créer une forme de solidarité entre tous les acheteurs de roue : ceux qui n'ont pas d'accident participeront au remboursement de ceux qui cassent… Une solidarité sur laquelle je prélèverais une petite commission. Il faut bien que je vive et que je paie vos prévisions. »
C'était mon idée.
« Vous ne manquez pas d'assurance, me dit Paulo.
- Mais vous venez de trouver un excellent nom pour mon idée : je vais l'appeler « l'assurance ». Et ainsi nous aurons face à l'offre intégrée de Johnny disque-roue, une offre intégrée bille-assurance. »
Une nouvelle bataille allait pouvoir commencer !
(à suivre)


10 août 2009

DES ROUES QUI SE DÉVELOPPENT, MAIS CASSENT…

Histoire de caverne (Saison 2 – Épisode 5)

Johnny vient d'apporter une révolution majeure avec la première offre intégrée « roue-disque », ou l'intégration industrie-finance. Comment puis-je résister avec mes seuls disques ?
« Ne perdons pas notre calme et analysons la situation froidement, me dis-je à moi-même. Certes, Johnny est très astucieux et son offre est plus que maline. Mais il ne s'attaque – au moins pour l'instant – qu'à ceux pour lesquels le déplacement de charges lourdes est important, ou à ceux qui sont fous de nouveauté – comme Jojo –. Pour le reste, mon offre de billes reste la plus attractive. »
Mes billes inspiraient confiance, nous avions assez travaillé là-dessus avec Jojo : les disques, c'était l'aventure ; les billes, la sécurité. Et, au moment de placer le résultat de sa dernière chasse de mammouths ou de préparer une cagnotte pour sa fille, c'était l'essentiel.
Et puis j'étais le plus grand possesseur de disques. J'avais tiré la leçon de ce qui s'était passé quand Johnny avait failli me déstabiliser à partir de son stock de billes (voir épisode 6 de la saison 1). Donc si jamais les disques en venaient à reprendre de la valeur, je serai le premier bénéficiaire.
Oui, mais je n'aimais pas cela. Cette montée en puissance de Johnny était trop rapide. Je ne pouvais pas le laisser prendre pied ainsi. Il allait falloir l'arrêter tout de suite avant qu'il ne soit trop tard.
Il me fallait pour cela plus d'informations sur ces roues. Hector, il fallait que j'aille le revoir et parler à son fils.

Quelques minutes plus tard, j'étais de retour chez Hector. Coup de chance, Damien, son fils venait d'arriver :
« Cela te plait ton travail chez Johnny, lui dis-je ?
- Oui, j'aime bien, me répondit Damien. Je vois du pays, je suis dans une activité technologique et je suis bien payé. Qu'est-ce que je pourrais demander de plus.
- Il doit bien y avoir des problèmes quand même. Je n'arrive pas à croire qu'une révolution pareille se passe sans aucune difficulté. Dis-moi en un peu plus sur ces roues.
- Non, je ne peux pas. Je suis vraiment désolé. J'ai signé une clause de confidentialité en prenant mon travail. Vraiment, je ne peux rien te dire. »
Furieux, je regardais Damien, puis Hector. Un mur face à moi. Inutile d'espérer lui en faire dire plus. Je finissais rapidement mon verre et sortis en maugréant.
« Il faut que je trouve un moyen d'en savoir plus, pensai-je. Thomas, mon fils, est un ami de Damien. Peut-être que lui obtiendra plus. »
Thomas avait bien grandi depuis qu'il s'amusait à jouer avec mes pierres sans en comprendre leur valeur. Il occupait maintenant un poste clé dans mon organisation : il était responsable de notre stock de billes et intervenait pour en acheter ou en revendre et réguler ainsi le marché des billes.
« Thomas, j'ai besoin de toi. Il faut que tu fasses parler Damien. Trouve-moi le point faible des roues.
- Facile, si tu m'autorise à lâcher quelques billes à Damien. Il est toujours à cours de pierres.
- Pas de problème »
Deux jours plus tard, je vis Thomas arriver avec un grand sourire.
« Cela m'a coûté une bonne cuite, mais j'ai ta réponse. Il y a bien un point faible, mais je ne sais pas ce que tu vas pouvoir en faire.
- Ça, c'est mon problème. Dis-moi ce que tu as trouvé.
- Eh, bien, fréquemment, les axes – c'est comme cela que Johnny appelle les morceaux de bois qui relient les roues en pierre – cassent. Et l'autre jour, c'est arrivé alors que Damien avançait à fond de mammouth. Résultat la table en pierre qu'il devait livrer est tombée et s'est cassée. Et il paraît que pas mal de clients commencent à se plaindre, qu'ils soient utilisateurs des services de livraison express ou qu'ils aient acheté des roues. Voilà, ce que j'ai trouvé.
- Merci, Thomas. »
Je n'ai rien dit de plus, mais je ne voyais pas bien quoi en faire. Comment tirer parti du fait que les axes cassent ? Tout le monde le savait, et même si des clients râlaient, cela ne les empêchait de revenir. Alors ?
Ils revenaient, mais ils avaient perdu des pierres – disques ou billes, peu importait –, et cela me faisait de la peine. Pour eux et pour moi. Je n'aimais pas voir gaspiller de l'argent comme cela.
A minimum, il faudrait qu'ils n'aient pas tout perdu. Mais cela s'était impossible.
D'un seul coup, j'eus une idée : « Ils vont tout perdre, pensai-je, sauf si … »

(à suivre)

7 août 2009

UNE ROUE QUI NE PASSAIT PAS…

Histoire de caverne (Saison 2 – Épisode 4)

Johnny venait d'inventer la roue et transformer ses disques en une arme de guerre contre mes billes : la guerre de l'industrie contre la finance allait-elle avoir lieu ?

« Rappelle-moi, que dit ta dernière note de conjoncture, Jojo, lui demandai-je ?
- Une fois plus, ne m'appelle pas Jojo quand nous sommes dans un lieu public. Même pour toi, je suis le Devin ! »
Je jetais un coup d'œil autour de moi. Personne à cette heure-là à la taverne du lac. Il exagérait, Jojo.

