Histoire de caverne (Saison 4 – Épisode 2)
Coco, chef des gorilles et président de la toute nouvelle CGC (confédération des gorilles et des chimpanzés) déguste son succès, mais commence à se demander ce qu'il va faire de son temps et de son argent. De mon côté, j'ai mandat pour ouvrir des discussions avec Isabella et voir comment l'impliquer dans nos affaires.
« Cela fait bien longtemps, Isabella, commença Jordana.
- Oui, très exactement depuis que tu as choisi de préférer Jacques et de m'abandonner, répondit-elle »
Silence glacial. Je savais que je n'aurais pas dû venir avec Jordana, mais elle avait su s'imposer.
« Nous ne sommes pas là pour parler du passé, Isabella, lui dis-je. Quoiqu'il ait pu se passer, cela ne doit pas nous empêcher de ne pas nous entredéchirer.
- Peut-être… Que proposes-tu au juste ?
- Tout et rien. Tout, parce que nous voulons vraiment trouver une solution. Quand je dis « nous », je parle aussi au nom de Christina. Rien parce que je ne suis pas venu avec un schéma préétabli, mais avec une offre de collaboration, ouverte et sans limites. Je te crois beaucoup trop intelligente pour entrer dans un schéma préétabli. Tu es trop imaginative et épris de liberté pour cela. Au fait, bravo pour ton double coup : m'obliger à reprendre les cinquante cabanes au moment où, à cause de la grève, tous les coûts salariaux explosent, bravo !
- Merci, je savais que tu apprécierais… Mais ce n'est qu'un début… Imagine, par exemple, que je répande l'information que tu es en train de multiplier les billes. Car c'est bien ce que tu es en train de faire pour faire face à tous ces surcoûts non prévus, non ? Donc, imagine que je répande ce bruit et que je suggère à tous de demander à ce que l'on reprenne leurs billes…
- Arrête. C'est pour cela que je suis là. Pour te faire comprendre que tu ne peux pas jouer contre nous comme cela. Qu'à trop remonter les chimpanzés et les gorilles contre les humains, c'est aussi contre toi que tu les remontes. Fais attention à l'effet boomerang. D'autant plus que moi, je ne t'ai jamais voulu de mal.
- Oui, peut-être.
- Allez, je suis sûr que tu as réfléchi et que tu sais ce que tu veux faire.
- Effectivement.
- Alors, dis-moi.
- Non, je ne veux pas te le dire tout de suite. Je vais juste te dire ce que je veux, mais pas ce que je vais faire. Je n'ai pas assez confiance. Pas encore assez.
- OK. Que veux-tu ?
- L'usage de vingt des cinquante cabanes que tu as récupérées, et une option sur les trente autre, option valable pendant six mois. Pour la location des vingt premières, la moitié du prix du marché (1), ce payable annuellement, en fin d'année ; pour le reste, le prix du marché. Une pleine page de publicité dans l'Écho du monde, gratuite pendant un an, page garantie dans chaque numéro. Un accord d'utilisation croisé entre mon réseau de relais sonores, l'Intervox, et ton réseau Internex. Ils sont complémentaires.
- Je ne peux pas te répondre immédiatement, il faut que je consulte mes associés. Mais cela me paraît jouable. »
Pendant tout notre échange, Jordana n'avait rien dit, semblant même regretter d'être venue. Là, elle ne put s'empêcher de marmonner :
« Vouloir récupérer vingt cabanes sans valeur, cela n'a aucun sens.
- Tu verras bientôt si cela n'a aucun sens, Jordie, lui répondit-elle en la fixant »
Ce fut à mon tour de regarder Jordana. Pourquoi Isabelle l'avait-elle appelée Jordie ? Qu'est-ce qui se tramait ? Sans savoir pourquoi, je n'aimais pas trop cela…
(à suivre)
(1) Le prix du marché est fixé par la société d'études et de cotation de Jojo et Paulo. Ils garantissent la sincérité des informations. Tout est basé sur une mesure quotidienne de toutes les transactions. Pour plus d'information, se référer au numéro 212 de l'Écho des Cavernes (prédécesseur de l'Écho du Monde), dans lequel Paulo expose en détail le fonctionnement de tous les indicateurs publiés.
29 déc. 2009
28 déc. 2009
QUE FAIRE DE SON TEMPS LIBRE ET DE SON ARGENT ?
Histoire de caverne (Saison 4 – Épisode 1)
Rappel (rapide) des saisons précédentes : Nous sommes à l'époque lointaine des cavernes. Pendant longtemps, moi, Bobby le financier, et mes amis et autrefois rivaux – Johnny, le roi de l'industrie et de l'invention, Jojo le devin et Paulo le magicien, les deux rois de la prévision –, avions régné dans le monde des cavernes. Mais avec l'arrivée de Jordana et la découverte de Christina, la chef d'un monde inconnu au-delà du bout du bout du monde, c'est-à-dire de l'autre côté des montagnes, nous avons dû partager notre pouvoir. Cela ne s'est pas fait sans heurs : un moment grâce à la sophistication des modèles prévisionnels construits par mon fils, Thomas, nous avons crû pouvoir les battre. Mais nous avions dû nous rendre à l'évidence, seule, la collaboration était possible. Elle fut fructueuse, et finalement, les affaires de chacun se sont développées. Tout serait donc parfait si Isabella, une laissée pour compte de notre cartel, n'avait décidé de mettre à mal notre système. Elle venait de mener une attaque simultanée sur deux fronts : elle venait de faire exploser la bulle de spéculation immobilière, m'obligeant à me retrouver propriétaire d'une multitude de cabanes sans valeur ; elle avait poussé les chimpanzés et les gorilles, maillon indispensable pour le bon fonctionnement des piles de cabanes (ils assurent la montée et la descente des habitants, comme de tous leurs colis ou paquets), à se mettre en grève. Ils venaient d'obtenir une augmentation substantielle. (Pour plus de détails vous pouvez lire la saison 1, la saison 2 et la saison 3 – pour cela, cliquez sur le lien de la saison correspondante).
Coco était mort de rire : Il n'en revenait pas du tour qu'il venait de jouer à Christina, et à ce Johnny qui ne la quittait plus guère. Coco était, comme il aimait à la répéter, le chef des gorilles. Si jamais, l'un de ses congénères levait un peu trop son cri ou bombait un peu trop fort le torse, Coco avait vite fait de le remettre en place. Être chef était une affaire de famille : on était chef de père en fils dans la sienne.
Quand il repensait à tout ce qui s'était passé en quelques mois, il n'en revenait pas. Il n'y a encore pas longtemps, lui et les siens vivaient durement dans la forêt. La survie supposait un combat quotidien.
Puis était arrivé Johnny, qui, très vite, s'était mis en tête d'empiler les cabanes, les unes au-dessus des autres. Il avait eu besoin des services des gorilles. Bien sûr, Coco n'était pas dupe, Johnny avait cherché à les exploiter. Mais c'était déjà mieux que la situation précédente : en montant ou descendant quelques humains par jours, en assurant en complément le service de livraison, les gorilles avaient largement de quoi vivre.
Avec son importation de chimpanzés (voir « Comment casser le pouvoir des gorilles ? »), Johnny lui avait compliqué la tâche : moins facile de peser dans les négociations avec ces demi-portions toujours prêts à travailler beaucoup plus pour ne gagner qu'un tout petit peu plus en échange.
Mais c'était maintenant terminé grâce à l'intelligence d'Isabella. Géniale, cette femme ! Avoir réussi à nous mettre d'accord avec les chimpanzés, avoir mis en place la CGC – Confédération des gorilles et des chimpanzés -, avoir créé ce réseau de communication entre les deux bouts du monde (en parallèle du réseau fonctionnant grâce à des signaux lumineux mis en place par Bobby et Johnny, la CGC a son propre réseau reposant lui sur des signaux sonores relayés par des chimpanzés), tout cela avait permis la grève générale.
Au bout d'un conflit finalement relativement court – seulement un mois -, ils avaient eu gain de cause sur toutes leurs revendications : deux jours de repos par semaine, deux semaines de congés payés par an, augmentation du salaire de 20%. Comme Coco venait en plus d'être élu Président de la CGC, comme il touchait un pourcentage sur tous les gains des gorilles, c'était royal !
D'où l'hilarité actuelle de Coco. Mais, très vite, il eut comme un vide dans la tête : qu'allait-il bien pouvoir de ce temps libre et de tout cet argent ? Les bananes pourrissaient déjà dans ses placards. Alors que faire ?
A l'autre bout du monde, dans ma grande caverne, je tenais un conseil de guerre.
« J'ai rendez-vous dans une heure avec Isabella, disais-je. Donc, nous sommes bien d'accord sur la marche à suivre.
- Oui, répondirent en cœur Jojo et Paulo qui se trouvaient à mes cotés. »
Johnny, lui, n'était pas avec nous : il était avec Christina au milieu des arbres. Il fallut attendre que ma question arrive jusqu'à lui grâce à Internex (c'est le nom de baptême que mon fils Thomas avait donné à notre réseau de signaux lumineux, réseau dont il assurait la direction depuis qu'il avait pris la présidence de l'Écho du monde, mon groupe de presse et de communication. Personne n'avait bien compris pourquoi il avait choisi ce nom – lui non plus –, mais comme cela n'avait aucune importance, nous n'allions pas le contrarier pour si peu). Puis sa réponse prit le chemin inverse. Cinq minutes en tout furent nécessaires, un temps ridiculement court.
« OK pour nous aussi, répondit Johnny. Simplement peux-tu nous reconfirmer les termes de la plateforme de discussion.
- L'idée est simple : faire rentrer d'une façon ou d'une autre Isabella dans nos affaires. Tant qu'elle restera à l'extérieur, elle sera une source de problèmes. Or j'ai déjà assez de mal avec toutes les cabanes que j'ai sur les bras, et la multiplication des billes. Je vais voir si je sens une ouverture de son côté. »
Au fur et à mesure de mes paroles, un chimpanzé émettait un signal lumineux qui partait dans le ciel. Heureusement, le soleil brillait, sinon nous aurions dû annuler notre réunion. Pas de soleil, pas d'Internex en état de marche. Pas d'Internex, pas de communication avec Johnny et Christina.
« Et je viens avec toi, compléta Jordana »
« Oui, et cela ne me plaît guère, pensai-je ». Je n'avais pas pu faire autrement que d'accepter sa présence…
(à suivre)
Rappel (rapide) des saisons précédentes : Nous sommes à l'époque lointaine des cavernes. Pendant longtemps, moi, Bobby le financier, et mes amis et autrefois rivaux – Johnny, le roi de l'industrie et de l'invention, Jojo le devin et Paulo le magicien, les deux rois de la prévision –, avions régné dans le monde des cavernes. Mais avec l'arrivée de Jordana et la découverte de Christina, la chef d'un monde inconnu au-delà du bout du bout du monde, c'est-à-dire de l'autre côté des montagnes, nous avons dû partager notre pouvoir. Cela ne s'est pas fait sans heurs : un moment grâce à la sophistication des modèles prévisionnels construits par mon fils, Thomas, nous avons crû pouvoir les battre. Mais nous avions dû nous rendre à l'évidence, seule, la collaboration était possible. Elle fut fructueuse, et finalement, les affaires de chacun se sont développées. Tout serait donc parfait si Isabella, une laissée pour compte de notre cartel, n'avait décidé de mettre à mal notre système. Elle venait de mener une attaque simultanée sur deux fronts : elle venait de faire exploser la bulle de spéculation immobilière, m'obligeant à me retrouver propriétaire d'une multitude de cabanes sans valeur ; elle avait poussé les chimpanzés et les gorilles, maillon indispensable pour le bon fonctionnement des piles de cabanes (ils assurent la montée et la descente des habitants, comme de tous leurs colis ou paquets), à se mettre en grève. Ils venaient d'obtenir une augmentation substantielle. (Pour plus de détails vous pouvez lire la saison 1, la saison 2 et la saison 3 – pour cela, cliquez sur le lien de la saison correspondante).
Coco était mort de rire : Il n'en revenait pas du tour qu'il venait de jouer à Christina, et à ce Johnny qui ne la quittait plus guère. Coco était, comme il aimait à la répéter, le chef des gorilles. Si jamais, l'un de ses congénères levait un peu trop son cri ou bombait un peu trop fort le torse, Coco avait vite fait de le remettre en place. Être chef était une affaire de famille : on était chef de père en fils dans la sienne.
Quand il repensait à tout ce qui s'était passé en quelques mois, il n'en revenait pas. Il n'y a encore pas longtemps, lui et les siens vivaient durement dans la forêt. La survie supposait un combat quotidien.
Puis était arrivé Johnny, qui, très vite, s'était mis en tête d'empiler les cabanes, les unes au-dessus des autres. Il avait eu besoin des services des gorilles. Bien sûr, Coco n'était pas dupe, Johnny avait cherché à les exploiter. Mais c'était déjà mieux que la situation précédente : en montant ou descendant quelques humains par jours, en assurant en complément le service de livraison, les gorilles avaient largement de quoi vivre.
Avec son importation de chimpanzés (voir « Comment casser le pouvoir des gorilles ? »), Johnny lui avait compliqué la tâche : moins facile de peser dans les négociations avec ces demi-portions toujours prêts à travailler beaucoup plus pour ne gagner qu'un tout petit peu plus en échange.
Mais c'était maintenant terminé grâce à l'intelligence d'Isabella. Géniale, cette femme ! Avoir réussi à nous mettre d'accord avec les chimpanzés, avoir mis en place la CGC – Confédération des gorilles et des chimpanzés -, avoir créé ce réseau de communication entre les deux bouts du monde (en parallèle du réseau fonctionnant grâce à des signaux lumineux mis en place par Bobby et Johnny, la CGC a son propre réseau reposant lui sur des signaux sonores relayés par des chimpanzés), tout cela avait permis la grève générale.
