21 mai 2010

LES MERS DE L’INCERTITUDE, LIVRE DU JOUR DANS LES ÉCHOS

Un ouvrage éminemment moderne

Un message exceptionnellement court, mais c'est juste pour annoncer que mon livre vient d'être chroniqué aujourd'hui comme le « Livre du jour » par Philippe Escande dans les Échos (voir la photo ci-jointe – si vous cliquez, dessus, elle s'agrandira et deviendra lisible)

Il y associe même le célèbre Sun Zi en disant qu'il ne renierait pas mon livre. J'apprécie d'autant plus le compliment qu'il fait référence à un des penseurs asiatiques majeurs…

CONFIANCE, CONFIANCE, VOUS AVEZ DIT CONFIANCE ?

______ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________

A partir ce cette semaine, les synthèses du vendredi seront faites sous la forme d'une vidéo courte. Une occasion de rendre ce blog plus vivant… du moins je l'espère !
N'hésitez pas à réagir et à me dire ce que vous en pensez

20 mai 2010

« N’ESSAIE PAS. FAIS. OU NE FAIS PAS. »

Au pays des Jedis

Dès le début, il l'avait vu arriver. Comment manquer la chute brutale de son X-Wing au beau milieu de la jungle ? Il l'avait ensuite entendu jurer contre ce marécage dans lequel il voyait son engin s'enfoncer doucement. Puis il avait suivi son cheminement maladroit au milieu de la végétation jusqu'à ce qu'il ne se retrouve plus qu'à deux pas de lui. Là, Yoda s'était manifesté :
« T'aider, je peux, lui dit-il.
- Je ne pense pas, lui répondit Luke, à la fois interloqué et irrité. Je cherche un grand guerrier.
- Ahhh ! Un grand guerrier. »
Yoda eut un rire, secoua la tête et continua : « Les guerres ne font pas grandir. »

Difficile pour Luke d'imaginer que cet être chétif et à l'allure improbable était ce grand maître qui allait de faire de lui un Jedi.

L'entrainement de Luke put alors commencer. Succession de courses, d'épreuves diverses, toutes apparemment plus impossibles les unes que les autres. La progression était trop lente pour Luke qui supportait mal ses échecs. Il arrivait bien à faire bouger des pierres, mais pas moyen de faire sortir son X-Wing du marécage. Yoda, imperturbable, lui demandait de recommencer.
« Maitre, faire bouger des pierres, c'est une chose. Là, c'est totalement différent.
- Non ! Pas différent ! Seulement dans ton esprit différent. Tu dois oublier ce que appris tu as.
- Bon, je vais essayer.
- Non ! N'essaie pas. Fais. Ou ne fais pas. D'essai il n'y a pas. »

Luke se concentra, le X-Wing commença à s'élever, avant de retomber brutalement.
« Je ne peux pas. C'est trop gros.
- La taille ne compte pas. Regarde-moi. Me juger pas la taille, tu fais ? Mmmmm. »
Luke secoua la tête et Yoda lui expliqua alors l'importance de la force qui les entourait et sur laquelle Luke devait prendre appui.
« Je n'arrive pas à y croire.
- C'est pourquoi tu échoues. »

J'ai toujours trouvé ces dialogues entre Yoda et Luke moins superficiels qu'ils n'y paraissent. Pas vous ?

19 mai 2010

CONFRONTATION ET CONFIANCE, LE TANDEM DE L’INCERTITUDE

La peur n'est jamais bonne conseillère

J'ai déjà eu l'occasion à de multiples reprises de parler de la confrontation et de pourquoi je pensais qu'elle était un élément essentiel face à l'incertitude(1) :
- Le monde est trop complexe et mouvant pour qu'un individu puisse à lui seul avoir une interprétation exacte d'une situation donnée : grâce à la confrontation des différentes interprétations, une entreprise va pouvoir construire localement et dynamiquement des compréhensions plus complètes de ce qui se passe.
- L'ajustement créé par la multiplicité des confrontations permet de maintenir une cohésion au sein de l'entreprise sans la rigidifier : l'entreprise évite ainsi à la fois l'éclatement – chacun suit la dynamique locale sans maintenir l'articulation avec les autres – et la calcification – l'entreprise devient rigide et ne sait pas s'adapter aux évolutions.

Je rappelle que la confrontation n'est pas le conflit, et que quelques conditions sont requises pour qu'elle puisse se mettre en œuvre positivement :
- On ne se confronte pas sur les conclusions, mais sur l'analyse,
- On se connait mutuellement et on se respecte,
- On ne perd jamais de vue l'objectif commun

Une autre façon de formuler ces conditions est de dire qu'il faut que la confiance existe au sein de l'entreprise :
- Confiance en soi et en sa capacité à contribuer efficacement à l'avancée vers la mer commune : sans cette confiance en moi, je ne serai pas prêt à mettre mes convictions en débat et à écouter les autres interprétations.
- Confiance en les autres et en leur professionnalisme : sans cela, la confrontation tournera en un happening collectif où chacun cherchera à déstabiliser l'autre plutôt qu'à prendre en compte ses arguments.
- Confiance en la mer visée : elle est bien un attracteur stable dans le chaos de l'incertitude et l'entreprise est armée pour s'en rapprocher constamment.

Finalement, je crois que ce tandem « confrontation et confiance » est vraiment un élément clé pour le succès dans l'incertitude. C'est donc une des responsabilités essentielles de la Direction Générale de le promouvoir.

(1) Cliquer pour voir tous mes articles sur la confrontation. C'est aussi un thème important dans mon nouveau livre.
(2) Je mets volontairement deux photos issues de la série Docteur House. En effet, au-delà de son côté théâtral et caricaturalement agressif, House développe au sein de son équipe à la fois confrontation et confiance : chacun prend l'habitude d'exposer ses théories et n'a pas peur de la contradiction, il y a aussi entre tous une réelle confiance basée sur le respect du professionnalisme des autres ; enfin ils visent tous la même mer : trouver la solution de l'énigme médicale.

