27 mai 2009

LA HAUTEUR DU MONT BLANC DÉPEND-ELLE DE LA MANIÈRE DONT ON LE GRAVIT ?

Florilège issu de « Recherches philosophiques » de Ludwig Wittgenstein

C'est ainsi, par exemple, que les enfants donnent un nom à leurs poupées et qu'ensuite ils parlent d'elles et s'adressent à elles. À cet égard, pense à quel point il est étrange d'employer un nom de personne pour interpeller la personne qui porte ce nom.

Lorsque M. Un Tel meurt, on dit que le porteur du nom meurt, mais non que la signification du nom meurt. Et parler ainsi serait absurde, car si le nom cessait d'avoir une signification, il n'y aurait aucun sens à dire : «M. Un Tel est mort. »

« Le rouge existe » car, s'il n'y avait pas de rouge, on ne pourrait pas du tout parler de lui.

Suppose qu'au lieu de dire à quelqu'un : « Apporte-moi le balai ! », tu lui dises : « Apporte-moi le manche du balai avec la brosse qui y est fixée ! ». La réponse n'est-elle pas : « C'est le balai que tu veux ? Pourquoi donc t'exprimes-tu si bizarrement ? » Comprendra-t-il mieux la phrase sous la forme plus analysée ?

Le jeu n'est pas délimité sous tous rapports, par des règles ; mais il n'existe pas non plus de règles déterminant à quelle hauteur, par exemple, on est autorisé à lancer la balle de tennis ou avec quelle force ; pourtant le tennis est lui aussi un jeu, et il a lui aussi des règles.

L'idée est en quelque sorte posée sur notre nez comme des lunettes à travers lesquelles nous verrions ce que nous regardons. Il ne nous vient même pas l'esprit de les enlever.

Celui qui promet, de jour en jour : « Demain je viendrai te voir » dit-il tous les jours la même chose ? Ou chaque jour quelque chose d'autre ?

« Je me rappelle parfaitement que, quelques temps avant ma naissance, je croyais que... »… Est pourvue de sens la phrase que l'on peut non seulement dire, mais aussi penser.

Le rêve se produit-il vraiment pendant le sommeil, ou est-il un phénomène imputable à la mémoire de l'homme réveillé ?

On peut se méfier de ses propres sens, non de sa propre croyance... La conviction, on la ressent en soi, on ne la tire pas de ses propres paroles, ou du ton sur lequel elles sont prononcées.

Le triangle peut être vu comme un trou de forme triangulaire, un objet, un dessin géométrique, comme reposant sur sa base ou suspendu par son sommeil, comme une montagne, un coin, une flèche ou un signe indicateur, comme un objet renversé qui aurait dû (par exemple) reposer sur son côté le plus court, comme la moitié d'un parallélogramme, et comme d'autres choses encore.

La cécité à l'aspect est apparentée au manque d' « oreille musicale ».

La vache mâche du fourrage, et sa bouse sert ensuite d'engrais à la rose, donc la rose a des dents dans la gueule de l'animal. Il ne serait pas absurde de le dire, car on ne sait pas de prime abord où chercher les dents de la rose.

Il serait étrange de dire : « La hauteur du mont Blanc dépend de la manière dont on le gravit. »

26 mai 2009

NON, VOUS NE PERDEZ JAMAIS DU TEMPS !

Partez à la recherche de ce que vous avez fait de votre temps

« Perdre du temps », quelle drôle d'expression ! Comme je l'ai déjà écrit dans un article paru en septembre 2008 : « Le temps est la seule chose que l'on ne peut pas perdre ». On peut perdre un stylo, un portefeuille, un ami… mais le temps, non. Il est toujours là avec moi, pas de risque de le perdre…

Certes Proust est bien parti à sa recherche, mais il visait là le temps passé, le temps révolu, celui dans lequel nous nous noyons comme dans un brouillard. Il est allé fouiller les arcanes de ses souvenirs jusqu'à retrouver ce temps perdu.

Aujourd'hui, quand on parle de temps perdu, on parle de temps présent.

Notre société est malade de « présentisme » : elle ne pense plus que dans l'instantané, dans l'immédiat, dans l'urgence. Mais est-ce encore de la pensée ?