« OK, MONSIEUR LE DEVIN, quelles sont vos dernières prévisions ?
- Rien de bien nouveau. Une légère tension sur le cours des billes, due à un accroissement tendanciel de la demande, en liaison avec les pluies de la semaine dernière et la reprise probable de l'offre en mammouth liée à la nouvelle saison de chasse. La routine, quoi. Ah si, une nouveauté.- Laquelle ?
- Le disque va avoir une nouvelle décote, me dit-il en éclatant de rire »
Je souris à la nouvelle, et surtout en pensant à la tête de Johnny. Il allait falloir que je passe une semaine de repos dans une des cavernes du lac, pour voir aussi la tête de Jacques. J'avais entendu dire que son affaire de nouvelles cavernes dans le Nord ne s'annonçait pas si facile. Peut-être une occasion de le retourner à mon profit.
A ce moment, un crissement infernal envahit tout mon horizon sonore et un objet bizarre apparut. Comment le décrire ? Je n'avais jamais vu quoique soit de tel.
Commençons par le haut. Là rien d'anormal, à part la quantité. Il s'agissait de plusieurs tables en pierre – j'en comptais au moins quatre –, surmontées d'un menhir.
Au milieu, commençait l'étrangeté. On aurait dit comme des arbres aplatis. Comme si des mammouths avaient joué à sauter sur des troncs jusqu'à en faire des galettes. C'était tout plat et formait comme un sol. Un sol, oui, mais en l'air et fait de bois. Incroyable !
Et dessous ? Comment dire ? Cela ressemblait à quatre disques de pierre reliés par des arbres, mais des disques énormes. Rien à voir avec les disques de Johnny. Ou alors si, mais des disques qui auraient mangé trop de soupe, grandi trop vite.
Et le tout roulait sans problème tiré par un mammouth, conduit par le fils d'Hector. Que faisait à la tête de cet équipage le fils de mon ami Hector ? Il fallait que j'aille lui demander.

Hector était aujourd'hui à la retraite et passait le plus clair de son temps au frais dans sa caverne, celle que je lui avais décoré (voir épisode 1). Je l'y trouvais.
« Oui, mon fils a un nouveau travail, me dit-il. Il est employé par Jacques pour acheminer les fournitures nécessaires à ses nouvelles cavernes au Nord.
- Mais je croyais qu'il n'avait pas les fonds nécessaires. Et puis, elles sont beaucoup trop loin ces cavernes.
- Pour les fonds, il n'a pas de problèmes. Il s'est associé avec Johnny qui roule sur le succès grâce à ces disques. Et ce n'est pas simplement une expression puisqu'il a transformé ses disques en roues !
- Des roues ? C'est quoi cette nouvelle invention ?
- De grands disques reliés par des tiges en bois et qui permettent de tout déplacer plus facilement. Tout le monde en veut maintenant. Johnny n'arrive même pas à en fabriquer assez. Il peut demander le prix qu'il veut, en billes… ou en disques. Mais il a une préférence bien sûr pour les disques…
- C'est ce que j'ai vu passer tout à l'heure conduit par ton fils.
- Oui, et cela permet de relier les nouvelles cavernes Nord facilement. Et toi, tes billes, cela se passe comment ? »
Je vis comme un sourire de commisération à sa bouche quand il disait cela.
« Bien, bien. Tout va bien. Cela… – j'allais dire « roule », mais j'ai retenu le mot à temps – marche comme sur des billettes ! Bon, ce n'est pas que je m'ennuie, mais il faut que j'y aille. »
Quelques minutes plus tard, j'étais chez Jojo.
« Mon cher Devin, nous avons un problème. Johnny est en train de révolutionner le monde des cavernes avec ses roues et son offre intégrée roue-disque. Il faut que tu sortes une note bien sentie lançant la suspicion là-dessus.
- Bob, tu es un ami, mais primo, je suis un Devin indépendant et on ne peut pas me dicter mes prévisions. Secundo, Johnny vient de m'offrir ce qu'il appelle une chaise roulante. Avec elle, je gagne en hauteur, dignité et efficacité. Alors… »
Décidément, j'avais un problème…

(à suivre)


3 août 2009

DU DISQUE À LA ROUE, IL N’Y AVAIT QU’UN SAUT CRÉATIF À FAIRE

Histoire de caverne (Saison 2 – Épisode 3)

Johnny, inventeur depuis qu'il avait 5 ans, venait d'avoir une nouvelle idée géniale : les disques, cela roule ?


« Et puisque cela roule, cela peut nous aider à nous déplacer, continua Johnny. Ou à déplacer des choses. »
Il regarda Jacques et, face au vide de son incompréhension, continua :
« Par exemple, pour ton projet de ta caverne à deux jours de marche au Nord, tu vas avoir, au moins au début, à transporter pas mal de matériaux. Il va falloir tirer tout cela, cela ne va vraiment pas être facile. Dommage que cela ne puisse pas rouler, non ?
- Évidemment que si cela pouvait rouler ce serait plus simple. Pas besoin d'avoir fait l'école des cavernes pour le savoir ! Mais je ne vois pas bien comment faire rouler des tables en pierre !
- Des tables en pierre, non. Mais pourquoi ne pas les mettre sur quelque chose qui roule ? »
Il était devenu, fou !

« Quand j'étais petit, – mon père t'en a sûrement parlé –, j'ai eu l'idée de mettre des pierres en silex taillé au bout d'une pique en bois.
- Oui, je sais. Il n'arrête pas de raconter comment son fils a été un génie dès 5 ans.
- Je sens que cela t'énerve… Je continue. Pourquoi ne pas mettre un disque au bout d'une pique en bois. Ou plutôt deux, un à chaque bout. A mon avis, cela devrait rouler, et on doit pouvoir poser quelque chose dessus. »

Jacques commençait à comprendre son idée.