18 mai 2010

COMMENT LA CROISSANCE EUROPÉENNE AURAIT PU ÉGALER LA CROISSANCE CHINOISE

Heurs et malheurs de l'euro

Voilà l'euro reparti à la baisse : ce lundi 17 mai, il vaut 1,2234 dollar. Les commentaires vont bon train pour expliquer d'où vient cette baisse, qu'elles pourraient en être les conséquences, et bien sûr ce qu'il faudrait faire.
Tout cela m'a amené à me plonger dans ce qui avait été écrit dans le journal Le Monde sur ce sujet entre 2001 et aujourd'hui. Je n'ai pas tout lu – le nombre d'articles est beaucoup trop considérable pour cela ! –, mais j'ai fait une lecture aléatoire, comme j'aime à promener au hasard dans les rues d'une ville.

Qu'est-ce que je retire de ce voyage ?

Tout d'abord il est bon d'avoir en tête la variation historique de l'euro versus le dollar (voir courbe ci-jointe) : créé en 1999 au cours de 1,17 dollar, il a eu un plus bas à 0,82 en octobre 2000, puis est monté régulièrement pour atteindre un plus haut à 1,5990 à mi juillet 2008. Si l'on regarde les deux extrêmes, il a donc quasiment varié de 1 à 2 en moins de 10 ans ! Quel effet de choc relatif entre les économies européennes et tous les marchés libellés en dollar ! On comprend mieux la nécessité pour toutes les grandes entreprises de se prémunir face à de telles variations…

Ensuite, j'ai particulièrement apprécié tous les commentaires définitifs sur le lien entre taux de change et croissance, surtout quand on arrive à quantifier la relation. Voici quelques exemples :
- « Si elle est de nature à flatter l'amour-propre des dirigeants européens, la remontée de l'euro est la pire chose qui pouvait arriver aux économies du Vieux Continent. (…) Les grandes puissances ont un intérêt vital à posséder une monnaie faible pour stimuler leur croissance. » (Pierre-Antoine Delhommais, 12 février 2003,)
- « A plus long terme, les choses se gâtent, les produits de la zone euro perdent en compétitivité ; les exportations baissent, et cela pèse sur la croissance. Dès le sixième mois, et pendant deux à trois ans, une hausse de la monnaie est dommageable pour l'économie. Une hausse de 10 % de la monnaie unique dans l'année a un impact sur la croissance de la zone euro, dès cette première année, amputant de 0,9 % le produit intérieur brut (PIB), puis l'année suivante, en le réduisant encore de 1,8 %. » » (Valérie Chauvin, de l'Observatoire français des conjonctures économiques(OFCE), 5 février 2003)
- « S'appuyant sur les conclusions des experts, selon lesquelles une hausse de 10 % de l'euro ampute la croissance de la zone euro de près d'un point, le monde politique, d'ordinaire partisan de la politique de l'autruche dès lors qu'il s'agit d'évoquer le pilotage de la monnaie unique, donne de la voix devant cette évolution monétaire qu'il juge à présent néfaste. » (Pierre-Antoine Delhommais et Serge Marti, 16 décembre 2003)


Sachant que finalement, l'euro s'est apprécié de 50% depuis début 2003, comment dois-je calculer de combien la croissance européenne a été amputée ? Dois-je appliquer « l'équation de Madame Chauvin » ? Est-ce qu'en prenant la croissance moyenne sur la période qui a été de 10% par an, je dois cumuler des handicaps de 0,9 et 1,8% successifs ? Est-ce que la croissance aurait donc été amputée de près de 8% en 2008 ? Est-ce ce qui explique l'écart entre la croissance européenne et chinoise ? Ou formulé autrement est-ce que, si l'euro était resté au cours de 1 dollar, la croissance européenne aurait été du niveau de la croissance chinoise ?
Décidément, j'aime quand les économistes font des calculs mathématiques !

Ce que je retiens aussi, c'est que la division européenne et notre angélisme face aux américains feraient de nous comme des jouets dans la main des grands méchants américains, et récemment asiatiques. Ainsi :
- « Si le dollar baisse, c'est peut-être tout simplement parce que la Maison Blanche souhaite qu'il baisse et fait en sorte qu'il baisse. » (18 mai 2003, Pierre-Antoine Delhommais)
- « Donc aujourd'hui, l'Europe est en train progressivement d'étouffer sous le poids d'un euro fort. Les Américains ne l'auraient pas toléré, et le secrétaire d'État au Trésor aux États-Unis, qui a la responsabilité de la politique de change, aurait fait des déclarations multiples et successives qui auraient inquiété les marchés » (Jean-Paul Fitoussi, 1er décembre 2004)
- « L'hyperpuissance monétaire américaine contraste avec l'incapacité de l'Europe à faire entendre sa voix. » (Pierre-Antoine Delhommais, 19 décembre 2004)
Comme l'euro baisse maintenant, dois-je en conclure que les Américains ont décidé de concert avec les Asiatiques de faire baisser l'euro ? Est-ce pour relancer notre croissance en application du lien avec le taux de change ? Doit-on alors organiser des galas en leur honneur ?