Est-ce au moins de l'action ? Si l'on entend par action, capacité à entreprendre quelque chose, je crois que le plus souvent, ce n'est pas non plus de l'action, mais juste de l'agitation, de l'effervescence, de la dispersion.

On confond mouvement et avancée, déplacement et progression.

Les gens qui courent pensent qu'ils gagnent du temps. Mais pendant qu'ils courent, que font-ils d'autres que courir ? Et ce temps « gagné » que vont-ils en faire ? Car on ne gagne pas de temps, on ne perd pas de temps, on fait une chose ou une autre.

Quand je choisis de me déplacer plus lentement, comme je n'ai pas besoin de consacrer mon attention à mon déplacement, je peux profiter de ce temps pour lire, discuter ou simplement réfléchir. Qui gagne du temps ? Celui qui court ?

Je crois que cette phobie collective liée à la perte du temps, à quelque chose à voir avec cette maladie du « présentisme » : nous ne vivons plus qu'au présent, présent qui nous échappe et que nous avons le sentiment de perdre constamment. Alors plutôt que de nous remettre en cause, nous accusons ce temps qui nous échappe, sans voir que ce n'est pas le temps qui nous échappe, mais ce que nous en faisons.

Ce que nous perdons, ce n'est pas du temps, mais notre vie.

Et si chacun prenait le temps de se poser, et partait à la recherche non pas du temps perdu, mais de ce qu'il a fait du temps qu'il avait…

25 mai 2009

MÉKONG ET PROUST, HISTOIRE D’UNE RENCONTRE IMPROBABLE

Savoir se laisser perdre pour se donner la chance de la découverte

Le Mékong coule à la vitesse des mots de Proust. Résonance magique entre ce lieu immobile et le temps suspendu. Voilà deux heures que je suis assis sur cette terrasse, seul à déguster cet instant privilégié. Les pages se tournent aussi lentement que l'eau se déplace. Parfois une barque vient glisser lentement. Parfois la duchesse de Guermantes se laisse aller à une confidence. Parfois un paysan vient retourner un lambeau de terre. Parfois un événement inattendu survient au détour d'une réception mondaine.

Synchronicité étrange entre le parisianisme de « A la recherche du temps perdu » et la beauté brute de ce paysage asiatique.

A une heure de là, c'est le « triangle d'or » avec sa noria de cars et de touristes. C'est ce triangle que j'ai quitté – ou plutôt fui – dans la matinée : j'ai laissé la voiture choisir pour moi. Ne pas réfléchir, sentir les lieux, tourner à gauche pour être au plus près du Mékong, regarder distraitement les paysans couper le blé à la main, maudire un peu l'état de la route.

Apercevoir enfin ce lieu étonnant : quelques huttes de bois suspendues au bord du fleuve, une terrasse…

Heureusement que je me suis laissé perdre dans la campagne nord-thaïlandaise. Heureusement que je me suis écarté des rendez-vous programmés. Heureusement que je n'ai lu aucun guide, demandé aucun conseil.

Ce lieu n'existe encore pour personne. Il n'est référencé nulle part. Comme un espace entre parenthèses. Un espace perdu. Un espace dessiné pour recevoir la prose proustienne.

C'était en août 2007. Les photos ci-jointes vous en donnent une idée …

Savoir lâcher prise pour découvrir. Savoir faire le vide pour se donner la chance de faire des rencontres. Savoir n'écouter personne pour écouter la vie.

Savoir « partir à la recherche du temps perdu » pour se trouver et faire le plein d'idées et d'émotions…

22 mai 2009

Lâcher prise pour manager

Effet miroir sur mes écrits récents…

Mardi dernier, j'ai fait une conférence autour de « Lâcher prise pour manager ».

L'une des participants en a extrait les 6 points qui lui ont paru essentiel. J'ai pensé utile de partager avec vous ce retour qui peut servir de guide au sein des différents articles parus sur mon blog.

Voilà donc cette liste avec les liens vers les articles correspondants :

1. Faire le vide pour se donner une chance de comprendre

- Savoir se voir à distance

- Ne nous laissons pas berner par la « magie des battements de l'aile d'un papillon »

- Pourquoi l'entreprise doit apprendre à faire le vide

- Je n'ai jamais vu un fleuve qui ne finissait pas aller à la mer

- En Chine, notre culture nous trompe

- Difficile d'accepter que mes doigts « savent mieux » que moi où sont les touches

2. Plus je connais mon métier, moins je comprends mon client

- Comment lire derrière les apparences ?