Au bout d'un conflit finalement relativement court – seulement un mois -, ils avaient eu gain de cause sur toutes leurs revendications : deux jours de repos par semaine, deux semaines de congés payés par an, augmentation du salaire de 20%. Comme Coco venait en plus d'être élu Président de la CGC, comme il touchait un pourcentage sur tous les gains des gorilles, c'était royal !
D'où l'hilarité actuelle de Coco. Mais, très vite, il eut comme un vide dans la tête : qu'allait-il bien pouvoir de ce temps libre et de tout cet argent ? Les bananes pourrissaient déjà dans ses placards. Alors que faire ?
A l'autre bout du monde, dans ma grande caverne, je tenais un conseil de guerre.
« J'ai rendez-vous dans une heure avec Isabella, disais-je. Donc, nous sommes bien d'accord sur la marche à suivre.
- Oui, répondirent en cœur Jojo et Paulo qui se trouvaient à mes cotés. »
Johnny, lui, n'était pas avec nous : il était avec Christina au milieu des arbres. Il fallut attendre que ma question arrive jusqu'à lui grâce à Internex (c'est le nom de baptême que mon fils Thomas avait donné à notre réseau de signaux lumineux, réseau dont il assurait la direction depuis qu'il avait pris la présidence de l'Écho du monde, mon groupe de presse et de communication. Personne n'avait bien compris pourquoi il avait choisi ce nom – lui non plus –, mais comme cela n'avait aucune importance, nous n'allions pas le contrarier pour si peu). Puis sa réponse prit le chemin inverse. Cinq minutes en tout furent nécessaires, un temps ridiculement court.
« OK pour nous aussi, répondit Johnny. Simplement peux-tu nous reconfirmer les termes de la plateforme de discussion.
- L'idée est simple : faire rentrer d'une façon ou d'une autre Isabella dans nos affaires. Tant qu'elle restera à l'extérieur, elle sera une source de problèmes. Or j'ai déjà assez de mal avec toutes les cabanes que j'ai sur les bras, et la multiplication des billes. Je vais voir si je sens une ouverture de son côté. »
Au fur et à mesure de mes paroles, un chimpanzé émettait un signal lumineux qui partait dans le ciel. Heureusement, le soleil brillait, sinon nous aurions dû annuler notre réunion. Pas de soleil, pas d'Internex en état de marche. Pas d'Internex, pas de communication avec Johnny et Christina.
« Et je viens avec toi, compléta Jordana »
« Oui, et cela ne me plaît guère, pensai-je ». Je n'avais pas pu faire autrement que d'accepter sa présence…
(à suivre)
25 déc. 2009
« AU LIEU DE CHERCHER À ÊTRE RECONNU, IL FAUT CHERCHER À ÊTRE CONNU »
Le bonheur est-il à portée de main ?
Quel meilleur thème pour le jour de Noël qu'un patchwork issu de l'excellent livre de Tal Ben-Shahar, « L'apprentissage du bonheur » ?
Sur les fonceurs, les viveurs et les défaitistes
« Ce qui singularise les fonceurs, c'est qu'ils sont incapables de prendre plaisir à ce qu'ils font – et croient constamment qu'ils seront heureux le jour où ils atteindront un objectif donné. (…) Nous apprenons à nous concentrer en permanence sur un but futur, et non sur le présent, et toute notre vie nous courons après un avenir qui toujours nous échappe. (…) En confondant soulagement et bonheur, le fonceur continue à courir après les buts qu'il s'est fixés comme si le simple fait de les atteindre un jour était une condition de son bonheur. »
« Sans but à long terme, sans défi à surmonter, la vie perd son sens. »
« L'illusion du fonceur est de croire que le bonheur durable viendra quand il aura atteint sa destination. Celle du viveur, de n'accorder d'importance qu'au chemin. Quant au défaitiste, ayant renoncé tant au but qu'au parcours c'est un déçu de la vie. Le premier est l'esclave de l'avenir, le deuxième celui du moment, et le troisième celui du passé. »
Sur le bonheur
« Ma propre définition du bonheur est « la sensation globale de plaisir chargé de sens ». L'individu heureux éprouve des sentiments positifs tout en trouvant une raison d'être à son existence. »
« Comme le disait George Bernard Shaw, « c'est cela, la joie véritable, dans la vie : être au service d'un dessein que l'on considère soi-même comme supérieur » »
« Le bienheureux remet en question la formule « On n'a rien sans rien » car il prend plaisir au processus engagé et, en se consacrant à un dessein auquel il croît, parvient à un meilleur résultat. »
Sur les objectifs
« Pour cela, nous devons discerner et poursuivre des buts à la fois porteurs de sens et de plaisir. »
Citation de Goethe : « Quoi que vous puissiez ou que vous rêviez de faire, faites-le. L'audace a du génie, de la puissance et de la magie. »
« Tandis que si on s'est fixé une destination, si on sait plus ou moins où on va, on est libre de concentrer son attention sur une tâche : profiter au maximum de l'endroit où on se trouve. »
Sur l'éducation
« Ce paradoxe (nous prétendons préférer les loisirs, mais c'est dans notre métier que nous passons par le plus d'expériences optimales) est à la fois insolite et révélateur. Il laisse supposer que le préjugé à l'égard du travail, l'assimilation effort/souffrance et oisiveté/plaisir est si profondément enraciné en nous qu'il déforme la perception de ce que nous vivons en réalité. »
« Comme Csikszentmihalyi le souligne : « Les adultes contribuent à induire (les jeunes) en erreur. Ils donnent aux tâches sérieuses des allures de corvées abrutissantes et pénibles, et font passer les activités superficielles pour excitantes et faciles. »
Sur le sentiment amoureux
« Au lieu de chercher à être reconnu, entériné – au lieu de quêter l'approbation, les félicitations de l'autre –, il faut éprouver le désir d'être connu. »
« Beaucoup de gens pensent que pour vivre une union heureuse il faut trouver le bon partenaire. En fait, l'élément le plus important, le plus délicat à trouver n'est pas là ; ce qu'il faut, c'est cultiver la relation que l'on a choisie. »
Pendant les jours à venir, et ce jusqu'aux premiers jours de janvier, je vais publier la saison 4 de ma « saga préhistorique ». Le blog sera de retour sous sa forme habituelle le 11 janvier.
Avec un peu d'avance, bonne année à tous !
Quel meilleur thème pour le jour de Noël qu'un patchwork issu de l'excellent livre de Tal Ben-Shahar, « L'apprentissage du bonheur » ?
Sur les fonceurs, les viveurs et les défaitistes
« Ce qui singularise les fonceurs, c'est qu'ils sont incapables de prendre plaisir à ce qu'ils font – et croient constamment qu'ils seront heureux le jour où ils atteindront un objectif donné. (…) Nous apprenons à nous concentrer en permanence sur un but futur, et non sur le présent, et toute notre vie nous courons après un avenir qui toujours nous échappe. (…) En confondant soulagement et bonheur, le fonceur continue à courir après les buts qu'il s'est fixés comme si le simple fait de les atteindre un jour était une condition de son bonheur. »
« Sans but à long terme, sans défi à surmonter, la vie perd son sens. »
« L'illusion du fonceur est de croire que le bonheur durable viendra quand il aura atteint sa destination. Celle du viveur, de n'accorder d'importance qu'au chemin. Quant au défaitiste, ayant renoncé tant au but qu'au parcours c'est un déçu de la vie. Le premier est l'esclave de l'avenir, le deuxième celui du moment, et le troisième celui du passé. »
Sur le bonheur
« Ma propre définition du bonheur est « la sensation globale de plaisir chargé de sens ». L'individu heureux éprouve des sentiments positifs tout en trouvant une raison d'être à son existence. »
« Comme le disait George Bernard Shaw, « c'est cela, la joie véritable, dans la vie : être au service d'un dessein que l'on considère soi-même comme supérieur » »
« Le bienheureux remet en question la formule « On n'a rien sans rien » car il prend plaisir au processus engagé et, en se consacrant à un dessein auquel il croît, parvient à un meilleur résultat. »
Sur les objectifs
« Pour cela, nous devons discerner et poursuivre des buts à la fois porteurs de sens et de plaisir. »
Citation de Goethe : « Quoi que vous puissiez ou que vous rêviez de faire, faites-le. L'audace a du génie, de la puissance et de la magie. »
« Tandis que si on s'est fixé une destination, si on sait plus ou moins où on va, on est libre de concentrer son attention sur une tâche : profiter au maximum de l'endroit où on se trouve. »
Sur l'éducation
« Ce paradoxe (nous prétendons préférer les loisirs, mais c'est dans notre métier que nous passons par le plus d'expériences optimales) est à la fois insolite et révélateur. Il laisse supposer que le préjugé à l'égard du travail, l'assimilation effort/souffrance et oisiveté/plaisir est si profondément enraciné en nous qu'il déforme la perception de ce que nous vivons en réalité. »
« Comme Csikszentmihalyi le souligne : « Les adultes contribuent à induire (les jeunes) en erreur. Ils donnent aux tâches sérieuses des allures de corvées abrutissantes et pénibles, et font passer les activités superficielles pour excitantes et faciles. »
Sur le sentiment amoureux
« Au lieu de chercher à être reconnu, entériné – au lieu de quêter l'approbation, les félicitations de l'autre –, il faut éprouver le désir d'être connu. »
« Beaucoup de gens pensent que pour vivre une union heureuse il faut trouver le bon partenaire. En fait, l'élément le plus important, le plus délicat à trouver n'est pas là ; ce qu'il faut, c'est cultiver la relation que l'on a choisie. »
*
* *
Joyeux Noël à tous les lecteurs de mon blog !* *
Pendant les jours à venir, et ce jusqu'aux premiers jours de janvier, je vais publier la saison 4 de ma « saga préhistorique ». Le blog sera de retour sous sa forme habituelle le 11 janvier.
Avec un peu d'avance, bonne année à tous !
24 déc. 2009
JE N’AIME PAS LES BOUTEILLES DE VIN ANONYMES
Nous avons de plus en plus besoin d'enracinements
Quand j'ouvre une bouteille de vin – ce qui m'arrive assez régulièrement… –, je n'aime pas que ce soit une bouteille anonyme. Qu'est-ce que j'entends par anonyme ? Une bouteille achetée dans un magasin, un vin dont je ne connais personnellement ni le terroir, ni le vigneron.
La plupart du temps, la bouteille que j'ouvre, je l'ai achetée sur place, chez son producteur. Elle a alors un tout autre parfum : elle est habitée du souvenir du moment passé dans la cave, du regard de celui qui a élevé ce vin, du soleil et du paysage qui l'ont vu grandir. (La photo de l'étiquette ci-jointe est celle d'un de mes vins préférés, un côte du Rhône produit à proximité de ma maison en Provence. Si vous cliquez sur l'image, vous aurez accès au site de ce producteur)
Plus nous sommes connectés tous ensemble, plus les réseaux d'internet et de la téléphone mobile nous permettent de nous abstraire de l'endroit physique où nous nous trouvons, plus nous avons besoin de repères et d'enracinement : le vin que je vais boire, mon corps saura d'où il vient. C'est rassurant…
Quand j'ouvre une bouteille de vin – ce qui m'arrive assez régulièrement… –, je n'aime pas que ce soit une bouteille anonyme. Qu'est-ce que j'entends par anonyme ? Une bouteille achetée dans un magasin, un vin dont je ne connais personnellement ni le terroir, ni le vigneron.
La plupart du temps, la bouteille que j'ouvre, je l'ai achetée sur place, chez son producteur. Elle a alors un tout autre parfum : elle est habitée du souvenir du moment passé dans la cave, du regard de celui qui a élevé ce vin, du soleil et du paysage qui l'ont vu grandir. (La photo de l'étiquette ci-jointe est celle d'un de mes vins préférés, un côte du Rhône produit à proximité de ma maison en Provence. Si vous cliquez sur l'image, vous aurez accès au site de ce producteur)
Plus nous sommes connectés tous ensemble, plus les réseaux d'internet et de la téléphone mobile nous permettent de nous abstraire de l'endroit physique où nous nous trouvons, plus nous avons besoin de repères et d'enracinement : le vin que je vais boire, mon corps saura d'où il vient. C'est rassurant…
23 déc. 2009
L’ABSURDITÉ DES « TEMPS MODERNES » EST AUJOURD’HUI SOUVENT DANS LES BUREAUX
Quand je me trouve dans des lieux comme des services administratifs ou des centres d'appel, je ne peux m'empêcher de penser au film de Charlie Chaplin, les Temps modernes.
Dans ce film, on voyait Charlot être prisonnier du rythme des machines qui l'entouraient et l'asservissaient : le développement de la mécanisation et la mise en place du travail à la chaîne grâce au taylorisme avaient abouti à cette déshumanisation du travail en usine. L'insertion de l'électronique et de l'informatique dans les machines couplée avec la formation et l'enrichissement des tâches, ont permis progressivement de donner de la souplesse et de supprimer ces chaînes asservissantes. Plus personne ne pense aux Temps modernes qu'il regarde une usine actuelle : l'homme a été remis au cœur du processus de production.
L'arrivée des technologies de l'information dans les bureaux est un peu de même nature que la mécanisation initiale dans les usines : on a taylorisé le travail administratif, la machine – ici le système d'information – étant au cœur et les hommes à son service. L'exemple le plus criant est celui des centres d'appel : le système choisit vers qui envoyer l'appel, le système propose en temps réel un script que l'agent doit suivre dans sa discussion avec l'appelant, le système surveille tous les paramètres et établit automatiquement rapport et alertes…
Dans les Temps modernes, c'était le corps de Charlot qui était mis à mal : soumis au rythme inexorable des machines, il pouvait penser à autre chose, car le système ne lui demandait pas de penser – surtout pas ! –, mais juste de suivre mécaniquement ce que lui imposait la machine. Dans les bureaux d'aujourd'hui, on ne peut plus penser à autre chose, car c'est l'activité cérébrale qui est prise dans l'étau de cette taylorisation intellectuelle.