Au passage, j'ai aussi relevé quelques affirmations dont je vous laisse juge de la pertinence ou non :
- « Je ne crois pas trop à une chute massive et rapide du dollar, de l'ordre de 25 % face à l'euro » (Jean-Pierre Petit, à la société de Bourse Exane, 17 février 2002)
- « Mais d'un autre côté, il faut savoir que l'Allemagne est le pays malade de l'Europe. Que malgré ses exportations, l'économie allemande stagne depuis trois ans, ce qui plombe la zone euro. » (1er décembre 2004, Jean-Paul Fitoussi)

Enfin, je décerne la palme de la franchise à :
- « Ayons donc la sagesse de reconnaître que la parité entre l'euro et le dollar relève de l'offre et de la demande mondiales, et d'elles seules. Imaginer que la BCE va changer cette parité en baissant son taux d'intérêt d'un demi-point est simplement absurde. (…) Allons-nous rendre les États-Unis responsables de notre incapacité à avoir une politique économique commune en Europe? » (7 juin 2003)
- « Je ne fais aucune prévision sur les taux de change depuis que je suis économiste. Il me semble que toutes les prévisions qui avaient été faites se sont révélées erronées, sauf sur de très courtes périodes. Et aujourd'hui, on n'a jamais été aussi incertain de l'avenir depuis au moins la fin de la seconde guerre mondiale. » (Jean-Paul Fitoussi, 13 novembre 2009) 

Si cela continue, on pourrait voir les économistes reconnaître que, eux non plus, ne comprennent pas vraiment ce qui se passe et, encore moins ce qui va se passer. Nous serions alors condamnés à réfléchir. Heureusement, ceci n'est pas près de se produire…



17 mai 2010

IL N’EST JAMAIS TROP TARD POUR ÊTRE HEUREUX

Les prisons sont faites pour mettre en sécurité les souvenirs que l'on ne veut pas oublier

Assis à son bureau, il griffonne sans relâche une feuille, la regarde, l'arrache et recommence. A chaque fois, comme une amorce imparfaite, nous voyons une séquence de ce qu'il essaie d'écrire. Finalement, il se décide de partir à la recherche de ces mots qu'il n'arrive pas à trouver. Il pousse une porte et se retrouve face à elle.
Tourné vers le futur, le pays essaie de se construire, démocratie dans un continent en réémergence. A chaque fois, il reste hanté par son passé, ses années maudites. Finalement, il va devoir de partir à la recherche de ces souvenirs qu'il n'arrive pas à oublier.

Benjamin Esposito se retrouve face à Irène Menéndez Hastings, celle qu'il a aimée dès la première rencontre. Impossible alors de mettre des mots sur cet amour, impossible de lui exprimer quoi que ce soit. Tout n'était passé que par le regard, par ses yeux, dans ses yeux. Face à elle, il était tétanisé, maladroit. Elle, non plus, n'a pas pu lui dire ce qu'elle ressentait. L'un comme l'autre ont été emportés dans la violence de l'enquête qui les réunissait. Mis en danger, au lieu de l'emmener avec lui, il est parti, poussé par elle qui ne demandait qu'un mot pour partir aussi.

Isidoro Gomez n'avait été qu'objet de mépris, ou pire d'indifférence. Impossible d'attirer ne serait-ce que le regard de celle qu'il désirait en secret. Tout n'était passé que par son regard, par ses yeux, dans ses yeux. Alors un jour, il avait tué celle qu'il désirait. Ce geste violent et désespéré avait transformé sa faiblesse en domination. Démasqué par Benjamin et Irène, condamné à perpétuité, il avait été sauvé par cette junte qui ne prospérait que de la perversité de ses défenseurs. Il avait pu alors se retourner sur ceux qui l'avait pourchassé.

Plus on avance dans le film, plus Benjamin dénoue les fils restés en suspens, et plus sa vie personnelle devient le miroir de celle de l'Argentine. A force de courage, d'intelligence et de ténacité, il va enfin arriver à exprimer à Irène l'amour qu'il ressent pour elle. Cela ne sera possible que quand il aura trouvé les dernières pièces de puzzle manquantes, celles qui étaient restées enfermées dans les méandres de son inconscient ou physiquement dans une geôle perdue.

Le premier passeur est une machine à écrire qui n'a jamais su taper les « A ». Elle lui apporte la clé de ce message que son inconscient lui avait dicté : il avait écrit « Temo », c'est-à-dire « Je crains » ; avec le « A », cela devient « Te amo », c'est-à-dire « Je t'aime ». Sa censure l'enfermait dans ses peurs.
Le deuxième est Isidoro, retrouvé caché et enfermé dans la campagne argentine. Celui qui le retient là est Ricardo, l'amoureux de sa victime, de la femme qu'il avait sauvagement assassinée. Comme la junte avait libéré Isidoro, il s'était substitué à la justice et l'avait remis dans la prison à perpétuité que Benjamin lui avait promise. On n'échappe ni à son passé, ni aux promesses faites. 


Alors, Benjamin va pouvoir pousser à nouveau la porte d'Irène et la laisser se refermer sur leur amour enfin affirmé. Et la démocratie argentine va avancer un peu plus loin en ayant regardé ses propres errances.
On ne progresse, on ne trouve son chemin qu'en affrontant les démons de son passé, non pas pour les détruire, mais pour les mettre dans une prison à laquelle on pourra constamment se référer. C'est la survie d'Isidoro qui permet à Benjamin et l'Argentine d'avancer…

Ces quelques lignes sont ma lecture personnelle du film « Dans ses yeux » de Juan José Campanella. Faut-il que j'écrive que je vous conseille vivement d'aller le voir ?


14 mai 2010

SAVOIR NE PAS PERDRE DE VUE LA MER VISÉE

______ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________

Rappel du patchwork de la semaine :
- Lundi : Après une grossesse de 18 mois et un accouchement de 2 semaines, voilà mon livre qui émerge au milieu de dizaines de milliers de jeunes et moins jeunes anciens. A partir de maintenant, il va m'échapper pour devenir la propriété de ceux qui l'auront en main.
- Mardi : A sa création, moins de 25% des élèves de l'École des Pont et Chaussées étaient français. Est-ce que la force de la France n'est pas née de cette ouverture au monde ? Dans notre crainte de la mondialisation actuelle, ne sommes-nous pas en train de perdre de vue comment s'est forgée notre identité nationale ?
- Mercredi : Quand des enfants regardent plus de 3 heures par jour la télévision, leurs dessins deviennent squelettiques et bâclés. Quand les directions font de la stratégie entre deux urgences, leurs réflexions sont sommaires et superficielles…
- Jeudi : Repos pour cause d'ascension !

