La vie évolue au gré des heurs et malheurs, nés de rencontres aléatoires et
imprévisibles…
Extrait des Mers de l’incertitude
Je déteste les moustiques. Probablement, vous
aussi.
Souvenirs
multiples d’été, où, parce que j’avais laissé la fenêtre ouverte alors que la
lumière était allumée, les nuits ne furent qu’une longue suite de
bourdonnements, de batailles sans fin au cours desquelles ma main maladroite et
endormie essayait désespérément de mettre un terme à la vie de cet insecte. Les
lendemains, je ne pouvais que mesurer l’étendue des dégâts au nombre des
cloques rouges, et la démangeaison venait me rappeler le danger de la fenêtre
ouverte…
Or ces
moustiques, je ne les connaissais pas, ne leur avais rien fait. Alors pourquoi
venaient-ils ainsi m’agresser ? Je connais bien sûr la réponse : s’ils me
piquent, c’est pour se nourrir.
Mais
vous êtes-vous déjà posé la question suivante : comment cela a-t-il commencé ?
Pourquoi le moustique s’est-il mis à nous piquer ? Est-ce qu’un jour, il y a
longtemps, très longtemps, les ancêtres des moustiques se sont réunis pour
savoir comment assurer leur survie et améliorer leur nourriture quotidienne ?
Auraient-ils alors mené une étude approfondie pour inventorier toutes les
possibilités ? Parmi celles-ci, ont-ils identifié celle de venir piquer des
animaux, dont nous, pour prélever du sang ? Ont-ils procédé méthodiquement à
des tests, pour finalement conclure, que, oui, le sang était bien la meilleure
option ? Ont-ils enfin formé tous leurs jeunes à l’art de piquer vite et bien ?
En un
mot : le moustique pique-t-il parce que c’était la meilleure solution et que
l’évolution a donc été orientée dans cette direction ?
Non,
évidemment cela ne s’est pas passé comme cela.
Tout a
effectivement commencé, il y a longtemps, très longtemps même : le lointain
ancêtre du moustique était un insecte qui, comme bon nombre d’autres, avait
développé un appendice effilé pour absorber un liquide, une sorte de paille si
vous voulez. Pratique pour survivre et boire rapidement. Un jour, l’un d’eux
s’est posé sur la peau d’un animal à sang chaud. Or cette peau, pour assurer la
régulation de température et les échanges avec l’extérieur, était poreuse. Comme
l’appendice était très effilé, il a pu pénétrer à l’intérieur et a trouvé un
liquide riche et nourrissant : du sang. Il a trouvé cela tellement bon qu’il en
est devenu complètement accro, et qu’il a fait partager l’aubaine à ses
congénères.
Et
voilà, comment une espèce est devenue une sorte de vampire nocturne : par le
hasard de la rencontre d’un appendice créé pour boire un liquide et d’une peau
perméable pour assurer la respiration. Cette rencontre fortuite a modifié le
cours des deux espèces : la survie du moustique a été garantie, l’espèce s’est
développée… et, dommage collatéral, la malaria s’est propagée.1
(1) J’ai
librement développé et réinterprété cet exemple donné par Ian Stewart dans son
livre Dieu joue-t-il aux dés ?