Dans les usines du siècle dernier, c'étaient les corps qui avaient des accidents. Dans les bureaux d'aujourd'hui, ce sont les cerveaux qui en ont de plus en plus. Tout témoigne de cette dégradation.
« Heureusement », cette mécanisation administrative montre ses limites, même par rapport à son objectif initial : plus elle se développe, plus la relation client devient mécanique et de moindre qualité. Les derniers développements des technologies de l'information permettent aussi de remettre les hommes au cœur du système, pour peu qu'on le veuille vraiment.
Il y a urgence…
22 déc. 2009
S’ORGANISER SUR LE PIRE POUR N’AVOIR PLUS QUE DES BONNES NOUVELLES
Si je choisis un scénario médiant, une fois sur deux, j'aurai à faire face à un débordement
« Cela fait plus de quinze minutes que je t'attends, lui dis-je. On avait bien pourtant prévu de se retrouver à 11h, non ? Nous allons être en retard pour notre rendez-vous.
- Désolé, mais il y a eu plus d'embouteillages que je ne pensais, me répondit-il.
- Une question : combien de temps tu pensais mettre entre ton rendez-vous précédent et ici ?
- Trente minutes. Pourquoi me demandes-tu cela ?
- Tu vas voir. Et donc tu es parti à 10h30 ?
- Oui, puisque je pensais mettre trente minutes.
- Mais en fait, tu n'es pas vraiment sûr de mettre trente minutes. La preuve, tu es en retard… Comme d'habitude, d'ailleurs… Donc quand tu estimais le temps à trente minutes, tu penses que c'était plus ou moins combien de minutes.
- Je ne sais pas exactement. Je dirais quinze, vingt minutes.
- Donc si tu pars, trente minutes avant, tu as donc systématiquement une chance sur deux d'être en retard.
- Vu comme cela, oui.
- Donc à partir de maintenant, quand tu choisiras ton heure de départ, tu tiendras compte de l'incertitude : si tu penses que la durée d'un trajet est de trente minutes plus ou moins quinze minutes, tu pars quarante-cinq minutes avant ton rendez-vous. Comme cela, tu seras, sauf accident exceptionnel, sûr d'être à l'heure. Souvent tu seras en avance, mais tu ne feras plus porter le poids de l'incertitude sur les autres. Ce sera l'occasion de faire une dernière préparation de ton rendez-vous… »
Cette anecdote me vient d'une histoire réelle avec un collaborateur qui n'arrivait jamais à l'heure.
Comme lui, souvent, nous avons tendance à nous organiser sur un scénario médiant : aussi une fois sur deux, nous sommes pris de court, débordés par la situation. Ceci est vrai pour la gestion du temps, mais aussi pour la gestion de la trésorerie, l'organisation d'un projet complexe,…
Pour garder la maîtrise du bon déroulement, il faut chercher à « mettre l'incertitude à l'intérieur » de son calcul, en s'organisant à partir de la pire des hypothèses. On n'aura ainsi plus qu'à gérer « des bonnes nouvelles ».
C'est plus facile, non ?
« Cela fait plus de quinze minutes que je t'attends, lui dis-je. On avait bien pourtant prévu de se retrouver à 11h, non ? Nous allons être en retard pour notre rendez-vous.
- Désolé, mais il y a eu plus d'embouteillages que je ne pensais, me répondit-il.
- Une question : combien de temps tu pensais mettre entre ton rendez-vous précédent et ici ?
- Trente minutes. Pourquoi me demandes-tu cela ?
- Tu vas voir. Et donc tu es parti à 10h30 ?
- Oui, puisque je pensais mettre trente minutes.
- Mais en fait, tu n'es pas vraiment sûr de mettre trente minutes. La preuve, tu es en retard… Comme d'habitude, d'ailleurs… Donc quand tu estimais le temps à trente minutes, tu penses que c'était plus ou moins combien de minutes.
- Je ne sais pas exactement. Je dirais quinze, vingt minutes.
- Donc si tu pars, trente minutes avant, tu as donc systématiquement une chance sur deux d'être en retard.
- Vu comme cela, oui.
- Donc à partir de maintenant, quand tu choisiras ton heure de départ, tu tiendras compte de l'incertitude : si tu penses que la durée d'un trajet est de trente minutes plus ou moins quinze minutes, tu pars quarante-cinq minutes avant ton rendez-vous. Comme cela, tu seras, sauf accident exceptionnel, sûr d'être à l'heure. Souvent tu seras en avance, mais tu ne feras plus porter le poids de l'incertitude sur les autres. Ce sera l'occasion de faire une dernière préparation de ton rendez-vous… »
Cette anecdote me vient d'une histoire réelle avec un collaborateur qui n'arrivait jamais à l'heure.
Comme lui, souvent, nous avons tendance à nous organiser sur un scénario médiant : aussi une fois sur deux, nous sommes pris de court, débordés par la situation. Ceci est vrai pour la gestion du temps, mais aussi pour la gestion de la trésorerie, l'organisation d'un projet complexe,…
Pour garder la maîtrise du bon déroulement, il faut chercher à « mettre l'incertitude à l'intérieur » de son calcul, en s'organisant à partir de la pire des hypothèses. On n'aura ainsi plus qu'à gérer « des bonnes nouvelles ».
C'est plus facile, non ?
21 déc. 2009
« LE PLUS DIFFICILE EN PÉRIODE TROUBLE N’EST PAS DE FAIRE SON DEVOIR, MAIS DE LE CONNAÎTRE »
Patchwork issu de La méthode 6. Éthique d'Edgar Morin
Le vivant se nourrit de la mort
« Ainsi en est-il des écosystèmes qui « vivent la mort ». Ainsi en est-il de nous autres animaux, mammifères, primates, humains, qui vivons par régénération permanente de nos cellules et molécules à partir de leur mort et de leur destruction. Ainsi en est-il de nos sociétés qui se régénèrent en éduquant les générations nouvelles tandis que meurent les anciennes. « Vivre de mort, mourir de vie », avait énoncé Héraclite. »
« Le vie lutte cruellement contre la cruauté du monde et résiste avec cruauté à sa propre cruauté. Tout vivant tue et mange du vivant. Le cycle nourricier des écosystèmes (cycle trophique) est en même temps un cycle de mort pour les animaux et végétaux dévorés. La régulation écologique se paie par des hécatombes. La cruauté est le prix à payer pour la grande solidarité de la biosphère. La Nature est à la fois mère et marâtre. Tout vivant lutte contre la mort en intégrant la mort pour se régénérer (mort des cellules dans les organismes individuels remplacées par des cellules neuves, mort des vieillards dans les sociétés remplacés par les nouvelles générations). »
Qu'est-ce comprendre ?
« Nous sommes totalement responsables de nos paroles, de nos écrits, de nos actions, mais nous ne sommes pas responsables de leur interprétation ni de leurs conséquences. »
« Les idées nous manipulent plus que nous les manipulons. La possession par l'idée nous rend incompréhensifs de ceux qui sont possédés par d'autres idées que les nôtres et de ceux qui ne sont pas possédés par nos idées. »
« Comprendre, c'est comprendre les motivations intérieures, c'est situer dans le contexte et le complexe. Comprendre, ce n'est pas tout expliquer. La connaissance complexe reconnaît toujours un résidu inexplicable. Comprendre, ce n'est pas tout comprendre, c'est aussi reconnaître qu'il y a de l'incompréhensible. »
« Comprendre n'est pas innocenter, ni s'abstenir de juger, ni s'abstenir d'agir, c'est reconnaître que les auteurs de forfaits ou d'infamies sont aussi des êtres humains. N'oublions jamais le message de Robert Antelme : les SS veulent nous retrancher de l'espèce humaine, ils ne le pourront pas, mais nous-mêmes ne pouvons (ne devons) les retrancher de l'espèce humaine. »
« Conditionner le pardon au repentir, c'est perdre le sens profond du pardon qui est un pari sur l'humain. (…) Mais la confiance elle-même peut vaincre la méfiance. C'est pourquoi le pardon, acte de confiance en la nature humaine, est un pari. »
L'incertitude fait que l'on ne fait jamais réellement ce que l'on avait voulu
« Ainsi l'agir humain devient catastrophiquement imprévisible. « On déclenche des processus dont l'issue est imprévisible, de sorte que l'incertitude (…) devient la caractéristique essentielle des affaires humaines. » (Hannah Arendt) (…) Nulle action n'est donc assurée d'œuvrer dans le sens de son intention. »
« Les scientifiques partagent avec les autres citoyens une autre cause d'aveuglement éthique : c'est l'ignorance de l'écologie de l'action ; celle-ci, rappelons-le, enseigne que toute action humaine, dès qu'elle est entreprise, échappe à son initiateur et entre dans un jeu d'interactions multiples qui la détournent de son but et parfois lui donnent une destination contraire à son intention. Ceci est vrai en général pour les actions politiques, ceci est vrai aussi pour les actions scientifiques. »
« L'utopisme banal ignore les impossibilités. Le réalisme banal ignore les possibilités. Comme nous l'avons vu, le réalisme banal ignore que le réel est travaillé par des forces souterraines, au départ invisibles, qui tendent à la transformer. Il ignore l'incertitude du réel. (…) Le vrai réalisme se fonde sur l'incertitude du réel. (…) Comprendre l'incertitude du réel, savoir qu'il y a du possible encore invisible dans le réel. »
Le développement de l'incertitude en appelle à la reliance
« Plus nous sommes autonomes, plus nous devons assumer l'incertitude et l'inquiétude, plus nous avons besoin de reliance. Plus nous prenons conscience que nous sommes perdus dans l'univers et que nous sommes engagés dans une aventure inconnue, plus nous avons besoin d'être reliés à nos frères et sœurs de l'humanité. »
« Au niveau de la plus haute complexité humaine, la reliance ne peut être qu'amour. (…) L'humanité n'a pas souffert seulement d'insuffisance d'amour. Elle a produit des outrances d'amour qui se sont précipitées sur les dieux, les idoles et les idées, et sont revenus sur les humains, transmutées en intolérance et terreur. »
« Le plus difficile en période trouble n'est pas de faire son devoir, mais de le connaître. » (Rivarol)
« Les fragments d'humanité sont désormais en interdépendance, mais l'interdépendance ne crée pas la solidarité ; ils sont en communications, mais les communications techniques ou mercantiles ne créent pas la compréhension ; l'accumulation des informations ne crée pas la connaissance, et l'accumulation des connaissances ne crée pas la compréhension. »
« La pensée complexe est la pensée qui relie. L'éthique complexe est l'éthique de la reliance. La mission éthique peut se concentrer en un terme « relier ». Il faut, pour tous et pour chacun, pour la survie de l'humanité, reconnaître la nécessité de relier :
- Se relier aux nôtres,
- Se relier aux autres,
- Se relier à la Terre-Patrie »
Le vivant se nourrit de la mort
« Ainsi en est-il des écosystèmes qui « vivent la mort ». Ainsi en est-il de nous autres animaux, mammifères, primates, humains, qui vivons par régénération permanente de nos cellules et molécules à partir de leur mort et de leur destruction. Ainsi en est-il de nos sociétés qui se régénèrent en éduquant les générations nouvelles tandis que meurent les anciennes. « Vivre de mort, mourir de vie », avait énoncé Héraclite. »
« Le vie lutte cruellement contre la cruauté du monde et résiste avec cruauté à sa propre cruauté. Tout vivant tue et mange du vivant. Le cycle nourricier des écosystèmes (cycle trophique) est en même temps un cycle de mort pour les animaux et végétaux dévorés. La régulation écologique se paie par des hécatombes. La cruauté est le prix à payer pour la grande solidarité de la biosphère. La Nature est à la fois mère et marâtre. Tout vivant lutte contre la mort en intégrant la mort pour se régénérer (mort des cellules dans les organismes individuels remplacées par des cellules neuves, mort des vieillards dans les sociétés remplacés par les nouvelles générations). »
Qu'est-ce comprendre ?