Décidément tout est affaire de rythme et de tempo : il est dangereux de passer des heures à réfléchir quand un immeuble est en train de brûler ; il est dangereux d'agir dans la précipitation quand il s'agit de le construire ou de le reconstruire.
Ajuster le temps que l'on alloue au sujet que l'on veut traiter et veiller, à l'instar de ces enfants drogués de télévision, de ne pas se laisser emporté par le zapping actuel.
Les bourses jouent au yoyo, les commentateurs enchaînent sans y prêter garde des analyses contradictoires, les politiques semblent avoir renoncé à maintenir un quelconque cap… Attention à ce que les dirigeants ne tombent pas eux-mêmes dans ce mouvement vibrionnaire : face à l'incertitude qui les entourent, un de leurs rôles essentiels est de ne pas perdre de vue la mer visée et de rappeler constamment, à tout un chacun, dans quelle direction elle se trouve…

12 mai 2010

À FORCE DE ZAPPER, ON NE SAIT PLUS PRENDRE LE TEMPS DE LA RÉFLEXION

Prendre son temps, est-ce perdre du temps ? (1)

Au cours d'une intervention récente(2), Thierry Gaudin s'est fait l'écho des résultats d'une étude entreprise dans le Bade-Wurtemberg. Cette étude compare les dessins faits par deux échantillons d'enfants, les uns regardant la télévision moins d'une heure par jour, les autres plus de trois heures par jour.

Jetez un coup d'œil à la photo ci-jointe, elle parle d'elle-même. C'est comme si le temps passé devant la télévision les avait convertis au zapping et que les enfants du 2ème groupe ne pouvaient plus consacrer du temps au dessin. Quelques traits suffisent bien, pourquoi s'embêter à rajouter des fioritures et à s'appliquer sur un contour ?

Quand je regarde ces dessins, ceci me rappelle ce que je constate aujourd'hui dans les entreprises : à l'instar des enfants drogués d'images, bon nombre de directions d'entreprises courent tellement d'un sujet à un autre, sautent d'une réunion dans un avion, que, quand il s'agit de dessiner une stratégie ou de dessiner une nouvelle organisation, elles ne savent plus faire que des esquisses sans corps et sans précision.

Or de la même façon qu'il faut s'asseoir pour dessiner, on ne peut pas réfléchir à long terme instantanément et dans l'immédiateté. Comme l'a écrit Jean-Louis Servan-Schreiber(3), « nous travaillons sans recul. Pour un canon, c'est un progrès. Pas pour un cerveau. » ! Attention à l'anorexie mentale...


(1) Cliquer pour voir tous mes articles relatifs au Temps

(2) Cliquer pour voir la vidéo de la présentation
(3) Le Nouvel art du temps

11 mai 2010

L’ÉCOLE DES PONTS DE 1862 ÉTAIT PLUS INTERNATIONALE QU’AUJOURD’HUI !

Moins d'un quart des élèves étaient français

Imaginez une école d'ingénieurs dont la promotion de 35 élèves serait composée comme suit : 8 Français, 8 Italiens, 5 Portugais, 2 Américains, 2 Autrichiens, 2 Polonais, 2 Roumains, 2 Russes, 1 Brésilien, 1 Lithuanien, 1 Martiniquais, 1 Serbe.

Quelle ouverture internationale, n'est-ce-pas ? Une forme de modèle idéal qui correspond bien à la mondialisation actuelle et au besoin de croiser les origines.

De quelle école s'agit-il ? Cette école est située en France, c'est l'École Nationale des Ponts et Chaussées. Impossible, pensez-vous ? Il s'agit forcément une erreur !

Non, un document officiel l'atteste : regardez la copie ci-jointe de l'annuaire de la promotion 1862 ! Effectivement, à sa création, l'École des Ponts était ouverte sur le monde (à noter l'absence de l'Asie de ce panel international).

Comme quoi, nous avons à revisiter notre passé : la force de la France est-elle venue d'une vision centrée sur elle-même et d'une approche de propriétaire de son sol, ou de l'accueil des autres ?

Pour ma part, je regrette que les promotions actuelles dans nos écoles et universités n'aient plus cette ouverture au monde. Nous n'en serions que plus riches et notre identité n'en serait que plus forte !

10 mai 2010

NAISSANCE EFFECTIVE DES « MERS DE L’INCERTITUDE »

Quand mon livre émerge…

Ce vendredi matin, j'ai fait une rencontre étonnante : celle de mon livre ! Il était enfin physiquement né et sorti de chez l'imprimeur.
Sensation étrange d'avoir entre les mains cet enfant qui fut si long à mettre au monde : environ 18 mois entre le début de mes lectures en vue du livre et le moment où j'ai terminé la version finale. Puis un moment suspendu de près de deux semaines entre mon accord sur la mise en page et l'apparition du livre : un peu comme si une mère devait après avoir accouché, attendre deux semaines pour avoir son enfant dans les bras ! C'est long…

Enfin, le voilà. L'endroit où je suis allé le chercher est aussi un endroit improbable : une librairie située à proximité de la Nation(1), où seul un étroit couloir permet de passer au milieu de piles de livres, allant du sol au plafond (voir la photo ci-jointe). Comme si mon livre en venait à émerger au milieu de tous ces anciens… Beau symbole. Tout autour de lui, se trouve amoncelés de milliers de grands frères dans des piles improbables et fragiles. Métaphore physique de la vulnérabilité du savoir, de la nécessaire hybridation des idées, de l'importance du cheminement.

Le temps de la réflexion solitaire et de la construction des idées va donc céder la place à celui de leur diffusion et de leur confrontation au dehors. Trois conférences à venir pour son lancement pour commencer. J'espère aussi des retours de ceux qui le liront (n'hésitez pas à vous servir de ce blog ou du groupe Facebook que j'ai crée pour me faire part de vos réactions).
A partir de la semaine prochaine, je commencerai à expliquer plus en détail la logique de mon livre et en mettre en ligne des extraits.