« Et si on prenait 2 piques au lieu d'une, poursuivit-il. On pourrait poser quelque chose en travers. Cela devrait être plus stable.
- On pourrait y mettre tes tables en pierre ou tout autre chose »
Brillant !
Quelques jours plus tard, l'atelier de disques muta. À côté de la production des disques monnaie – il n'était pas question de lâcher la proie pour l'ombre –, naissait un atelier complémentaire qui, dans le plus grand secret, commençait à produire des disques d'un plus grand diamètre et se livrait à des mises au point complexes.
Un mois plus tard, la roue naissait. Pourquoi l'avoir appelé roue ? Bonne question. Nul n'a jamais su pourquoi exactement.
Certains ont dit que c'était Jacques qui avait choisi le nom et que, comme il n'avait ni imagination, ni orthographe, il s'était inspiré de la couleur de cheveux de Johnny. D'autres pensent que, comme la roue avance aussi vite qu'un oiseau sans avoir des ailes, Johnny a fait un jeu de mot stupide : la roue roule sans l – sans aile quoi ! –, donc c'est une roue. Personnellement, je crois qu'ils avaient tous les deux beaucoup bu, beaucoup trop, et qu'ils ont inventé un mot qui ne voulait rien dire.
Toujours est-il que la roue était née. Et que la guerre entre l'industrie et la finance allait commencer…

(à suivre)





31 juil. 2009

JOHNNY, INVENTEUR À 5 ANS !

Histoire de caverne (Saison 2 – Épisode 2)

Jacques et Johnny, J&J, en avaient assez de la domination de mes billes. Johnny venait d'avoir une idée.
« Les disques, ce n'est pas simplement une monnaie concurrente des billes, dit Johnny. Voilà l'idée ! »
Jacques le regarda, interloqué. Mais qu'est-ce qu'il pouvait bien vouloir dire ? Toujours aussi incompréhensible ce Johnny !
Cela avait commencé alors qu'il n'avait que 5 ans. Jacques qui connaissait bien ses parents les avait entendus mille fois raconter la première invention de Johnny.
Ce soir-là, la famille était tranquillement réunie dans sa caverne, - une confortable 3 pièces avec 2 chambres et un living-room -. Le père de Johnny était tailleur de silex, la troisième génération de tailleur, et avait une clientèle bien installée, donc la famille vivait dans l'aisance. Johnny n'avait jamais manqué de rien. Assis dans un coin, il écoutait son père raconter l'histoire du chasseur de mammouth.
« A ce moment, il se dressa, face à l'énorme bête, et poussa un cri terrible. Le mammouth, loin d'être effrayé, continua d'avancer, imperturbable. Il en avait vu d'autres et avait déjà embroché une bonne centaine de chasseurs. Alors ce n'était pas ce petit minus, coléreux et hystérique qui allait lui faire peur. Avec son petit bout de pierre dans la main, il se prenait pour qui !

- Mais pourquoi il ne met pas la pierre au bout d'un morceau de bois, s'exclama Johnny.
- Quoi ? Qu'est ce que tu dis ?
- Eh bien, pourquoi il ne prend pas un long morceau de bois sur lequel il attacherait le silex taillé ? Comme cela il pourrait blesser le mammouth sans s'approcher de lui. »
Un silence se fit dans la caverne.
« Mais d'où tu sors cette idée, dit son père ?
- De nulle part ! C'est juste du bon sens, non ? Comme nos bras sont courts et vulnérables, mieux vaut les prolonger avec des morceaux de bois. C'est d'ailleurs ce que je fais quand je joue avec mes copains.
- Peut-être, mais là on n'est pas en train de jouer avec tes copains. C'est du sérieux : une chasse au mammouth. Alors, merci de ne pas m'interrompre avec tes idioties, et laisse-moi reprendre mon histoire. »
Furieux, Johnny sortit en courant de la caverne, laissant le reste de la famille écouter l'histoire.
Trente minutes plus tard, il était de retour avec une pique en bois à laquelle il avait attaché un silex taillé emprunté au stock de son père.
« Et cela, c'est n'importe quoi, hurla-t-il ? Tu ne crois pas que ton chasseur aurait eu plus de chance face au mammouth s'il était en possession de ça ! »
Son père le regarda sans un mot. La première lance était née. Elle fit la fortune de la famille car son père lança un atelier de fabrication de lances. La carrière de Johnny l'inventeur venait de commencer.
Il ne s'arrêta pas là.
A 10 ans, il inventa le lit de sable : vous prenez un lit normal, c'est-à-dire une pierre à peu près plane, sur laquelle vous répandez une couche de sable fin venant du bord du lac, et vous obtenez une merveille de confort.
A 15 ans, le feu sans fin : vous démarrez normalement un feu avec de la paille, du bois et des silex. Puis vous versez dessus la pâte noire et nauséabonde que l'on trouve à côté de la source de fumée brulante. Et cela durera tant que vous aurez de la pâte noire.
A 20 ans, la peinture murale : vous prenez une caverne normale, un morceau de bois tiré d'un feu – avec ou sans pâte noire, cela n'a pas d'importance – et avec la partie noire du bois, vous faites de drôles de trucs sur les murs.
C'est alors qu'il quitta la caverne familiale pour se lancer directement dans les affaires. Il disparut alors pendant 3 ans. Nul ne sût où il était allé, ni ce qu'il avait fait. Mais à son retour, il avait avec lui des sacs de graines à cuire. Et la recette pour en fabriquer. Une méthode apparemment absurde et pourtant efficace : il suffisait de mettre quelques graines dans le sol et plein de nuits plus tard – un nombre tellement grand que personne n'avait jamais pu les compter -, une grande herbe sortait de terre et le nombre de graines était multiplié. Un miracle, quoi !
Il fit un malheur avec ses graines. Il m'en vendit d'ailleurs, ce qui me donna l'idée de lancer mes pierres (voir les épisodes 1 à 3 de la saison 1). Ensuite, il lança ses disques. Il n'avait que 25 ans.
« Oui, les disques ce n'est pas seulement de la monnaie : cela roule, continua Johnny. »
Évidemment que cela roule puisque ce sont des disques, pensa Jacques…

(à suivre)



27 juil. 2009

QUAND J&J JOUENT AVEC DES DISQUES…

Histoire de caverne (Saison 2 - Épisode 1)