« Nous sommes totalement responsables de nos paroles, de nos écrits, de nos actions, mais nous ne sommes pas responsables de leur interprétation ni de leurs conséquences. »
« Les idées nous manipulent plus que nous les manipulons. La possession par l'idée nous rend incompréhensifs de ceux qui sont possédés par d'autres idées que les nôtres et de ceux qui ne sont pas possédés par nos idées. »
« Comprendre, c'est comprendre les motivations intérieures, c'est situer dans le contexte et le complexe. Comprendre, ce n'est pas tout expliquer. La connaissance complexe reconnaît toujours un résidu inexplicable. Comprendre, ce n'est pas tout comprendre, c'est aussi reconnaître qu'il y a de l'incompréhensible. »
« Comprendre n'est pas innocenter, ni s'abstenir de juger, ni s'abstenir d'agir, c'est reconnaître que les auteurs de forfaits ou d'infamies sont aussi des êtres humains. N'oublions jamais le message de Robert Antelme : les SS veulent nous retrancher de l'espèce humaine, ils ne le pourront pas, mais nous-mêmes ne pouvons (ne devons) les retrancher de l'espèce humaine. »
« Conditionner le pardon au repentir, c'est perdre le sens profond du pardon qui est un pari sur l'humain. (…) Mais la confiance elle-même peut vaincre la méfiance. C'est pourquoi le pardon, acte de confiance en la nature humaine, est un pari. »
L'incertitude fait que l'on ne fait jamais réellement ce que l'on avait voulu
« Ainsi l'agir humain devient catastrophiquement imprévisible. « On déclenche des processus dont l'issue est imprévisible, de sorte que l'incertitude (…) devient la caractéristique essentielle des affaires humaines. » (Hannah Arendt) (…) Nulle action n'est donc assurée d'œuvrer dans le sens de son intention. »
« Les scientifiques partagent avec les autres citoyens une autre cause d'aveuglement éthique : c'est l'ignorance de l'écologie de l'action ; celle-ci, rappelons-le, enseigne que toute action humaine, dès qu'elle est entreprise, échappe à son initiateur et entre dans un jeu d'interactions multiples qui la détournent de son but et parfois lui donnent une destination contraire à son intention. Ceci est vrai en général pour les actions politiques, ceci est vrai aussi pour les actions scientifiques. »
« L'utopisme banal ignore les impossibilités. Le réalisme banal ignore les possibilités. Comme nous l'avons vu, le réalisme banal ignore que le réel est travaillé par des forces souterraines, au départ invisibles, qui tendent à la transformer. Il ignore l'incertitude du réel. (…) Le vrai réalisme se fonde sur l'incertitude du réel. (…) Comprendre l'incertitude du réel, savoir qu'il y a du possible encore invisible dans le réel. »
Le développement de l'incertitude en appelle à la reliance
« Plus nous sommes autonomes, plus nous devons assumer l'incertitude et l'inquiétude, plus nous avons besoin de reliance. Plus nous prenons conscience que nous sommes perdus dans l'univers et que nous sommes engagés dans une aventure inconnue, plus nous avons besoin d'être reliés à nos frères et sœurs de l'humanité. »
« Au niveau de la plus haute complexité humaine, la reliance ne peut être qu'amour. (…) L'humanité n'a pas souffert seulement d'insuffisance d'amour. Elle a produit des outrances d'amour qui se sont précipitées sur les dieux, les idoles et les idées, et sont revenus sur les humains, transmutées en intolérance et terreur. »
« Le plus difficile en période trouble n'est pas de faire son devoir, mais de le connaître. » (Rivarol)
« Les fragments d'humanité sont désormais en interdépendance, mais l'interdépendance ne crée pas la solidarité ; ils sont en communications, mais les communications techniques ou mercantiles ne créent pas la compréhension ; l'accumulation des informations ne crée pas la connaissance, et l'accumulation des connaissances ne crée pas la compréhension. »
« La pensée complexe est la pensée qui relie. L'éthique complexe est l'éthique de la reliance. La mission éthique peut se concentrer en un terme « relier ». Il faut, pour tous et pour chacun, pour la survie de l'humanité, reconnaître la nécessité de relier :
- Se relier aux nôtres,
- Se relier aux autres,
- Se relier à la Terre-Patrie »
18 déc. 2009
POURQUOI NOTER DES RÉUNIONS AUXQUELLES ON N’IRA TRÈS PROBABLEMENT PAS
Comment classer ses rendez-vous en trois catégories
Ainsi que l'indique très justement Jean-Louis Servan-Schreiber dans « Le nouvel art du temps », si nous n'y prenons pas garde, nous n'avons aucun temps disponible pour réfléchir : au fur et à mesure des demandes de rendez-vous, l'agenda se remplit. In fine, il est plein, et, pour avoir du temps à nous, nous sommes alors contraints à soit arriver à sept heures du matin, soit repartir après vingt-et-une heures. Aussi suggérait-il de « régulièrement prendre rendez-vous avec nous-mêmes pour des plages au moins hebdomadaires ».
Mon métier de consultant reposant par construction sur le temps et ma capacité à l'optimiser constamment au mieux, j'ai développé une approche complémentaire. Elle consiste à classer tous les réunions en trois catégories :
D'abord, à noter qu'il n'y a pas une 4ème catégorie qui correspondrait au cas où je participe à une réunion pour laquelle ma présence n'a pas d'impact et dont je ne retirerais rien. A quoi bon y aller ? Donc, cela permet de « faire le ménage » dès la prise de rendez-vous : toujours refuser d'aller à ce type de réunion.
Ensuite, le fait d'avoir hiérarchiser son agenda de cette façon va permettre de gérer les imprévus et de réallouer dynamiquement son temps, soit pour trouver de la place pour une réunion non planifiée, soit pour se dégager du temps pour soi-même.
En effet, si vous appliquez cette typologie à votre agenda, vous verrez que vous avez très peu de réunions de type 1. Bon nombre des rendez-vous peuvent avoir lieu sans vous et donc de type 2. Même s'il faut chercher à « taper » en priorité dans les rendez-vous de type 3, seuls les rendez-vous de type 1 sont les points réellement durs : toute modification suppose une reprogrammation complète de la réunion.
Pourquoi marquer ce type de réunions de type 3 sur son agenda, alors que la plupart du temps on n'ira pas ?
D'abord parce que y aller reste une bonne idée, car c'est souvent au cours de ces moments-là que l'on peut élargir son champ de réflexion et acquérir de nouvelles informations. Comme on n'est pas en première ligne, on est naturellement plus disponible et plus ouvert.
Ensuite, parce que c'est une autre façon de prendre rendez-vous avec vous-mêmes comme le recommande Jean-Louis Servan-Schreiber…
Ainsi que l'indique très justement Jean-Louis Servan-Schreiber dans « Le nouvel art du temps », si nous n'y prenons pas garde, nous n'avons aucun temps disponible pour réfléchir : au fur et à mesure des demandes de rendez-vous, l'agenda se remplit. In fine, il est plein, et, pour avoir du temps à nous, nous sommes alors contraints à soit arriver à sept heures du matin, soit repartir après vingt-et-une heures. Aussi suggérait-il de « régulièrement prendre rendez-vous avec nous-mêmes pour des plages au moins hebdomadaires ».
Mon métier de consultant reposant par construction sur le temps et ma capacité à l'optimiser constamment au mieux, j'ai développé une approche complémentaire. Elle consiste à classer tous les réunions en trois catégories :
- Celles où ma présence est absolument indispensable, c'est-à-dire que mon absence annule l'existence même du rendez-vous. Il peut s'agir de toutes les réunions à deux, mais aussi de celles où je suis le présentateur ou l'animateur sans possibilité de remplacement,
- Celles où ma présence est nécessaire (soit par la valeur ajoutée spécifique que je peux apporter, soit par l'importance du sujet traité et ses conséquences dans le futur), mais pas indispensable, c'est-à-dire que la réunion peut se tenir sans moi. Ce sont par exemple tous les comités de direction et de suivi (sauf si j'en suis le président ou le rapporteur sans remplaçant possible).
- Celles où ma présence n'a pas d'impact sur la réunion, mais dont je vais en retirer une plus-value personnelle. Ce sont bien sûr toutes les réunions d'information, mais aussi bon nombre de comités auxquels je peux participer sans être directement impliqué à l'ordre du jour.
D'abord, à noter qu'il n'y a pas une 4ème catégorie qui correspondrait au cas où je participe à une réunion pour laquelle ma présence n'a pas d'impact et dont je ne retirerais rien. A quoi bon y aller ? Donc, cela permet de « faire le ménage » dès la prise de rendez-vous : toujours refuser d'aller à ce type de réunion.
Ensuite, le fait d'avoir hiérarchiser son agenda de cette façon va permettre de gérer les imprévus et de réallouer dynamiquement son temps, soit pour trouver de la place pour une réunion non planifiée, soit pour se dégager du temps pour soi-même.
En effet, si vous appliquez cette typologie à votre agenda, vous verrez que vous avez très peu de réunions de type 1. Bon nombre des rendez-vous peuvent avoir lieu sans vous et donc de type 2. Même s'il faut chercher à « taper » en priorité dans les rendez-vous de type 3, seuls les rendez-vous de type 1 sont les points réellement durs : toute modification suppose une reprogrammation complète de la réunion.
Pourquoi marquer ce type de réunions de type 3 sur son agenda, alors que la plupart du temps on n'ira pas ?
D'abord parce que y aller reste une bonne idée, car c'est souvent au cours de ces moments-là que l'on peut élargir son champ de réflexion et acquérir de nouvelles informations. Comme on n'est pas en première ligne, on est naturellement plus disponible et plus ouvert.
Ensuite, parce que c'est une autre façon de prendre rendez-vous avec vous-mêmes comme le recommande Jean-Louis Servan-Schreiber…
17 déc. 2009
« NOUS SOMMES DÉJÀ RÉUNIS DEPUIS 500 € »
Plus on est nombreux, plus cela devrait aller vite…
Je prolonge mon billet d'hier relatif au temps et la lecture du Nouvel Art du Temps de Jean-Louis Servan-Schreiber par une observation sur les réunions en entreprises.
Compte-tenu de mon métier de consultant, j'ai eu l'occasion de participer ou assister à un très grand nombre de réunions.
Il m'est venu, il y a quelques années, une idée « fantaisiste » pour améliorer le fonctionnement des réunions, suffisamment fantaisiste pour que je n'aie cherché jamais à le mettre en pratique, suffisamment logique pour que j'en parle ici.
Quelle est-elle ? Classiquement, pour une réunion donnée, on fixe une date et une durée, et un certain nombre de participants. Au moment de monter la réunion, on va réfléchir à la durée en fonction de l'importance et de la difficulté du sujet à traiter. Mais à aucun moment, on ne va vraiment chercher à faire le lien entre cette durée et le nombre et la qualité des participants (sauf, bien sûr, à tenir compte de leur disponibilité). De même, on ne calcule que rarement, le coût de cette réunion.
Or, plus il y aura de monde dans une réunion donnée, plus il y aura d'intelligence collective, et donc « normalement », plus la réunion devrait être efficace. Ce n'est malheureusement, la plupart du temps, pas le cas, car l'accroissement du nombre de participants va surtout de pair avec la multiplication des arguties et des polémiques internes. On peut donc avoir une situation paradoxale : accroissement du nombre de participants et donc du coût, et dégradation de la qualité de la réunion.
Il m'est un jour venu alors l'idée suivante : plutôt que de prévoir une réunion disons d'une heure, pourquoi ne pas prévoir une réunion de « tant d'euros ». Il suffit parallèlement que chaque membre de l'entreprise ait un coût horaire (facile à calculer à partir du salaire, des charges sociales et des coûts administratifs directs). Ceci aurait déjà pour mérite de mettre en regard le coût de la réunion avec la valeur du sujet traité.
De plus, on pourrait remplacer les horloges par des compteurs débitant des euros et, quand quelqu'un demande à participer ou soit convoqué, avoir son coût horaire chargé dans le système. Dès lors, plus il y aura de participants, moins la réunion devra durer longtemps. On pourrait donc en cours de réunion, au bout d'un moment, avoir quelqu'un qui dirait : « Nous sommes déjà réunis depuis 500 €, et il ne nous en reste plus que 1500. Il faut absolument que l'on avance. »
Évidemment, comme la mise en œuvre d'une telle idée ne serait pas de nature à détendre l'ambiance en entreprise et à diminuer le stress, je ne la recommande pas telle qu'elle. Mais bien souvent, quand je suis dans des réunions surchargées et qui s'éternisent, je ne peux m'empêcher d'imaginer ce compteur monétaire en train de tourner…
Je prolonge mon billet d'hier relatif au temps et la lecture du Nouvel Art du Temps de Jean-Louis Servan-Schreiber par une observation sur les réunions en entreprises.
Compte-tenu de mon métier de consultant, j'ai eu l'occasion de participer ou assister à un très grand nombre de réunions.
Il m'est venu, il y a quelques années, une idée « fantaisiste » pour améliorer le fonctionnement des réunions, suffisamment fantaisiste pour que je n'aie cherché jamais à le mettre en pratique, suffisamment logique pour que j'en parle ici.
Quelle est-elle ? Classiquement, pour une réunion donnée, on fixe une date et une durée, et un certain nombre de participants. Au moment de monter la réunion, on va réfléchir à la durée en fonction de l'importance et de la difficulté du sujet à traiter. Mais à aucun moment, on ne va vraiment chercher à faire le lien entre cette durée et le nombre et la qualité des participants (sauf, bien sûr, à tenir compte de leur disponibilité). De même, on ne calcule que rarement, le coût de cette réunion.
Or, plus il y aura de monde dans une réunion donnée, plus il y aura d'intelligence collective, et donc « normalement », plus la réunion devrait être efficace. Ce n'est malheureusement, la plupart du temps, pas le cas, car l'accroissement du nombre de participants va surtout de pair avec la multiplication des arguties et des polémiques internes. On peut donc avoir une situation paradoxale : accroissement du nombre de participants et donc du coût, et dégradation de la qualité de la réunion.
Il m'est un jour venu alors l'idée suivante : plutôt que de prévoir une réunion disons d'une heure, pourquoi ne pas prévoir une réunion de « tant d'euros ». Il suffit parallèlement que chaque membre de l'entreprise ait un coût horaire (facile à calculer à partir du salaire, des charges sociales et des coûts administratifs directs). Ceci aurait déjà pour mérite de mettre en regard le coût de la réunion avec la valeur du sujet traité.