7 mai 2010

PASSER AU LEGO SUPPOSE LÂCHER PRISE, CONFIANCE ET DURABILITÉ

______ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________

Rappel du patchwork de la semaine :
- Lundi : Dans sa présentation, Georges Whitesides explique que, derrière des objets aussi complexes qu'une cathédrale ou internet, on trouve un système simple fait de blocs – des pierres, des zéros et des uns – que l'on peut facilement empiler les uns sur les autres. Les systèmes vivants sont eux-mêmes des « cellules empilées ».
- Mardi : Pour faire face de façon réactive et efficace à l'incertitude, l'entreprise doit elle-aussi penser plus en termes de systèmes de construction que de solutions finies : chaque direction centrale élabore des « lego » avec lesquels chacun pourra « jouer »
- Mercredi : Je ne crois pas que l'on puisse être un bon manager dans l'absolu. Être un bon manager, c'est avoir un mode de management adapté à la situation de l'entreprise que l'on dirige, selon le rythme de l'innovation, le type de clientèle, le poids des caractéristiques régionales…
- Jeudi : Le Petit Prince de Saint Exupéry est là pour nous rappeler combien le regard de l'enfant peut nous remettre en perspective ce que nous faisons quotidiennement, et que « l'on ne connait que les choses que l'on apprivoise »

Difficile quand on est à la tête d'une grande organisation – que ce soit une entreprise ou une organisation politique – de comprendre qu'il n'est pas efficace de chercher à apporter des solutions toutes faites, mais qu'il faut fournir à tout un chacun un système fait de briques simples. Agir ainsi, c'est tout à la fois :
- Pouvoir construire localement dynamiquement des solutions nouvelles et originales : à partir du même tas de pièces de Lego, aucune construction ne ressemblera à sa voisine,
- Responsabiliser ainsi chacun et lui permettre de mobiliser son intelligence sur la compréhension de la situation locale et sur les décisions à prendre,
- Pouvoir industrialiser la fabrication des briques de base en abaissant les coûts, tout en maintenant de la flexibilité,
- Donner une cohérence globale à l'entreprise par le type de système de construction choisi (on ne peut pas dévisser avec un marteau ou élaborer un repas avec des briques de Lego)
Pour que ceci soit possible, cela suppose que la Direction accepte de lâcher prise dans l'exécution et développe une relation de confiance(1) au sein de l'organisation. Difficile dans une entreprise, et manifestement encore plus au plan politique, dans un pays comme la France.

Cela suppose aussi que la Direction connaisse ce qu'elle dirige, et donc qu'elle et ceux qu'elle dirige prennent le temps de « s'apprivoiser » mutuellement : il n'y a pas d'efficacité dans la durée sans durabilité du management. (2)

(1) Sur l'importance de la confiance voir « Il faut retisser la confiance en France » et « Comment vivre la complexité sans confiance ? »
(2) Voir « Pour la mise en place d'un management durable »

6 mai 2010

« SI TU M’APPRIVOISES, NOUS AURONS BESOIN L’UN DE L’AUTRE »

Toutes les grandes personnes ont d'abord été des enfants…

Le hasard de mes lectures m'a fait me replonger dernièrement dans le Petit Prince d'Antoine de Saint Exupéry. En voici un patchwork personnel :

« Si vous leur dites, « la preuve que le petit prince a existé c'est qu'il était ravissant, qu'il riait, et qu'il voulait un mouton. Quand on veut un mouton, c'est la preuve qu'on existe. », (les grandes personnes) hausseront les épaules et vous traiteront d'enfant ! Mais si vous leur dites : « La planète d'où il venait est l'astéroïde B612 », alors elles seront convaincues, et elles vous laisseront tranquille avec leurs questions. »
« Il faut exiger de chacun ce que chacun peut donner, reprit le roi. L'autorité repose d'abord sur la raison. Si tu ordonnes à ton peuple d'aller se jeter dans la mer, il fera la révolution. J'ai le droit d'exiger l'obéissance parce que mes ordres sont raisonnables. »
« Quand tu trouves un diamant qui n'est à personne, il est à toi. Quand tu trouves une île qui n'est à personne, elle est à toi. Quand tu as une idée le premier, tu la fais breveter : elle est à toi. Et moi je possède les étoiles, puisque personne avant moi n'a songé à les posséder. »
« Que les volcans soient éteints ou soient éveillés, ça revient au même pour nous autres, dit le géographe. Ce qui compte pour nous, c'est la montagne. Elle ne change pas. »
« Tu n'es encore qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde. »
« On ne connaît que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi ! »

5 mai 2010

IL N’Y A PAS DE BON MANAGEMENT DANS L’ABSOLU

Le juge de paix est la création de valeur durable

La réflexion sur le management est au cœur de nombre d'articles ou d'écrits. On y met le plus souvent en avant les aspects positifs ou négatifs de certaines attitudes managériales – ce qu'il faut ou ne pas faire – sans faire référence directe à l'entreprise qu'il s'agit de diriger.
Or mis à part un niveau zéro du management qui est effectivement un socle commun, je ne crois pas que l'on puisse réellement décrire quel est le bon mode de management indépendamment de la situation d'une entreprise donnée.

Pourquoi ?

Tout d'abord pour une raison évidente, mais qui est souvent perdue de vue : on ne manage pas pour manager, on ne dirige pas pour diriger, ce ne sont que des moyens pour permettre à l'entreprise de créer durablement plus de valeur. Le point de départ ne doit pas donc être le mode de management, mais bien les conditions d'une création de valeur durable. Je précise que, par création de valeur, je ne parle pas d'enrichissement des seuls actionnaires et des dirigeants, mais bien de la valeur totale de l'entreprise. La notion de durabilité est aussi essentielle et inclut sa résilience face à l'incertitude(1).