Rappel (rapide !) de la saison 1 (cliquer pour la lire ou relire) : Pour permettre un meilleur développement de mes affaires, j'ai créé la première monnaie sous la forme de pierres. Rapidement, j'ai dû faire face à l'émergence d'une concurrence : Johnny et ses disques. Mes pierres sont alors devenues de billes de couleur et, pour asseoir ma suprématie, avec l'aide de mon ami Jojo le devin, nous avons lancé une agence de notation et de conjoncture. Aujourd'hui nous dominons le marché. Tout va bien…

« Cela ne peut plus durer, dit Jacques, tout en se resservant un verre.
- Oui, tu as raison, lui répondit Johnny. Je ne supporte plus de voir mes disques être dévalorisés sans cesse par le Devin et ses soi-disantes notes de conjoncture. Et en plus, il a maintenant le culot de me demander quelles sont mes prévisions de demande sur les disques. Comme si j'en avais la moindre idée ! Lui non plus d'ailleurs, mais comme il est le Devin, il peut dire ce qu'il veut, tout le monde le croît.
- Et comme Jojo sait que nous sommes amis, le voilà qui vient de prévoir la pluie pour mes nouvelles cavernes au Nord. »
Jacques continuait en effet ses projets d'extension. Il avait déjà tout un ensemble de cavernes avec vue sur le lac (voir notamment l'épisode 3 de la saison 1). Il venait d'avoir l'idée de se lancer dans une nouvelle aventure : créer tout un réseau de cavernes beaucoup plus au Nord à 2 jours de marche. C'était un endroit idéal : une colline avec des cavités naturelles, une vue magnifique sur une grande plaine giboyeuse, une rivière à côté.


Mais il était confronté à un double problème : le financement de son projet et la distance.
Pour le financement, il pouvait prendre appui sur ses cavernes existantes et le revenu qu'elles dégageaient. Mais cela ne suffisait pas : il devait emprunter de l'argent, et même pas mal. C'est pourquoi la prévision de pluie faite par Jojo – il continuait à l'appeler ainsi, car il l'avait connu à ses débuts, et il avait du mal avec son titre de Devin –, ne l'arrangeait vraiment pas. Il comptait aussi sur Johnny pour l'aider, mais cela supposait que ses disques se revalorisent. Et là à nouveau, il trouvait le Devin sur son chemin.
Pour la distance, il allait falloir tout porter sur une longue distance. Cela allait compliquer tous les travaux, au moins au début. Ensuite, il devrait pouvoir trouver sur place ce dont il avait besoin, et les ouvriers logeraient dans les premières cavernes. A leurs frais, bien sûr… Il faudrait aussi aménager le chemin pour aller à ces cavernes, sinon personne ne voudra s'y rendre.
Pas facile.
Machinalement, Johnny et Jacques – J&J comme on les appelait souvent – jouaient avec des disques sans s'en rendre compte. Dans un moment de colère, plusieurs leur échappèrent des mains.
Jacques pesta encore un peu plus contre lui. Si en plus, on en vient à casser le peu d'argent que l'on a, se dit-il à lui-même.
A l'inverse, l'œil de Johnny s'alluma tout en regardant les disques rebondir et se mettre à rouler sur le sol.
« Je crois que je viens d'avoir une idée. Et même une sacrée idée ! »
(à suivre)


24 juil. 2009

HISTOIRE DE BLOG

Du Neuromanagement au Lâcher-prise, 10 mois et près de 250 articles

Fin septembre dernier, j'ai commencé ce blog. Son objectif initial était de contribuer à faire connaître mon livre Neuromanagement.
Progressivement, il a évolué. Depuis ces dernières semaines, il m'a servi à commencer à mettre en forme mes nouvelles idées et à les tester. Cette "mise en débat" de ce qui va servir pour un prochain livre a été amplifiée par la reprise de bon nombre de mes articles sur d'autres sites, et singulièrement sur Agoravox.
Je me suis aussi "servi" de ce blog comme un moyen de faire passer mes amusements face à l'actualité et des situations.
J'ai volontairement évité les propos directement politiques, car ce n'est pas son objet.

Voilà arrivé le temps des vacances, et donc celui de faire une pause.
Je n'ai toutefois pas voulu que mon blog reste "muet" cet été.
Vous allez donc y trouver, au rythme de 2 épisodes par semaine - le lundi et le vendredi - la saison 2 de mon "histoire de caverne". J'espère que vous vous amuserez autant à la lire que moi à l'écrire.

Fin août, je reprendrai le fil de mes articles quotidiens. Mon nouveau livre sera alors en cours d'écriture, et il y aura naturellement un rebond entre les deux. Je ferai d'ailleurs évoluer alors le nom de mon blog.

D'ici là, je vais plonger à nouveau dans la jungle thaïlandaise et "perdre du temps" à regarder le Mékong se déployer paresseusement. J'espère que cette errance sans programme écrit à l'avance contribuera à aider à la maturation de mon livre, dont le thème central sera justement l'importance du lâcher-prise.
Bonnes vacances à tous !

23 juil. 2009

LES CHÊNES N'EN FONT QU'À LEUR TÊTE

Les truffes, c'est s'ils le veulent bien !

Pour clore, cette "chronique" sur mes relations avec les occupants locaux de ma maison en Provence, après les animaux, quelques lignes sur un végétal, le seigneur des lieux : le chêne truffier.
Lieu de mon conflit avec les sangliers, pères nourriciers de truffes, ils peuvent être blancs ou verts (les chênes verts sont à feuilles persistantes), grands ou petits (voir sur ce sujet, l'article : "Les chênes naissent égaux, mais cela ne dure pas").
J'aime ces arbres qui architecturent le terrain, mais, question truffes, vraiment la plupart ne font rien.
Paresse ? Incompétence ? Rébellion face à ce que l'on attend d'eux ?
Et si c'étaient les plus malins qui arrivaient à cacher si bien leurs truffes que ni les sangliers, ni les chiens ne les trouvaient... J'aime à m'imaginer des chênes complotant de la sorte.