De plus, on pourrait remplacer les horloges par des compteurs débitant des euros et, quand quelqu'un demande à participer ou soit convoqué, avoir son coût horaire chargé dans le système. Dès lors, plus il y aura de participants, moins la réunion devra durer longtemps. On pourrait donc en cours de réunion, au bout d'un moment, avoir quelqu'un qui dirait : « Nous sommes déjà réunis depuis 500 €, et il ne nous en reste plus que 1500. Il faut absolument que l'on avance. »
Évidemment, comme la mise en œuvre d'une telle idée ne serait pas de nature à détendre l'ambiance en entreprise et à diminuer le stress, je ne la recommande pas telle qu'elle. Mais bien souvent, quand je suis dans des réunions surchargées et qui s'éternisent, je ne peux m'empêcher d'imaginer ce compteur monétaire en train de tourner…
16 déc. 2009
« NOUS SOMMES PLUS STRESSÉS QU’OBÈSES »
Patchwork tiré du « Nouvel Art du temps » de Jean-Louis Servan-Schreiber
« Le vocabulaire courant nous met sur de fausses pistes. « Gagner » ou « perdre » du temps n'a aucun sens. Nous disposons de la totalité du temps disponible, lequel est imperturbable et non modifiable. »
« Ce n'est plus la lumière solaire, mais l'heure d'entrée et de sortie de l'usine qui rythme les journées. (…) Et comme l'ouvrier ne fabrique plus lui-même ses aliments ou ses vêtements, il doit s'adapter aux horaires d'ouverture de ceux qui vendent. Quand, enfin, beaucoup plus tard, les conquêtes sociales, lui permettent d'introduire des loisirs dans sa vie, il lui faut aussi être à l'heure pour le début su spectacle ou de l'émission de télé. »
« Le Choix du moment : Notons que c'est l'écriture et non l'imprimerie qui a permis de décaler la naissance d'une idée de sa réception parmi nous. (…) Aujourd'hui, ce pouvoir de décalage entre production et usage s'est généralisé grâce à une prolifération des machines. Le congélateur, (…) le magnétoscope, (…) et toutes les messageries écrites ou parlées. »
« Nous réfléchissons bien plus à l'emploi de notre argent, renouvelable, qu'à celui de notre temps, irremplaçable. »
« Le grand morcellement de notre temps ne s'est propagé que depuis la Seconde Guerre mondiale. (…) Les déménagements, (…) les changements d'employeurs, ou même de métier, (…) les amours successives (…) A une vie courte aux temps peu nombreux, s'est substituée une vie longue aux temps multiples et mêlés. »
« Plus stressés qu'obèses : ulcères, crises cardiaques ou cancers naissent dans le sillage du stress, qui est au temps ce que l'obésité est à la nourriture. »
« Nous travaillons sans recul. Pour un canon, c'est un progrès. Pas pour un cerveau. »
« Le vocabulaire courant nous met sur de fausses pistes. « Gagner » ou « perdre » du temps n'a aucun sens. Nous disposons de la totalité du temps disponible, lequel est imperturbable et non modifiable. »
« Ce n'est plus la lumière solaire, mais l'heure d'entrée et de sortie de l'usine qui rythme les journées. (…) Et comme l'ouvrier ne fabrique plus lui-même ses aliments ou ses vêtements, il doit s'adapter aux horaires d'ouverture de ceux qui vendent. Quand, enfin, beaucoup plus tard, les conquêtes sociales, lui permettent d'introduire des loisirs dans sa vie, il lui faut aussi être à l'heure pour le début su spectacle ou de l'émission de télé. »
« Le Choix du moment : Notons que c'est l'écriture et non l'imprimerie qui a permis de décaler la naissance d'une idée de sa réception parmi nous. (…) Aujourd'hui, ce pouvoir de décalage entre production et usage s'est généralisé grâce à une prolifération des machines. Le congélateur, (…) le magnétoscope, (…) et toutes les messageries écrites ou parlées. »
« Nous réfléchissons bien plus à l'emploi de notre argent, renouvelable, qu'à celui de notre temps, irremplaçable. »
« Le grand morcellement de notre temps ne s'est propagé que depuis la Seconde Guerre mondiale. (…) Les déménagements, (…) les changements d'employeurs, ou même de métier, (…) les amours successives (…) A une vie courte aux temps peu nombreux, s'est substituée une vie longue aux temps multiples et mêlés. »
« Plus stressés qu'obèses : ulcères, crises cardiaques ou cancers naissent dans le sillage du stress, qui est au temps ce que l'obésité est à la nourriture. »
« Nous travaillons sans recul. Pour un canon, c'est un progrès. Pas pour un cerveau. »
15 déc. 2009
« LES MONTAGNES S’ÉCOULENT DEVANT DIEU »
On ne peut pas voir les effets à long terme au travers d'observations immédiates
Quand nous regardons le monde qui nous entoure, nous distinguons des liquides et des solides. Effectivement, si je verse un liquide, il va immédiatement se répandre sur toute la surface du sol ; si je pose un solide, il restera là où je l'ai posé. Entre les deux, c'est le monde du visqueux ou du pâteux (pensez à du sirop, du ketchup ou un plastique chauffé).Certes… mais si je prolonge mon observation du solide, il va finir par lui-aussi « couler ». En fait, la différence entre solide et liquide est une question d'échelle de temps : un liquide coule immédiatement, un solide de façon différée (il flue). Ceci dépend du « nombre de Deborah » (en référence à la prophétesse Deborah qui, après la victoire de Baraq sur Sisera le Philistin, dit : « Les montagnes s'écoulent devant Dieu ») : ce nombre est le rapport entre le temps de relaxation de la matière suite à une déformation (le temps de relaxation est le temps de retour à l'équilibre et est une propriété intrinsèque de la matière) et le temps d'observation.
Si mon temps d'observation est très inférieur au temps de relaxation, la matière m'apparaît comme solide. S'il est très supérieur, elle m'apparaît comme liquide (le temps de relaxation de l'eau est de 10-12 s). Entre les deux, elle va m'apparaître plus ou moins visqueuse ou pâteuse.
Je ne peux m'empêcher de faire le lien avec l'entreprise, le management et la prise de décision.
N'y a-t-il pas là aussi un lien entre le temps d'observation et ce que l'on observe ? Est-ce qu'à vouloir décider vite, on n'est pas condamné à des temps d'analyse et d'observation tellement courts, qu'ils nous trompent sur la réalité en nous masquant les effets à long terme ? Comment peut-on créer de la valeur dans la durée si l'on ne tient pas compte de ces effets à long terme ?
Faisons attention à cette culture du zapping et de la plus-value à court terme. En management, il n'y a pas besoin d'invoquer Dieu pour voir les montagnes couler, il suffit souvent d'attendre un peu…
14 déc. 2009
POURQUOI SOMMES NOUS NÉS « PAR HASARD ET POUR RIEN »
Nous sommes libres grâce à l'incertitude
Le 9 décembre, dans « Nous n'aimons pas l'incertitude », je suis notamment revenu sur un article ancien, « Nous sommes nés par hard et pour rien ». Suite à des réactions récentes, j'ai vu qu'il fallait que je précise le sens que je donnais à « par hasard et pour rien ».
D'abord, pourquoi par hasard ? Certes c'est grâce à mes parents que j'existe, mais ils ne pouvaient pas savoir, ni donc a fortiori vouloir, que ce soit moi, leur enfant. Ils ont voulu un enfant et il se trouve que c'est moi. Dès ma naissance, la personne que je suis, celle qui émerge de mon existence était imprévisible ; puis ma personnalité est le fruit de cette origine et des aléas de ma vie. Je suis ainsi le construit des heurs et hasards de ma vie. A posteriori, oui, il est clair que je suis leur fils, et donc, personne d'autre ne peut dire qu'il l'est. Mais je suis bien le fruit d'un hasard : la volonté de mes parents était simplement d'avoir un enfant sans savoir qui il serait. Le fait d'être aimé ou non ne change rien à cela. C'est d'ailleurs bien la noblesse de l'amour de se consacrer à ce que l'on n'a ni prévu ni dessiné à l'avance.
Ensuite « pour rien ». Je n'ai pas été conçu pour accomplir quelque chose. Personne n'a défini a priori ce que je devais faire de ma vie, ni quelles devaient en être les conséquences. C'est en ce sens que je dis « pour rien ». C'est là la vraie garantie de nos libertés individuelles : nous ne sommes pas nés pour mettre en œuvre la volonté ou le projet d'un autre. C'est à chacun de nous de choisir sa voie et de faire preuve de sa responsabilité personnelle pour faire au mieux.
Le 9 décembre, dans « Nous n'aimons pas l'incertitude », je suis notamment revenu sur un article ancien, « Nous sommes nés par hard et pour rien ». Suite à des réactions récentes, j'ai vu qu'il fallait que je précise le sens que je donnais à « par hasard et pour rien ».
D'abord, pourquoi par hasard ? Certes c'est grâce à mes parents que j'existe, mais ils ne pouvaient pas savoir, ni donc a fortiori vouloir, que ce soit moi, leur enfant. Ils ont voulu un enfant et il se trouve que c'est moi. Dès ma naissance, la personne que je suis, celle qui émerge de mon existence était imprévisible ; puis ma personnalité est le fruit de cette origine et des aléas de ma vie. Je suis ainsi le construit des heurs et hasards de ma vie. A posteriori, oui, il est clair que je suis leur fils, et donc, personne d'autre ne peut dire qu'il l'est. Mais je suis bien le fruit d'un hasard : la volonté de mes parents était simplement d'avoir un enfant sans savoir qui il serait. Le fait d'être aimé ou non ne change rien à cela. C'est d'ailleurs bien la noblesse de l'amour de se consacrer à ce que l'on n'a ni prévu ni dessiné à l'avance.
Ensuite « pour rien ». Je n'ai pas été conçu pour accomplir quelque chose. Personne n'a défini a priori ce que je devais faire de ma vie, ni quelles devaient en être les conséquences. C'est en ce sens que je dis « pour rien ». C'est là la vraie garantie de nos libertés individuelles : nous ne sommes pas nés pour mettre en œuvre la volonté ou le projet d'un autre. C'est à chacun de nous de choisir sa voie et de faire preuve de sa responsabilité personnelle pour faire au mieux.
11 déc. 2009
LA SOUPE À L’OIGNON OU L’ECSTASY VERSION LYONNAISE !
Le viagra des noctanphiles
Toute sortie nocturne qui se prolonge au-delà du raisonnable déclenche une fatigue corporelle bien compréhensible. Dès lors se pose un problème clé : comment arriver à faire face avec l'after sans s'écrouler lamentablement sur la piste ou dans les bras de la première fille ou garçon qui passent ?
Avant de vous apporter une réponse originale et personnelle à cette question critique et ô combien essentielle, quelques explications de vocabulaire pour les lecteurs de ce blog qui ne seraient pas des « noctanphiles » :
- L'after est ce moment délicieux qui se déroule à partir de six heures du matin pour se terminer le plus tard possible dans cette journée qui a subrepticement commencé à l'extérieur. Il a lieu dans un endroit pourvu d'une piste de danse, de sofas, et d'un recoin où l'on peut trouver des boissons et quelques victuailles (certains l'appellent « bar »).
- Un « noctanphile » est un individu ou une individuette qui aime la nuit. Il ou elle aime tellement la nuit qu'il ou elle cherche à la prolonger au maximum en se réfugiant, avant que le jour ne paraisse, dans des lieux clos où il ou ellene verra rien du monde extérieur. Ces lieux sont soit l'endroit où, rideaux tirés, volets fermés, il ou elle va dormir, soit ces lieux magiques des after.
Donc retour à la question : comment ne pas s'écrouler
Certains ont développé le recours à des substances illicites apportant une excitation réelle mais dangereuses. Je pense bien sûr en premier à l'ecstasy, qui est à la danse et au monde de la nuit, ce que le viagra est au sexe. Les deux cherchent à lutter artificiellement contre les effets du temps.
En fait, il y a une recette tout aussi efficace, et fameuse à Lyon, ma ville d'origine : la soupe à l'oignon. Avec l'apport de fromage fondu, elle devient gratinée. Née du temps des canuts, elle apporte au petit matin l'énergie nécessaire pour la poursuite de ses activités : pour les canuts, il s'agissait de leur dure journée de travail commencée bien avant six heures du matin ; pour les noctanphiles, elle va être une ecstasy écologique et sans risque.
A quand le déploiement de « corners gratiné » aux abords des boîtes de nuit, bars de nuits et autres lieux qu'affectionnent les noctanphiles ?
Toute sortie nocturne qui se prolonge au-delà du raisonnable déclenche une fatigue corporelle bien compréhensible. Dès lors se pose un problème clé : comment arriver à faire face avec l'after sans s'écrouler lamentablement sur la piste ou dans les bras de la première fille ou garçon qui passent ?
Avant de vous apporter une réponse originale et personnelle à cette question critique et ô combien essentielle, quelques explications de vocabulaire pour les lecteurs de ce blog qui ne seraient pas des « noctanphiles » :
- L'after est ce moment délicieux qui se déroule à partir de six heures du matin pour se terminer le plus tard possible dans cette journée qui a subrepticement commencé à l'extérieur. Il a lieu dans un endroit pourvu d'une piste de danse, de sofas, et d'un recoin où l'on peut trouver des boissons et quelques victuailles (certains l'appellent « bar »).
- Un « noctanphile » est un individu ou une individuette qui aime la nuit. Il ou elle aime tellement la nuit qu'il ou elle cherche à la prolonger au maximum en se réfugiant, avant que le jour ne paraisse, dans des lieux clos où il ou ellene verra rien du monde extérieur. Ces lieux sont soit l'endroit où, rideaux tirés, volets fermés, il ou elle va dormir, soit ces lieux magiques des after.
Donc retour à la question : comment ne pas s'écrouler
Certains ont développé le recours à des substances illicites apportant une excitation réelle mais dangereuses. Je pense bien sûr en premier à l'ecstasy, qui est à la danse et au monde de la nuit, ce que le viagra est au sexe. Les deux cherchent à lutter artificiellement contre les effets du temps.
En fait, il y a une recette tout aussi efficace, et fameuse à Lyon, ma ville d'origine : la soupe à l'oignon. Avec l'apport de fromage fondu, elle devient gratinée. Née du temps des canuts, elle apporte au petit matin l'énergie nécessaire pour la poursuite de ses activités : pour les canuts, il s'agissait de leur dure journée de travail commencée bien avant six heures du matin ; pour les noctanphiles, elle va être une ecstasy écologique et sans risque.
A quand le déploiement de « corners gratiné » aux abords des boîtes de nuit, bars de nuits et autres lieux qu'affectionnent les noctanphiles ?