Or les conditions de création de la valeur sont très variables selon les entreprises et les secteurs dans lesquels elles se trouvent, ceci, comme je l'écris dans mon nouveau livre, parce que chaque entreprise « a ses propres règles, ses propres contraintes. (…) Les logiques peuvent être multiples selon :

- Le degré d'innovation et l'horizon de prévisibilité du métier : plus le métier sera soumis à des lancements fréquents d'innovations, plus l'horizon du flou sera proche, et moins il sera alors pertinent de mettre en place une organisation visant le contrôle a priori. A l'inverse, plus l'activité sera mature, la compétition organisée, plus il sera nécessaire d'optimiser finement les coûts et les marges, et donc d'avoir une anticipation budgétaire très rigoureuse.
- Le type de clientèle visée : plus les produits seront de type grand public, la concurrence multiple et composite, plus il faudra distinguer les activités commerciales et marketing. A l'inverse, si le marché visé est celui des grandes entreprises, il sera dangereux de séparer fortement le commercial et le marketing, chaque produit étant quasiment conçu pour un client donné.
- Le poids des caractéristiques géographiques : plus les attentes des clients seront homogènes entre pays, les circuits de distribution similaires, plus l'organisation devra être globale avec un poids faible donné aux géographies. 
(…) Ensuite, parce qu'il faut ajuster dynamiquement le niveau de précision au type de sujet traité. Si c'est une situation « téléphone/avion »(2), il faut investir en amont, prendre son temps, mener des études approfondies avant d'agir, et les organisations, les systèmes de pilotage doivent être construits en conséquence. Par contre, si c'est une situation « adresse/ voiture », inutile de surinvestir en amont : le mieux est de procéder par ajustements progressifs ; là, il faut des feed-back rapides, de la réactivité, de l'apprentissage.
Moins j'ai besoin d'être précis, plus je pourrai aller vite : identifier dans une situation donnée, le niveau de précision nécessaire est donc un préalable à la définition du biorythme. »3


Être un bon dirigeant, bien manager c'est savoir adapter son attitude à la situation : on ne manage pas dans l'absolu, et certains qui sont de très bons managers face à certaines situations, sont les pires dans d'autres…

(1) Voir « Pour la mise en place d'un management durable »
(2) Voir « Situation adresse ou téléphone ? »

(3) Extraits des Mers de l'incertitude p.145 et 146

4 mai 2010

DOTER L’ENTREPRISE D’UN SYSTÈME SIMPLE, PERMETTANT DE CONSTRUIRE LOCALEMENT LA BONNE SOLUTION

Comment faire face au développement de l'incertitude et à l'accroissement de la complexité sans construire des « usines à gaz » ?

J'ai déjà eu l'occasion dans bon nombre de mes articles(1), d'évoquer comment et pourquoi l'incertitude se développe, et comment, parallèlement et en partie à cause de cette croissance de l'incertitude, la complexité de l'environnement des entreprises explose : mondialisation des activités, multiplicité des savoir-faire techniques à mobiliser. J'y reviendrai dans les jours qui viennent à l'occasion de la sortie de mon livre « Les mers de l'incertitude »(2).

Face à cela, je vois souvent des directions d'entreprises vouloir y répondre par une complexité interne croissante, et une sophistication de tous les systèmes.

Je pense à l'inverse, dans la ligne des propos tenus par Georges Whitesides et dont je me faisais l'écho hier(3), qu'il faut construire les réponses complexes à partir de blocs simples. Il s'agit pour le management de trouver quelles sont les bonnes brises de base qui pourront être assemblées localement pour construire dynamiquement des solutions adaptées à ce qui survient.

Quelques exemples :
- Le marketing central cherche à construire non plus des produits terminés et qui seront déployés tels quels dans tous les pays, mais des systèmes qui permettront à chaque pays ou filiale de construire rapidement, à bas coût et de façon globalement cohérente leur propre réponse.
- La direction informatique ne développe plus des solutions clés en main, mais crée ou référence des sous-systèmes simples capables de s'assembler et s'interfacer rapidement.
- L'organisation n'est pas définie par la direction générale, mais ce sont les principes que doit respecter toute organisation locale qui le sont, en veillant notamment à toutes les questions d'interface.
- Le rôle de chacun est défini de façon simple et peut être exprimé en quelques mots, et donc être intégré par tous.

(1) Cliquer sur le mot pour vous les articles liés à Incertitude ou Complexité
(2) Sortie le 25 mai
(3) Voir « EN EMPILANT DES BLOCS SIMPLES, ON CONSTRUIT UN SYSTÈME COMPLEXE ROBUSTE »

3 mai 2010

EN EMPILANT DES BLOCS SIMPLES, ON CONSTRUIT UN SYSTÈME COMPLEXE ROBUSTE

Et si on s'intéressait aussi à la simplicité ?

Dans sa conférence (voir ci-dessous), Georges Whitesides (voir sa bio) s'intéresse à la simplicité, et comment elle permet de construire la complexité. Il y explique que ce sont avec des blocs simples – comme des pierres, des 0 et des 1, … –, que l'on peut élaborer des systèmes sophistiqués comme Internet ou des cathédrales.