- Sans effets miroirs, les entreprises ne peuvent pas restées connectées au réel

- Quand on se pose une question qui n'existe pas

- Quand l'entreprise est trompée par sa trop grande expertise

3. Ajuster le niveau de précision aux situations

- On n'a pas besoin du même niveau pour partir en voiture que pour prendre le train

- Situation adresse ou téléphone ?

4. Nous aimons trop les jardins à la française

- Quand désordre rime avec harmonie et efficacité

- L'uniforme produit plus d'appauvrissement que d'efficacité

- Nous aimons trop les jardins à la française

5. Apprendre à se confronter

- Se croire invulnérable tue

- La confrontation, c'est la vie

- Se confronter en interne pour fiabiliser les décisions

- La confrontation n'est pas naturelle

- Savoir comprendre et respecter le point de vue d l'autre

- C'est quand tout se passe bien qu'il faut s'inquiéter

- C'est quand tout le monde est d'accord qu'il faut s'inquiéter

6. Ni tout puissant, ni divin mystique, ni mathématico-maniaque… Soyez juste vous-mêmes

- Piloter, c'est lâcher prise

- Rambo, c'est moi ?

20 mai 2009

COMMENT FAIRE BOUILLIR DE L’EAU ?

Ne pas lire une situation avec les a priori issus de sa propre expérience

« Je vous donne une casserole, de l'eau froide et une plaque électrique en fonctionnement, me dit-il. Comment procédez-vous pour faire bouillir de l'eau ?

- Facile, lui répondis-je. Je mets l'eau dans l'eau dans la casserole et je pose le tout sur la plaque électrique. Peu de temps après, l'eau bouillera.

- Bien. Maintenant, au lieu de vous donner de l'eau froide, je vous donne de l'eau à 50°C. Vous avez toujours une casserole et une plaque. Comment procédez-vous cette fois pour faire bouillir l'eau ?

- Facile aussi. Je jette l'eau chaude pour me ramener au cas précédent ! »

Voilà le bon réflexe du polytechnicien : toujours se ramener à une situation connue …

Évidemment cette histoire est inventée et caricaturale. Si l'on me proposait de l'eau à 50°C, je me rendrai compte qu'il est encore plus facile de la porter à ébullition que de l'eau froide.

Mais posez-vous la question suivante : dans vos activités quotidiennes – professionnelles comme privées –, analysez-vous une nouvelle situation telle qu'elle est, ou cherchez-vous à retrouver en elle ce que vous avez déjà rencontré et vécu ?

Attention à ne pas vous laisser berner par une trop grande expertise : à force de savoir très bien « faire bouillir de l'eau froide », on peut ne pas comprendre les possibilités ouvertes par une « eau chaude ».

Apprenons à faire le vide et à ne mobiliser notre expertise qu'a posteriori.

(Sur ce thème voir aussi :

- « Pourquoi l'entreprise doit apprendre à faire le vide »

- « Comment lire derrière les apparences ? »

- « Quand on se pose une question qui n'existe pas »

- « Quand l'entreprise est trompée par sa trop grande expertise »)

19 mai 2009

ON EST VRAIMENT BIEN NOURRI DANS CETTE FERME !

Le futur est rarement le prolongement du passé

« Notre part de marché actuelle est de 16,2%. Au pire, l'année prochaine, elle sera au moins de 15%. »

« Notre chiffre d'affaires de l'année dernière a été de 521 M€. Pour cette année, il sera au minimum de 500 M€. Cette prévision est d'autant plus prudente, que nous avons toujours progressé les 5 dernières années. »…

Je pourrais multiplier les citations de ce type : difficile de comprendre que le futur ne sera pas « dans la tendance » du passé, que le pire est possible, que la rupture est toujours là, latente. Qu'une part de marché peut s'effondrer brutalement, qu'un chiffre d'affaires n'est jamais certain.

Et pourtant…

Il a fallu la crise récente pour rouvrir les yeux de certains stratèges.