Voilà, j'ai voulu terminer cette première année de mon blog par ces quelques billets d'humeur provençale. Une façon de glisser vers l'été et un peu de vacances.
A demain encore pour un dernier article qui vous introduira le "feuilleton de l'été" (mis en ligne au cours du mois d'août)....

22 juil. 2009

NON, JE NE SUIS PAS EN GUERRE CONTRE LE MONDE ANIMAL

Abeilles, fourmis et même crocodiles je vous aime !

Au travers de mes deux derniers écrits, je ne voudrais pas vous avoir donné l'impression que je suis en lutte avec tout le monde animal. Non, à part ma haine contre un pivert obstiné et mes démêlés avec des sangliers fantomatiques, tout va bien !
Côté abeilles, nous avons un "gentleman agreement" qui fonctionne bien : je plante des lavandes et les entretiens, elles butinent... et j'achète du miel.
Côté guêpes, c'est plus compliqué, mais nous avons trouvé un modus vivendi : chacun vit sa vie, car nous n'avons pas grand chose à nous dire. Elles viennent boire l'eau de la piscine, et, tant qu'elles ne piquent pas, tout va bien. Quand elles prospèrent de trop, je fais procéder à un "léger" contrôle des naissances sur les toits où elles habitent.
Côté fourmis, là non plus, rien de particulier, on cohabite : je contribue à leur subsistance au travers de tout ce qui tombe par terre ; elles mènent une existence fébrile à laquelle je ne comprends pas grand chose. Cela amuse certains des enfants de passage, fait peur à d'autres : elles font partie du folklore local.
Enfin côté crocodiles, c'est l'entente cordiale. Eh oui, il y a des crocodiles en Drôme provençale ! Même des crocodiles nucléaires, la plus grande ferme d'Europe. Ces êtres apparemment placides, immergés dans des eaux chauffées grâce à la centrale de Pierrelatte, font le bonheur des enfants. Il est vrai qu'ils ne quittent pas leur enclos...
Restent plein d'autres animaux - taupes, frelons, araignées, ... - avec lesquels la cohabitation ne pose pas non plus de problèmes particuliers. J'espère que d'avoir choisi de m'arrêter plutôt sur d'autres, ne les vexera pas. Mais je suis confiant, je les connais.
Reste que, face au pivert, ils ne font rien pour m'aider...

21 juil. 2009

LA GUERRE DES TRUFFES A LIEU

Il n'y a pas d'entente possible quand on veut la même chose !

Je vous ai parlé hier de ma "haine" d'un pivert. J'ai aussi des problèmes avec des sangliers.
Mais à la différence du pivert, ils respectent eux l'intégrité de mon patrimoine immobilier - le pivert ferait bien d'en prendre de la graine ! - et notre conflit est localisé dans le terrain, et plus précisément, autour des chênes truffiers.
Pourquoi je parle de conflit et non pas de confrontation ? Parce qu'il n'y a pas de doute : nous voulons la même chose. Nous ne divergeons pas seulement sur la méthode - ils ont leur groin, nous avons un chien -, mais nous sommes en compétition pour la conquête de la même chose : les truffes ! Toutes les truffes qu'ils mangent, c'est autant que je n'aurai pas. Pas de compromis, ni d'entente possibles.
Pourquoi les sangliers aiment-ils les truffes ? Bonne question. Sont-ils amoureux du goût ? Ou alors la truffe a-t-elle une valeur énergétique idéale recommandée dans le cadre d'un régime alimentaire ? Ou une affaire de fétichisme liée à une histoire qui remonterait aux origines des sangliers et des truffes ? Je ne sais pas. Mais ce qui est sûr, c'est qu'ils aiment les truffes. Et moi aussi...
Dernière remarque sur ce conflit qui dure depuis plus de vingt ans. Je n'ai encore jamais pu voir un seul sanglier. D'autres les ont vus, moi pas. M'évitent-ils ? Se sentent-ils coupables ? Craintifs ? Ou est-ce juste, une fois de plus, la loi du hasard ? Ou ... ? Ce que je vois, c'est, au matin, les dégâts, le sol labouré...
Mais malgré tout, ces sangliers me sont plus "sympathiques" que le pivert : lui, il s'attaque à la maison, c'est pire. Je peux comprendre et, à la limite, accepter que des sangliers mangent des truffes, c'est dans leur nature.
Mais qu'un pivert transforme des volets en gruyère, non !

20 juil. 2009

JE HAIS UN PIVERT !

Il y a des limites à ne pas à franchir… même pour les piverts

J'aime la campagne, son calme, le rythme naturel de la vie, celui des arbres, des animaux… et bien sûr aussi des oiseaux. Ou plutôt, des oiseaux en général, car je fais actuellement un blocage mental sur un pivert.

Je m'explique.

Tout a débuté il y a 2 ans quand ce pivert a commencé à exercer ses talents de perforateur sur les volets de ma maison en Provence.

Au début, rien de très spectaculaire. Était-il encore un dilettante à l'époque, ou alors trop jeune, ou trop peu expérimenté.

Toujours est-il que ses trous étaient peu nombreux et qu'il ne s'attaquait pas aux volets de la maison principale, préférant les volets en pin de la maison secondaire.

Puis tout a dégénéré quand il est tombé « amoureux » des volets en bois exotique. Il a amélioré sa technique en étant capable de s'attaquer même aux portes du garage, tout en faisant des ronds presque parfaits.

Il est alors entré dans une attaque délibérée de tous les volets et portes de ma maison. A ce jour, bien peu y ont échappé… mais pour combien de temps ? Les photos ci-jointes vous donnent une idée de son œuvre et de son talent.

Je reconnais que ce pivert est un « être d'exception », une forme d'artiste à sa façon, mais, là, il exagère vraiment.

Un matin alors que j'étais seul dans la maison, j'ai été réveillé par des coups réguliers. Un toc toc inconnu et entêtant. J'ai mis quelques minutes à comprendre qu'il devait s'agir de lui – le pivert – en train de s'attaquer au volet de la fenêtre de ma chambre. Je me suis alors précipité dans la salle de bain attenante, me suis penché par la fenêtre et l'ai vu, consciencieusement au travail. Il a tourné la tête. Pendant une seconde, nous nous sommes regardés, puis il a, lâchement, pris la fuite. Ce jour-là, j'ai regretté de ne pas être chasseur et de ne pas avoir une carabine.