Ce qui est simple, c'est tout ce qui peut s'empiler facilement et solidement. Guidé par son imagination et son projet, on va poser les blocs les uns sur les autres : l'un fera une cathédrale, quand un autre en tirera un château ou simplement un mur en pierres sèches…

Pour construire avec ces blocs, vous n'avez pas besoin de connaitre la logique qui a permis à ces blocs d'exister, vous n'avez qu'à savoir vous en servir et les empiler. Ceci rejoint le propos de Ian Stewart qui a écrit dans « Dieu joue-t-il aux dés ? » :
« Ce dont nous avons besoin, c'est de la théorie de la simplicité, pas de la théorie de la complexité. Il y a une rhétorique de la science réductionniste qui prétend que, même si la chèvre ne le sait pas, des choses immensément compliquées doivent se produire en elle pour qu'elle se comporte cette façon. (…) Il vous semble, à vous et à la chèvre, que ce qui se passe est simple : mais, en fait, cela ne l'est pas. (…) Une théorie des particules subatomiques est fongible quand on la regarde à partir du niveau de la chèvre. Il faut bien qu'il en soit ainsi, ou bien nous n'aurions jamais été capables de garder une chèvre sans passer auparavant un doctorat de physique subatomique. »

Lego ou Meccano ont apporté à tous les enfants de nouveaux blocs simples pour donner libre cours à leur imagination. McDonald a dominé le monde des hamburgers en le décomposant en briques élémentaires – le pain, la viande, les frites…–, en industrialisant chaque composant et en en facilitant l'assemblage. Le jeu de go repose sur des règles que l'on peut énoncer et comprendre en une minute…

Quand la complexité repose sur des composants eux-mêmes complexes, elle est fragile et vulnérable. Quand elle repose sur des blocs simples, elle est efficace et souple.

A garder en mémoire…

30 avr. 2010

LE PLUS SIMPLE EST DE JOUER L’AVENIR À LA LOTERIE

______ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________

Rappel du patchwork de la semaine :
- Lundi : Quand le nuage de cendres résonne comme un cygne noir. « Bel » exemple illustrant l'incertitude de notre Neuromonde. Chacun de nous va être de plus en plus soumis aux aléas de ce qui se passe près de lui… ou loin
- Mardi à Jeudi : Un miroir entre la réfection d'un mur à la chaux et l'effervescence de notre monde. Nous vivons collectivement – et cela rejaillit sur nos vies individuelles – dans une immédiateté difficilement compatible avec la réflexion et la compréhension. Nous sommes de plus en plus des individus ou des groupes juxtaposés sans liant et avec peu de sens et projet communs. Nous agissons souvent en contradiction avec l'avenir de notre planète, tout en le sachant de plus en plus. Rejointer un mur à la chaux, c'est savoir prendre son temps, remettre du liant, et ne le faire qu'avec des ingrédients naturels…

Nous sommes vendredi, le nuage de cendres n'est pas loin. Et pourtant, il est déjà oublié : les avions volent à nouveau, les vacanciers de la 2ème semaine ont gagné, ceux de la 1ère ont perdu à la loterie des cygnes noirs. Nous sommes passés à autre chose, au déficit de la Grèce qui redevient d'actualité, à la bourse qui s'en émeut, à un voyage présidentiel en Chine ou à une défaite lyonnaise en ligue des champions…

La roue de ce zapping mental continue de tourner inexorablement, sans répit…

Comment avons-nous la moindre chance de réfléchir individuellement et collectivement si nous acceptons ce zapping ? Est-il à ce point utopique d'imaginer que l'on prenne le temps de s'arrêter pour comprendre ?

Mais non ! Continuons à croire à notre bonne étoile et jouons notre avenir à la loterie…

29 avr. 2010

UN DIRIGEANT NE DOIT PAS ÊTRE UN SHOW MAN, MAIS UN “CHAUX MAN”

"CHAUX" TIME (3)

Bizarrement, je ressens de plus en plus ce travail à la chaux comme une métaphore pertinente pour approcher ce que doit être le rôle d'un dirigeant.

Lui aussi, il doit se préoccuper de trouver le bon liant, celui qui va venir assurer les bonnes liaisons, celui qui va donner force et cohésion à l'ensemble. Ce liant doit venir se fondre avec ce qui préexistait. 
Des mois ou des années plus tard, il doit être encore là, mais invisible, noyé dans la masse. Ce liant doit aussi laisser respirer, il ne doit pas constituer une chape de plomb, mais, comme la chaux sait laisser l'humidité, l'action du dirigeant doit fluidifier les échanges et non pas les contraindre. Un liant souple, perméable, naturel…

Lui aussi, il est confronté au rythme et au bon enchaînement des gestes. Au début de l'action, un maximum de fluidité est nécessaire, mais pas trop non plus : comme le mortier à la chaux, il doit avoir cette consistance pâteuse, mi-fluide mi-solide, qui va se glisser là où il faut. Puis il va falloir suivre le durcissement du mortier, l'effet des actions. Venir appuyer un peu là, enlever ce qui est en trop… Enfin, quand les choses seront en place, mais pas encore tout à fait figées, venir faire un dernier lissage.

Le métier d'un dirigeant n'est surtout pas de faire du spectacle, il ne doit pas être un show-man… mais je le vois bien être un « chaux-man ».

28 avr. 2010

LA CHAUX NE SUIT PAS LE RYTHME DU SHOW HABITUEL

"Chaux" time (2)

Je viens de passer une bonne partie de l'après-midi à reprendre à la chaux le mur Est du hangar de ma maison en Provence. En fait, j'ai commencé cela depuis quelques jours.

J'aime cette activité où l'on travaille à la fois sur l'apparence des choses – si le mélange de sables a été judicieusement fait, le mortier à la chaux se fond en une aquarelle qui vient souligner le contour des pierres –, et sur la solidité du mur – la chaux est d'abord là pour maintenir les pierres en place et les lier entre elles.

C'est aussi une matière naturelle que l'on mélange avec du sable et de l'eau. Du choix des sables dépendra l'apparence : comme un peintre joue de la palette de ses couleurs, je vais jouer de celle de mes sables. Plus ou moins fin, avec ou sans des particules colorées, jaune, blanc ou gris…

Ensuite la mise en œuvre d'un mortier à la chaux ne peut pas être accélérée, il faut en respecter les rythmes et les caprices.