C'est le syndrome de la dinde de Noël qui, en novembre, pense : « Cette ferme est vraiment géniale. La nourriture y est bonne et abondante, je peux dormir toute la journée si je veux. Le rêve, quoi. »

Attention aux lendemains qui déchantent.

Comme l'a écrit Nassim Nicholas Taieb dans le Cygne Noir : « Au cours des cinquante ans qui viennent de s'écouler, les dix jours les plus extrêmes sur les marchés financiers représentent la moitié des bénéfices. Dix jours sur cinquante ans. Et pendant ce temps, nous nous noyons dans les bavardages. »

La crise, au travers de laquelle nous passons, n'est pas un « accident ». Elle n'est qu'un « cygne noir » de plus…

18 mai 2009

CIEL UNE AVOCATE QUI VEUT VRAIMENT FAIRE DU DROIT !

Attention à ne pas tout mélanger !

Voilà 5 minutes qu'il était plongé dans la lecture du curriculum-vitae. À sa moue, on pouvait voir qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. Il finit par relever les yeux et dit :

« Non, vraiment votre profil est trop juridique. Vous n'avez rien fait d'autre : pas d'école de commerce, par exemple ? »

La jeune et presque avocate – elle allait prêter serment dans 6 mois et en était dans la dernière ligne droite après de longues années de droit – le regarda interloquée.

« Mais, je veux être avocate en droit civil, lui répondit-elle, alors où est le problème ? Au risque d'aggraver mon cas, je vais même vous avouer quelque chose : oui, mon profil est très juridique, mais c'est exprès, car c'est ce que je veux faire ! ».

Là-dessus, elle se leva, le regarda d'un sourire mi-énervé, mi-moqueur et le laissa là planté. Lui, la regarda partir, sans comprendre…

Cette anecdote est vraie et s'est déroulée, il y a moins d'un mois. Bel exemple de perte de repère et de mélange des genres : comment peut-on dire à une jeune avocate que son cv est trop juridique ? Est-il si surprenant que quelqu'un aime suffisamment ce qu'il fait pour vouloir s'y spécialiser ?

Quand je circule dans les entreprises, je vois aussi parfois des pseudo-experts qui, à force d'avoir « touché à tout », ne savent plus rien réellement. Ils vont d'affirmation en affirmation ; plus leur position dans la hiérarchie est élevée, moins ils sont contredits…

15 mai 2009

RAMBO, C’EST MOI ?

Pas facile de lâcher prise

Il suffit d'ouvrir un journal au hasard, de saisir un livre sur le management ou de suivre un quelconque « Capital » à la télévision pour y entendre promouvoir les « chefs », l'art de décider ou l'importance de la prévision. Sans parler de la politique…

Et pourtant, dans le même temps, tout le monde voit bien que la prévision est un art impossible, que, si quelque chose existe, c'est le fruit du hasard et de l'émergence, que, pour un dirigeant d'une grande entreprise, la plupart de ce qui se passe se passe sans lui et même sans qu'il le sache…

Alors…

Non diriger, ce n'est pas être tout puissant, chercher à tout savoir, tout connaître, tout décider : Zeus est passé de mode.

Non, ce n'est pas non plus être un devin mystique qui va lire dans le marc de café un avenir inconnu : Le vaudou n'est pas une solution.

Non, ce n'est pas enfin être un expert scientifique capable de tout modéliser, prévoir et mettre en équation : La rationalité n'est pas mathématique.

Oui, comme l'a écrit Jim Collins (auteur notamment de « Good to Great »), les dirigeants efficaces – les « Level 5 leader » selon sa terminologie – sont un mélange d'humilité et de volonté. Et pour reprendre une de ses expressions de Jim Collins : Il est dur d'imaginer un « Level 5 leader » disant « Rambo, c'est moi ».

Je complèterais cela en disant simplement : Soyez juste vous-mêmes !

14 mai 2009

ON PEUT GARDER UNE CHÈVRE SANS AVOIR UN DOCTORAT DE PHYSIQUE

Le monde est une gigantesque « poupée russe »

C'est un euphémisme de dire que le monde dans lequel et par lequel nous vivons est un emboitement complexe.

En simplifiant, que trouve-t-on ?