Faire le vide, évacuer la haine accumulée, savoir prendre la vie comme elle vient, c'est facile à dire… mais quand on est face à une telle obstination, une telle volonté de nuire… Car enfin, des arbres, il y en a partout tout autour. Alors pourquoi s'en prendre à mes volets ? Que lui ai-je fait ? A-t-il été martyrisé dans sa petite enfance ? Est-ce qu'il ne supporte pas les lieux clos et obscurs ? Ou ….

Veuillez m'excuser de vous avoir pris à témoin de ce combat personnel, mais ce blog est aussi pour moi un exutoire. Et peut-être que le pivert va sur internet et lit mon blog. Qui sait ? Ou alors un de ses amis ? Et peut-être prendra-t-il conscience qu'il a largement dépassé les limites de la bienséance.

Car, comme cet enfant victime des agissements de son poisson rouge (voir la vidéo), je dis au pivert : « Tu pousses le bouchon un peu trop loin, Maurice ! ».

17 juil. 2009

« LE CHANGEMENT SE SUFFIT À LUI-MÊME, IL EST L’ÉTOFFE MÊME DU MOI ET DU MONDE »

Patchwork tiré de « Leçon sur la perception du changement de Henri Bergson par Jacques Ricot »

Sur le mouvement et le changement…

« A vrai dire, il n'y a jamais d'immobilité véritable, si nous entendons par là une absence de mouvement. Le mouvement est la réalité même, et ce que nous appelons immobilité est un certain état de choses analogue à ce qui se produit quand deux trains marchent à la même vitesse, dans le même sens, sur deux voies parallèles : chacun des deux trains est alors immobile pour les voyageurs assis dans l'autre. »

« Mais de quel droit avons-nous confondu le mouvement et l'espace qu'il parcourt ?... L'objet n'est pas un point, il y passe… L'immobilité n'est qu'une illusion spéculative née des besoins de la vie usuelle… Et, d'un but atteint à un autre but atteint, d'un repos à un repos, notre activité se transporte par une série de bonds, pendant lesquels notre conscience se détourne le plus possible du mouvement s'accomplissant pour ne regarder que l'image anticipée du mouvement accompli … Notre intelligence pense toujours en vue de l'action et c'est pourquoi elle doit prendre des vues stables sur le mouvant… Et la distance infranchissable qui sépare l'immobilité de la mobilité est de même nature que celle qui différencie les lettres de l'alphabet de la signification d'un poème. »

Sur la vue et l'ouïe…

« Écoutons une mélodie en nous laissant bercer par elle : n'avons-nous pas la perception nette d'un mouvement qui n'est pas attaché à un mobile, d'un changement sans que rien qui change ? Ce changement se suffit, il est la chose même… Sans doute nous avons une tendance à la diviser et à nous représenter, au lieu de la continuité ininterrompue de la mélodie, la juxtaposition de notes distinctes (…) parce que notre perception auditive a pris l'habitude de s'imprégner d'images visuelles… Faisons abstraction de ces images spatiales : il reste le changement pur, se suffisant à lui-même, nullement divisé, nullement attaché à une « chose » qui change… La vue est le sens de l'espace, l'ouïe est le sens du temps… Ainsi la page d'un livre est-elle composée d'un arrangement de lettres et de mots que l'on peut parcourir plusieurs fois et sur lesquels ont peut revenir… Par l'oreille, nous vivons au rythme de l'écoulement temporel et le champ auditif est celui de l'enchaînement inéluctable de sons que nous ne pouvons aménager à notre guide, car la propriété essentielle du temps est l'irréversibilité.»

Sur le moi et l'identité…

« Mais nulle part la substantialité du changement n'est aussi visible, aussi palpable, que dans le domaine de la vie intérieure. Les difficultés et contradictions de tout genre auxquelles ont abouti les théories de la personnalité viennent de ce que l'on s'est représenté, d'une part, une série d'états psychologiques distincts, chacun invariable, qui produiraient les variations du moi par leur succession même, et d'autre part un moi, non moins invariable, qui leur servirait de support… Il y a simplement la mélodie continue de notre vie intérieure, - une mélodie qui se poursuit et se poursuivra, du commencement à la fin de notre existence consciente. Notre personnalité est cela même… : La personnalité est tout entière dans la continuité mouvante et indivisible de la vie intérieure. Et c'est dans cette continuité que réside la substance du moi. »

Sur la conscience, le passé et le présent…

« Notre conscience nous dit que, lorsque nous parlons du présent, c'est à un certain intervalle de durée que nous pensons. Quelle durée ? Impossible de la fixer exactement ; c'st quelque chose d'assez flottant… En un mot, notre présent tombe dans le passé quand nous cessons de lui attribuer un intérêt actuel… Le passé est très exactement ce que l'attention ne tient plus sous son regard. »

« Le passé se conserve de lui-même, automatiquement… Ces faits, avec beaucoup d'autres, concourent à prouver que le cerveau sert ici à choisir dans le passé, à le diminuer, à le simplifier, à l'utiliser, mais non pas à le conserver… Mais cette opération n'appartient pas à la conscience, c'est la nature qui a inventé ce mécanisme, le cerveau, chargé de filtrer le passé. Le cerveau élimine le passé inutile à l'action pour ne retenir que ce qui peut servir le moment présent. ».

Sur ce qui existe vraiment…

« Il suffit d'être convaincu une fois pour toutes que la réalité est changement, que le changement est indivisible, et que, dans un changement indivisible, le passé fait corps avec le présent. »

« L'idée de détermination nécessaire perd toute espèce de signification, puisque le passé y fait corps avec le présent et crée sans cesse avec lui – ne fut-ce que par le fait de s'y ajouter – quelque chose d'absolument nouveau… Dans une situation analogue à celle des deux trains (…), c'est un certain réglage de la mobilité sur la mobilité qui produit l'effet de l'immobilité. »

16 juil. 2009

POURQUOI UN SHAMPOOING POUR CHEVEUX BLONDS ET PAS UN CARBURANT POUR 4X4 ?