10 déc. 2009
VIVE LES RECETTES DE CUISINE ?
Nous sommes condamnés à vivre dans l'incertitude. Nous n'avons pas d'autre choix que celui de la liberté et de l'intelligence (incertitude 5/5)
Je relie notre crainte de l'incertitude avec le succès en librairie des recettes de cuisine : quoi de plus sécurisant que de voir tout écrit, tout décrit, tout prévu. Sur un livre de cuisine, on a la photographie du résultat, la liste des ingrédients à réunir, la description de tout le mode opératoire. Et ce qui distingue un bon livre d'un autre, c'est le fait qu'il est effectivement possible et facile de suivre les indications, et que le résultat final sera bien conforme à la photographie.
Voilà le monde dont nous rêvons : un monde où tout pourrait être prévu et organisé comme dans un livre de cuisine. Ah si seulement, il y avait des recettes toutes faites pour la vie de tous les jours... Car, décidément, nous avons peur des grands espaces, du vide, de la liberté absolue.
Sommes-nous nostalgiques du toit de la forêt que nous avons quitté, de ce cocon familial qui nous protégeait ? Sommes-nous à ce point hantés par la jungle où nous vivions il n'y a pas si longtemps, pour penser que tout aléa est d'abord une menace, que toute surprise potentiellement un fauve ou un prédateur ?
Je repense à Clint Eastwood dans son dernier film, Gran Torino. Comme lui au début du film, nous nous croyons puissants de notre force, nos muscles, nos armes, notre voiture. Nous sommes puissants parce que nous croyons maîtriser les choses et que nous avons du poids sur elles.
Nous ne supportons pas ce qui nous échappe, nous dérange, nous perturbe. Nous regardons la vie, assis dans notre fauteuil, des bières à portée de main, protégés par les limites que nous nous sommes construites.
Mais la vie ne respecte pas les limites, ne connaît pas les plans faits a priori, plie les roseaux et brise les chênes.
Pour un pied mis dans son jardin et une fin prochaine annoncée, Clint Eastwood va progressivement découvrir ce monde improbable qui l'entoure, passer des armes au bricolage et finalement trouver la solution par l'abandon.
Celui qui va être le catalyseur de ce chemin est son jeune voisin, un asiatique prénommé Tao. Or en Asie, tao, c'est le chemin, la voie à suivre, la substance des choses… Ce nom n'a pas pu être choisi par Clint Eastwood par hasard.
Comme lui, je crois qu'il faut qu'individuellement et collectivement, nous rencontrions un Tao pour accepter l'incertitude et apprendre à lâcher-prise. C'est nécessaire, mais ce n'est pas naturel : nos réflexes nous poussent à l'inverse.
C'est la même chose que je retrouve du côté des entreprises : la plupart du temps, on cherche à limiter l'incertitude, à s'en abstraire, voire à la cacher. Elle est, là aussi, vue d'abord comme une source d'inquiétudes et non pas d'opportunités : à force d'avoir passé tellement de temps à inventer quel serait le futur, on a du mal à accepter qu'il soit différent.
Finalement, si bon nombre de dirigeants sont convaincus à titre personnel de la prégnance de l'incertitude, bien peu agissent conformément à cette conviction.
Peut-être est-ce parce que cette prégnance n'est pas si forte qu'ils le disent ?
Ainsi je crois que nous sommes insuffisamment prêts à accepter et intégrer que l'incertitude n'est pas tant le témoin de l'incomplétude d'un savoir, mais bien le moteur de notre univers. Elle est le marqueur de notre liberté et de notre marge de manœuvre, et non pas de notre incompétence. Il est illusoire et dangereux de penser que nous allons pouvoir repousser cet horizon du flou et voir clair à l'infini. Nous sommes condamnés à vivre dans l'incertitude. Nous n'avons pas d'autre choix que celui de la liberté et de l'intelligence…
Je relie notre crainte de l'incertitude avec le succès en librairie des recettes de cuisine : quoi de plus sécurisant que de voir tout écrit, tout décrit, tout prévu. Sur un livre de cuisine, on a la photographie du résultat, la liste des ingrédients à réunir, la description de tout le mode opératoire. Et ce qui distingue un bon livre d'un autre, c'est le fait qu'il est effectivement possible et facile de suivre les indications, et que le résultat final sera bien conforme à la photographie.
Voilà le monde dont nous rêvons : un monde où tout pourrait être prévu et organisé comme dans un livre de cuisine. Ah si seulement, il y avait des recettes toutes faites pour la vie de tous les jours... Car, décidément, nous avons peur des grands espaces, du vide, de la liberté absolue.
Sommes-nous nostalgiques du toit de la forêt que nous avons quitté, de ce cocon familial qui nous protégeait ? Sommes-nous à ce point hantés par la jungle où nous vivions il n'y a pas si longtemps, pour penser que tout aléa est d'abord une menace, que toute surprise potentiellement un fauve ou un prédateur ?
Je repense à Clint Eastwood dans son dernier film, Gran Torino. Comme lui au début du film, nous nous croyons puissants de notre force, nos muscles, nos armes, notre voiture. Nous sommes puissants parce que nous croyons maîtriser les choses et que nous avons du poids sur elles.
Nous ne supportons pas ce qui nous échappe, nous dérange, nous perturbe. Nous regardons la vie, assis dans notre fauteuil, des bières à portée de main, protégés par les limites que nous nous sommes construites.
Mais la vie ne respecte pas les limites, ne connaît pas les plans faits a priori, plie les roseaux et brise les chênes.
Pour un pied mis dans son jardin et une fin prochaine annoncée, Clint Eastwood va progressivement découvrir ce monde improbable qui l'entoure, passer des armes au bricolage et finalement trouver la solution par l'abandon.
Celui qui va être le catalyseur de ce chemin est son jeune voisin, un asiatique prénommé Tao. Or en Asie, tao, c'est le chemin, la voie à suivre, la substance des choses… Ce nom n'a pas pu être choisi par Clint Eastwood par hasard.
Comme lui, je crois qu'il faut qu'individuellement et collectivement, nous rencontrions un Tao pour accepter l'incertitude et apprendre à lâcher-prise. C'est nécessaire, mais ce n'est pas naturel : nos réflexes nous poussent à l'inverse.
C'est la même chose que je retrouve du côté des entreprises : la plupart du temps, on cherche à limiter l'incertitude, à s'en abstraire, voire à la cacher. Elle est, là aussi, vue d'abord comme une source d'inquiétudes et non pas d'opportunités : à force d'avoir passé tellement de temps à inventer quel serait le futur, on a du mal à accepter qu'il soit différent.
Finalement, si bon nombre de dirigeants sont convaincus à titre personnel de la prégnance de l'incertitude, bien peu agissent conformément à cette conviction.
Peut-être est-ce parce que cette prégnance n'est pas si forte qu'ils le disent ?
Ainsi je crois que nous sommes insuffisamment prêts à accepter et intégrer que l'incertitude n'est pas tant le témoin de l'incomplétude d'un savoir, mais bien le moteur de notre univers. Elle est le marqueur de notre liberté et de notre marge de manœuvre, et non pas de notre incompétence. Il est illusoire et dangereux de penser que nous allons pouvoir repousser cet horizon du flou et voir clair à l'infini. Nous sommes condamnés à vivre dans l'incertitude. Nous n'avons pas d'autre choix que celui de la liberté et de l'intelligence…
9 déc. 2009
NOUS N’AIMONS PAS L’INCERTITUDE
Nous refusons l'idée d'être né pour rien (incertitude 4/5)
Ainsi plus l'évolution avance, plus l'horizon du flou se rapproche. Qu'est ce que je veux dire par horizon du flou ?
J'appelle « horizon du flou », cet horizon à partir duquel il est illusoire de vouloir prévoir. Au sein de cet horizon, on peut non seulement identifier quels sont les chemins futurs possibles, mais on peut prévoir l'évolution en probabilisant les trajectoires possibles. Au-delà, on ne peut plus qu'identifier les chemins possibles, on n'a plus aucune idée du futur, car il est impossible de même affecter une probabilité aux différentes trajectoires possibles.
Cet horizon est celui du passage à l'incertitude : avant je peux prévoir, après non.
Or plus nous avançons, plus il se rapproche. Finalement, on peut donc dire que l'incertitude, en ce sens, est un moteur de l'univers.
Or cette incertitude, nous ne l'aimons pas : nous la craignons, nous la fuyons. Nous restons tous persuadés que plus nous allons avancer, plus nous saurons de choses. Affirmer haut et forme que l'on ne sait pas ce qui va arriver, c'est le plus souvent être perçu comme un incompétent ou, pire, comme un menteur.
En mars 2009, j'ai publié sur mon blog et sur le site Agoravox, un article : « Ciel, je suis né par hasard et pour rien ». Dans cet article, j'y expliquais de façon succincte pourquoi l'évolution suivait un chemin incertain et impossible à prévoir : nous pouvons construire un chemin qui explique comment nous avons pu naître, mais ce n'est possible qu'a posteriori. Nous pouvons reconstituer la succession d'événements qui nous a d'abord rendus possibles, puis ce qui a fait de ce possible, ce qui est advenu, le rendant ainsi certain.
Mais comment savoir a priori que nous allons exister et pour faire quoi ? Impossible. Trop d'interactions, trop d'aiguillages : trop de matières inertes qui suivent la loi de l'entropie et qui vont vers toujours plus de désordre ; trop de végétaux qui respirent et échangent sans cesse ; trop de « gazelles qui peuvent aller à gauche ou à droite » ; trop d'humains qui n'en font qu'à leur tête.
Nous ne sommes qu'un résultat contingent.
A la question « Pourquoi sommes-nous là ? », j'ai l'habitude de répondre : « Parce que nous sommes là ». En effet, puisque nous existons, puisque, par construction, nous nous trouvons sur le chemin de ce qui existe, la question de notre existence ne se pose pas vraiment. Quant au « pourquoi », c'est une question sans fin.
Tel était donc le propos de mon article.
Compte-tenu du sujet, je m'attendais à des réactions, mais je fus surpris de leur nombre et surtout de l'intensité de celles-ci : la plupart refusaient cette idée de l'incertitude et du hasard, et pas seulement pour des raisons religieuses. Tous affirmaient que l'incertitude n'était pas le moteur du monde et de la source de la liberté, mais le témoin d'un manque de connaissance et la source de leurs inquiétudes : l'incertitude vécue plus comme une malédiction que comme une ouverture.
(à suivre).
Ainsi plus l'évolution avance, plus l'horizon du flou se rapproche. Qu'est ce que je veux dire par horizon du flou ?
J'appelle « horizon du flou », cet horizon à partir duquel il est illusoire de vouloir prévoir. Au sein de cet horizon, on peut non seulement identifier quels sont les chemins futurs possibles, mais on peut prévoir l'évolution en probabilisant les trajectoires possibles. Au-delà, on ne peut plus qu'identifier les chemins possibles, on n'a plus aucune idée du futur, car il est impossible de même affecter une probabilité aux différentes trajectoires possibles.
Cet horizon est celui du passage à l'incertitude : avant je peux prévoir, après non.
Or plus nous avançons, plus il se rapproche. Finalement, on peut donc dire que l'incertitude, en ce sens, est un moteur de l'univers.
Or cette incertitude, nous ne l'aimons pas : nous la craignons, nous la fuyons. Nous restons tous persuadés que plus nous allons avancer, plus nous saurons de choses. Affirmer haut et forme que l'on ne sait pas ce qui va arriver, c'est le plus souvent être perçu comme un incompétent ou, pire, comme un menteur.
En mars 2009, j'ai publié sur mon blog et sur le site Agoravox, un article : « Ciel, je suis né par hasard et pour rien ». Dans cet article, j'y expliquais de façon succincte pourquoi l'évolution suivait un chemin incertain et impossible à prévoir : nous pouvons construire un chemin qui explique comment nous avons pu naître, mais ce n'est possible qu'a posteriori. Nous pouvons reconstituer la succession d'événements qui nous a d'abord rendus possibles, puis ce qui a fait de ce possible, ce qui est advenu, le rendant ainsi certain.
Mais comment savoir a priori que nous allons exister et pour faire quoi ? Impossible. Trop d'interactions, trop d'aiguillages : trop de matières inertes qui suivent la loi de l'entropie et qui vont vers toujours plus de désordre ; trop de végétaux qui respirent et échangent sans cesse ; trop de « gazelles qui peuvent aller à gauche ou à droite » ; trop d'humains qui n'en font qu'à leur tête.
Nous ne sommes qu'un résultat contingent.
A la question « Pourquoi sommes-nous là ? », j'ai l'habitude de répondre : « Parce que nous sommes là ». En effet, puisque nous existons, puisque, par construction, nous nous trouvons sur le chemin de ce qui existe, la question de notre existence ne se pose pas vraiment. Quant au « pourquoi », c'est une question sans fin.
Tel était donc le propos de mon article.
Compte-tenu du sujet, je m'attendais à des réactions, mais je fus surpris de leur nombre et surtout de l'intensité de celles-ci : la plupart refusaient cette idée de l'incertitude et du hasard, et pas seulement pour des raisons religieuses. Tous affirmaient que l'incertitude n'était pas le moteur du monde et de la source de la liberté, mais le témoin d'un manque de connaissance et la source de leurs inquiétudes : l'incertitude vécue plus comme une malédiction que comme une ouverture.
(à suivre).
8 déc. 2009
CHAQUE RUPTURE DANS L’ÉVOLUTION A ACCRU L’INCERTITUDE
Les quatre périodes de l'évolution (incertitude 3/5)
Analysons les quatre périodes de l'évolution (voir mon article précédent).
La première période s'étend du big-bang à l'apparition de la vie, c'est-à-dire sur une douzaine de milliards d'années. Au début, tout la matière est concentrée en un lieu infiniment petit et elle ne suit qu'une force, et non pas quatre. Puis progressivement la force unique se scinde en deux, puis quatre.