A l'échelon le plus élémentaire, d'abord des composants de base d'une taille 10-35 m : les « cordes » qui sont, selon la dernière théorie, le maillon de base. Selon leur mode vibratoire, elles vont composer des photons, des neutrinos, des électrons ou des quarks.

En continuant la « remontée », on trouve les constituants de la matière, ces briques de base dont nous avons tous entendu parler depuis longtemps : hydrogène, oxygène, carbone, fer… A leur tour, ces briques se composent pour créer des molécules complexes : eau, gaz carbonique, pétrole…

De cette matière peut émerger le monde du vivant et son échelon de base : la cellule et son ADN. Assemblées ensuite dans des schémas plus ou moins sophistiqués, elles vont donner « naissance » à un être vivant allant de l'amibe à l'homme.

Enfin, ces différents êtres vivants interagissent entre eux et avec le monde qu'ils habitent – tout ce qui n'est pas vivant : les minéraux, l'eau, les gaz… – pour donner d'abord des sous-systèmes, comme des tribus d'animaux, des écosystèmes (la fleur et l'abeille), des entreprises, des organisations sociales… Puis tous ces sous-systèmes s'articulent entre eux pour donner notre univers…

Et au-dessus ? On ne sait pas…

Chaque « niveau » est régi par ces propres règles et suit des lois complexes : de la mécanique quantique de l'infiniment petit à la biologie et à la sociologie, en passant par la mécanique et la relativité générale…

Heureusement, pour comprendre comment « fonctionne » un niveau donné, nous n'avons pas besoin de comprendre tout ce qui se passe aux niveaux inférieurs : la mécanique quantique n'est pas vraiment nécessaire pour la biologie ou la sociologie et pourtant c'est bien elle qui régit l'échelon de base. Par exemple, pour travailler sur l'ADN, inutile de comprendre en détail la chimie moléculaire : il suffit de tenir pour donné ses résultats.

Cette fongibilité, pour reprendre l'expression de Ian Stewart, permet la progression de la connaissance en autorisant la spécialisation. Elle permet aussi de « garder une chèvre sans passer auparavant un doctorat de physique ».

Finalement ceci nous réconcilie avec le café du commerce et le bon sens.

Rassurant…

13 mai 2009

POURQUOI LE MOUSTIQUE PIQUE-T-IL ?

Dieu a-t-il voulu cela ?

Souvenir d'été, de lumière et de fenêtre laissée ouverte… La nuit fut ensuite une longue suite de bourdonnements, de batailles sans fin où une main maladroite et endormie essayait désespérément de mettre un terme à la vie de cet insecte, de ces réveils où l'on le mesure l'étendue des dégâts au nombre de ces cloques rouges, et des jours qui suivent où la démangeaison vient rappeler le danger de la fenêtre ouverte… Sympa, non ?

Mais, au fait, pourquoi le moustique nous pique-t-il ? Ou plutôt comment l'évolution a-t-elle pu mettre au monde ce trublion nocturne, ce porteur de malaria et autres joyeusetés ?

Par hasard et pour rien, comme les autres !

Au début – il y a longtemps, très longtemps –, un ancêtre lointain du moustique avait développé un appendice pour sucer un liquide, probablement de l'eau. Pratique pour survivre et boire rapidement.

Un jour, l'un d'eux s'est par erreur posé sur une peau quelconque – humaine ou animale comme vous voulez –, et par coïncidence, il a appuyé sa tête et l'appendice a pénétré la peau. Là, il a trouvé un liquide riche et nourrissant : du sang. Il a trouvé cela tellement bon, qu'il en est devenu complètement accro. Il en a même parlé à ces congénères…

Et voilà, comment une espèce est devenue une sorte de vampire nocturne. Par le hasard de la rencontre d'un appendice créé pour boire de l'eau et d'une peau perméable pour assurer la respiration.

Cette rencontre fortuite a modifié le cours des espèces : le moustique est né et la malaria a pu se propager…

Cette anecdote que je viens de vous raconter est tirée de la fin du livre de Stewart « Dieu joue-t-il aux dés ? ».

J'aime bien son côté gentiment déstabilisant. On ne peut plus penser l'évolution de la même façon et le moustique prend un nouveau relief !