D'abord l'application du mortier. A coups de truelle, on vient garnir les pierres de mortier. Au besoin, de ci de là, on met une pierre si le mur est trop dégarni. Puis environ une heure après, toujours avec la truelle, on écrase le mortier pour renforcer son adhérence et on enlève ce qui est en excès. On se sert aussi de ses doigts – un conseil : n'oubliez pas de porter des gants en caoutchouc si vous ne voulez pas voir votre peau disparaître au fur et à mesure que le mur se reconstruit. Un peu après – la durée n'est pas fixe. Elle est fonction de l'épaisseur de mortier mis et de la température extérieure. Il va falloir prendre le temps d'observer… –, avec une brosse métallique, on enlève tout le mortier qui recouvre les pierres et on creuse entre les pierres.

Rejointer un mur à la chaux est donc bien une activité qui joue sur l'apparence, mais qui sait dépasser l'immédiateté.

Un « chaux » time qui n'est plus un show-time.

J'ai comme l'impression que l'on devrait proposer des stages de mortier à la chaux à bon nombre de nos concitoyens…



(à suivre)

27 avr. 2010

NOUS VIBRONS COLLECTIVEMENT D’ÉMOTIONS INSTANTANÉES

"CHAUX" TIME (1)

Nous vivons de plus en plus dans un monde de l'immédiateté et de l'apparence :
- Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'écrire à de multiples reprises, nous sommes dans l'instantanéité et nous avons un rapport maladif avec le temps. Nous avons peur de perdre du temps, alors que le temps est une des rares choses que l'on ne peut pas perdre (voir « Non, vous ne perdez jamais du temps ! »)
- Parallèlement, nous ne prenons plus le temps (eh oui, le temps est là à nouveau…) de réfléchir et de comprendre. Du coup, nous en restons aux apparences et à la surface des phénomènes. Nous ne sommes même plus victimes des modes, nous vivons au travers d'elles et grâce à elles.

Notre société devient ainsi un grand amplificateur des rumeurs, des opinions et des « on dit ». Mais comme nous sommes une société évoluée et sophistiquée, nous nous méfions des idées qui ne sont pas ni « scientifiquement » prouvées, ni « technologiquement » portées.
Mais si un modèle mathématique nous démontre que tel phénomène est en train de se produire, ou même risque de se produire…
Mais si Internet véhicule vers nous la nouvelle nouvelle, l'information brute sans intermédiaire ou le scoop venant de nulle part…


Alors tout le système média-politique s'emballe… et chacun d'entre nous le relaye sans problème.

Auparavant nous ne nous levions que pour faire des holàs dans des stades ; aujourd'hui le monde entier fait des holàs numériques.
Sans réfléchir, nous passons collectivement d'un tsunami thaïlandais à des cendres islandaises, d'une crise des subprimes au dernier incident amoureux de David Beckham. Nous nous émouvons d'un réchauffement climatique potentiellement à venir, tout en laissant mourir de faim ou du sida une partie de l'Afrique…

Je suis assis sur la terrasse de ma maison perdue dans la campagne provençale quand je tape ces lignes. Et j'ai dans les mains encore les traces de cette chaux que je viens d'appliquer au mur Est de mon hangar. 

« Chaux » time…

(à suivre)

26 avr. 2010

PLUS DE CHAOS, PLUS DE CYGNES NOIRS…

Le nuage de cendres n'est pas un accident sans lendemain

Retour sur le nuage de cendres islandais. Non pas par un quelconque acharnement, mais parce que je le crois très emblématique de plusieurs points clés de notre mode actuel.
Dans mon billet de la semaine dernière1, j'avais abordé le danger de se fier plus à la modélisation mathématique qu'à l'observation de ce qui se passe réellement.

Pourquoi d'abord cette approche par la modélisation ne peut pas fonctionner pour prévoir ce qui va se passer ? Parce que des phénomènes comme la propagation des particules suivent des lois de type chaotiques, et que, dans ce cas, la moindre erreur dans la connaissance des conditions initiales rend impossible l'élaboration de prévisions fiables2. Or il est impossible déjà de connaître précisément les émissions du volcan, alors comment pourrait-on les connaître exactement ?

Ce qui vient de se passer avec le nuage de cendres est très représentatif de la plupart des phénomènes qui sous-tendent la vie et l'évolution de notre monde. En effet, ils suivent pour la plupart des lois de type chaotique. Il est donc illusoire d'imaginer pouvoir modéliser leur évolution : comme nous ne pourrons jamais tout connaître exactement, nous devons accepter l'incertitude, et nous centrer plus sur l'observation que la prévision.

Ensuite ce nuage est un bel exemple de « cygne noir » 3, c'est-à-dire un événement hautement improbable et à effet majeur. Un volcan qui se réveille au cœur de l'Islande, loin de nous apparemment… et voilà l'Europe comme paralysée. Nous sommes devenus tellement connectés les uns les autres, notre monde est devenu tellement un Neuromonde4, nous sommes forts et en même temps tellement dépendants de la toile d'araignée de nos interrelations que tout problème se propage immédiatement.

Auparavant un cygne noir n'avait d'effet que localement, mais ce n'est plus le cas. Nous devons nous habituer à la multiplication des cygnes noirs, non pas parce qu'il va s'en produire davantage, mais parce que leur effet sera sensible pour tout un chacun. Avant nous n'étions sensibles qu'à ceux qui se produisaient dans notre voisinage immédiat. Maintenant nous sommes soumis aux effets de tous qui se produisent, quelque soit l'endroit où ils apparaissent, ou presque.

Plus la vie se développe, plus l'incertitude s'accroît : il est urgent que nous le comprenions et que nous adaptions en conséquence notre façon de penser et d'agir…



(1) Voir « Où sont les particules du nuage de cendres ? »
(2) Voir mes articles liés au Chaos
(3) Cette expression provient du livre de Nassim Nicholas Taieb. J'ai parlé de ce livre dans un billet de décembre 2008 « Résonances entre dérive naturelle, cygne noir et crise actuelle… »
(4) Voir mes articles sur le Neuromonde