La matière se complexifie ensuite d'abord avec des particules élémentaires, puis des noyaux, et enfin des atomes qui vont eux-mêmes se composer entre eux. Une des lois-clé est celle qui dit que l'évolution naturelle d'un corps est d'accroître son entropie, entropie qui mesure, en simplifiant, la quantité de désordre.
Plus le monde évolue, plus il est difficile de modéliser toutes ces interactions et donc de prévoir son évolution. Les trajectoires deviennent incertaines, l'incertitude s'accroît.
Ainsi, dès cette première période, en l'absence de toute perturbation apportée par la vie, nous avons un monde qui va vers plus de complexité, plus de désordre et dont il est de plus en plus difficile de prévoir à l'avance l'évolution.
La deuxième va de l'apparition de la vie et à celle de la vie animale, elle dure environ deux milliards d'années. Au cours de cette deuxième période, tous les facteurs de la première concourant à accroître l'incertitude poursuivent leur action : l'univers continue son expansion, la matière sa diversification. Et il en apparaît un nouveau : la capacité auto-organisatrice d'une cellule vivante, qui interagit avec son milieu ambiant.
Avec les végétaux, l'univers se dote donc des premiers systèmes réellement complexes. L'interaction de ces systèmes entre eux et avec la matière inerte est beaucoup plus difficile à prévoir que celle de la seule matière inerte.
Ainsi au cours de cette deuxième période, l'Univers vient de franchir une marche sur l'escalier de l'incertitude : elle continue à s'accroître, mais plus vite. Elle subit donc une première accélération.
La troisième va de l'apparition de la vie animale à celle de l'homme, soit environ un milliard d'années. A nouveau, tout ce qui propageait l'incertitude avant, est toujours là : l'univers continue de s'accroître et se complexifier, la vie végétale se diffuse – au moins sur Terre – et se sophistique.
Qu'apportent notamment les animaux ? Leur capacité à se mouvoir et donc à générer plus de l'incertitude.
Prenez l'exemple d'une gazelle et d'un lion. Nous savons que, si un lion attaque une gazelle, elle va chercher à lui échapper en partant en courant. Oui, mais à quel moment précisément va-t-elle se mettre à courir ? Va-t-elle partir à gauche ou à droite ? Va-t-elle trébucher sur une pierre ? Et le lion que va-t-il faire ? Autant de facteurs d'incertitude qui rendent incertain le résultat, du moins dans son déroulement précis.
Plus le monde animal va se développer, plus la gestion de sa survie va se sophistiquer : pure activité réflexe, puis cerveau reptilien, et ensuite limbique.
L'incertitude croît donc encore de plus en plus vite : l'entropie suit son cours, les systèmes complexes des végétaux se développent, la vie animale se propage. L'incertitude vient d'accélérer pour la deuxième fois.
La quatrième période se déroule depuis la naissance de l'homme, soit depuis moins de dix millions d'années, voire seulement cinquante mille ans si l'on prend comme référence l'homo sapiens. Nous voilà, donc, nous les humains avec notre néocortex et notre capacité à ne pas suivre mécaniquement les instructions données par nos cerveaux reptilien et limbique : même si nous sommes très largement influencés par nos processus inconscients, nous avons une capacité à construire des stratégies d'action nouvelles. Le libre-arbitre devient possible rendant encore moins prévisible l'évolution future.
Ceci repose sur un processus hypercomplexe, associant conscient et inconscient : même nous-mêmes, nous ne pouvons prévoir comment et pourquoi nous allons prendre telle ou telle décision.
Nouveau seuil de complexité, et donc d'incertitude. Nouvelle accélération de l'incertitude.
(à suivre).
Analysons les quatre périodes de l'évolution (voir mon article précédent).
La première période s'étend du big-bang à l'apparition de la vie, c'est-à-dire sur une douzaine de milliards d'années. Au début, tout la matière est concentrée en un lieu infiniment petit et elle ne suit qu'une force, et non pas quatre. Puis progressivement la force unique se scinde en deux, puis quatre.
La matière se complexifie ensuite d'abord avec des particules élémentaires, puis des noyaux, et enfin des atomes qui vont eux-mêmes se composer entre eux. Une des lois-clé est celle qui dit que l'évolution naturelle d'un corps est d'accroître son entropie, entropie qui mesure, en simplifiant, la quantité de désordre.
Plus le monde évolue, plus il est difficile de modéliser toutes ces interactions et donc de prévoir son évolution. Les trajectoires deviennent incertaines, l'incertitude s'accroît.
Ainsi, dès cette première période, en l'absence de toute perturbation apportée par la vie, nous avons un monde qui va vers plus de complexité, plus de désordre et dont il est de plus en plus difficile de prévoir à l'avance l'évolution.
La deuxième va de l'apparition de la vie et à celle de la vie animale, elle dure environ deux milliards d'années. Au cours de cette deuxième période, tous les facteurs de la première concourant à accroître l'incertitude poursuivent leur action : l'univers continue son expansion, la matière sa diversification. Et il en apparaît un nouveau : la capacité auto-organisatrice d'une cellule vivante, qui interagit avec son milieu ambiant.
Avec les végétaux, l'univers se dote donc des premiers systèmes réellement complexes. L'interaction de ces systèmes entre eux et avec la matière inerte est beaucoup plus difficile à prévoir que celle de la seule matière inerte.
Ainsi au cours de cette deuxième période, l'Univers vient de franchir une marche sur l'escalier de l'incertitude : elle continue à s'accroître, mais plus vite. Elle subit donc une première accélération.
La troisième va de l'apparition de la vie animale à celle de l'homme, soit environ un milliard d'années. A nouveau, tout ce qui propageait l'incertitude avant, est toujours là : l'univers continue de s'accroître et se complexifier, la vie végétale se diffuse – au moins sur Terre – et se sophistique.
Qu'apportent notamment les animaux ? Leur capacité à se mouvoir et donc à générer plus de l'incertitude.
Prenez l'exemple d'une gazelle et d'un lion. Nous savons que, si un lion attaque une gazelle, elle va chercher à lui échapper en partant en courant. Oui, mais à quel moment précisément va-t-elle se mettre à courir ? Va-t-elle partir à gauche ou à droite ? Va-t-elle trébucher sur une pierre ? Et le lion que va-t-il faire ? Autant de facteurs d'incertitude qui rendent incertain le résultat, du moins dans son déroulement précis.
Plus le monde animal va se développer, plus la gestion de sa survie va se sophistiquer : pure activité réflexe, puis cerveau reptilien, et ensuite limbique.
L'incertitude croît donc encore de plus en plus vite : l'entropie suit son cours, les systèmes complexes des végétaux se développent, la vie animale se propage. L'incertitude vient d'accélérer pour la deuxième fois.
La quatrième période se déroule depuis la naissance de l'homme, soit depuis moins de dix millions d'années, voire seulement cinquante mille ans si l'on prend comme référence l'homo sapiens. Nous voilà, donc, nous les humains avec notre néocortex et notre capacité à ne pas suivre mécaniquement les instructions données par nos cerveaux reptilien et limbique : même si nous sommes très largement influencés par nos processus inconscients, nous avons une capacité à construire des stratégies d'action nouvelles. Le libre-arbitre devient possible rendant encore moins prévisible l'évolution future.
Ceci repose sur un processus hypercomplexe, associant conscient et inconscient : même nous-mêmes, nous ne pouvons prévoir comment et pourquoi nous allons prendre telle ou telle décision.
Nouveau seuil de complexité, et donc d'incertitude. Nouvelle accélération de l'incertitude.
(à suivre).
7 déc. 2009
AU MATIN DU BIG-BANG, TOUT ÉTAIT « SIMPLE »
Les trois événements porteurs d'incertitude (incertitude 2/5)
Rembobinons le fil de l'évolution jusqu'à l'origine de notre univers. Nous sommes au moment du big-bang, il y a environ 13,7 Milliards d'années. A ce moment-là, toute la matière est concentrée en un point infinitésimal, est parfaitement unifiée et n'est soumise qu'à un seul type de force.
Depuis l'univers est en perpétuelle expansion. Selon les dernières théories, cette expansion a été considérable dans les tous premiers instants. Depuis elle suit son petit bonhomme de chemin, l'univers se refroidissant dans le même temps.
Au cours de cette expansion, on peut citer quelques étapes-clés :
(à suivre).
Rembobinons le fil de l'évolution jusqu'à l'origine de notre univers. Nous sommes au moment du big-bang, il y a environ 13,7 Milliards d'années. A ce moment-là, toute la matière est concentrée en un point infinitésimal, est parfaitement unifiée et n'est soumise qu'à un seul type de force.
Depuis l'univers est en perpétuelle expansion. Selon les dernières théories, cette expansion a été considérable dans les tous premiers instants. Depuis elle suit son petit bonhomme de chemin, l'univers se refroidissant dans le même temps.
Au cours de cette expansion, on peut citer quelques étapes-clés :
- En un centième de millième de seconde, apparition successive des quatre forces fondamentales, des particules élémentaires, puis des neutrons et protons,
- Au bout de trois minutes, émergence des principaux noyaux, comme l'hydrogène et l'hélium,
- Au bout de cent mille ans, formation des premiers atomes électriquement neutres par capture des électrons,
- Environ un milliard d'années plus tard, formation des galaxies, des étoiles, puis des planètes,
- Au bout d'un peu moins d'une dizaine milliards d'années, soit il y a environ 5 Milliards d'années, naissance du système solaire et de la Terre,
- Il y a plus de trois milliards d'années, apparition de la vie et de la photosynthèse,
- Il y a moins d'un milliard d'années, apparition des premiers animaux multicellulaires,
- Il y a dix millions d'années, premiers homidés ou préhommes,
- Il y a cinquante mille ans, l'homo sapiens (nous ou presque…)
(à suivre).
4 déc. 2009
SI LES PRÉVISIONS NE PORTAIENT QUE SUR LA TRAJECTOIRE D’UNE BILLE, IL N’Y AURAIT PAS DE PROBLÈME !
Je démarre aujourd'hui une série de 5 articles portant sur l'incertitude et pourquoi elle est le moteur de notre univers. Ce texte sera en introduction de mon prochain livre…
L'évolution complique les trajectoires (incertitude 1/5)
Lâchez une bille sur un plan incliné. Il n'est pas très difficile de prévoir où elle va aller. Même si le plan est très long, vous n'allez pas vous tromper de beaucoup. Pas besoin d'avoir fait de longues études de mathématiques pour réussir. Faites quand même attention à la forme de la bille – est-elle vraiment sphérique ? –, à la qualité de la surface du plan, à l'existence ou non d'une pente latérale, à la façon dont vous la lancer…
Prenez maintenant un tas de billes de matières et de tailles différentes, et lâchez-les sur le plan toutes ensemble. Plus compliqué de savoir ce qui va se passer, non ? Surtout si, parmi elles, certaines sont aimantées, d'autres en métal. Juste pour s'amuser, faisons aussi varier le coefficient d'adhérence des billes : certaines vont glisser autant qu'elles roulent, d'autres vont avoir tendance à adhérer à la surface du plan. Même si vous appelez les théories mathématiques et physiques à la rescousse, vous allez avoir du mal à prévoir les trajectoires individuelles.
Corsons encore un peu plus l'exercice : ce ne sont plus des billes inanimées que vous lâchez, mais des animaux. Vont-ils descendre ? Probablement oui, si la pente est forte. Est-ce certain ? Non. Si parmi ces animaux, il y a un mélange antagoniste comme, par exemple, des biches avec des lions, il y a fort à parier que la direction donnée par le plan n'aura plus tellement d'influence sur les directions prises. Où vont courir tous les animaux ? Dieu seul le sait… et encore !
Enfin, si ce que vous lâchez sont des humains, ou même si, simplement, il n'y en a que quelques-uns à l'intérieur du groupe, ils risquent de remettre en cause le principe de se trouver sur un plan et d'avoir à effectuer un quelconque déplacement. Ils ne sont pas hommes pour rien, leur libre-arbitre existe et doit être respecté. Foi de quoi, savoir ce qu'ils vont faire devient toute une histoire.
Moralité : plus ce que j'observe est avancé dans l'échelle de l'évolution, moins il est facile de prévoir ce qui va se passer.
(à suivre)
L'évolution complique les trajectoires (incertitude 1/5)
Lâchez une bille sur un plan incliné. Il n'est pas très difficile de prévoir où elle va aller. Même si le plan est très long, vous n'allez pas vous tromper de beaucoup. Pas besoin d'avoir fait de longues études de mathématiques pour réussir. Faites quand même attention à la forme de la bille – est-elle vraiment sphérique ? –, à la qualité de la surface du plan, à l'existence ou non d'une pente latérale, à la façon dont vous la lancer…
Prenez maintenant un tas de billes de matières et de tailles différentes, et lâchez-les sur le plan toutes ensemble. Plus compliqué de savoir ce qui va se passer, non ? Surtout si, parmi elles, certaines sont aimantées, d'autres en métal. Juste pour s'amuser, faisons aussi varier le coefficient d'adhérence des billes : certaines vont glisser autant qu'elles roulent, d'autres vont avoir tendance à adhérer à la surface du plan. Même si vous appelez les théories mathématiques et physiques à la rescousse, vous allez avoir du mal à prévoir les trajectoires individuelles.
Corsons encore un peu plus l'exercice : ce ne sont plus des billes inanimées que vous lâchez, mais des animaux. Vont-ils descendre ? Probablement oui, si la pente est forte. Est-ce certain ? Non. Si parmi ces animaux, il y a un mélange antagoniste comme, par exemple, des biches avec des lions, il y a fort à parier que la direction donnée par le plan n'aura plus tellement d'influence sur les directions prises. Où vont courir tous les animaux ? Dieu seul le sait… et encore !