Un marché est tel que ce que les leaders en ont fait

Quoi de plus différent que le marché du shampooing et celui du carburant ?

D'un côté, le marché du shampooing est un marché extrêmement segmenté avec des propositions multiples, adaptées à la nature des cheveux (gras, secs ; lisses, frisés…), leur couleur (blond, brun, …), l'âge (enfant, adulte) et encore plein d'autres critères (cheveux colorés, produit naturel, …). Cette « sophistication » progresse sans cesse et le linéaire des shampooings s'allonge, ressemblant de plus en plus à une mosaïque de couleurs et d'étiquettes.

De l'autre côté, le carburant reste quasiment un « mono-produit » avec tellement peu de variantes qu'il est facile de les citer : gasoil normal et « plus », super 95, super 98, super 98 plus, GPL. Soit donc nettement moins de 10 possibilités, et moins de 5 si l'on se limite à l'essence. Rien à voir donc. Essayez seulement de citer combien il y a de sortes de shampooings !

Pourtant il y a bien une segmentation croissante du marché automobile : là aussi comme pour le shampooing, on affine sans cesse la finesse de la segmentation. Alors pourquoi à ce client qui a choisi un 4x4, on ne lui propose pas un carburant « spécialement adapté » à un véhicule comme le sien ? Et à ce collectionneur de vieilles voitures, pourquoi ne pas lui proposer un autre carburant assurant une meilleure conservation des moteurs ?

Vous pensez qu'une telle approche serait difficile et que le client ne pas se laisser convaincre si facilement ? Oui, bien sûr, mais était-ce plus facile de nous convaincre que nous avions besoin de tant de shampooings ? Est-ce que l'on s'intéresse moins à nos voitures qu'à nos cheveux ?

Je ne crois pas. Tout ceci est le résultat du jeu des acteurs en place.

Pour le shampooing, L'Oréal, Unilever et Procter & Gamble – pour ne citer que les plus grands – ont investi continûment pour nous convaincre de la pertinence de leurs propositions. N'ayant pas de barrières à l'entrée en amont, ayant à leur tête des dirigeants de culture marketing et commerciale, ils ont donné la priorité à la diversification produit et à la création de capital de marques. Résultat : plus personne « n'oserait » se laver les cheveux avec un savon…

Pour le carburant, Esso, Shell, Total et les autres ont centré leur action sur l'industrialisation de la distribution : standardisation du produit et interchangeabilité entre marques. Disposant des barrières à l'entrée fortes en amont, ayant à leur tête des dirigeants de culture industrielle, ils ont donné la priorité à la simplification du produit. Résultat : la valeur de la marque produit est très faible et nous achetons quasiment indifféremment là ou ailleurs.

Ces deux stratégies étaient pertinentes et adaptées à la logique des acteurs en place. Elles étaient possibles compte-tenu des contraintes.

Ainsi un marché est d'abord le résultat de ce que l'on a fait : il est la sédimentation des efforts, des succès et des échecs.

15 juil. 2009

ON NE PEUT PAS GAGNER AU GO EN FAISANT DES PRÉVISIONS

Savoir se centrer sur ce que l'on fait

Regardons comment procède un bon joueur de go.

Puisque le damier est composé de 19 lignes et 19 colonnes, soit donc 361 intersections, et que chaque joueur a 180 pions, le nombre de combinaisons théoriquement possibles est considérable. 

L'incertitude est donc forte et cela fait bien sûr partie du plaisir du jeu.

Que fait un joueur ? Focalise-t-il son énergie sur le calcul de probabilités ? Essaie-t-il de limiter cette incertitude ? Cherche-t-il à modéliser les futurs possibles ?

Non, il se focalise sur ce qu'il peut faire, sur les pions qu'il pose. 

Il a en tête un dessin qu'il va chercher à mettre en œuvre : ce dessin est une perspective qui oriente ses choix, mais ne constitue pas une forme précise. Viser ce dessin est son dessein. 

Pion après pion, il est préoccupé par ses degrés de liberté : il cherche à construire un ensemble le plus solide possible et le plus résilient face à toute attaque.

Il ne se préoccupe pas vraiment de ce que fait son adversaire, ou, du moins, pas tant que cela ne vient pas entraver les fondements de son propre dessein.

In fine il gagnera par l'effet et la puissance de la forme qu'il a dessinée.

Pourquoi ne pas faire de même dans votre entreprise ?

Pourquoi vous épuiser à vouloir prévoir l'évolution de son marché ? 

Pourquoi construire des tableaux excel avec de multiples « macro » (ces fameuses règles de calcul « automatiques » qui vont tout actualiser et tout relier), et, à partir de la situation actuelle, itérer pour produire un futur théorique et représentatif uniquement des hypothèses mises ?

Et si, à l'instar du joueur de go, vous vous centriez sur ce que vous voulez et pouvez faire.

Et si vous cherchiez "simplement" à vous rapprocher de votre objectif tout en renforçant la solidité de votre entreprise face aux aléas, sa résilience ?

S'il faut fournir une prévision pour son marché – le monde financier vit encore dans l'illusion des prévisions –, un conseil : n'y passez pas trop de temps !

13 juil. 2009

A LA QUESTION « POURQUOI SOMMES-NOUS LÀ ? », LA MEILLEURE RÉPONSE EST « PARCE QUE NOUS SOMMES LÀ ! »

Pourquoi des pourquoi ?

Nous éprouvons constamment le besoin de savoir pourquoi nous sommes là et pas ailleurs.

Cette question, qui prend rapidement des dimensions métaphysiques, n'est pas seulement présente dans le tréfonds des dépressions individuelles, elle est aussi là dans bon nombre de séminaires stratégiques se penchant sur « le comment et le pourquoi » des grandes entreprises – je le sais pour y avoir été ! –.