Enfin, si ce que vous lâchez sont des humains, ou même si, simplement, il n'y en a que quelques-uns à l'intérieur du groupe, ils risquent de remettre en cause le principe de se trouver sur un plan et d'avoir à effectuer un quelconque déplacement. Ils ne sont pas hommes pour rien, leur libre-arbitre existe et doit être respecté. Foi de quoi, savoir ce qu'ils vont faire devient toute une histoire.
Moralité : plus ce que j'observe est avancé dans l'échelle de l'évolution, moins il est facile de prévoir ce qui va se passer.
(à suivre)
3 déc. 2009
QUAND LE PETIT MARC ANDREESSEN RÊVAIT D’INTERNET…
1981, New Lisbon, Wisconsin, aux États-Unis.
Le petit Marc Andreessen s'ennuyait ferme à New Lisbon. Un village d'un peu plus de mille habitants, un trou perdu en plein Wisconsin, en plein milieu des États-Unis, c'est-à-dire au milieu de nulle part.
Pour cet enfant de dix ans, c'était beaucoup trop petit. Alors sans cesse, il s'évadait et voyageait dans l'espace. Il se rêvait connecté au monde, libéré de ses contraintes géographiques : il devenait citoyen du monde et pouvait accéder à distance à tous les contenus ; il n'était plus prisonnier de ses voisins – comme ce stupide Tom qui ne savait passer son temps que devant la télévision à regarder des matchs de basket ! – et pouvait repérer ceux qui avaient les mêmes passions que lui ; il fonctionnait en réseau avec eux, partageant musique, vidéo, documents.
Il avait la sensation physique de ne plus être prisonnier de son corps. Il s'était imaginé toute une collection de personnages imaginaires, des avatars, avec lesquels il pouvait multiplier les expériences.
« Tu es encore parti dans tes rêves, lui cria son père ! Allez, viens plutôt faire du vélo avec moi. »
Non, faire du vélo ne lui disait vraiment rien. Il sentait que ses rêves étaient plus importants que tout.
« Papa, je suis vraiment trop fatigué. Et puis, je n'ai pas encore fait mes devoirs.
- Une fois de plus, tu as une bonne raison pour ne pas aller faire de sport. Tu sais, tu n'iras nulle part à passer ton temps à imaginer des histoires à dormir debout. »
Il put repartir un peu plus loin dans ce monde qui se dessinait en lui. Plus il y réfléchissait, plus cela lui semblait réel, plus il savait que cela allait se produire.
Il voyait d'abord un réseau de connexions qui allait tous nous relier, quels que soient le pays et l'endroit où l'on se trouve. Chacun y aurait une adresse, comme dans la vie réelle. Plus besoin de savoir où habitera quelqu'un, il suffira de connaître son adresse et le réseau saura vous mettre en contact avec lui. Facile !
Sur ce réseau, chacun pourra mettre en commun ses questions et ses réponses. Le monde deviendra comme une gigantesque agora où l'on pourra partager les savoirs et mettre en débat les convictions ou analyses.
On aura besoin de systèmes sophistiqués pour se retrouver dans ce foisonnement : il nous faudra des cartes pour nous y retrouver et y naviguer ; nous aurons aussi besoin de « DHL » pour amener jusqu'à nous les bonnes informations.
Il sentait comme tout cela pouvait changer le monde. Il voulait croire que tout ceci allait exister vraiment. Il se fit la promesse de tout faire pour que cela existe un jour.
Un peu plus de dix ans plus tard, il tînt parole…
Le petit Marc Andreessen s'ennuyait ferme à New Lisbon. Un village d'un peu plus de mille habitants, un trou perdu en plein Wisconsin, en plein milieu des États-Unis, c'est-à-dire au milieu de nulle part.
Pour cet enfant de dix ans, c'était beaucoup trop petit. Alors sans cesse, il s'évadait et voyageait dans l'espace. Il se rêvait connecté au monde, libéré de ses contraintes géographiques : il devenait citoyen du monde et pouvait accéder à distance à tous les contenus ; il n'était plus prisonnier de ses voisins – comme ce stupide Tom qui ne savait passer son temps que devant la télévision à regarder des matchs de basket ! – et pouvait repérer ceux qui avaient les mêmes passions que lui ; il fonctionnait en réseau avec eux, partageant musique, vidéo, documents.
Il avait la sensation physique de ne plus être prisonnier de son corps. Il s'était imaginé toute une collection de personnages imaginaires, des avatars, avec lesquels il pouvait multiplier les expériences.
« Tu es encore parti dans tes rêves, lui cria son père ! Allez, viens plutôt faire du vélo avec moi. »
Non, faire du vélo ne lui disait vraiment rien. Il sentait que ses rêves étaient plus importants que tout.
« Papa, je suis vraiment trop fatigué. Et puis, je n'ai pas encore fait mes devoirs.
- Une fois de plus, tu as une bonne raison pour ne pas aller faire de sport. Tu sais, tu n'iras nulle part à passer ton temps à imaginer des histoires à dormir debout. »
Il put repartir un peu plus loin dans ce monde qui se dessinait en lui. Plus il y réfléchissait, plus cela lui semblait réel, plus il savait que cela allait se produire.
Il voyait d'abord un réseau de connexions qui allait tous nous relier, quels que soient le pays et l'endroit où l'on se trouve. Chacun y aurait une adresse, comme dans la vie réelle. Plus besoin de savoir où habitera quelqu'un, il suffira de connaître son adresse et le réseau saura vous mettre en contact avec lui. Facile !
Sur ce réseau, chacun pourra mettre en commun ses questions et ses réponses. Le monde deviendra comme une gigantesque agora où l'on pourra partager les savoirs et mettre en débat les convictions ou analyses.
On aura besoin de systèmes sophistiqués pour se retrouver dans ce foisonnement : il nous faudra des cartes pour nous y retrouver et y naviguer ; nous aurons aussi besoin de « DHL » pour amener jusqu'à nous les bonnes informations.
Il sentait comme tout cela pouvait changer le monde. Il voulait croire que tout ceci allait exister vraiment. Il se fit la promesse de tout faire pour que cela existe un jour.
Un peu plus de dix ans plus tard, il tînt parole…
2 déc. 2009
PETIT CONTE DE NOËL SUR LE FEU ET "L’ÉNERGIE DE LA FUMÉE"
Il y a toujours longtemps, très longtemps, dans une caverne
Appuyé contre le mur de la caverne, la tête calée par un morceau de fourrure, Ernesto écoutait la voix de son père scander l'histoire de sa dernière chasse. Son regard oscillait entre le visage de son père, celui des membres de la famille, et le feu.
En fait, il se sentait encore plus fasciné par le mouvement des flammes et la douce chaleur qui en émanait que par les prouesses paternelles. Depuis onze ans, Ernesto avait droit presque tous les soirs à ces récits, qui, peu ou prou, étaient toujours les mêmes. Il s'en était lassé. Par contre, la magie du feu était intacte.
C'est ce soir-là qu'Ernesto décida de tout savoir sur le feu.
Ernesto était un méthodique. Il tenait cela de son père : celui-ci était le grand spécialiste de la chasse dans la tribu, et même dans toute la région. Il avait su perfectionner les techniques d'approche du gibier, savait mieux que quiconque lire une trace dans la forêt, la pierre de sa lance était toujours la mieux aiguisée, son lancer irréprochable…
Ernesto commença par tester toutes sortes de bois : depuis celui qui venait du petit taillis poussant à proximité de la caverne, jusqu'à celui des grands arbres au cœur de la forêt. En parallèle, il s'intéressa à l'architecture du feu : comment le composer pour qu'il se développe rapidement ; quelle structure était la plus à même de produire une chaleur élevée ; comment obtenir le meilleur rendement, c'est-à-dire le moins de cendres possibles pour une quantité de bois donnée.
Ensuite, il travailla sur les techniques d'obtention du feu : il trouvait vraiment trop aléatoire la solution actuelle qui reposait sur le feu qui tombait du ciel. On ne savait jamais quand cela allait se produire, ni où exactement. Du coup, il ne fallait à aucun prix laisser éteindre le feu, si l'on ne voulait risquer de se retrouver sans. La solution vint presque d'elle-même : un soir où il s'ennuyait, il commença à lancer des pierres contre les rochers voisins. Les étincelles qui apparaissaient à chaque choc venaient comme éclairer la paroi.
« C'est drôle, c'est un peu comme la lumière d'un petit feu, se dit-il. »
Il eut alors la curiosité d'approcher un peu de paille à proximité de l'endroit où se produisait le choc. Cela ne marcha pas du premier coup, mais comme il sentait qu'il était sur la bonne voie, il s'obstina. Il prit de la paille plus sèche, testa différentes pierres et, au bout d'une semaine d'efforts, il fut récompensé : la paille prit feu.
Comme c'était un rapide, tout ceci ne lui avait pris qu'une année, et, à l'âge de douze ans, il était devenu l'expert reconnu dans l'art du feu.
Il ne s'arrêta pas là. Il se pencha ensuite sur la fumée et le fait qu'elle montait. Il était persuadé qu'il y avait une force derrière cette montée, une force qui pourrait être utile dans le travail de tous les jours. Il eut beau essayer de domestiquer cette fumée de mille façons, ce fut en vain. A l'âge de trente ans, il eut comme une illumination : il fallait emprisonner la fumée pour accumuler la force qui la faisait monter. Le monde des cavernes s'est longtemps souvenu de son expérience où il enferma le feu au milieu d'un tronc creux : la fumée avait tellement eu envie de sortir du tronc que celui-ci avait fini par éclater avant de brûler, blessant ainsi des enfants un peu trop curieux.
Le chef des cavernes décida alors qu'il était temps de mettre fin aux élucubrations d'Ernesto qui fut prié d'en rester là.
Jusqu'à la fin de sa vie, il continua à marmonner dans sa barbe devenue de plus en plus longue : « Je sais que j'ai raison. Un jour, vous verrez, on enfermera le feu dans une boîte et la fumée pour sortir devra travailler pour nous ! ».
Les enfants l'écoutaient en riant, les autres passaient leur chemin…
Appuyé contre le mur de la caverne, la tête calée par un morceau de fourrure, Ernesto écoutait la voix de son père scander l'histoire de sa dernière chasse. Son regard oscillait entre le visage de son père, celui des membres de la famille, et le feu.
En fait, il se sentait encore plus fasciné par le mouvement des flammes et la douce chaleur qui en émanait que par les prouesses paternelles. Depuis onze ans, Ernesto avait droit presque tous les soirs à ces récits, qui, peu ou prou, étaient toujours les mêmes. Il s'en était lassé. Par contre, la magie du feu était intacte.
C'est ce soir-là qu'Ernesto décida de tout savoir sur le feu.
Ernesto était un méthodique. Il tenait cela de son père : celui-ci était le grand spécialiste de la chasse dans la tribu, et même dans toute la région. Il avait su perfectionner les techniques d'approche du gibier, savait mieux que quiconque lire une trace dans la forêt, la pierre de sa lance était toujours la mieux aiguisée, son lancer irréprochable…
Ernesto commença par tester toutes sortes de bois : depuis celui qui venait du petit taillis poussant à proximité de la caverne, jusqu'à celui des grands arbres au cœur de la forêt. En parallèle, il s'intéressa à l'architecture du feu : comment le composer pour qu'il se développe rapidement ; quelle structure était la plus à même de produire une chaleur élevée ; comment obtenir le meilleur rendement, c'est-à-dire le moins de cendres possibles pour une quantité de bois donnée.
Ensuite, il travailla sur les techniques d'obtention du feu : il trouvait vraiment trop aléatoire la solution actuelle qui reposait sur le feu qui tombait du ciel. On ne savait jamais quand cela allait se produire, ni où exactement. Du coup, il ne fallait à aucun prix laisser éteindre le feu, si l'on ne voulait risquer de se retrouver sans. La solution vint presque d'elle-même : un soir où il s'ennuyait, il commença à lancer des pierres contre les rochers voisins. Les étincelles qui apparaissaient à chaque choc venaient comme éclairer la paroi.
« C'est drôle, c'est un peu comme la lumière d'un petit feu, se dit-il. »
Il eut alors la curiosité d'approcher un peu de paille à proximité de l'endroit où se produisait le choc. Cela ne marcha pas du premier coup, mais comme il sentait qu'il était sur la bonne voie, il s'obstina. Il prit de la paille plus sèche, testa différentes pierres et, au bout d'une semaine d'efforts, il fut récompensé : la paille prit feu.
Comme c'était un rapide, tout ceci ne lui avait pris qu'une année, et, à l'âge de douze ans, il était devenu l'expert reconnu dans l'art du feu.
Il ne s'arrêta pas là. Il se pencha ensuite sur la fumée et le fait qu'elle montait. Il était persuadé qu'il y avait une force derrière cette montée, une force qui pourrait être utile dans le travail de tous les jours. Il eut beau essayer de domestiquer cette fumée de mille façons, ce fut en vain. A l'âge de trente ans, il eut comme une illumination : il fallait emprisonner la fumée pour accumuler la force qui la faisait monter. Le monde des cavernes s'est longtemps souvenu de son expérience où il enferma le feu au milieu d'un tronc creux : la fumée avait tellement eu envie de sortir du tronc que celui-ci avait fini par éclater avant de brûler, blessant ainsi des enfants un peu trop curieux.
Le chef des cavernes décida alors qu'il était temps de mettre fin aux élucubrations d'Ernesto qui fut prié d'en rester là.
Jusqu'à la fin de sa vie, il continua à marmonner dans sa barbe devenue de plus en plus longue : « Je sais que j'ai raison. Un jour, vous verrez, on enfermera le feu dans une boîte et la fumée pour sortir devra travailler pour nous ! ».
Les enfants l'écoutaient en riant, les autres passaient leur chemin…
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