Questions sans fin, gouffres des interrogations, enchainements des pourquoi et des « et si »…

Depuis six mois, je viens d'entreprendre un « voyage » parmi les mathématiques du chaos, la théorie des cordes et les nouvelles visions de l'évolution. J'ai aussi fait un détour par quelques lectures d'écrits philosophiques et bouddhistes. Mon blog en a été un peu le journal, et si vous m'avez lu, ne serait-ce que de temps en temps, vous en avez été le témoin.

De tout cela, j'en ressors avec la conviction que le vrai moteur de notre monde, et donc de nous vivants, est l'accroissement de l'incertitude.

Je perçois comme cela peut être perturbant. J'aurai l'occasion dans un livre à venir de développer ce point, mais, pour l'instant, merci d'en accepter le raccourci – si vous le désirez, n'hésitez pas à utiliser les commentaires pour vous insurger contre ce que je dis ou me demander de préciser mon propos.

Et donc pourquoi sommes-nous là ? Eh bien la réponse est facile : parce que nous ne sommes pas ailleurs. Étant là, comme l'ubiquité n'existe pas, nous n'avons pas d'autre choix, d'autre alternative. Il n'était pas écrit que nous devions être là, il n'était pas écrit que, un jour, un insecte percerait une peau et donnerait naissance au moustique (voir « Pourquoi le moustique pique-t-il ? »), mais comme c'est arrivé, c'est ce qui existe.

Nous n'étions pas un présent nécessaire, mais seulement un parmi les possibles… et c'est ce qui est arrivé.

Pourquoi sommes-nous là ? Parce que nous sommes là. Et rien de plus…

Réapprenons à ne pas trop nous poser les questions inutiles et concentrons sur l'endroit où nous nous trouvons et sur les possibilités présentes et sous-jacentes. Sans raison claire, tout ceci me rappelle mon voyage en Inde de l'été dernier et la rencontre avec ce joueur de musique perdu au milieu d'un paysage de dunes…

10 juil. 2009

SAVOIR AVEC UNE EXTRÊME PRÉCISION LES RAISONS POUR LESQUELLES NOUS NE SAVONS PAS

Patchwork tiré de « Notre existence a-t-elle un sens ? » de Jean Staune

« La psychanalyse et la notion d'inconscient conduiront à affirmer que l'homme n'étant pas au centre du monde, il n'est pas non plus au centre de lui-même, puisqu'une grande partie de ses actes sont dictés par quelque chose dont justement il n'est pas conscient. Avec une grande lucidité (et une grande immodestie !), Freud en arrivera à parler de la « triple humiliation » infligée pat Copernic, Darwin et … Freud. »

« Issus de l'étude de l'infiniment petit (la physique quantique) et de l'infiniment grand (l'astrophysique), ces nouveaux paradigmes sont ensuite apparus en logique, puis dans l'étude de la vie (biologie) et, enfin, celle de la conscience… La méthode scientifique nous permet de savoir avec une extrême précision les raisons pour lesquelles nous ne savons pas et, dans bien des cas, les raisons pour lesquelles nous ne saurons jamais certaines choses… Alors que l'ancien paradigme était fondé sur la certitude et sur le réductionnisme, et refermait sur lui-même le réel dans lequel nous évoluons, les nouveaux paradigmes sont ceux de l'ouverture. »

« Prenez un poisson dans un aquarium filmé par deux objectifs et projeté sous forme de deux images. Que se passe-t-il pour un spectateur qui ne voit que les écrans ? Tout ce qui arrive à l'image du premier écran semble avoir une répercussion immédiate sur celle du second écran. »

« La nature produit parfois des monstres mais, en général, ils ne sont pas viables. Toutefois, supposons qu'un monstre sur cent mille le soit. Il serait alors un « monstre prometteur » susceptible de s'adapter à un mode d'existence différent de celui de ses parents. »

« Les systèmes organiques sont essentiellement des réalités allant du tout vers la partie (top-down). Les formes organiques sont des totalités non modulaires, elles ont un ordre qui leur est propre et qui se manifeste que dans le fonctionnement du tout (…) Les ensembles organiques ne peuvent pas être bâtis morceau par morceau à partir des molécules indépendantes, parce leurs parties n'existent qu'à travers la totalité. »

« La vie se caractérise par l'énorme marge de sécurité, l'immense adaptabilité à des variations très étendues du milieu, la pluralité des solutions, également fonctionnelle au problème. L'étroitesse de l'adaptation, c'est la mort : les spécialisations raffinées des organes ne sont souvent que de l'art pour l'art, développées sans nécessité »

« Il ya des facteurs internes qui limitent le champ des possibles, qui orientent la façon dont se sont produits les changements évolutifs, c'est-à-dire des contraintes de développement. Pour moi, ces contraintes sont fondamentales, elles nous permettent de comprendre pourquoi l'évolution a reproduit un certain nombre de fois des phénomènes semblables, c'est-à-dire a suivi, dans un certain nombre de cas, des parcours évolutifs que la sélection seule n'aurait pas suffi à faire revenir aussi souvent, à mon avis. »

9 juil. 2009

« GOUVERNER CE N’EST PAS PRÉVOIR, GOUVERNER C’EST DÉCIDER »

Affirmation en forme d'aveu...

Lors d'une intervention sur Europe 1 le 14 juin, Henri Guaino, conseiller spécial du Président de la République, a dit « Non la crise n'est pas finie, nul ne sait si elle s'aggravera. Nul ne sait quand elle se terminera. … Gouverner, ce n'est pas prévoir, gouverner, c'est décider, gouverner, c'est agir ».

Sans entrer dans le fonds du débat politique – ce n'est pas l'objet de cet article –, quel changement de ton ! Enfin, un responsable affirme haut et clair qu'il est illusoire de prévoir et que diriger, c'est agir.

Et pourtant le discours politique est parsemé de prévisions, d'engagements hypothétiques et de promesses.

Effectivement, il est plus efficace de se centrer sur la situation actuelle et les marges de manœuvre immédiates.

Ceci peut – et même doit – aller de pair avec une réflexion sur la direction que l'on veut prendre. Il ne s'agit plus alors de prévisions, mais de vision ou de projet : savoir trouver la « mer » vers laquelle on veut aller… et ensuite faire au mieux pour le cours du fleuve